SOMMAIRE



MESSAGES DE LISTES 2005

OEUVRES TCHÈQUES CONTEMPORAINES POUR GUITARE ET ORCHESTRE
Je ne pensais pas que je pusse m'éclater en écoutant un CD d'oeuvres pour guitare. Qui plus est de concertos. Pourtant. Ce fut le cas (en partie) pour le CD Supraphon Prague Guitar Concertos (Lubomir Brabec Prague Chamber Philarmonic orchestra Jiri Belohlavek). Oeuvres curieuses, notamment cette Sonate de Lubos Fisek. Moderne tonale, qui voisine des effets très originaux, très modernes avec des motifs très mélodiques et intègre magnifiquement l'instrument à l'orchestre: modernisme du soliste et modernisme symphonique selon des modalités spécifiques à chaque pupitre. Jeu guitaristique plus classique avec l'allegro du Chrismas Concertino d'Otmar Macha, une partie soliste virtuose dans le style ibérique - pourquoi pas. On aurait aimé cependant plus de frénésie, plus de développement, plus de virtuosité transcendante. Mais, ne soyons pas trop exigeant. Il existe tellement de partitions académiques pour la guitare. je n'ai jamais compris pourquoi. Un instrument qui pourtant ne mérite pas cette opprobre. Je n'ai encore jamais entendu un guitariste qui se défonçait vraiment avec son instrument. Une finale, pour revenir à cette oeuvre de macha, qui introduit une atmosphère rêveuse - génial tout simplement. Là aussi, des passages osés entre des registres stylistiques très contrastés, pseudo-modernes et mélodiques. Et réussis. Le reste du CD : moins prenant à mon avis, mais jamais ennuyeux. Sylvie Bodoronova propose une oeuvre per voce, violino, chitarra e orchestra d'archi. J'avoue avoir été découragé par la partie vocale. Je ne pourrai pas ajouter cette Sylvie Bodorova à ma liste de grandes compositrices - pour l'instant. Il reste néanmoins un espoir car sa Canzone per chitarra e orchestra d'archi m'a paru d'une très bonne facture. A écouter encore. Sur le plan de l'intensité sonore, je n'ai pas ressenti de décalage, entre le soliste et l'orchestre. Le genre concertant pour orchestre me paraît ici valide. Je ne puis cependant rien affirmer concernant une représentation en concert. La prise de son est certainement pour beaucoup dans l'égalité sonore du soliste et de l'orchestre. Un CD qui me paraît indispensable, surtout pour les passionnés de la guitare - s'il en est sur ce forum. Et peu sans doute connaissent ces oeuvres un peu en dehors des normes. Un CD qui prouve aussi que les véritables oeuvres modernes tonales, cela existe. Sans doute beaucoup plus qu'on ne croit car une certaine intelligentsia développe un écran de fumée pour masquer ces oeuvres gênantes, contraires à l'orthodoxie formaliste.

LETTRE A UN AMI COMPOSITEUR
Je relierai plutôt les deux aspects de la création selon une logique successive. L'invention "miraculeuse" ne peut pleinement s'exprimer que par le passage à une seconde phase laborieuse. Ecrire, cela consiste à s'asseoir à sa table de travail, a dit un grand auteur, mais à condition d'avoir déjà des idées exploitables. Ces idées permettent aussi de faire germer d'autres idées. Finalement, l'invention ex nihilo et le travail se complètent, se fécondent mutuellement. La distinction finit par être purement analytique. Et l'on rejoint votre discours. Les sentiers actuels de la création ne sont pas à mon sens différents de celui dans lequel vous êtes engagé. Simplement, les véritables créateurs sont occultés, isolés tandis que d'autres imposent une apparence qui, pour moi, ne constitue pas l'art. Je pense par exemple à ce magnifique concerto n°2 pour violon de Taktakichvili composé en 1970, de style "néoclassique" pour employer un si vilain terme. Il est ignoré de tous, pourtant ne représente-t-il pas l'art contemporain plus que les creuses divagations d'un Boulez?

POHADKA DE SUK - OEUVRES SYMPHONIQUES SGAMBATI
j'ai déjà présenté les poèmes symphoniques de Suk (rappelons la référence : Supraphon Ceska filharmnie Libor Pesek. Rien à ajouter concernant cette belle page de pseudo-impressionisme qu'est Pohadka. Sinon que j'ai sondé jusqu'à quel point, dans le 3e mouvement, Suk pouvait imposer un thème d'une extrême simplicité sans que baisse la tension. Et un thème qui n'est pas du mélodisme récitatif. Etonnant. Etonnant aussi cette ouverture du Concerto de Sgambati sur laquelle je serais tenté de revenir indéfiniment. Spécifique plus que la symphonie, plus sgambatienne, presque plus wagnérienne. Somptuosité, c'était le terme qui m'était venu il y a plus d'une dizaine d'années. Depuis, je ne cesse mentalement de la réécouter, cette ouverture. Et je prends consicence à quel point ce qui créé le pathétique de cette ouverture, ce sont les silences qui en ponctuent les différents thèmes, des silences qui représentent la suite logique de chaque motif et les amplifient, leur insufflent un lyrisme d'une extrême concentration. Les plus beaux passages symphoniques ne sont peut-être pas dans les symphonies, mais dans les concertos. C'est ce qu'on pourrait penser de la comparaison entre la symphonie n°1 du maître romain et de son concerto. La symphonie, qui après les réauditions successives, s'impose aussi pour moi comme un chef-d'oeuvre en dépit de ses caractéristiques formelles peut-être contestables. Qu'importe. On ne peut que s'incliner devant la puissance et la grandeur de ces thèmes. Des thèmes fascinants dont il est difficile de se libérer. Rappelons la référence : Live ADD Orchestre National de Montpellier Friedemann Layer.

SUK - SGAMBATI
Suk a fairy tail Pohara. Convaincant, oui. Quoique l'ensemble m'avait paru au départ manquer de conviction. Pourtant, orchestration éblouissante, très lumineuse, mais statisme très prononcé, une des particularité de l'impressionnisme musical et du symphonisme de l'école de Bélaïev, à peu près contemporaine de cette oeuvre (fin 19e siècle). C'est le paradoxe de l'évolution des effets post-wagnériens qui ont été enrichis et développés dans un style plus brillant. La comparaison avec la Symphonie n°1 de Sgambati est déjà éloquente. Beaucoup plus de brillant avec Suk, beaucoup plus de luminosité. Mais Suk s'enlise aussi parfois dans un fatras de digressions thématiques que le brillant ne compense pas toujours. Une plus grande richesse thématique chez Sgambati, plus de contraste, un sens de la souplesse et des transitions concordantes plus prononcé chez Suk. Pourquoi comparer ces deux oeuvres. Aucune raison particulière ne le justifie, mais pourquoi ne pas les comparer puisqu'elles concernent presque la même période. Cette recherche de gravité dans laquelle se complait encore Sgambati, déjà, à cette époque, on n'en veut plus. Suk va triompher, avec bien d'autres, Liapounov, Arensky, Debussy en développant des effets aériens. On ne supporte plus la moindre vélléité de pesanteur. Oeuvre tout de même disparate que ce poème symphonique, mais cela passe mieux que dans le cas de la symphonie n°1 de Sgambati, précisément parce qu'il s'agit d'un poème symphonique, que le ton est moins pathétique. Plus de liberté dans la forme est admissible. Une oeuvre excellente (en partie) qu'il faut connaître, quoique ce ne soit pas pour moi le sommet du style pseudo-impressionniste. Pas la symphonie des Hébrides de Bantok, mais à mon goût, cela vaut facilement la Mer de Debussy. Reste Praga, un autre poème symphonique qui me paraît un épanchement orchestral moins affirmé à la thématique moins solide. CD Supraphon Czech philarmonic orchestra (Libor Pesek)

SCHUMANN ET HERZ
les notices de CD de la collection Hyperion The romantic Piano concerto ne donnent généralement pas dans l'idolâtrie des grands classiques. Je ne suis donc pas le seul à proposer une lecture de l'histoire de la musique plsu conforme à la réalité du phénomène musical et détachée de l'idéologie. Aux Etats-Unis, apparemment, ce mouvement prend corps. Je ne prétends pas être le premier, loin de là. En outre, de nombreux musicologues, s'ils n'ont rien déclaré, par prudence, ont certaineemnt pensé tout bas ce qui ressortait de leurs investigations. Donc, nous trouvons dans cette notice écrite par Jeremy Nicholas une citation de Frank Cooper:

"Schumann guida la musique allemande vers ce nationalisme suffisant dont elle ne s'est pas encore pleinement remise" "Misérable créature, sa jalousie de Herz et de Hûnen fut sans limite. Il voulait être comme eux, mais était piètrement armé pour cette tâche, comme le prouva l'accueil décevant réservé à son opus 1, les Abegg Variations". Il finit par s'en prendre à tout ce qui représentait, à ses yeux, la musique de Herz et Hûnten, déversant dans ses écrits les frustrations de sa propre technique brisée, de son éducation bourgeoise et de son instabilité mentale."

Dans l'affaire, on peut se demander si Schumann n'est pas qu'une marionnette mise en avant par le nationalisme et l'intellectualisme, version romantique, qui sut parfaitement exploiter l'épisode de la folie. Si schumann n'avait pas été un instable mental, serait-il connu aujourd'hui? La jalousie de Schumann, il n'est pas le seul. Mozart était extrêmement jaloux à l'égard de ses confrères qu'il traînait dans la boue, les traitant notamment de "barbouilleurs de notes") (on en a de nombreux témoignages). Et c'est Clementi que l'on a traité de jaloux, lui qui ne l'était nullement. Ces manipulations de l'histoire commencent à devenir intolérables. Il est peut-être bon de rappeler la vérité. Et il est peut-être temps de comprendre que de multiples facteurs extra-musicaux sont à l'origine de la notoriété post-mortem. La musique ne s'est pas remise de ce nationalisme suffisant, nous dit Cooper, elle ne le sera que lorsque les idoles seront remises à leur place et la suffisance contrée.

SYMPHONIE 1 SGAMBATI
Pas la symphonie pyramidale que l'on aurait pu attendre, cette symphonie n°1 de Sgambati, mais tout de même. Une grande symphonie, oui. Mais peut-être une symphonie ratée ou comment on peut faire du mauvais avec du bon. Bizarre cette structure en 5 mouvements et surtout leur succession, rien qui rappelle un premier mouvement, un second mouvement de symphonie... C'est l'époque où on veut la peau de la symphonie classique. Résultat sur le plan formel à mon avis contestable, quoique la forme me soit souvent indifférente. Mais tout de même. Cette entrée en matière abrupte par un mouvement qui n'est ni un sherzo, ni un moderato, au juste on ne sait pas trop quoi. Un peu comme un petit dejeuner avec de la saucisse de Strasbourg. Cela reste sur l'estomac. Je sais que cela se pratique en Alsace, mais très peu pour moi. Au cas où il y aurait des Alsaciens sur cette liste (on ne sait jamais) je précise que j'apprécie la saussice éponyme, mais à une autre heure de la journée. Berf, une structure que ne me séduit pas, pas plus que celle de la symphonie n°3 de Saint-Saëns, le fameux "foutoir génial". Pas vraiment un foutoir, celle de Sgambati - des cas comme Saint-Saëns il n'y en a qu'un - mais une structuration peu lisible, et surtout peu en rapport avec le style très concentré, très grave de l'oeuvre. Autre aspect dont certains pourraient être allergiques, le "wagnérisme". Mais pourquoi pas ces lentes mélodies à l'harmonisation complexe sous-jacentes, ces crescendos avortés qui s'enflent sans se libérer. Vers la fin du 2e mouvement (avant le retour de thème principal), on a tout de même l'impression de s'enliser dans le marais wagnérien, la mélasse musicale dont on ne peut sortir. Etouffement assuré. On y est en plein. Sgambati fut soutenu activement par Wagner, on le conçoit. On ne peut imaginer plus bel éloge au wagnérisme. Pour que cet égoïste imbu de lui-même qu'était Wagner s'intéressât à d'autres oeuvres que les siennes, il fallait qu'elles fussent écrites en forme d'hommage. Guère d'ouverture au-delà du wagnérisme dans cette symphonie de Sgambati, il faut bien le dire. Malgré tout cela, il reste l'essentiel, la densité thématique, la puissance des thèmes, leur succession selon un ordre qui paraît prédéterminé. Peu de longueurs, finalement, malgré les égarements consécutifs de la lenteur wagnérienne. Sgambatienne cette symphonie, donc assez peu, mais si on connaît le maître, on traque ses particuralités qui éclateront dans Cola di Rienzo et, ne l'oublions pas, dans la magistrale partie symphonque du Concerto. Le Concerto, c'est la seconde partie de ce CD ADD Orchestre national de Montpellier (Layer) avec Alexander Pakey. Cette version, pour moi, c'est l'apothéose, celle qui faut avoir si vous ne possédez pas encore cette oeuvre à mon avis essentielle de toute la musique. Meilleure même que celle de Bolet et qui fait oublier celle de Camilieri, trop pesante. Mais peut-être y aura-t-il des avis divergents, je ne suis pas le seul spécialiste de Sgambati -s'il en est - sur cette liste.

RÔLE DES INTELLECTUELS
Le phénomène de sacralisation des artistes, c'est celui de l'idolâtrie, ce qui nous reproterait certainement à des notions de psychologie sociale. Le but de l'idole ou du martyr, c'est de souder les individus du groupe, ce qui peut expliquer sa prééminence. il doit être issu de la communauté, ce qui explique que mozart, autrichien d'origine, ait sans doute été choisi parmi bien d'autres compositeurs pour incarner le compositeur idéal, génial à une époque où la critique germanique jouait un rôle fondamental. Par opposition, à l'époque, les Italiens ont été dans l'incapacité d'exploiter les énormes archives dont ils disposaient et de trouver des Intellectuels pour mettre en valeur certains noms. Il a fallu attendre un Français Pincherle poru redécouvrir Vivaldi et un Suédois Peter Ryom pour dresser le catalogue de ses oeuvres. C'est significatif. Comme toujours, les intellectuels ont un rôle fondamental. il en a été ainsi pour la renaissance si j'en crois les livres d'historiens que j'ai compulsé. Rien ne se serait produit si les lettrés n'avaient manifesté de l'intérêt pour l'Antiquité.

FONCTION DU VEDETTARIAT POUR LES FAUX MÉLOMANES
Peut-être faut-il chercher la musique et non le compositeur. L'hagiographie, c'est la bouée permettant à ceux qui ne trouvent aucun plaisir à écouter la musique d'être reconnus néanmoins comme mélomane dans la société. La signature leur suffit. Comme disait Berlioz "Avant, on me conspuait, maintenant on me noie sous les fleurs". N'est-ce pas un peu une manière de refuser le message musical pour reporter l'attention sur le vedettariat.

SUK MUSIQUE DE CHAMBRE
Suk, musique de chambre, pièces pour violon et piano, violoncelle et piano... Pas le plus grand Suk, pour moi, mais tout de même. Suk convainquant oui, dans un genre qu'il traite dans une veine extrêmement classique. Mélodisme, parfois teinté de rhapsodisme. Parfois une tension dramatique. Mais pas la musique de chambre qui révèle le fond de l'âme humaine, les tripes de l'homme, non. Mais l'homme qui est profondément et supérieurement un artiste révèle-t-il vraiment le fond de son âme? Une musique de chambre aussi parfois ennuyeuse dans les combinaisons pour 3 ou 4 instruments alors que les pièces pour piano et violon sont lumineuses. Pourquoi? La malédiction du violoncelle? Certainement. Je vous conseille donc la mélodie pour 2 violons, le Menuet pour violon et piano et le "Four pieces for violin and piano op 17". CD Supraphon. Je vous épargne le nom des exécutants, quoiqu'ils ne déméritent pas car ils sont plus de dix. Ce n'est pas le dernier CD de la série sur Suk que j'examine, un compositeur qui, à mi-parcours pour moi, se situe largement au-dessus de la moyenne des classiques. Nous verrons mieux encore avec la suite de son oeuvre symphonique.

SUK MUSIQUE DE CHAMBRE
Si toutefois vous étiez tentés de commander le CD Suk Trio Quartet Supraphon avec Josef Chamber Orchestra vol 2 après la recension positive que j'ai écrite pour le volume 3 (Four pieces for violon and piano...), n'en faites rien. J'ai rarement entendu de la musique de chambre aussi peu dépourvue de manière musicale. Alors que les pièces pour violon et piano manifestaient une inventivité mélodique étonnante et chaleureuse, Suk dans ces trios et "quartet" semble se complaire dans un ronronnement tranquille. Nul, archi nul, donc CD à éviter. Je ne comprends pas ce que le compositeur a voulu tenter, pourquoi cet étalage autosatisfait de banalités (à ce qu'il me paraît). Si toutefois vous vouliez vérifier par vous-même, vous pouvez toujours, mais je serai assez étonné qu'un mélomane pût apprécier ce genre de piécettes sans prétention et sans consistance qui, au maximum, se laissent écouter, sans laisser la moindre trace dans la mémoire et la sensibilité. Est-il nécessaire d'ajouter que le violoncelle occupe dans ces oeuvres une place de choix, qu'il s'époumonne lamentablement, crachotte et tousse pitoyablement comme un asthmatique, pour tenter de rendre palpitants et guillerets des motifs minables, mais il ne faIt que sombrer dans sa propre impuissance, et se pâme de ridicule dans sa balourdise... Et ce ne sont pas les violons, privés de souffle, affligeants, engourdis par la médiocrité de leur thématique qui arrangent cette triste sauce. A oublier.

A UN MÉLOMANE À PROPOS D'UN AUTRE "MÉLOMANE"
Que dites-vous là? Je crois que c'est trop demander à cet énergumène que d'avoir signé un livre. Pourrait-il seulement présenter un site original, ce qui est plus facile? Sûrement pas. Lui qui est autant pétri de ringardise et de traditionalisme, comment pourrait-il émettre la moindre critique originale et réellement sentie sur une oeuvre sans bénéficier des béquilles réconfortantes d'un système conservateur et académique sclérosé jusqu'à la moëlle, système dont il est le docile défenseur et la fidèle courroie de transmission. Ceux qui passent leur temps à aboyer contre les chefs-d'oeuvre ne font jamais rien sinon de suivre la pente facile de l'idéologie dominante. Il leur manque le courage, la hauteur de vue et l'indépendance d'esprit. Il ne sera jamais qu'un petit garçon en culottes courtes qui fanfaronne pour se donner l'illusion d'être majeur. Un esprit petit sans importance.

SUK SYMPHONIE OP 14
Suk Symphonie op 14. Une symphonie verticale, rude, spartiate. Une symphonie volontaire, l'essence même de la symphonie. Une de ces symphonies dont les thèmes ont en même temps une évidence et une puissance telles qu'on ne peut les imaginer autrement que connus, rebattus même. Et pourtant, une symphonie inconnue. On se demande quelquefois comment certaines symphonie peuvent être célèbres quand d'autres ne le sont pas. Je vais me dispenser de citer une fois de plus ces avortons symphoniques qui me font pitié et n'ont que leur signature pour se tenir propre. Mais quand on découvre cette Symphonie op 14 de Suk, ce monument, ce monstre, cette sublimité continue, impensable, on a envie de se révolter, rabaisser le caquet de tous ces esprits misérables qui soutiennent les mêmes rengaines, les esprits frileux qui n'ont jamais vibré devant la grandeur, le pathétisme d'une grande symphonie. Pas de progressisme dans cette oeuvre de Suk, même par rapport à lui-même, même par rapport à Dvorak. Car, oui, cette oeuvre possède parfois la marque de Dvorak. Ouf, dira-t-on, enfin une influence dvorakienne chez Suk, il était temps. Et après. Et ce n'est d'ailleurs pas l'élément essentiel, c'est un aspect mineur, et même négligeable. Il y a beaucoup plus, et qui ne réfère à rien. Symphonie foncièrement romantique, écrite en 1899, qui aurait pu être écrite 20 ans plus tôt. Facilement. Le premier mouvement constitue une envolée lyrique qui laisse l'auditeur essoufflé, incrédule, pantois. Mais c'est sans doute le second mouvement lent qui représente l'apogée de la symphonie avec un passage central d'une puissance inouïe comme si la musique s'absorbait elle-même dans sa propre substance, s'abîmait dans le gouffre qu'elle approfondit, puis se résorbait, s'anéantissait dans l'intensité paroxymsmique de son pathétisme. Le dernier mouvement substitue l'angoisse à la pugnacité du premier, l'instabilité, l'incertitude à la certitude. On pense au dernier mouvement de la Pathétique. Une sensation de vide comme si l'âme s'effilochait au fil des notes. Et de nouveau le sursaut volontaire qui emporte l'oeuvre jusqu'à la finale. Je ne vois pas un seul fléchissement dans toute cette oeuvre. Esprits petits s'abstenir. Supraphon Orchestre philarmonique Tchèque Vaclav Neumann

SUK - OEUVRES TCHÈQUES POUR GUITARE
Trois compositeurs contemporains géniaux : Lubos Fiser, Sylvie Bodorova, Otmar Macha, dans des compositions pour guitare et orchestre (Supraphon Prague Guitar Concertos). Fiser, un Tchèque très italianiste. Non, sa référence baroque, ce n'est pas Bach, mais Tartini auquel il rend hommage. Enfin, cela évolue. Suk, Symphonie op 14, une oeuvre que j'ai placée d'emblée parmi mes 60 préférées, qui vaut à mon sens facilement toutes les symphonies de Mahler que je connaisse, et même plus. Suk, c'est aussi le compositeur de Pohadka, poème symphonique qui dépasse, me semble-t-il, toutes les compositions symphoniques pseudo-impressionnistes de Debussy. Suk oublié, mais lorsque l'on constate la médiatisation éhontée dont bénéficie Mahler (même par rapport à Debussy), faut-il s'en étonner? Classique-fr ne manque pas de jouer son rôle de courroie de transmission docile des valeurs consacrées par l'idéologie et le snobisme avec un nombre de messages consacrés à ce compositeur (Mahler) qui engendre l'écoeurement.

DEBUSSY ET SUK
Debussy a certainement mieux réussi que Suk dans le domaine du quatuor. cependant, l'affect particulier de son quatuor me paraît très différent de ce que vous en percevez. Pour moi, ce sont surtout des effets rythmiques, des microeffets, subtils, mais qui, précisément, ne visent pas à créer une atmosphère. C'est très différent de "La mer" par exemple où l'intention de transporter l'auditeur dans une atmosphère nouvelle est évidente. Au total, je pense que Suk est certainement un symphoniste plus complet que Debussy car Suk peut aussi bien développer des effets d'une rare subtilité que des effets grandioses et puissamment lyriques, ce qui est étranger à l'esprit debusséen.

SAEVERUD
Il y a des compositeurs qui tournent mal. C'est la cas de Saeverud. J'avais été ébLouï par sa "Ballad of Revolt", présente dans presque toutes les anthologies d'oeuvres nordiques contemporaines. Oeuvre superbe, puissamment lyrique, expressionniste, qui laissait présager un compositeur fécond. j'avais donc commandé un double CD (Simax vol 2 Orchestral works par Bergen Philarmonic Orchestra - Karsten Andersen. Je découvre un compositeur plat, absent, qui développe tranquillement des motifs simplissimes. Une sorte d'intermédiaire entre Chostakovitch et le Groupe des six, moins la pétulance de ces compositeurs. Parfois un Saeverud endormi. Les quelques péroraisons cuivrées qui agrémentent son mélodisme tranquille - pour faire moderne - on a l'impression qu'il n'y croit même pas. Il verse parfois même dans la mièvrerie, ne tente pas la moindre envolée lyrique. Détail intéressant, "Ballad of revolt" était la seule pièce d'inspiration rhapsodique. Le reste: Peer Gynt, Syljetone ne porte aucune marque nordique. On y chercherait en vain ce discret mystère qui signe souvent la musique nordique et lui communique un frémissement inimitable. De la musique banale, sans originalité qui semble même accepter sa platitude et la revendiquer, qui refuse d'exister, se complait dans son insignifiance. Dommage. ATONALISME - SIGNIFICATION DE LA NOTORIÉTÉ
L'atonalisme, forme d'expression comme une autre, c'est la thèse de ttle, qu'il avait déjà formulée dans une page internet indépendante de la liste. Un argument astucieux pour dépasser le débat en intégrant l'atonalisme dans l'histoire musicale. La désaffection dont il est l'objet apparaît dés lors naturelle, n'en a-t-il pas été ainsi du classicisme, du romantisme? ce qui n'ôte rien à leur valeur. C'est à mon avis ignorer l'incompatiblité de l'atonalisme avec ce que fut la musique depuis le 17e siècle jusqu'au 20e siècle, une différence qui se situe essentiellement au niveau structurel (la présence ou non de la tonalité justement). Son absence de "succès" n'en est que la conséquence. La musique atonale ne correspond plus à la vocation de la musique donnée par Sulzer a 18e siècle, la recherche de l'expression, elle s'enferme dans le formalisme devenu fin et moyen. Ce que je retiens, c'est qu'il est parfaitement possible d'imposer des noms de compositeurs qui deviennent connus - Boulez par exemple - quoiqu'ils n'aient quasiment aucune audience. La supercherie se trouve dévoilée si l'on considère les oeuvres réellement écoutées par les mélomanes (par l'intermédiaire des ventes d'enregistrement). La notoriété n'est donc pas un témoignage significatif de l'audience réelle d'un compositeur, elle peut être le résultat d'un simulacre, d'une médiatisation gratuite liée à la domination d'un milieu sclérosé qui détient le pouvoir, lequel a utilisé habilement le préjugé positif du progressisme. D'autre part, le mouvement atonaliste constitue un écran de fumée masquant l'importance quantitative primordiale de la musique tonale pendant tout le 20e siècle. Comme l'a remarqué Michel Chion, le 20e siècle reste marqué essentiellement par la tonalité. Quant à considérer que le concerto A la mémoire d'un ange de Berg est plus expressif que le Concerto n°1 de Paganini, c'est à chacun de se livrer objectivement à l'expérience. Une expérience intéressante à la condition d'avoir écouté de nombreuses fois chacune de ces oeuvres afin de formuler un jugement approfondi. Et de na pas connaître la réponse avant la question.

TRANSCRIPTION DE VIVALDI PAR BACH
Bach a certainement écrit sans aucune passion ces concertos, sacrifiant en cela à une tradition de ses prédécesseurs en Allemagne qui était de transcrire les oeuvres des compositeurs à la mode. On en a trop vite conclu qu'il était un grand admirateur de Vivaldi. Simplement, Vivaldi était le compositeur le plus connu dont on trouvait partout les oeuvres. Bach pouvait-il vraiment être un admirateur d'un compositeur? lui qui semble se comporter en fonctionnaire lorsqu'il écrit. Il n'a pas plus d'aversions musicales, même à l'égard des genres opposés à son tempérament. Il n'a jamais critiqué l'opéra. Bach ne manifeste de la véhémence que lorsque son statut professionnel de compositeur est menacé, lorsqu'il est blessé en tant que professionnel, notamment à l'égard de ses patrons. A-t-il eu la volonté de réaliser une synthèse, certainement pas plus. Une question qu'on peut se poser. En transcrivant ces concertos originellement pour violon en concertos pour clavecin, Bach, pourtant si peu innovant par tempérament, innovait. Il semble être le premier compositeur a avoir écrit pour clavecin et orchestre. Cela peut paraître surprenant car les Italiens ont développé toutes les compositions instrumentales inimaginables. Alors pourquoi pas celle-ci? Parce qu'elle est absurde et se trouve à l'opposé de l'esprit de solisme dont se réclame le concerto. Bach commet une faute de goût fondamentale, mais cela ne l'émeut pas car il ne considère pas la musique comme un art expressif. Au contraire, il tue toute expression, il a réalisé un contresens sur l'oeuvre qu'il transcrit. Mais comme il se nomme Bach, certains ont voulu trouver de la luminosité dans ces transcriptions. La plupart des observateurs ont considéré que Bach avait réalisé de géniales transcriptions à partir d'originaux de peu d'intérêt. L'idée commence cependant à être remise en cause. Thierry Bernardeau écrit dans son histoire de la musique de 1987:

"Bach est-il un transcripteur génial et les oeuvres de Vivaldi de piètres modèles? N'a-t-il pas au contraire dénaturé ces concertos italiens aux sonorités transparentes?"

"Solidité de l'architecture germanique", On se rabat sur la forme pour tenter de prêter un intérêt à ces oeuvres. En ce qui me concerne, connaissant un certain nombre d'oeuvres "germaniques" ou italiennes ou autres depuis le 18e jusqu'au 20e siècle, je n'ai jamais trouvé de "solidité architecturale germanique", cela me paraît une pure chimère, mais j'ai rencontré des oeuvres "germaniques" puissamment lyriques et admirables à mon goût comme les symphonies de Raff, Beethoven, Volkmann... Concernant les originaux de ces transcriptions, pour la plupart, je ne pense pas qu'il s'agisse des oeuvres les plus estimables de Vivaldi. Plutôt des concertos archaïques et je ne m'explique pas toujours le choix de Bach. A -t-il puisé les concertos les plus connus de ses contemporains? ou simplement au hasard dans des recueils qu'il avait à sa disposition?

NIELSEN
S'il est un compositeur sur lequel il est, me semble-t-il, impossible de forumer une opinion globale en raison du polymorphisme de son oeuvre, c'est bien Nielsen. Cela me laisse rêveur qu'on puisse qualifier ce compositeur d'académique, tout au moins pour les oeuvres que je connais de lui. Pan et Syrinx est peut-être son chef-d'oeuvre, un Nielsen inattendu, beaucoup plus impressionniste que ne le laisserait présager certaines de ses symphonies, un peu sommaires à mon goût. Du sommaire - et du génial - dans le même style, il y en a à profusion dans un cD que je vous présenterai bientôt.

ANTHOLOGIE DE LA MUSIQUE NORDIQUE
Une anthologie de musique nordique de plus, dira-t-on. On retrouve les mêmes: Saeverud, Tveitt, Groven, Halvorsen, mais aussi quelques nouveaux (pour moi du moins) Gjerstrom, Sommerfeld, Valen. Une de plus, et une excellente de plus (dans l'ensemble). Les étoiles pleuvent. Je ne me lasserai jamais de musique nordique, mais la vraie, celle qui, au 20e siècle, a exploité le rhapsodisme, non comme une esthétique ringarde (ce que pensent certains), mais au contraire comme une nouvelle tendance féconde qui a permis l'émergence d'un nouveau style, le style expressionniste. Je l'ai qualifié souvent de "russe", mais il est aussi nordique. Mélange de retour au mélodisme (parfois facile) et d'instrumentation originale (percussions comme le xylophone, le célesta...) en partie dérivé de l'esthétique des ballets tchaikovskiens. Quand je vous disais que Tchaïkovsky était un novateur! On commence à s'en apercevoir maintenant que la fausse avant-garde prétentieuse de l'atonalisme se lézarde. Visible, cette instrumentation des ballets tchaïkovskiens (reprise notamment par Glazounov) dans, notamment, la Danse of the Trolls d'Halvorsen. Beaucoup de Kabalevsky aussi là-dedans. C'est l'esthétique de l'époque. Très caractéristique. Aucun rapport avec les effets bouffons d'un Shostakovitch. Et de la vraie musique nordique. Le grand frisson. Une atmosphère désolée, âpre, une magie, une lenteur comme dans "A hundred Hardanger tunes" de Tveitt. Bien sûr, il faut aimer cette espèce de léthargie musicale, il faut s'y complaire, en saisir les moindres nuances, s'abîmer, plonger dans cette obsession de l'indicible. "A hundred Hardanger tunes", un fond musical diffus se fondant avec une mélodie au basson. Un univers mouvant qui absorbe le défini dans l'indéfini. Comment si peu sur le plan thématique et rythmique peut engendrer une telle attraction? Bien sûr, le mélodisme facile, la stridence gratuite, on les retrouve aussi dans certaines compositions de Saeverud. Saeverud qui se rattrappe avec la fameuse "ballade de révolte". Je lui en ai voulu, à Saeverud, de ces 2 CD assomants, d'une nullité absolue, alors je lui avais supprimé pour me venger, la quatrième étoile que j'avais mise auparavant à sa ballade de révolte. C'est un peu bas comme vengeance, je sais. Le jugement devrait être objectif, mais je joue sur le fait que la 4e étoile est un paramètre personnel sur lequel on peut subrepticement tricher. Mais, en réécoutant cette ballade, présente quasiment dans toutes les anthologies de musique nordique, j'ai de nouveau craqué. je lui ai rendu sa 4e étoile, ne suis-je pas magninime? En revanche, Halvorsen, quelle régularité dans l'excellence (d'après les quelques pièces que je connais de lui) Halvorsen, quel génie tout de même. Jusqu'à présent, je ne l'ai pas pris en défaut, je ne sais s'il est beaucoup enregistré à part dans les anthologies. Son Entrée des boyards est un classique. Sa danse des petits trolls nous le révèle plus proche de l'expressionnisme. Elle est plus moderne, très différente dee son Andante religioso (la merveille des merveilles), ni moderne ni classique, indéfinissable, et si profondément nordique. La Danse des petits Trolls m'évoque particulièrement, avec l'exploitation du xylophone et son atmosphère festive, le Galop des comédiens de Kabalevsky, devenu un classique lui aussi. Tous les compositeurs de ce CD sont des tonaux, or, je ne me fais pas d'illusion, il existe aussi des atonaux norvégiens (l'inverse serait trop miraculeux). Je constate que les anthologies de musique nordique (que je connaisse) ont mis en avant uniquement les tonaux (on m'excusera du terme) et ont même renoncé à l'entrelardement (on m'excusera aussi du terme) pour faire passer des atonaux. Aucun vrai mélomane ne s'en plaindra, je pense. Norvegian classical favourites Iceland Symphony orchestra Bjarte Engeset.

SUR UNE AFFIRMATION DE BIONDI À PROPOS DE BACH
Le langage de Bach n'est pas plus universel car, au 18e siècle, la musique italienne, et particulièrement le style vivaldien, s'étaient imposés à toute l'Europe, de la Suède à l'Italie. Biondi ne fait que répéter les lieux communs qu'il a trouvé dans certains ouvrages. Quant à la restriction qu'il formule sur Vivaldi, elle est de bon ton, Biondi préfère passer pour un Intellectuel plutôt favorable à Bach, ainsi il se croit mieux considéré au cas où il serait assimilé à un vil virtuose.

CARULLI GUITARE ET PIANOFORTE
Pas très palpitant le premier CD de Carulli oeuvres pour guitare et pianoforte (et j'an ai 6 à écouter puisque j'ai acheté l'intégrale). Pourtant pas particulièrement des oeuvres de jeunesse. 1814-15, début du 19e. Pourtant des pièces (presque) purement de style galant. Comme ces Trois petits duos op 92, et même du galant simpliste. Comme je le disais sur un autre forum, on n'a pas attendu Djanov ou Khroutchev pour donner dans le mélodisme ultrasimpliste. On s'y adonne tant qu'on peut dans la société aristocratique de la fin du 18e siècle. Et sans complexe le style déborde sur le 19e. On se demande comment à cette époque certains continuent de pouvoir supporter ce style facile, que dis-je facile, il faudrait dire horripilant. A vomir. Et on trouve aussi des compositeurs qui ont la veulerie de poursuivre dans cette voie du simplicisme borné, un style qui évoque inmanquablement une bonbonnière viennouse ou un petit angelot joufflu, un certain musicien prodige. Insupportable. On se demande parfois s'il ne faut pas le prendre au second degré. Et puis, on finit par trouver dans cette complaisance à la naïveté infantile une sorte de charme à rebours. Des subtilités cachées, même. On finit par se laisser berner. Nul doute que Carulli joue ce double jeu. On aurait tort d'écarter le largo du Gran Duo op 86. Usant et abusant de la lenteur, selon un style bien différent de Sibelius, on se prend à être accaparé par ce mouvement. On se demande bien ce qu'il peut y avoir dans cette mélodie insignifiante, mais on est pris. On ne peut pas dire que ce soit le rythme facile qui compense l'insuffisance mélodique. Tout de même, 2 étoiles, je me rebiffe, je refuse d'aller plus loin. En revanche, rien à tirer des Trois petits duos op 92. Je l'affirme formellement. Assomant. Plus haut, entre parenthèse, j'ai écrit "presque". Je reviens sur ce "presque" car Carulli n'est pas uniquement le chantre du style galant finissant. D'abord, il y a cette mélodie "chopinienne" de l'Allegro du Grand Duo op 86. Et puis surtout, dans le Moderato du Gran duo op 70, des accents très "beethovéniens" (formule générique évidemment). On peut rajouter une valse assez originale, la première de l'op 32. Particularité irritante pour juger: dans ces quelques demi-réussites, Carulli nous présente un premier thème d'intérêt appréciable et un second qui ne me paraît pas à la hauteur. Comment juger une telle pièce? Dans ce cas, je me refuse à l'excellence (3 étoiles). Tout mélomane ne juge pas ainsi. Je viens de lire, toujours sur un autre forum, qu'un certain mélomane distingué appréciait grandement la 5e symphonie de Sibelius, pourtant avoue-t-il, il la trouve ennuyeuse sur presque toutes sa longueur. Mais comprendrè-je jamais ce mélomane? Bref, en conclusion, je dirai que je ne conseille certainement pas ce CD, sauf, pour reprendre ma formule habituelle si vous êtes un fanatique du style galant ou spécialiste des oeuvres pour guitare.

MUSIQUE ET POLITIQUE
C'est ce qui s'appelle voir la musique par la lorgnette de la politique. Tout ce laïus me paraît bien contradictoire dans la mesure où, par exemple, il y a bien peu de mélodie chez Khrennikov. Si on se fiait à cette diatribe, on se demanderait comment Gliere a bien pu faire éditer et jouer ses oeuvres d'un romatisme raffiné. Il était bien loin du simplicisme qu'exigeaient prétenduement les autorités. On ne comprend plus. On pourrait dire de même avec la Chine et rappeler à propos une déclaration de Mme Cheng, la mécène chinoise à propos des artistes en Chine:

"Les artistes qui sont en prison faisaient de la politique, or le rôle d'un artiste, ce n'est pas de faire de la politique, mais de faire de l'art."

BIZARRERIES D'UN CERTIAN FORUM
Classique-fr m'étonnera toujours. Pourquoi perdez-vous tous votre temps à évoquer et écouter des compositeurs secondaires pour vous comme Lyatochinsky, Zemlinsky ou Turnojovic puisque pour vous êtes persuadés qu'ils n'atteindront jamais les Bach, Wagner, Malher et Bruckner? Parlez plutôt de Mendelssohn, Haydn, Brahms... Avez-vous épuisé les quelque 2000 numéros d'opus du Cantor? Vous me faites penser à ces idéologues chrétiens de la fin de l'Antiquité qui conspuaient les Anciens, mais gagnaient leur vie en donnant des cours de Grec.

SUITE DE LOU HARRISON
J'évoquais un concerto de Lou Harrison, il s'agissait en fait de la "Suite pour piano et violon". Je ne crois pas qu'il ait écrit de concerto. Pour revenir à cette Suite, j'ajouterais qu'elle trahit un style orientaliste qui n'est pas sans rappeler "Pagode" de Debussy. Comme je le disais, oeuvre très évocatrice, peut-être pas toujours exempte d'une certaine confusion parfois. Il serait cependant dommage de ne pas l'écouter car son originalité, à mon avis, est évidente. Elle date de 1952. Harrison, un des compositeurs contemporains qui n'a pas craint d'utiliser le style rhapsodique pour créer des effets modernes. Oeuvre naturellement tonale et thématique sans aucune tendance cacophonique. Si certains veulent évoquer d'autres oeuvres de Lou Harrison, ils sont les bienvenus. Pour moi, c'est la seule que je connaisse.

OUVRAGE D'HISTOIRE DE LA MUSIQUE
Je n'ai pas lu cet ouvrage, mais j'en ai lu des quantités d'autres du même acabit (me semble-t-il). A la lecture de votre compte-rendu, on aurait presque l'impression que si de nombreux compositeurs sont négligés, notamment de l'école russe, c'est de la faute de ce pauvre Tchaîkovsky qui tient toute la place! Pour ma part, ce que j'ai vu dans de semblables ouvrages (a priori), c'est que presque toute la place était consacrée aux grands classiques Mozart, Schubert, Beethoven, Haydn... C'est peut-être plutôt ceux-là qu'il faudrait un peu pousser pour réserver la place minimum à d'autres. Vous demeurez étrangement muet sur la place de la musique belge (vous êtes belge me semble-t-il). Cet ouvrage ferait-il des éloges dithyrambiques d'Henri Vieuxtemps? J'aimerais bien le croire, mais c'est curieux, je n'y parviens pas.

CHERUBINI - ROSETTI
Cherubini, Rosetti (qui a eu la délicatesse d'italianiser son nom comme Mozart d'ailleurs pour son prénom à une certaine époque), deux personnages qui m'on paru jusqu'à présent des classicisants formalistes sans imagination. Mais on peut toujours rêver qu'ils se soient transcendés à l'occasion d'un requiem. On ne sait jamais, la grâce divine justement.

SIR GRANVILLE BANTOCK
En raison de mes prétentions aristocratiques, vous imaginez que j'ai le mépris le plus absolu pour ce chant roturier. Pour en revenir à de plus nobles références, je vous prpose d'écouter la Symphonie des Hébrides écrite par un authentique représentant de la noblesse (que vous appelez, vous, ci-devant, terme horrible qui blesse mes oreilles) Sir Granville Bantock, une de mes références. Un compositeur d'un raffinement extrême, grand inventeur de sonorités nouvelles.

ÉCOLES NATIONALES - POUR UNE HISTOIRE DE LA MUSIQUE
Personnellement, je ne suis pas sensible à la présence en soi de compositeur de telle ou telle nationalité, en revanche, je suis très sensible à la présence d'écoles nationales qui ont développé un style propre, ce qui est différent. Je suis également très sensible à la présence des oeuvres rhapsodiques qui ont joué historiquement un rôle fondamental au 19e siècle. 4 russes dans la sélection ne veut rien dire, il n'y a peut-être aucune oeuvre rhapsodique sur les oeuvres russes choisies. Dans cette optique, je verrais au moins un représentant des grandes écoles et des grands styles rhpasodiques. Vivaldi, Paganini pour représenter l'immensité de la musique des virtuoses-compositeurs jusqu'au début du 19e siècle. Ce sont eux qui sont responsables de presque toutes les innovations qui ont conduit à la musique du 19e siècle, invention et développement du solisme, développement de la virtuosité transcendante. Au moins 2 représentant du symphonisme germanique qui s'est développé au 19e siècle, pourquoi pas Beethoven avec Raff par exemple. Au moins 2 représentants de l'école franco-belge, Vieuxtemps et Viotti par exemple, au moins 2 représentants de la musique impressionniste, je verrais bien Debussy et Bantock, au moins un représentant de la musique rhapsodique espagnole, pourquoi pas Albeniz ou Rodrigo. Au moins un représentant, même 2, de la musique nordique, pourquoi pas Grieg et Sibelius. La musique rhpasodique américaine avec Macdowell ou Gershwin, enfin pour le 20e siècle l'expresisonnisme russe, je verrai Khatchaturian ou Kablevsky. j'en ai oublié un, évidemment Sgambati, mettez-le où vous voulez, il ne rentre nulle part, de même que He Zhang ho avec son célèbre concerto pour violon, mais il représente cependant le style rhapsodique chinois... Et puis il faudrait un représentant des répertoires spécifiques, Bottesini pour la contrebasse par exemple...

OEUVRES POINTUES?
Que signifie "pointu" dans ce cas? Les auditeurs des concerts au 19e siècle qui applaudissaient Vieuxtemps trouvaient-ils que Vieuxtemps était pointu? C'est donc une notion très relative. Une oeuvre pointue, pour moi, c'est une oeuvre qui obéit à des normes d'écriture que le profane risque de ne pas connaître ou comprendre, quelle que soit l'époque d'ailleurs. L'art de la fugue est certainement une oeuvre plus pointue que le Concerto n°1 de Vieuxtemps. Je pense que cette dernière oeuvre touche particulièrement l'âme et il n'est pas nécessaire d'avoir compulsé un traité des figures de la fugue pour y être sensible. Il faut s'en tenir aux valeurs sûres et reconnues, c'est justement ce que je fais. Vieuxtemps fut reconnu par le public certainement plus que de nombreux compsiteurs de cette liste convenue, dont certains compositeurs ont été propulsés à mon avis artificiellement. Pour moi, cette initiative ne fait qu'entériner encore plus le culte des compositeurs dominants, je préfère les initiatives "découvertes", par exemple la série des CD hypérion consacrée aux virtuoses-compositeurs. c'est une philosophie totalement différente. C'est vrai que drainer le public vers ces oeuvres est plus difficile. Ce qui serait l'idéal serait de consacrer une très grande promotion à une oeuvre oubliée qui eut un grand succès dans le passé. je pense qu'on pourrait faire un malheur si les majors avaient le courage de ce genre d'initiative. Il faudrait y associer un soliste très connu qui s'engagerait. je pense qu'on pourrait facilement rendre célèbre le concerto n° 2 de Vieuxtemps par exemple (j'évoquais cette oeuvre dans un message précédent). Malheureusement, les oeuvres rares restent souvent, trop souvent pour les solistes très peu connus.

RAVAGES DU CULTE DE LA PERSONNALITÉ
Pourquoi a-t-on choisi ces nom? Réponse simple : pour cause de culte de la personnalité. Une considération qui passe avant tout autre. Il suffit de comptabiliser le nombre de messages qui ont été consacrés aux compositeurs connus par rapport à ceux consacrés au moins connus (sans évoquer les très peu connus) sur tous les forums. C'est une lutte constante qu'il faudrait mener contre le rouleau compresseur des abus de notoriété. Difficile d'y échapper. Et curieusement, le culte de la personnalité qui est absolument proscrit et condamné unanimement dans le domaine politique est considéré comme normal, voire même soutenu mordicus par certains, lorsqu'il s'applique dans le domaine artistique. Qui comprendra jamais ce paradoxe? Certes, le culte de Verdi ou de Wagner n'a jamais fait aucun mort, mais combien a-t-il oblitéré d'ouvrage de premier plan? Combien de compositeurs sont pour cette raison tombés dans l'oubli? ce qui est une seconde mort.

CULTE DE LA PERSONNALITÉ - HUMMEL CONCERTO POUR MANDOLINE
Chacun à mon sens peut affirmer un choix à la condition qu'il ne soit pas dicté par la notoriété d'un compositeur. Dans le cas de Rosetti ou Brixi, c'est exclu. Tout choix se portant sur une oeuvre de compositeur connu ne peut non plus être systématiquement assimilé à la manifestation d'un culte de la personnalité, bien évidemment. Il appert cependant que des protestations véhémentes chaque fois que l'on aborde un certain compositeur (que je ne nommerai pas) voire des lettres d'insulte, comme j'en reçois régulièrement, sont significatives. Un mélomane m'a poursuivi pendant plusieurs mois sur plusieurs de mes adresses électroniques parce que j'avais émis une appréciation négative sur l'oeuvre symphonique de Ravel. Il n'avait pas remarqué, en outre, que j'avais placé les concertos de ce compositeur parmi les oeuvres excellentes. Il aurait voulu un encensement de toute l'oeuvre de Ravel. C'est là qu'intervient le corrolaire du culte de la personnalité, le dogme de l'infaillibilité du compositeur. Hummel, oui, concerto pour mandoline, une oeuvre qui illustre le polymorphisme stylistique chez un compositeur. oeuvre sensuelle, rêveuse, cependant à la thématique bien affirmée, à l'opposé des concertos pour piano si laborieux, à la thématique inconsistante de ce compositeur.

LES VRAIS INCONNUS
Et il faut savoir que souvent les compositeurs que l'on redécouvre ou plutôt que l'on nous permet de redécouvrir (grâce à une édition discographique) ont souvent eu une grande notoriété par le passé. C'est le cas de Dittersdorf, de Sgambati, de Scharwenka... ce dernier fut notamment considéré comme le roi des pianistes-compositeurs à son époque et accumula les succès devant les têtes couronnées. Il est plutôt rare de redécouvrir un compositeur qui resta relativement inconnu, c'est le cas pourtant de Bach et Schubert. Les vrais inconnus ne seront probablement jamais découverts et l'on peut considérer que leurs oeuvres sont mortes avec eux, que peut-être aucun orchestre ne les a jouées en public. Certains pensent que les plus grands génies sont restés inconnus car, trop absorbés par leur génie, ils n'ont jamais eu la mentalité de se promouvoir. Certains reconnaissent ces arguments, d'une manière générale, mais dans les faits, personne n'oserait en tenir compte et clamer qu'un compositeur totalement inconnu peut être un génie - sauf un fou comme moi naturellement.

SYMPHONIE 10 MAHLER
Aux allergiques de Mahler, je conseille d'essayer sa 10e symphonie, je pense qu'elle peut plaire à ceux qui n'aime pas le style habituel de ce compositeur. Elle présente de fortes affinités wagnériennes, quoiqu'elle ne me paraisse pas en retrait sur le plan de l'exploration de la nouveauté stylistique, bien au contraire. Pour moi, elle est réellement un aboutissement "efficace" d'une possible esthétique "malhérienne" qui transcende le cacophonisme disgracieux et grinçant des symphonies précédentes (tout au moins certaines). Je ne sais pas pourquoi les mahlériens font si peu de cas de cette symphonie au point de l'oublier. L'inachèvement ne me paraît pas un argument suffisant. Ne considère-t-on pas la symphonie inachevée de Schubert comme un chef-d'oeuvre, jugement qui me paraît bien contestable par ailleurs.

RIMSKY TSAR SALTAN
La suite Tsar Saltan, peut-être son chef-d'oeuvre, l'oeuvre dans laquelle il pousse le plus loin possible sa magie orchestrale. Des sonorités inouïes. La déstructuration mélodique et thématique atteint son maximum. Dommage qu'une telle oeuvre ait été un peu oubliée, par rapport aux autres chefs-d'oeuvre du compositeur russe. Elle a obtenue un grand succès à son époque. Une oeuvre que je recommande particulièrement à ceux qui ne la connaissent pas encore. En revanche, je déconseille fortement la Grande Paques Russe qu'on nous sert systématiquement, on ne sait trop pourquoi. Thématique vraiment très limitée. Quant au Cappriccio espagnol, il mérite son succès, me semble-t-il.

SYMPHONIES DE ROUSSEL
Pourquoi pas une différence d'appréciation sur les symphonies de Roussel. La symphonie n°1 largement écrite avant Sparcatus, je l'avais noté moi-même dans mon message, cela ne me paraît pas suffisant pour placer Roussel comme un précurseur, d'autant plus que je ne suis même pas sûr que le passage en question se trouve réellement dans Spartacus, je n'ai toujours pas vérifié. J'ai cependant jugé excellent le 3e mouvement de cette symphonie et j'ai jugé bon le second mouvement. Il est vrai que j'ai déconseillé l'intégrale, mais en revanche, je conseille cette symphonie.

SUR UNE "LISTE" PROPOSÉE À UN NÉOPHYTE SUR UN FORUM
Pourquoi pas cette liste, même si les oeuvres et compositeurs connus dominent. Pour ma part, je retirerais, Water music qui me paraît un peu rudimentaire (de la "musique pour Anglais" ont dit certains - je plaisante naturellement), la messe en si de Bach qui me paraît tout de même très ennuyeuse, surtout pour un mélomane néophyte (avis personnel évidemment) et l'Oiseau de feu dont je n'ai jamais goûté les charmes. Je précise aussi que je ne connais pas cette oeuvre de Bloch ni la Suite provençale de Milhaud, pas plus la symphonie n°5 de Chostakovitch. On pourrait proposer une liste d'oeuvres totalemnet inconnues, mais serait-ce judicieux pour une personne qui ne connaît pas la musique classique dans la mesure où les échanges entre mélomanes sont constitués d'un fonds commun d'oeuvres, ce serait isoler ce mélomane. Je ne propose donc aucune liste, la vôtre me convient avec les quelques oeuvres que j'y ai retiré. Alors, par quoi remplacer ces 3 oeuvres que je retire en restant dans le domaine des oeuvres connues. Pourquoi pas Peer Gynt de Grieg, la Campanella de Paganini et le concerto de Aranjuez, cela permettrait de découvrir deux types de musique oubliés dans cette liste, et qui me sont chers, la musique nordique et la musique espagnole. Et aussi d'inclure un violoniste-compositeur qui a su survivre a 2 siècles d'anathèmes.

RHAPSODIES ENESCO
Je vous rejoins dans l'ensemble. Chez Enesco, ce sont sans doute les Rhapsodies qui sont les plus séduisantes. Enesco serait-il encore un compositeur qui a mal "tourné"?

VALSE
C'est un genre pseudo-folklorique qui a été réellement transcendé par la musique classique. Je ne rappellerai pas les exemples célèbres et moins célèbre. Mais il faut avouer qu'elle n'a pas la saveur de la musique folklorique de certains pays européens, par exemple la musique tchèque elle-même. L'appellation de "musique folklorique" à propos de la valse serait impropre.

KHRENIKHOV - KABALEVSKY
Naturellement, je ne peux pas laisser passer ce jugement sur Kabalevski et je suis forcé d'intervenir. Cet ouvrage (du moins le passage rapporté) c'est ce qui s'appelle voir la musique par la lorgnette de la politique. c'est ce dont est capable un Intellectuel insensible à l'Art. Tout ce laïus me paraît bien contradictoire dans la mesure où, par exemple, il y a bien peu de mélodie chez Khrennikov. Si on se fiait à cette diatribe, on se demanderait comment Gliere a bien pu faire éditer et jouer ses oeuvres d'un romatisme raffiné et complexe. Il était bien loin du simplicisme qu'exigeaient prétenduement les autorités. Kabalevski aussi dans un autre style (dans certaines oeuvres tout au moins). Je considère personnellement ce dernier compositeur comme un des plus marquants du 20e siècle, un artiste au sens le plus noble du terme. Quand au simplicisme mélodique et sympphonique il est illustré par le Groupe des Six en France qui en furent les initiateurs (avant Khroutchev) et s'est développé allègrement dans toute l'Europe non communiste et communiste. Alors, que signifie tout ce gamimatias politico-musical? On ne comprend plus. On pourrait évoquer de même la Chine où les oeuvres officielles me paraissent de tenue bien plus élevées que les oeuvres "occidentales", en dépit de programme "collectivistes" comme par exemple le concerto Typhon de Liu Shi-kun. Il peut être à propos de citer une déclaration de Mme Cheng, la grande mécène d'art chinoise à propos des artistes en Chine: "Les artistes qui sont en prison faisaient de la politique, or le rôle d'un artiste, ce n'est pas de faire de la politique, mais de faire de l'art." Quand admettra-t-on l'autonomie de l'Art, condition de sa noblesse et du génie qu'il exprime.

CARULLI - ROUSSEL
Rien de bien nouveau à signaler pour cette remise à jour de critique-musicale.com, mise à part la chronique. Pour le reste, je me suis suffisament étendu sur ce forum pour abominer Shulhoff (concernant ses 3e et 5e symphonies), pour éreinter Carulli dans ce premier CD de Complete Works for Guitar and Fortepiano. J'ai quelques remords pour ces oeuvres de Carulli (Grand duo en E minor op 86, rois petits duos op 92 Trois Valzer op 32) qui parfois s'élèvent un peu au-dessus du standard galant. Voici la référence que j'avais oubliée : Massimo Palumbo et Leopoldo Saracino CD Brillant Classics. Je ne pense pas que vous le trouverez séparément. Précisons bien que je ne conseille pas pour autant ces oeuvres. Quant à l'intégrale des 6 CD, si vous l'achetez, vous en prenez la responsabilité. Je n'ai aucune idée du reste que j'écouterai prochainement. Je suis finalement obligé de me rabattre sur cette symphonie, seule oeuvre que je puis conseiller ce mois-ci.

CARULLI - RIES -GERNSHEIM
Etablir un choix en musique, c'est peut-être plus fondamentalement choisir entre les oeuvres d'un même compositeur qu'entre les oeuvres de différents compositeurs. C'est la réflexion à laquelle je me suis livrée une fois de plus en écoutant les nocturnes op 131 de Carulli (sur le 2e d'une série de 6 CD Brillants Classics que j'ai déjà en partie présentée). Si je ne m'étais référé qu'au CD 1, j'aurais catalogué Carulli parmi les innombrables compositeurs galants sans la moindre envergure. Tout change avec l'op 131. Deux pièces d'une grande dimension qui avoisine, me semble-t-il, une quinzaine de minutes avec de multiples thèmes, tous plus irrésistibles les uns que les autres et surtout, dépassant de loin le standard de la musique galante. En cela, Carulli n'est guère différent de Mozart, lequel, comparablement, ne se prive pas, à mon sens, d'écrire pour écrire, et surtout de ne même pas faire semblant d'avoir de l'inspiration, pudeur que respectent au moins les Romantiques quand ils n'ont pas d'inspiration. Les compositeurs du 18e siècle (quoique Carulli appartienne déjà au début du 19e siècle), eux, ne cherchent même pas à sauver la face, ils se montrent dans leur veulerie la plus regrettable. Mozart aussi a dépassé le style galant. A-t-il condensé autant de thèmes superbes (à mon avis) dans une pièce aussi longue, je n'en sais rien, peut-être dans la sonate n°7 pour piano où, d'ailleurs il me parâit plus touchant que Carulli. Carulli plus serein, magnifique dans des thèmes gommant totalement l'influx rythmique et s'épanouissant dans une sorte d'atemporalité. Quant au CD 3, présentant une suite de nocturnes et duos, à fuir absolument, sauf si vous voulez de la musique de fond bien tranquille pour une rencontre entre amis. Entre le fromage et le dessert, cela peut passer. Passons à Ries. Ries Gernsheim, même style quasiment. Presque un oxymoron : du bon symphonisme sans originalité stylistique. Et pourtant. Une symphonie excellente sous tout rapport cette 5 qu'à mon avis on doit absolument connaître. Ries donne l'impression d'un compositeur sérieux, c'est ce qu'il faut pour la symphonie. Son point fort, la masse orchestrale, comme Beethoven. Il joue là-dessus au maximum et uniquement là-dessus, il exploite les possibilités de contraste, de variations d'intensité. Le crescendo progressif est certainement le procédé sur lequel il s'est polarisé avec succès. Sa couleur symphonique est extrêment mesurée, sans mystère, mais remarquablement dosée. Voilà, il faut ajouter aussi de très bons mouvements parmi les autres symphonies, notamment la 3 qui pourrait rappeler la 8 de Beethoven. De la grandeur, toujours de la grandeur. C'est le plus difficile que réussit Ries, trouver le ton de la symphonie. A contrario, je pense à l'échec des 2 premières symphonies de Saint-Saëns. Totalement ratées de ce point de vue. J'adore Saint-Saëns, mais les trouver bonnes ces symphonies, non, cela ne me paraît pas possible. Et, lorsque le ton juste de la symphonie n'est pas atteint, on tombe vite dans le grotesque. Pour les symphonies de Ries, CD CPO Zürcher Kammerorchester Howard Griffiths. Je n'ose à peine évoquer Saeverud qui me semble avoir définitivement sombré dans le cacophonisme avec sa symphonie n°3. Son concerto pour violon est plus audible, mélodique même. Mais à quoi sert cette qualité (si ç'en est une en soi, ce dont je doute), si le mélodisme ne sous-tend aucun thème digne d'intérêt (notion de valeur évidemment relative à l'auditeur). Pour moi, c'est à fuir absolument. Chronique consacrée au sens de l'histoire musicale, vaste phénomène gratuit d'exploitation sociale, activisme stérile où l'expression artistique n'aurait été qu'un "accident" apparu transitoirement.

ROUSSEL SYMPHONIES
Plutôt froid, Roussel, même très froid. L'audition approfondie de ses symphonie peut laisser l'auditeur dans un état d'apathie morose. Pas franchement enthousiasmant. Tonal pourtant et même thématique. On ne sent guère palpiter une âme chez ce compositeur. Distinguons la 1ère symphonie de style post-impressioniste, largement tributaire de Debussy des autres symphonies, s'inspirant vaguement de la musique expressionniste russe, parfois même de Khatchaturian (peut-être ou tout au moins d'oeuvres de ce type). Un des mouvements de la seconde symphonie contient un passage que je crois avoir entendu dans Spartaccus, mais je n'ai pas vérifié. Rien ne pouvait être plus opposé à Roussel que le style expressionnisme russe, on se demande ce qu'il est allé faire dans cette galère. Rien là-dedans, à déconseiller franchement. Comment un compositeur, qui peut déployer des effets symphoniques extrêmement raffinés (comme dans la 1ère symphonie) peut-il se complaire dans ce simplissisme et cette primarité. Il est vrai que bien d'autres compositeurs se sont stérilisés ainsi, jugeant que les subtilités impressionnistes, cela n'était plus tolérable. Oui, mais voilà, Roussel n'est pas Khatchaturian, il en a les défauts et pas les qualités. Dans Spartaccus, on ressent une tension palpable qui se trouve totalement absente dans les symphonies de Roussel. Abandonnons donc ces pages à peu près nulles (la 2, la 3 et la 4) pour passer à la 1. Cette 1, comment la caractériser, une sorte de chimère, le mariage de la carpe et du lapin. Du post-impressionisme extrêmement subtil dans le 3e mouvement, notamment allié à certains effets expressionnistes "khatchaturiens", comme la mélodie à la flûte au centre. Et par-dessus tout cela, un rhapsodisme indifférentié, presque imprerceptible, mais qui communique cependant un certain cachet à cette page. Réussi à mon avis, quoique j'ai toujours l'impression d'avoir entendu ces effets à droite et à gauche. Alors, comment juger cette oeuvre de Roussel? J'irai jusqu'à l'excellence pour le 3e mouvement et j'accorderai la mention bien pour le second qui développe une belle mélodie à l'alto. Effet que j'ai entendu déjà, dans la symphonie des Hébrides, me semble-t-il, mais là encore je n'ai pas vérifié. Et aussi dans d'autres oeuvres, peut-être la 6 de Martinu. Cette symphonie n°1 de Roussel date de 1921. Spartaccus date de 1956. Les autres oeures que j'ai citées, je ne suis pas allé voir leur dates, je pense qu'elles sont postérieures. Alors, Roussel novateur pour ces effets, je n'y crois pas, cela ne me paraît pas possible. Je pense que nous sommes en présence d'effets que l'on peut rencontrer dans bien d'autres oeuvres, notamment que j'ignore, et qui se sont diffusés partout à l'époque. 2 CD Marek Janowsky Orchestre philarmonique de Radio France Symphonies 1 à 4.

SCHULHOFF
Apparemment le style bruyant, hyperdynamique, mais tonal, s'est considérablement développé pendant le 20e siècle. Schulhoff, exemple typique. Plus encore que Roussel qui a mal tourné (à mon avis). Schulhoff a tourné encore plus mal. Voici mes quelques notes prises au cours des six auditions des symphonies 3 et 5 que j'ai supportées: bruyant, très bruyant, dissonant, très dissoant, très long, hyperrythmique. Orchestration primaire, cacophonique, très cuivré... Musique thématique, oui, mais des thèmes ultrarudimentaires. A peine le mouvement lent de la 3e symphonie brise cette rythmique incessante. Je me demande comment on peut oser présenter cette m... au public. Style d'époque, alors les applaudissements sont certainement obligatoires. Quelqu'un sur ce forum apprécierait-il ces oeuvres de Schulhoff? J'aimerais alors qu'on me cite, quel mouvement, quels thèmes il faut admirer. Il n'y a pas que la musique atonale qui ait fait des dégats, une grande partie du moderne (ou plutôt moderniste) constituant la bruisique est constitué de musique parfaitement tonale et même thématique, quoique fortement dissonante. Si vous voulez vérifier, voilà les références Ervin Schulhoff Symphonies n°3 et n°5 - Prague Radio Symhony orchestra vladimir Valek CD Supraphon.

LISTE DE 51 OEUVRES PRÉFÉRÉES
30, trop peu c'est vrai, même pour des oeuvres instrumentales. Je propose 51 oeuvres sans ordre. C'est également très succinct.

ALBENIZ Isaac Asturias
ARRIAGA Juan Crisostomo Quatuor n°1
ARENSKI/RHYABININE Fantaisie sur des thèmes de Rhyabinine op 48
BANTOCK Granville Hebridian symphony
BEETHOVEN Ludwig Van Symphonie n°5
BERLIOZ Hector/Thomas de CELENO Symphonie fantastique
BOTTESINI Giovanni Allegro di concerto
BRUCKNER Anton Symphonie n°4 Romantische
CHAMINADE Cécile Konzertstuck
CHOPIN Frédéric Etude op 10 n°3 Tristesse
CONSTANTINESCU Pavel Concerto piano orchestre
DAQUIN Louis-Claude Le coucou clavecin
DEBUSSY Claude (1862-1918) Petite suite : En bateau
DANZI Franz (1763-1826) Quintet op 56 n°2
DIABELLI Anton (1781-1858) Grande sérénade op 95 n°4
DUKAS Paul (1865-1935) Apprenti sorcier
DVORAK Antonin (1841-1904) Symphonie du Nouveau monde
FALLA Manuel de Nuits dans les jardins d'Espagne
GIAZOTTO Remo (XXème) Adagio d'après Albinoni
GOTTSCHALK Louis MOREAU (1829-1869) El cocoye
GRIEG Edvard (1843-1907) Concerto piano
HALVORSEN Andante religioso
HOLMES Augusta Ouverture pour une comédie
HE Zhan-hau (XXème) Concerto violon
HOLST Gustav (1874-1934) Suite symphonique Les planètes
KABALEVSKI Dimitri (1904-1987) Symphonie n°2
KODALY Zoltan (1882-1967) Galanta Dances
LIAPOUNOV Serguéi (1859-1924) Fantaisie sur des thèmes ukrainiens
LISZT Franz (1811-1886) Le rossignol
LITOLFF Henry (1818-1891) Concerto symphonique n°3 piano
MACDOWELL Edward (1861-1908) Concerto n°2 piano orchestre
MARTINU Bohuslav (1890-1959) Symphonie n°6 Fantaisies symphoniques
MASSENET Jules (1842-1912) Concerto piano
MOUSSORGSKI Modeste (1839-1881) Souvenir d'enfance n°3
PAGANINI Nicolo (1781-1840) Concerto n°3
RACHMANINOV Serguéi (1873-1943) Concerto n°2 piano
RIMSKI-KORSAKOV Nicolaï (1844-1908) Shéhérazade
RODRIGO Joaquin (1902-1999) Concerto de Aranjuez
SALIERI Antonio (1750/1825)/ANONYME Variations sur La Follia di spagna
SAINT-SAËNS Camille (1838-1921) Carnaval des animaux
SARASATE Pablo de (1844-1908) Huit danses espagnoles : n°5
SCHARWENKA Xavier Concerto n°3 piano
SGAMBATI Giovanni (1841-1914) Quintette n°2 op 5
SIBELIUS Jean (1865-1957) Symphonie n°1
SMETANA Bedrich Quatuor n°1 "de ma vie"
STRAVINSKI Igor (1882-1971) Pétrouchka
SUK Josef (1874-1935) Symphony in E m op 14
TAKTAKISHVILI Otar (1924-1989) Concerto n°2 violon
TCHAÏKOVSKI Piotr Illitch (1840-1893) Concerto n°1 piano
VIEUXTEMPS Henri (1820-1881) Elegie op 30
VIVALDI Antonio (1678-1841) Les quatre saisons

On peut difficilement évoquer certains sujets sur certains forums. A qui le dites-vous, mon bon monsieur. Et il arrive aussi que la meute des aplaventristes, pour mieux défendre son honneur bafoué, tente par tous les moyens, de déconsidérer celui qui a osé dénoncer leur petit manège hypocrite. Ce qui fait le plus défaut à nos contemporains, dis-je souvent, c'est le courage philosophique.

RIES - CARULLI
Ce mois-ci, approfondissement des oeuvres de Ries et Carulli que nous avons déjà abordés précédemment. Ries, musique de chambre qui ressemble à de la musique concertante, et même qui dépasse le Concerto n°3 du même compositeur. Style d'une maturité confondante pour des oeuvres écrites vers 1820 et même avant. Le septuor op 142 marie admirablement la harpe et le piano, un heptuor d'une composition instrumentale inhabituelle un peu "alla Saint-Saëns", de même que le style si peu en rapport avec l'image traditionnelle que l'on a de la musique de chambre. Je recommande vivement ce CD CPO Ensemble Concertant Frankfurt (quintette op 74, septuors op 100 et 142). Carulli, du bon Carulli, oui, post-galant sans surprise, mais de nombreux thèmes d'une grande élégance, d'un charme accompli. Malheurement, souvent le 2e thème de la pièce est d'un moindre intérêt (à mon avis). Pas le grand Carulli du Nocturne n° op 131, mais de quoi tout de même satisfaire un mélomane exigeant. Je recommande donc ces oeuvres du maître italien: les duos op 134, 130 et 151, si vous pouvez les trouver séparément. Sinon il y a l'intégrale: CD (Complete works for Guitar and Pianoforte Brilliant Classics avec Palumbo et Saracino. Chronique consacrée à la récupération de la musique par les Intellectuels. Cette perpétuelle récupération au fur et à mesure que l'esthétique change m'évoque assez les efforts des entreprises de tabac qui parviennent toujours à contrecarrer les campagnes anti-tabac et les lois anti-tabac. Le détournement est une manoeuvre qui a toujours fonctionné à toute époque et dans tous les domaines.

RIES - CARULLI
Toujours Carulli et Ries, le premier pour une nouvelle série de duos guitare orchestre (intégrale Brilliant Classics), le second également pour de la musique de chambre (quintette op 74, sextuor op 100, sextuor op 142 Ensemble concertant Frankfurt CD CPO). C'est par erreur de commande que j'ai acquis ce CD de musique de chambre. Si je fais confiance à Ries pour la musique concertante (pour moi il a prouvé son génie dans son Concerto n°3), en revanche j'aurais beaucoup hésité à me procurer de la musique de chambre de ce compositeur. J'ai découvert ce que je n'imaginais pas: de la musique de chambre aussi virtuose et aussi extériorisée que dans un concerto, et même beaucoup plus que dans le concerto du maître allemand. Brillantissime, virtuosissime, on peut en rajouter. Et surtout une maîtrise du langage pianistique qui évoquerait plutôt la seconde moitié du 19e siècle alors que ces pièces sont antérieures à 1820. On croit rêver. Donc, pour moi un grand CD, quoique la composition des heptuors me paraisse un peu bizarre, on l'a reproché d'ailleurs à Ries en son temps. En revanche, l'intégration de la harpe me paraît judicieuse. De même l'utilisation de la contrebasse à la place du violoncelle, initiative que je ne peux qu'approuver. La documentation explique que ce sont les liens privilégiés de Ries avec Dragonetti qui expliquent cette caractéristique. Carulli, vol 4 de l'intégrale. A mon avis un bon volume, des mélodies magnifiques, souvent dispersées malheureusement à l'intérieur de ces duos. Il faut un peu aller à la pêche. Mais dans l'ensemble je ne peux que conseiller ce CD. Le meilleur avec celui comportant le fameux Nocturne op 131. Chronique consacrée à la récupération philosophique de la musique, activité dans laquelle les Intellectuels sont des maîtres. On pourrait presque admirer cet art de la récupération, s'il ne signifiait l'appropriation du répertoire et le diktat sur l'établissement des valeurs musicales. Y a-t-il encore des naïfs pour s'imaginer que finalement si des compositeurs sont connus, cela est dû uniquement à la prééminence de leur génie et que sans génie un compositeur ne saurait s'imposer.? OEUVRES VIOLONISTIQUES DE BRUCH
A mon avis, il ne faut pas exagérer les qualités des compositions violonistiques de Bruch. J'opte pour la sérénade op 75 (et encore un seul mouvement), mais pour le reste, surtout les concertos, je suis très dubitatif. On a fait des efforts extraordinaires pour populariser ce faux violoniste compositeur au détriment de nombreux (vrais) violonistes-compositeurs. Pourquoi faux? C'est le souvenir d'une ancienne polémique sur classique-fr avec un mélomane distingué que vous connaissez. Il s'était révélé que Bruch n'était réellement ni violoniste ni pianiste (tout en l'étant), et il était surtout chef d'orchestre. C'est peut-être même vous qui l'avez dit. Bruch me paraît souvent empesé dans ses oeuvres concertantes, dont un concerto pour piano, je crois.

RIES - CARULLI
Pour les amateurs de musique italo-germanique, quelques oeuvres de Ries et Carulli que je présente dans la mise à jour de critique-musicale.com. Chronique consacrée à un phénomène de la pensée extrêmement répandu au cours du temps, la récupération, au sens philosophique naturellement. Le phénomène de récupération m'a toujours fasciné. Tout dans ce bas monde semble destiné à être détourné, un véritable mode de fonctionnement de la pensée qui joue un rôle de "protection" dans la lutte interpersonnelle. L'exploitation est également un des corollaires de la récupération, elle me paraît moins dangereuse quoique déformante car elle n'implique pas, me semble-t-il, la volonté d'iconoclastie. Je suis même frappé de voir parfois des oeuvres oubliés par incapacité d'exploitation de la part des majors. Je ne fais qu'effleurer dans cette chronique le vaste phénomène de la récupération appliqué à la musique. Toutes les possibilités de récupération semblent avoir été tentées et trouvées, toutes les "ouvertures" possibles, tous les angles d'attaque. Je compare cela à ce qui se produit dans le domaine de l'évolution biologique. Tout milieu propice à la vie a obligatoirement été colonisé. En terme technique, on dit que tout biotope viable possède sa biocénose. Un autre phénomène fondamental de l'évolution des idées concernant la musique est celui du mimétisme de la part des Intellectuels insensibles à la musique. Ils "observent" inconsciemment les réactions des sensibles (leurs commentaires notamment) et ils miment ces caractéristiques (pour réaliser naturellement un détournement). C'est un fonctionnement psychique presque "inconscient" qui se réalise "naturellement" dans la "guerre dialectique" permanente que se livrent les individus. Le mimétisme, ce sera peut-être l'objet d'une chronique suivante, une des formes de la lutte entre l'Intellect et la Sensibilité. En attendant, abreuvez-vous de musique italo-germanique (Ries et Carulli).

LE MOZART DES MASSIN
Je ne pense pas que l'on puisse accorder un grand crédit à l'ouvrage des Massin. Il comporte des erreurs, véhicule des clichés dont on a pu montrer la fausseté (si j'en crois d'autres ouvrages plus documentés et plus récents). D'autre part, cet ouvrage est rempli de commentaires d'un intérêt à mon avis très contestable et ne pose jamais, à mon sens, les questions essentielles. Je considère les Massin comme une calamité sur le plan de la musicologie. A une époque où il aurait fallu diriger l'intérêt des recherches vers d'autres compositeurs que les grandes notoriétés, ils se sont inscrits sans la moindre interrogation dans la brèche déjà ouverte de l'exploitation des vedettes musicales les plus confirmées. Pour moi, le Mozart des Massin est un ouvrage qui n'apporte quasiment rien. Le fils de Mozart était-il déjà écrasé par la notoriété du père? C'est possible, mais il me semble que le fils devait déjà avoir un certain âge avant que la notoriété du père se soit établie véritablement. A sa mort, Mozart n'est encore qu'un compositeur très secondaire à Vienne, du point de vue de la notoriété. GOÛT POUR LA MUSIQUE ITALO-GERMANIQUE
Vous me paraissez contradictoire dans vos goûts, vous aimez les concertos de Tchaïkovsky caractérisés par une empreinte pathétique très extériorisée et vous n'aimez pas les symphonies de Beethoven! Peut-être avez-vous un certain dégoût pour la musique post-clasisque viennoise, souvent un peu lourde. je l'avais moi aussi et je ne jurais que par les Russes il a quelques années. J'ai finalement pardonné ses défauts à la musique italo-germanique, j'ai découvert notamment Ries, Gernsheim,Diabelli, Raff, Volkmann et quelques autres.

SUR UN PERTURBATEUR DE FORUMS MUSICAUX
Le sieur Melmoth nous a prodigué une fois de plus un de ses épisodes granguignolesques dont il a la spécialité. Comme à l'accoutumée, il s'est piteusement incliné, incapable de répondre à l'argumentation qui lui était opposée. Ce triste pître n'en est pas à sa première arlequinade. Qu'il continue à se ridiculiser sur forum_classique, cela ne peut que me réjouir. Jugez plutôt sur pièce sa puissance d'argumentation:

"Manifestement, monsieur Fernandez n'apprécie guère qu'on ose critiquer ses positions que personnellement j'appelle tout simplement délirantes. Après tout, un "fou" qui se prend pour Napoléon est persuadé d'être Napoléon !"

Continuez, sieur Melmoth, vous servez mes intérêt en ridiculisant le parti de ceux qui s'opposent à mes positions. Et le spectacle de votre humiliation m'est tellement agréable.

REDÉCOUVERTES MUSICALES VARIATIONS SUR LA FOLLIA DE SALIERI
Vous évoquez essentiellement les redécouvertes du baroque. Mon propos sur l'opportunité des redécouvertes concernait plutôt celles du 19e siècle, voire du 20e siècle. Un décalage important existe entre les redécouvertes de la musique ancienne, considérée sur le plan de la "valeur historique" et les redécouvertes du 19e siècle qui, elles, ne bénéficient pas de cet encensement. C'est vrai aussi que, même pour le 19e siècle, tout ce qui brille n'est pas d'or. Prochainement, j'évoquerai des oeuvres de Hamerik et Gade qui m'ont beaucoup déçu. Quoique fervent défenseur de Gade et de la musique norvégienne, c'est vrai que je dois parfois baisser pavillon. Je n'ai pas prétendu qu'il était toujours facile de redécouvrir des oeuvres rares intéressantes. Mais c'est vrai que dans l'ensemble j'ai été moins déçu par les oeuvres rares du 19e siècle que par celles de la période baroque. Pour autant, je persiste à ne pas oublier le répertoire baroque. Par ailleurs, je ne voudrais pas passer pour le seul mélomane de cette liste (ni de l'autre) qui s'intéressât aux oeuvres rares. Vous mêmes avez contribué à redecouvrir certaines oeuvres en les signalant ou en les analysant. Une des plus belles redécouvertes (pour moi), je ne l'ai pas faite directement, ce sont les variations sur la Follia de Salieri. C'est un membre de notre liste qui a conseillé cette oeuvre. Et je pense que c'est une des rares oeuvres que tous les membres de la liste ont appréciée (ceux qui sont intervenus pour le dire au moins). Pour moi, c'est une oeuvre unique qui préfigure l'orchestration de presque tout le 19e siècle, du romantisme à l'impressionnisme.

CHEFS-D'OEUVRE UNIVERSELLEMENT RECONNUS?
Vous méprisez les oeuvres que je conseille en les traitant de rogatons. Vous avez le droit absolu de considérer que ce sont des rogatons, mais vous devez écrire, comme je le fais moi-même "Je pense que..." ou une expression similaire et ainsi ne pas considérer que votre jugement personnel est une vérité absolue. Vous pouvez aller sur critique-musicale.com et vérifier que je m'exprime bien ainsi. Quant à votre affirmation selon laquelle je conteste les chefs-d'oeuvre unanimement reconnus, il faudrait préciser la période pendant laquelle ils sont des chefs-d'oeuvre reconnus. Un "chef-d'oeuvre reconnu" à une période est ignoré, voire dénigré à une autre période, comme l'explique l'un de nos membres dans un autre message. C'est là que le bât blesse. A moins que vous ne considériez que notre époque possède la vérité universelle, ce qui est à mon sens une manifestation d'orgueil ou d'inconscience, un manque de perspective historique. En second lieu, comment déterminer qu'une oeuvre est un "chef d'oeuvre reconnu". Par qui? Dans un sens, certaines oeuvres de Boulez sont des chefs-d'oeuvre "reconnus", comme Boulez lui-même, qui figure dans le Petit Larousse. Mais est-ce que cette prétendue "reconnaissance" n'est pas contestable? Combien de personnes connaissent et ont réellement appréciées ces oeuvres "connues" de Boulez? Il en est de même pour certaines oeuvres plus classiques. Leur nom a été imposé, mais combien de personnes les apprécient réellement? Comment le savoir? En dernier lieu, je conteste assez peu la valeur des oeuvres "reconnues" actuellement ou dans le passé. Voici quelques exemples. Vous pourrez vérifier que j'ai "noté" au maximum sur critique-musicale.com "Les quatre saisons, les symphonies de Beethoven, la Symphonie du Nouveau monde, le conerto de Aranjuez, l'Adagio d'Albinoni-Giazotto... J'ai aussi noté au maximum les Polonaises de Scharwenka qui ont été au 19e siècle des chefs-d'oeuvre reconnus par le public.

CERTAINES OEUVRES SONT-ELLES DES "ROGATONS"?
Je constate que vous appelez "rogaton" des oeuvres que j'apprécie. Quoique je conteste pour ma part aussi certaines eouvres, je ne me suis jamais permis de les affubler d'un nom aussi méprisant que "rogaton". En second lieu, vous vous exprimez d'une manière péremptoire (en affirmant qu'il s'agit de rogatons) alors que les jugements présentés sur critique-musicale.com sont quasiment toujours dubitatifs ou personnels. Je n'ai pas comme vous la présomption d'émettre un jugement absolu, universellement vrai. Que vous me manquiez de respect n'est pas très grave, en revanche je suis désolé que vous couvriez du même mépris des compositeurs qui ont souvent été des notoriétés en leur temps, et aussi des musicologues, des interprètes, des chefs d'orchestre. Car sachez que si, moi, mélomane au bout de la chaîne, je puis écouter des oeuvres rares, c'est parce que des musicologues les ont exhumés, des interprétes les ont fait revivre. Considérer d'un revers de main que leur travail est inutile, c'est-ce pas ce qui est consternant et pathétique? Ou alors il faut apporter des arguments, or, je n'en vois guère dans votre propos.

CONCERTS D'ÉPOQUE
Mon propos était très général et visait à comparer les concerts autrefois et aujourd'hui. Les auditeurs de l'époque n'applaudissaient pas en Beethoven un génie consacré. Les applaudissements avaient, me semble-t-il, plus de signification qu'aujourd'hui où les auditeurs savent à l'avance que Beethoven est consacré. Cela dit, Beethoven a obtenu de nombreux succès à travers toute l'Europe, et quelquefois des échecs. Pour moi, ces succès d'époque, même variables, ont plus de prix que les applaudissements obligés du public actuel, ils étaient plus authentiques. Je combats surtout l'idée selon laquelle certains pensent que le public de l'époque se trompait et que nous, grâce à la lumineuse clairvoyance des Intellectuels, nous savons désormais avec certitude quel sont les génies. Cette idée-là justement est une manifestation d'orgueil, souvent inconsciente, et une réaction de mépris à l'égard des générations passées. Il nous faut avoir l'humilité de penser que les jugements de notre époque ne sont pas des certitudes et ne pas présenter les jugements des époques passées comme des erreurs. Toutes ces oeuvres de Beethoven que vosu citez sont-elles réellement captivantes? On pourait se poser la question sérieusement au lieu d'encenser à tout va dès qu'une oeuvre porte une estampille. Aujourd'hui, le public applaudit presque toujours, même s'il s'est ennuyé. Il semble même considérer que s'ennuyer en écoutant de la musique clasisque, c'est normal. C'est d'ailleurs le standard que l'on impose de plus en plus en éliminant les oeuvres les plus lyriques au profit des oeuvres les plus ennuyeuses. Applaudir une oeuvre ennuyeuse est toujours rassurant, on est presque sûr de ne pas passer pour un ignorant ou un mélomane de mauvais goût, mais pour un mélomane supérieur. GRANDS COMPOSITEURS
Vous avez, dites-vous, la conviction intime et indestructible que Mozart et Bach sont de très grands musiciens. Vous le croyez parce qu'on vous a appris que Bach et Mozart étaient de grands compositeurs, mais si on vous avait appris qu'ils étaient des compositeurs secondaires, vous les auriez considérés ainsi. On est dans le domaine de l'illusion. Même les spécialistes ont été incapables de distinguer les oeuvres attribuées faussement à Bach et Mozart et les ont longtemps considérées comme aussi valables que les authentiques. Quand aux "jugements de compositeurs", on choisit toujours ceux qui vont dans le sens de notre idéologie. Bach étant mort, il a été considéré comme "le plus grand compositeur". Il a représenté une valeur fondatrice qui unit un groupe, en termes de sociologie. Le contester, c'est se mettre en marge du milieu dans lequel on se trouve. Rares sont les compositeurs qui se sont engagés dans cette voie suicidaire. S'ils l'ont fait, ils ne sont plus aujourd'hui reconnus. Berlioz a osé le faire, il l'a payé assez cher.

LES JUGEMENTS DE MOZART
Les jugement de Mozart était beaucoup déterminé par ses relations d'intérêt. Les autres compositeurs sont souvent pour lui des concurrents et ceux qui réussissent sont généralement sa cible car, lui, ne réussit guère. Mozart a manifesté de la jalousie. On ne peut lui reprocher, c'est normal dans le milieu professionnel. C'est ainsi qu'il traite de "meccanista" Clementi, qu'il traite Stamic de "barbouilleur de notes"... Un historien de la musique doit aller au-delà de ces "jugements de confrères". Il ne faut pas oublier aussi que dans Vienne dominée par les compositeurs étranger (les Italiens surtout, les Hongrois, Tchèques, Espagnols...), les compositeurs Austro-Allemands forment une communauté qui se soutient.

EXPLOITATION GRÂCE À LA MUSIQUE
Certes, l'exploitation (notamment économique) est très spécifique à notre époque, mais, toutes proportions gardées, je pense qu'elle a existé. Autrefois, c'est vrai que les compositeurs portés au pinacle n'en profitaient pas, mais justement, d'autres en profitaient à leur place, ceux qui les promouvaient formaient une caste qui détenait le pouvoir et l'exerçait, tirant tous les avantages qui penvent en découler, notamment la considération. Naturellement, c'est une schématisation. Aujourd'hui aussi, Boulez et ceux de sa caste tirent profit de leur situation. Il y trouvent, sinon directement la manne financière, la considération, l'ascension sociale, la réputation, le vedettariat... Quant à ceux qui exploitent les pulsions primaires de la population, ils appartiennent à un autre monde, celui qu'a engendré l'ère démocratico-économique. Vous savez, je regrette parfois l'époque aristocratique, et moi qui me pique de noblesse d'esprit, j'en arrive presque à préférer les communistes. Sur le plan culturel, l'Union Soviétique n'est jamais descendu aussi bas que notre société de consommation. Il restait un minimum de respect pourla culture.

LE MOZART DE HILDESHEIMER - LE MOZART DE MARTINE CADIEU
L'ouvrage de Hildesheimer par exemple, même s'il est déjà un peu ancien, se caractérise par une analyse psychologique sans concession, qui va bien au-delà du conventionalisme apologique développé par les Massin. Selon lui, les affirmations de Mozart tirées de ses lettres (ce qu'exploitent justement les Massin) n'ont aucune valeur car Mozart était capable le plus ingénument du monde de se couvrir de tous les masques. Voici un extrait:

"Il disposait d'un prodigieux registre émotionnel à l'abri duquel il pouvait interpréter toutes sortes de personnages ou se dissimuler complètement, et il l'a utilisé sans la moindre hypocrisie, mais sans aucun souci de vérité objective." (fin de citation Mozart de Hildesheimer)

On apprend aussi de nombreux détails révélateurs dans le petit ouvrage de Martine Cadieu: Mozart étudiant les partitions de différents compositeurs lyriques italiens de l'époque pour chercher des recettes et tenter d'obtenir autant de succès qu'eux. Des détails intéressants dans un ouvrage d'Antony Burgess (dont je ne me souviens plus du titre). il compare les sommes dépensées pour l'engagement de différents compositeurs à la cour de Vienne:

Mozart reçut 800 guldens alors que Gluck en avait reçu 2000, Cannabich 1800 et Dittersdorf 2700! (d'après Anthony Burgess).

Personnellement, je suis d'accord, c'est Dittersdorf que je payerais le plus... mais j'engagerais aussi Mozart, et même pour un prix un peu supérieur. Vous voyez que je suis généreux avec lui.

HAYDN
Résumons alors puisqu'il ne faut pas passer sa vie à écrire, ce que je fais trop, je l'avoue. Haydn pâle copie de Mozart, non sans doute mais plus sûrement pâle copie des grands précurseurs de l'école de Mannheim, Stamic par exemple. Haydn un cas historique que l'on élucidera peut-être un jour. Il me laisse froid. Les auteurs finissent toujours par reconnaître le manque d'empreinte émotive dans ses oeuvres, voire l'insensibilité dont elles témoignent. De ce point de vue, il est bien différent de Mozart comme vous le dites. Les quatre saisons, il ne faut pas exagérer son emprise populaire, sinon par des versions galvaudées. L'oeuvre fut élue en son temps et même au 20e siècle par l'aristocratie ou la bourgeoisie, la seule qui avait accès aux concerts...

SUITES SUMPHONIQUES DE TCHAÏKOVSKY
Je n'aurais pas cru que je pusse être bouleversé autant pour une nouvelle oeuvre de Tchaïkovsky. Et pourtant. Ces suites 1 et 2 pour orchestre. Le vertige saisit l'auditeur dans cet amalgame un peu bizarre, hors de toue norme. C'est un puits, un puits sans fond où l'âme glisse irrésistiblement. Le titre de ces compositions évoquerait plutôt quelque ramassis tiré d'un placard, jeté vaguement sur le grimoire dans les heures creuses où l'inspiration fait défaut. Et si les oeuvres "secondaires" de Tchaïkovsky étaient les oeuvres principales. Le compositeur a-t-il jamais pu porter un oeil objectif sur ses compositions, lui qui déclarait pour toute exégèse de son oeuvre "J'écris de la musique pour que des gens soient consolées en les écoutant". Consolé n'est pas le mot. On est saisi, arraché, transporté en des lieux de la conscience où se nouent l'espoir, le désespoir, aux confins de l'insoutenable. Et que dire du rhapsodisme qui transfigure ces oeuvres? La slavophilie n'est pas un nationalisme, c'est une notion qui ne peut se concevoir dans aucun autre pays. Et si le rhapsodisme était le fond, l'ultime message de Tchaïkovsky, lui qui fut accusé d'occidentalisme? On en finit pas d'explorer l'âme russe au travers de Tchaïkovsky. Jamais le rhapsodisme, expression du génie populaire, n'avait été aussi intimement associé aux sentiments les plus complexes d'un destin individuel. Et si le rhapsodisme, le sentimentalisme exacerbé, le romantisme dans son extrême radicalisation constituaient le message prophétique qu'allait recueillir le 20e siècle, contrairement à ce qu'ont voulu nous faire croire tous les docteurs? Et si ces suites, au lieu de représenter une pâle préfiguration de la Symphonie pathétique ou du Casse-noisette en représentaient la racine la plus aboutie, la plus profonde, la plus authentiquement inspirée que l'épuration formelle inévitablement amoindrit? Tchaïkovsky si méconnaissable, si reconnaissable pourtant dans ce dernier mouvement de la suite n°2. Tchaïkowsky Suites 1 et 2 op 43 et op 53 national Symphony Orchestra of Ireland (Stefen Sanderling).

TRANSCRIPTIONS DE BACH
Et on pourrait ajouter que Bach n'étant pas un coloriste (très peu de compositeurs l'étaient au 18e), il n'accordait guère d'importance au choix des instruments. L'Art de la Fugue n'a été écrit pour aucun instrument particulier. "transfigurés et amplifiés par le génie du maître de Leipzig", c'est la formule officielle. A-t-on sérieusement et réellement comparé les originaux et les transcriptions de manière objective et débarrassée de tout préjugé pour l'affirmer? Généralement, les transcriptions sont des oeuvres méprisées, témoignant souvent de l'activité de compositeurs de second ordre. Tout au moins, c'est ce que l'on affirme. Sauf quand il s'agit de compositeurs reconnus comme Bach ou Liszt. C'est tout de même un peu bizarre. Ce qui est méprisable chez les uns devient admirable chez les autres. Cela me rappelle une certaine fable "selon ce que vous êtes puissant ou misérable..." Comment un pur génie comme Bach s'est-il mêlé de perdre son temps à écrire des transcriptions comme un vulgaire scribouillard? Pourquoi a-t-il condescendu à considérer comme modèles des compositeurs aussi faibles, lui qui possède l'inspiration supérieure? Que n'a-t-il composé des concertos pour solistes originaux?

SUK
Saluons la renaissance de Suk, un compositeur qui pour moi accumule les chefs-d'oeuvre. L'argument de la synthèse, dans le cas de Suk me paraît justifié. Synthèse, mais aussi dépassement. Strauss, Liszt, Debussy, je pourrais ajouter aussi Wagner, Paganini, Ravel, Tchaïkovsky, Dvorak... (si je me réfère à ses oeuvres pour violon et orchestre, sa musique de chambre et diverses oeuvres pour orchestre comme la Symphonie n°1, peut-être son grand chef-d'oeuvre), mais à quoi bon tous ces noms. Ont-ils beaucoup de signification, ne représentent-ils pas la musique de la fin du 19e et du début du 20e, une synecdoque facile et trompeuse pour résumer le style romantico-impressionniste.

TRANSCRIPTIONS LISZT ET BACH
Il faut beaucoup de bonne volonté pour se persuader que les compositeurs originaux sont secondaires tandis que les arrangeurs seraient fondamentaux. Que certains compositeurs comme Liszt se soient parfois adonnés à la transcription, on peut le comprendre, mais qu'un compositeur accumule à ce point les emprunts, copies, arrangements comme le fait Bach, c'est surprenant de la part d'un créateur. Il faut ajouter que les chorals sont ni plus ni moins que des développement à partir d'un thème principal emprunté, comme l'a expliqué dans une lettre dont vous vous souvenez un spécialiste de musique allemande ancienne. Concernant les opéras, effectivement, nous n'avons pas la même notion de ce genre musical qu'aujourd'hui. Les opéras semblent avoir été considérés comme une collection d'arias avec lesquels les auditeurs se récréaient bruyamment. Certains auteurs en ont déduit que ce public était peu musicien. Ce qu'ils oublient, c'est que si l'on s'égayait fort pendant les récitatifs, c'était le silence absolu pendant les arias que l'on écoutait religieusement. Et l'on appréciait réellement la musique peut-être plus qu'aujourd'hui. Comme quoi, vouloir affirmer des déductions à partir des faits historiques réserve bien des surprises. il faut rester prudent.

BACH PÈRE DE LA MUSIQUE?
Comment Bach qui est le Père de la Musique aurait-il recherché un Père. n'est-il pas le démiurge où tout arrive et d'où tout découle. Quant à son propre style, toujours d'après ce fameux spécialiste de musique ancienne allemande, le style de Bach est largement tributaire de la musique allemande de son temps. En y ajoutant quelques italianismes.

BARBER - STRAVINSKY - HINDEMITH - WILD
Puisque je suis si bien parti dans le genre de la diatribe, voici un second CD qui en sera l'objet. Fait bien significatif du monolithisme de la musique moderne malgré un aspect extérieur parfois protéiforme, j'ai cru que ce CD était consacré à un seul compositeur Earl Wild. Il n'en était rien, j'ai découvert après l'avoir auditionné une dizaine de fois qu'il comprenait des oeuvres de compositeurs aussi "variés" que Barber (Sonata op 26), Stravinsky (Sonata), Hindemith (Sonata n°3), et Wild lui-même (Sonata). L'ensemble de ces oeuvres pour piano n'est qu'un même tissu isotrope d'un dynamisme incessant ou d'une arythmie figé, selon les mouvements. On ne peut même pas traiter les compositeurs d'atonalistes (ce qui naturellement est pour moi la dernière injure). Stravinsky même relativement tonal et, accrochez-vous parfois même mélodique, mais un mélodisme vague, des bribes sans queue ni tête qui se promènent dans la texture musicale un peu au hasard. S'il s'agissait d'une roche que l'on observe au microscope polarisée, on dirait : structure cataclystique. Rien là-dedans à mon avis. Pas plus chez l'un que chez l'autre. Barber manifeste l'intention d'une structuration, d'une certaine forme de virtuosité "alla Ravel". Plus que la froideur comme incapacité de chaleur, c'est la volonté manifeste de froideur. Un but parfaitement atteint par le compositeur. On écoute l'oeuvre, contrit et contrarié. Rien qui enthousiasme, rien qui invite à une adhésion. A fuir.

IL FAVORITO VIVALDI
Je voudrais signaler une nouvelle recréation du Concerto Il favorito de Vivaldi par Victoria Mullova avec il Giadino armonico. Je ne l'ai pas encore écouté. Quoiqu'il s'agisse d'une interprétation d'époque (par l'ensemble Il Giardino), je pense qu'il faut saluer cette recréation d'une oeuvre négligée et qui représente pour moi un des concertos les plus percutants et les plus spectaculaires que j'aie jamais entendus. Alors que les quatre saisons représentaient un essai de concerto symphonique, le concerto Il Favorito est plutôt l'expression, unique pour l'époque (au moins d'après ce qui nous en est parvenu) d'une radicalisation du solisme jusqu'à une expression d'un lyrisme exacerbé, d'une intensité inouïe, une sorte d'écartèlement sonore âpre et douloureux. Une oeuvre un peu isolée à l'intérieur de cet opus 11 bizarre que je ne conseillerai pas dans l'ensemble. On doute même qu'il s'agisse d'un choix de concerto réalisé préférentiellement par le compositeur (le mystère historique demeure sur la constitution de ce recueil). La plupart des oeuvres de cet opus, à mon sens, ne vont guère plus loin qu'un pseudo style galant assez fade et facile (pas toutes cependant). Que certains ne soient pas découragés par les baroqueux du Giordano armonico, j'ai l'impression qu'ils ont été dans l'obligation de mettre beaucoup d'eau dans leur vin et leur style se rapproche finalement assez de l'orchestre classique, si je me réfère à quelques CD que j'ai déjà entendus par cet ensemble. Quant à Victoria Mullova, je ne sais ce qu'elle peut valoir dans le répertoire virtuose du 18e, cette artiste a déjà joué (entre autres oeuvres) les partitas de Bach, des sonates de Bartok, des Introductions et variations de Paganini, un programme plutôt austère. Il favorito la métamorphosera peut-être.

CONCERTO 2 DE SAINT-SAËNS
Et il y a eu celle de Jeanne-Marie Daré, (ou du moins elle a joué presque tous les concertos de Saint-Saëns, me semble-t-il). Je la préfère à Ciccolini que je ne trouve pas assez mordant pour Saint-Saëns, trop flou. JM Daré met l'accent sur la rigueur, mais, à la limite pour Saint-Saëns elle n'est pas assez brutale. C'est le mot, je crois, qui peut caractériser parfois l'inspiration de Saint-Saëns. Mais y a-t-il un pianiste assez fou qui puisse faire transparaître la personnalité hors norme de ce compositeur? Et il est bien dommage que notre époque ait autant oublié l'oeuvre pour piano seul. J'ai lu sur un ouvrage datant de 1950 environ que ce qui était étonnant à propos de Saint-Saëns, c'est qu'il ait été un pianiste connu et qu'il n'ait jamais imposé une seule oeuvre pour piano. Cela laisse assez rêveur. Outre que cet auteur oubliait complètement le fameux Carnaval des animaux pour piano et orchestre, il oubliait aussi "Les cloches de Palma" ou Les cloches du soir". Je n'ai jamais su du reste si c'était la même pièce sous des appellations différentes. Probablement. Une oeuvre pré-impressioniste qui évoque "Cloches dans la feuillée" de Debussy. Pardonnez les titres peut-être un peu fantaisistes que je donne à ces oeuvres, ma mémoire est vacillante. Cette pièce de Debussy est également très connue. Académisme, oui, bien sûr.

SAINT-SAËNS À L'HONNEUR SUR CLASSIQUE-FR? Cette frénésie soudaine à l'égard de Saint-Saëns sur ce forum ne m'impressionne guère. Qui avait mis une oeuvre de Saint-Saëns dans sa liste d'oeuvres préférées ou même de concertos préférés? C'est là qu'on voyait fleurir les Brahms, Schumann, Mozart et compagnie. Comme d'habitude sur classique-fr. Dans les 100 oeuvres préférées bien sûr, très facile, surtout s'il y a une oeuvre au maximum par compositeur car, lorsqu'on a passé les Brahms, Melndelssohn, Mozart, Haydn, Malher, Bruckner et les autres, il faut bien trouver d'autres oeuvres. Mais dans les palmarès avec 10 ou 20 oeuvres préférées, qui a mis une oeuvre de Saint-Saëns? Sans doute assez peu sur la liste. Quant à ceux qui ont pu déclarer que les concertos de Saint-Saëns étaient pour lui meilleurs que ceux de Brahms, ne cherchez pas, cher mélomane distingué, il n'y en a qu'un seul.

POÈMES RHAPSODIQUES LISZT
Liszt, intégrale des poèmes rhapsodiques. Orchestre du Gewandhaus de Leipzig Kurt Mazur. On ne voit pas bien Liszt composer des symphonies tant le genre est opposé à son tempérament. Même le genre du concerto constitue déjà pour lui une contrainte trop importante. La Dante Symphonie ou la Faust-Symphonie, plutôt de fausses symphonies, mais de vrais poèmes symphoniques. Que dire des poèmes symphoniques de Liszt présentés sous cette appellation. Si la forme semble lui convenir, il ne paraît guère soucieux de les traiter comme des oeuvres achevées constituant des entités, mais plutôt comme des divagations où le mélomane est un peu obligé d'aller à la pêche. Si vous avez du goût pour ce genre d'audition, je vous les conseille, vous y découvrirez des passages magiques. Si vous êtes horripilé par les "vides", les longueurs, ne les écoutez surtout pas. Pourtant, il me semble que Liszt élabore un genre symphonique qu'il revêt d'un affect nouveau, Une recherche de mystère très spécifique qui sera exploitée par Saint-Saëns puis Tchaîkovsky. On a un peu vite occulté à mon avis cette caractéristique pour ne considérer que la tendance vers l'impressionnisme musical (à mon avis assez peu visible dans ces oeuvres). La monopolarité est, il est vrai, une conséquence de l'esprit de classification. Il ne faudrait surtout pas défigurer le bel ordonnancement convenu de l'histoire de la musique. Je pense pourtant que ce style symphonique représente autant que ce qu'a été l'impressionnisme musical. Cela dit, pour revenir précisément aux poèmes symphoniques de Liszt, le compositeur fait voisiner ces particularités remarquables avec des vulgarités (à mon avis désolantes). On mesure combien Liszt par son style demeure attaché au premier 19e siècle dans ce qu'il présente de plus primaire et archaïque. A fuir pour ceux qui sont attachés (comme votre serviteur) à la dimension aristocratique de la musique classique. La meilleure de ces oeuvres, qui en résume sans doute les points positifs et négatifs, je dirai que c'est "Le Tasse".

POÈMES SYMPHONIQUES DE LISZT
On peut aussi les considérer en les replaçant dans l'évolution stylistique du 19e, aussi bien sur le plan de l'esprit que des effets symphoniques. De ce point de vue, il s'agit d'oeuvres charnières. Liszt ne semble pas adopter une évolution continue, mais saltatrice avec des bonds en avant et des sauts en arrière. Il n'abandonne pas les effets de fanfare, de batterie assez primaires et ne craint pas de les juxtaposer à des passages d'une harmonie mystérieuse. Dans l'esprit, Liszt évolue entre le premier romantisme, la quête de l'idéal absolu, voire la spiritualité, de l'autre il s'enfonce en des méandres méphistophéliques s'éloignant de l'esthétique romantique... J'ai, comme à mon habitude, écouté ces oeuvres plus d'une dizaine de fois chacune sur une période d'un mois. Au total, aucun de ces poèmes symphoniques ne me paraît mériter la mention excellent. Mais Liszt a-t-il visé l'excellence? A-t-il voulu décanter ces oeuvres de leurs scories?

REVALORISATION DE SAINT-SAËNS SUR UN CERTAIN FORUM
Un constant sur lequel on doit s'accorder malheureusement. Saint-Saëns dénigré par les mélomanes supérieurs hautement cérébraux, apprécié comme Tchaïkovsky ou Vivaldi par ceux que je qualifierais plutôt de "sensibles". La hiérarchie que vous constatez s'appuie sur le dogme de la supériorité de la cérébralité sur la sensibilité. Si la musique est un art, on peut s'interroger sur la validité d'une telle hiérarchie. Saint-Saëns est-il réellement reconsidéré sur classique-fr et a-ton révisé les anciens clichés? Bien sûr que non, Saint-Saëns est bien pour les membres de ce forum le compositeur académique que l'on a stigmatisé. La 3e symphonie une exception qui confirme la règle. On se demande d'ailleurs comment il a pu écrire cela. Et voilà surtout ce qui est significatif. Saint-Saëns est bien revalorisé, le "meilleur", mais uniquement dans le giron restreint de la musique française. Il serait inimaginable de le comparer aux Brahms ou autre Schumann. Bravo, cher mélomane, vous êtes en plein dans l'esprit classique-fr, vous avez tout compris, on peut louer les compositeurs dénigrés ou peu connus, mais à la condition qu'ils restent sagement dans l'ombre des grands classiques.

SAINT-SAËNS INFLUENCÉ PAR LA MUSIQUE ALLEMANDE?
Saint-Saëns influencé surtout par la musique allemande, dites-vous. Bien discutable tout cela. On pourrait tout aussi bien soutenir l'inverse. La déconsidération de Saint-Saëns, surtout après sa mort, s'appuie beaucoup sur son antigermanisme. Il a été interdit de concert dans plusieurs villes allemandes. Antigermanisme de discours, il est vrai. Si l'on considère les oeuvres en les décontextualisant, on peut nuancer. Néanmoins, sur le plan pianistique, Saint-Saëns a été beaucoup influencé par Liszt (représentant de la musique hongroise, je vous le rappelle tout de même), sur le plan violonistique par Sarasate, sur le plan symphonique en partie par Berlioz, peut-être en partie par Wagner, lequel a probablement véhiculé des effets issus de la musique nordique et diamétralement opposés à l'esprit de la musique allemande... Le "mozartianisme" du Concerto n°1 pour piano et quelques autres oeuvres, cela provient, historiquement de la mélodie cantabile italienne véhiculée par Mozart. Que reste-t-il de musique "allemande" chez Saint-Saëns. Peut-être quelques effets beethovéniens (véhiculés d'après Dittersdorf et d'autres), effectivement là c'est de la musique allemande quoiqu'elle soit issue du creuset viennois... Saint-Saëns a beaucoup exploité le rhapsodisme et souvent dans des oeuvres sans "argument" rhapsodique comme font les Russes, les Espagnols, les Nordiques, les Tchèques, les Polonais... en cela son inspiration est fort peu allemande et d'ailleurs assez peu française dans l'esprit... Je crois que Saint-Saëns a surtout puisé en lui-même, il est unique. A UN MODÉRATEUR
C'est vous qui détenez le mot de la fin. Oui, vous avez parfaitement raison, Saint-Saëns fait l'unanimité sur classique-fr : il est considéré comme un compositeur secondaire. Je suis d'ailleurs étonné que vous n'ayez pas encore trouvé de liste de 10 ou 20 oeuvres préférées où l'on trouve une oeuvre de Saint-Saëns (à part la mienne). Vous êtes pourtant un grand spécialiste dans la compulsation des archives. On pourrait croire que vous y passez vos nuits. Cherchez encore, très cher mélomane distingué, vous en trouverez sans doute, oui, je l'espère en tous cas. Je serais navré en effet de constater que je fusse le seul à considérer Saint-Saëns parmi mes 10 compositeurs préférés (si cela possède un sens). Et quel dommage surtout que vous ne soyez pas en ma compagnie en n'ayant pas vous-même cité une oeuvre de Saint-Saëns parmi vos 10 ou 20 oeuvres préférées.

ARTICLE SUR BACH DANS UNE REVUE
Un dossier peu convaincant à mon sens où le vernis conventionnel de l'apologie apparaît bien éculé. Qu'un dossier consacré à un compositeur dans une grande revue se place dans l'intention de l'éloge et gomme les contestations fâcheuses, rien à critiquer en cela. Les articles s'adressent aux amoureux de Bach en priorité et l'on comprend qu'une revue ne veuille pas éreinter leur héros. Ce serait du reste malvenu, indépendamment de tout objectif commercial. Il est dommage que les nécessités d'éviter les sujets glissants ait occulté totalement une oeuvre comme la Toccata et Fugue BWV565, l'oeuvre la plus transcrite et certainement la plus connue du public. Mais ce qui interpelle c'est, à mon avis, le manque d'enthousiasme du dossier. L'accumulation des formules consacrées, le dithyrambe des formules ampoulées sont il est vrai communes à l'évocation des autres grands classiques, mais, s'appliquant spécifiquement à Bach (à notre époque), s'exprime le mythe du "plus grand compositeur" et le dogme de "l'infaillibilité du compositeur". Je me souviens avoir lu des commentaires positifs et négatifs (peu, mais quelques-uns) dans le dossier Diapason sur Vivaldi. Ce n'est pas le cas dans celui-ci. Bach n'a aucune insuffisance.

"De tous les musiciens, il est celui dont le génie est le plus unanimement reconnu"

Sans doute vrai, mais reconnu par qui et à quelle époque? On pourrait remonter à la contestation de Scheibe au 18°, sans oublier surtout l'absence quasi-totale de succès de Bach en son temps et, de nos jours, les faits constatés par les experts en partition sur l'authenticité des oeuvres. Si l'on décrypte cependant le discours idéologique, l'on découvre un certain reflet de la réalité au fil des articles. Elle se trouve retournée et considérée comme une preuve supplémentaire du génie bachien selon une dialectique bien connue que j'ai largement rencontrée chez de nombreux auteurs.

"Pas de trace d'exécution d'une oeuvre de Bach en France au 18e siècle, moins encore de publication"

Plus loin, nous trouvons paradoxalement:

"Contrairement à l'absurde légende répétée, sa gloire posthume ne cesse de croître"

Il est vrai que lorsque l'on part pratiquement de zéro, l'on ne peut qu'augmenter. Cette phrase du commentateur s'appuie, je pense, sur le fait avéré par plusieurs musicologues que la mémoire de Bach fut toujours entretenue par un petit cercle d'intellectuels, mais n'est-ce pas abusif d'employer le terme de "gloire" qui semble ici s'appliquer aussi à la période s'étendant depuis la mort de Bach jusqu'à sa renaissance dans les premières décennies du 19e siècle?

Plus loin :

"De toute la génération du baroque tardif, il est quasiment le seul à survivre en son temps, Excepté Haendel avec son Messie devenu hymne patriotique en son pays, effacés, le souvenir de Rameau et de Couperin, la gloire de Telemann, les succès de Vivaldi et de Scarlatti. Alors que la figure de Bach, peu à peu s'auréole de la gloire d'un génie universel"

Vrai sans doute dans l'ensemble pour l'éclipse des compositeurs baroques. Pas totalement pour Scarlatti cependant dont les oeuvres continuent de constituer une certaine référence pour les pianistes. La survivance de Bach semble montrer que les Intellectuels ont une influence déterminante pour entretenir la mémoire d'un compositeur lorsque son succès public est passé (ou même s'il n'a pas eu de succès public). Une conséquence sans doute de la puissance du médium écrit. Musica volant, srcipta manent. Nous retrouvons également à l'occasion de ce dossier l'image d'un Bach visionnaire de l'avenir.

"Mais l'orphelin devenu père va l'être aux yeux de la postérité, qui, à juste titre, le considérera comme le Père de la musique européenne." "Bach occupait le centre obligé, répondant de tout ce qui l'a précédé, alors que tout ce qui le suit en procède"

Contre-vérité musicologique naturellement puisque Bach n'a inventé ni n'a fait évolué aucune forme nouvelle de son siècle et qu'il a peu ou jamais utilisé les syntaxes et formes du futur (le symphonisme, le solisme, l'harmonie), sinon le plus souvent par des transcriptions ou des imitations alors qu'il a développé essentiellement les formes du passé comme le contrepoint. On sait la confusion qu'ont réalisée les auteurs anciens entre le langage horizontal et le langage vertical à propos de Bach (citations de musicologue dans mon article "Bach est-il un grand compositeur" sans qu'il soit nécessaire que j'y revienne). Autre vérité incontournable qui finit par transparaître malgré le discours élogieux :

"Un immense pédagogue" (tire en rouge)

Ce qui suggère un Bach d'un tempérament plus pédagogue que créateur, plus imitateur qu'original.

"Johan-Sébastien Bach se met de bonne heure à copier les oeuvres de ses prédécesseurs..." "On sait la suite, tout ce qu'il a pu copier, pour mieux s'approprier la musique d'autrui"

Cette activité était partagée par de nombreux compositeurs jugés secondaires à l'époque comme Bach qui recopiaient les grands succès des compositeurs connus. Cette attitude témoignant de la médiocrité sociale de Bach, se trouve transcendée par la magie d'une nouvelle dialectique que je ne n'avais encore lue nulle part. Si Bach recopiait tant de musique, c'est parce qu'il est à la recherche d'un père.

"Car dès lors la recherche du musicien paraît s'inscrire sous le signe de la recherche d'un père."

On mobilise la psychanalyse pour faire apparaître l'activité sans lustre de recopie ou de transcription chez Bach sous les aspects plus romantiques et plus complexes d'une pulsion profonde. D'autre clichés, digne de Pirro, reviennent sous la plume du commentateur. Sous ses dehors d'intellectuel, de fonctionnaire écrivant imperturbablement son contrepoint, s'exprime en réalité un génie bouillonnant, passionné, ou bien un esprit d'une expressivité poétique profonde.

"En mode de ré, la mélodie du Vater user se déploie, toute simple dans un grand calme, une sorte de confiance bien ancrée en son diatonisme. Or, chaque fois que Bach y fait recours, ici ou dans telle ou telle cantate il ne peut l'harmoniser que chargée de chromatismes douloureux, parfois torturés."

Un dossier sans surprise qui développe essentiellement, à mon sens, l'idéologie liée au nom de Bach. Il me semble que l'exploitation de données moins conventionnelles, tout en demeurant élogieuses, aurait moins prêté le flanc aux insuffisances du compositeur et aurait sans doute offert plus de matière aux mélomanes qui l'admirent. De même la concession de quelques critiques aurait, me semble-t-il, communiqué plus de crédibilité aux éloges.

VORISEK
Vorisek, oeuvre pour piano, 12 rhapsodies op1. Je n'avais pas une opinion particulièrement favorable de Vorisek si je me réfère à un de ses concertos pour piano. Cependant, il est vrai que peu de concertos de la fin du 18e siècle trouvent grâce à mes yeux. Comme souvent, il m'est apparu que les oeuvres pour piano solo des compositeurs de cette époque pouvaient se différentier considérablement de leur oeuvre concertante pour le même instrument. Très originales et curieuses ces oeuvres de Vorisek, un style charnière présentant certains aspects du romantisme naissant et aussi des archaïsmes. Archaïsme, le tempo très régulier, systématique souvent, quasi "contrapuntique". Une écriture dense, mais néanmoins claire. Elle évoque le style des anciens clavecinistes et présente des particularités harmoniques qui en réhaussent le caractère déjà moderne. Aucune trace du mélodisme cantabile dont Clementi (parfois), Mozart ou Diabelli ont fait leurs délices. Une écriture plutôt austère de ce point de vue, mais que vient aérer un lysrisme certain s'exprimant par des crescendos ou des modulations. La 9e rhapsodie est parfois même schumanienne, en revanche la 11 présente une écriture plus archaïque. Je conseille ce CD Supraphon (soliste : Radoslav Kvapil) en attendant que je découvre les 2 autres CD de cette intégrale prometteuse. Pour compléter, j'ajouterai que Vorisek adopte pour toutes ces rhapsodies un plan tripartite proche du concerto, une partie lente encadrée par deux parties rapides, mais les thèmes de la première partie sont repris dans la troisième. Il arrive que la partie centrale rattrappe les parties rapides, mais aussi l'inverse. Ma préférence va aux Rhphsodies 1 et 3, la plus faible me paraît la 8.

BONA VOCALICA - MUSIQUE BAROQUE
Dans le dernier numéro de Classica, une interview de la musicologue et interprète Nella Anfuco. Au nom de la "bona vocalica", l'élève de l'école romaine de Cotogni fustige les baroqueux, tant dans le domaine vocal qu'instrumental :

"Le mot baroque a été créé par commodité pour lancer une mode volant au secours de l'industrie musicale (pas seulement discographique , pensons aux facteurs d'instruments par exemple et aux organisateurs de concerts) avide de nouveauté et prête à vendre tout et n'importe quoi".

Plus intéressant encore l'aveu de la musicologue selon lequel les baroqueux ne disposeraient pas de preuves historiques attestant leurs pratiques, notamment dans le domaine violonistique.

"[le violon] sur lequel aucune recherche historique, c'est-à-dire scientifique, n'a encore vraiment été entreprise..."

Elle concède cependant l'effet heureux concernant la redécouverte du luth et la manière plus appropriée de jouer les instruments à vents". Et pour terminer:

"Les baroqueux assassinent les oeuvres d'art, avec la bénédiction d'ignorants"

Je ne suis personnellement pas versé suffisamment dans l'organologie pour juger de ces propos et je ne sais rien sur cette musicologue, sinon ce qu'en rapporte Classica. Il faut naturellement rester prudent dans ce domaine, Il semble cependant que les données sur les instruments anciens et surtout la manière idoine d'en jouer ne soit pas aussi bien connue que certains veulent le prétendre. Je me réfère uniquement à mon oreille de mélomane et je constate (je l'avais d'ailleurs déjà signalé sur ce forum) que le jeu des instrument à vents me paraissait heureux dans la musique baroque (à propos d'un compositeur dont j'ai oublié le nom) et qu'en revanche le jeu des cordes m'a toujours paru désagréable, susceptible d'être grandement amélioré. Si finalement la musicologie sérieuse s'accordait mieux avec l'instinct et le goût du mélomane que les prétendues connaissances des affairistes, personne ne s'en plaindrait.

TCHAÏKOVSKY DÉNIGRÉ
La lecture des revues ne m'apporte pas que des sources de satisfaction, hélas. Aucune occasion n'est ratée par les commentateurs pour dénigrer encore plus les compositeurs déjà fragilisés par la critique historique. En est témoin ce commentaire dans Classica sur l'op 72 de Tchaïkovsky par Michaël Pletnev, une production DG (00289 477) "Les meilleurs moments sont les pièces dansées comme le Trepak dont le pittoresque convenu fait carte postale et se hausse parfois au niveau de la célèbre Dumka" Ce qui m'interpelle c'est la désinvolture avec laquelle est traité ici Dumka, pour moi une des pièces pour piano les plus sublimes qui j'aie pu entendre, d'une virtuosité, d'un pathétisme et d'une richesse thématique confondantes, une pièce transfigurée qui est comme la concrétisation de l'énergie positive animant le compositeur alors que la pathétique est le creuset de son désespoir. Naturellement, il s'agit de ma part d'un jugement subjectif qui ne vaut pas plus (mais pas moins) que ce commentaire. La différence est que cette critique, dans la droite ligne de la tradition critique, est lue par des milliers de lecteurs alors que je ne suis lu que par quelques fidèles sur cette site. Mais le meilleur (si l'on peut dire) est ce qui suit. Non content de dévaloriser ainsi Tchaïkovsky, notre critique croit bon d'associer l'oeuvre pour piano solo de Saint-Saëns comme objet de sa diatribe. Tant qu'on y est, pourquoi pas, bien sûr. Les petits esprits se rencontrent.

"Ailleurs, Tchaïkovsky se complait dans un pastiche délavé de Schumann auquel fait défaut le délicat agencement harmonique et polyphonique du modèle. Son cas est voisin de Saint-Saëns : tous deux ont laissé de beaux concertos, mais n'ont destiné au piano que des pages bâclées et anecdotique (voir la sonate op 39 de Tchaïkovsky)."

On peut se demander si ce commentateur connaît réellement les oeuvres qu'il critique aussi abruptement. Ne s'agit-il pas toujours de placer un grand classique au-dessus du lot. On répète ne variatur l'anathème qui pèse sur les pianistes-compositeurs ou ceux qui ont écrit les pages virtuoses et ont imposés leurs grands succès. Je pourrais conseiller à ce critique d'écouter par exemple les 6 pièces de l'op 51 de Tchaïkovsky lesquelles, à mon sens, valent bien des pièces consacrées automatiquement par l'encensement obligé dont est généralement couvert Schumann.

MUSIQUE BAROQUE - VIRTUOSES-COMPOSITEURS DE L'ÉPOQUE BAROQUE
Pour ce qui me concerne, je constate qu'aucune oeuvre de la haute époque baroque n'a pu m'intéresser. Il s'agit d'une remarque éminemment subjective et personnelle, j'en conviens, cependant il me semble que la mode du baroque a concourru - sous le couvert du caractère vénérable des oeuvres anciennes - à développer un répertoire d'oeuvres moins appréciées qu'on ne croit quoiqu'on les couvre du respect dû aux antiquités. Des noms, les Geminiani, Guerau, Marais, Tibaldi... L'auditeur est libre d'acheter ou de ne pas acheter, croit-on. En fait, n'a-t-on pas crée en grande partie les conditions qui détermineront son choix... et son jugement. Les effets regrettables, c'est à mon avis que les oeuvres des virtuoses-compositeurs de la pleine époque baroque ou post-baroque, de Tartini à Locatelli, sont traitées selon les mêmes principes qui me paraissent en opposition avec leur style expressif. L'archaïsme sympathique, un peu fruste, la raucité qui convient à un Delalande ne saurait convenir à un Fiorenza où déjà s'affirment les exigences de la virtuosité. On ne peut pas traiter un concerto de soliste dans le style baroque des vieilles sonates et menuets. C'est là peut-être qu'on pourrait employer le terme d'assassinat. On a également contribué à cantonner ces oeuvres dans un répertoire interprété par des ensembles spécifiques, en dehors du circuit où s'affirment les grands solistes. On encense ces compositeurs sous le couvert de la valeur historique, mais on ne saurait les considérer comme les "grands" compositeurs des époques qui suivent. On dessert donc ces compositeurs en les confinant.

BIBER - CORELLI
Biber, compositeur tchèque représentant de l'école violonistique allemande de la fin du 17e siècle avec Westhof est certainement un pionnier d'exception. Son importance historique ne peut être contestée, un des premiers virtuoses-compositeurs qui vaut par la conception qu'il a introduite, la libération par rapport aux pratiques d'un art systématique et archaïque. Oui, mais peut-on prendre du plaisir en écoutant ces oeuvres de Biber, elle-même encore très archaïques malgré le progrès qu'elles introduisent. C'est là qu'on mesure la différence entre la valeur historique et la valeur absolue. Peut-on conseiller d'écouter Biber sous le seul prétexte que ses oeuvres ont une réelle valeur historique et qu'il fut un innovateur? Intéressant pour un musicologue, mais pour un mélomane? Ne vaut-il pas mieux écouter une oeuvre d'un style plus accomplie, plus moderne, par exemple un Nocturne de Diabelli, qui n'a probablement introduit aucune conception nouvelle? Même remarque en ce qui concerne Corelli. Corelli admiré dans toute l'Europe. Il a probablement introduit un élément moderne fondamental en refusant la complexité du style contrapuntique, en introduisant une simplicité classique, prémisses des chefs-d'oeuvres futurs, mais peut-on honnêtement s'éclater en écoutant un concertino balourd qui se traîne et un orchestre poussif de ripiénistes, même interprété avec des instruments modernes. Corelli n'a écrit aucun concerto pour soliste, uniquement des concertos grosso (c'est normal à son époque). On ne sait trop pourquoi son "Concerto de Noël" nous est sans cesse ressorti. Il ne doit pas y avoir beaucoup d'interprétation en réalité, mais c'est l'oeuvre de Corelli que l'on nous sert systématiquement comme si c'était un grand chef-d'oeuvre. Oeuvre d'une écoute agréable, oserais-je dire, la pire insulte que l'on puisse adresser à l'égard une oeuvre musicale.

OEUVRES DE JOLIVET
Ce n'est vraiment pas l'oeuvre que je conseillerais de jouer à un pianiste s'il veut faire un succès, encore moins que je conseillerais d'écouter à un mélomane. Oeuvre à mon avis bruyante, moderne, évoquant vaguement Bounine. Quant au Sacre du printemps, cas spécial que nous avons souvent évoqué sur cette liste, il ne faut pas oublier que c'est une musicque de ballet. Une musique de bruitage certainement apte à permettre l'expression de l'art chorégraphique (comme une musique de film pour un film), mais ne permettant pas à mon sens de représenter une oeuvre musicale à part entière contrairement à ce qu'il en est du Casse-noisette par exemple ou des Saisons de Glazounov (pour évoquer une oeuvre du 20e siècle). Le prétendu succès du Sacre vient à mon avis de cette ambiguïté, on a subrepticement considéré qu'une oeuvre parfaitement idoine pour accompagner un ballet (à ce que je pense) était un chef-d'oeuvre musical. Sans compter évidemment, l'effet de scandale lors de sa création, parfaitement artificiel. Certes, le Sacre est passé aux salles de concert. Il pouvait se le permettre avec la médiatisation consécutive du scandale et sa fonction initiale de musique de ballet. Apparemment,vous reprenez à propos de Jolivet la vieille idée selon laquelle les oeuvres modernes ont besoin de temps pour qu'on les reconnaisse, bien évidemment le temps que les Intellectuels les encensent et les imposent en dépit de leur insuccès auprès du public et en enterrant parallèlement les oeuvres tonales du 20e siècle. Le célèbre "argument des 80 ans" n'a pas encore trouvé de contre-argument à ma connaissance, (quoique certains le considèrent avec mépris) et il devient de jour en jour plus pertinent. D'autres oeuvres ont besoin de temps pour qu'on restaure leur notoriété, qu'on les considère selon leur réelle valeur, le temps qu'on débarrasse notre conception de l'histoire musicale des archaïsmes idéologiques qui la déforment.

OEUVRES DE JOLIVET
Pas entièrement d'accord car le concerto pour flûte me paraît plus "abordable", mais peu importe. Je voudrais en venir à ce terme que vous employez et qui semble attaché à la musique moderne. N'est-ce pas justement l'aveu que Jolivet n'est pas "abordable" et n'est-ce pas reconnaître que Jolivet n'est pas écoutable, comme tous les modernes d'ailleurs. Cher mélomane, vous êtes magnifique, vous finissez par avouer - de manière insinuante - que vous vous ennuyez profondément en écoutant la musique moderne de Jolivet. Grâce à une fréquentation assidue de votre prose inimitable, j'ai pu distinguer le fond véritable que vous n'osez avouer sous le vernis policé de l'apparence. Votre logomachie enthousiaste concernant ces oeuvres ne m'impressionne guère. Je crois plutôt que l'abondance des références culturelles n'est destinée qu'à masquer la vacuité de l'oeuvre. L'excès de la contextualisation et l'intellectualisme outrancier qui gangrènent les commentaires sont parfaitement caricaturaux des productions mmodernes. LA MUSIQUE CONSOLATRICE DE DUHAMEL
Comme promis la suite de la recension concernant l'ouvrage de Duhamel "La musique consolatrice" (1944). Attention, il faut bien comprendre que Duhamel n'est pas musicologue ni musicographe (il ne se positionne pas comme tel). Son ouvrage est un propos de mélomane, certes bon instrumentiste, désireux de témoigner de sa passion pour la musique selon un fil biographique. Je dirai pour ma part que son ouvrage (à considérer comme document primaire) est le témoignage de l'idéologie musicale ambiante pendant le premier vingtième siècle. Nous avons vu sa passion pour Bach largement déterminée par le contexte amical et social. Le second chapitre témoigne de sa passion pour Wagner selon le même cursus initiatique. Voici un passage très emblématique, montrant l'importance du vecteur intellectuel dans l'établissement de cette foi musicale (en Wagner):

"Je commençais à naviguer dans la société des purs et je rencontrai les docteurs de la foi. Les plus confirmés d'entre eux me conseillèrent des lectures. J'achetai force livres... " p55

On voit que le médium écrit, plus que le concert peut-être, joue un rôle fondamental dans l'établissement de cette passion musicale. Puis, cet aveu :

"je l'avoue de bon coeur aujourd'hui, cette arrogance me charmait" (l'arrogance d'un ouvrage défendant Wagner)

et :

"Ces lectures incandescentes me transformaient, petit à petit, de jeune clerc en apôtre et je commençai de recruter et instruire des catéchumènes." p 56

Duhamel semble s'être guéri par la suite de son envoûtement wagnérien (d'où le récit de sa passion sous la forme d'un réquisitoire). Il ne renie pas sa passion, mais le coeur y est-il vraiment? et dans quelle mesure n'est-il pas prisonnier de son choix initial? En effet, toute remise en cause signifierait que sa passion n'était pas fondamentalement déterminée par des facteurs purement musicaux. Mais peut-il encore considérer Wagner comme "le plus grand compositeur", tel qu'il fut considéré par ses zélateurs à l'apogée du wagnérisme? Que conclure de cet épisode? Rien sans doute concernant la valeur musicale réelle ou l'absence de valeur de la musique de Wagner, mais au moins peut-on affirmer que la notoriété d'un compositeur doit être considérée avec beaucoup de circonspection et l'on peut remettre en cause le dogme selon lequel la notoriété est obligatoirement l'estampille du génie. Ou comme certains disent trivialement : "S'il est aussi considéré, cela ne peut pas être un hasard". L'on est amené à s'interroger également sur l'importance de l'impact réel d'une oeuvre dans son contenu musical. Dans le parcours de Duhamel, son évolution (aussi bien la montée de la passion wagnérienne que sa chute (relative) a-t-elle été engendrée par l'intérêt intrinsèque pour lui des oeuvres ou par le contexte? Il serait intéressant de savoir si le relatif retrait de Duhamel par rapport à sa passion wagnérienne est dû à des influences intellectuelles concurrentes ou à sa propre évolution mentale autonome. Sans écarter le rôle de l'oeuvre elle-même, dans le cadre d'une hypothèse multicausale, on ne peut nier, me semble-t-il, l'importance déterminante du contexte idéologique.

AUDITION PERSONNELLE DES OEUVRES
Nous sommes à une période charnière où l'on ne sait trop quelle solution adopter pour disposer des enregistrements que l'on possède de la manière la plus satisfaisante. La gravure est encore la meilleure, me semble-t-il, quoique une gravure que l'on fait personnellement soit de qualité très inférieure à celle d'un CD acheté, sur le plan de la durée du document, surtout si la vitesse de gravure est rapide. J'avais entrepris de transformer ma cdthèque en mp3, c'est une autre solution. Je renonce aujourd'hui pour passer au format libre ogg. Mais n'y aura-t-il pas de nouveaux formats plus performants? Je crois qu'il faut conserver encore longtemps précieusement les CD que l'on a achetés. Si vous abhorrez le saucissonnage, je l'adore au contraire. Sans doute pour moi un dérivatif permettant au critique iconoclaste et cynique que je suis de casser du compositeur encore plus. VORISEK
Moins convaincant à mon goût, Vorisek, dans les 2 derniers cd de l'intégrale pour piano (Supraphon par Radoslav Kvapil). Evolution mal maîtrisée, perte d'inspiration? Mais peut-on employer le terme d'évolution pour un laps de temps si réduit? 1818 à 1824. Plutôt le témoignage d'une palette changeante, ou hésitations (?)... Finalement, pas si monolithique que cela ce 18e dont témoignent la plupart des pièces de Vorisek (bien qu'écrites au début du 19e). Style scarlattien des clavecinistes, dense, serré que j'évoquais dans le 1er CD. Là, style galant sporadique, mais porté jusqu'en ses limites extrêmes. Quand on pense à la sévérité du style rigide des pièces précédentes, on n'y croit à peine. Comment le même compositeur a-t-il pu passer d'un extrême à l'autre? s'abandonner aux sirènes du mélodisme charmeur, voire naïf, compassé, après avoir développé le style post-contrapuntique si dénué de grâce? Reniement? Probablement pas. J'ai toutes les raison de penser que cela lui était naturel. D'ailleurs, il y revient. Il n'y a que nous pour ne pas comprendre. Les styles différents subsistent plus qu'on ne croit à l'intérieur de ce siècle. et les avancées (supposées) d'un Clementi, d'un Diabelli, d'un Salieri, parfois même d'un Mozart lorsqu'il échappe au style galant doivent être interprétées (peut-être) plus comme des infractions temporaires au terrorisme du goût contemporain qu'une conquête de la modernité. Mais le style galant représente bien peu dans ces 2 CD, (2 pièces). Le reste : style difficilement définissable, du préromantisme si l'on veut, appellation facile quand on ne trouve aucun terme idoine. Du préromantisme raté? Je dois bien avouer qu'il n'y a guère de pièce qui m'ait captivée dans les rondos, Impromptus de 1824. En revanche, l'Impromptu op 7 contient une pièce (la 6è) dont la partie centrale me paraît particulièrement troublante, dans une tonalité rhapsodique très émouvante. Alors que penser? Rien sans doute. Un témoignage du polymorphisme stylistique de cette époque, bien loin des sages évolutions convenues. En est-il différemment pour d'autres compositeurs. Lorsqu'il s'agit d'un grand classique, un élément erratique est immédiatement considéré comme une manifestation du génie supérieur. On fait mine de croire qu'il s'agit d'un intemporalité révolutionnaire. Plutôt témoignage d'une variabilité échappant au cartésianisme des classifications. Pour revenir à Vorisek, ne soyons pas injustes envers lui, j'ai découvert des passages merveilleux dans ces 3 CD, des thèmes qui sont restés dans ma mémoire, des thèmes lyriques, prenants, vibrants, mais souvent dans un ensemble inégal. Alors, faites ce que vous voulez, achetez cette intégrale ou ne l'achetez pas selon votre inspiration. Mais n'enterrons pas Vorisek, un grand maître malgré sa carrière courte, même si son oeuvre pour piano me paraît comporter des ombres et de slumières. On sent chez lui un artiste indépendant des modes et qui cherche sa voie par lui-même. un artiste qui semble se remettre en cause à chaque pièce. La symphonie, oui, j'y penserai certainement un jour prochain.

CONCERTOS DE SCHARWENKA
Le 1 qui n'est pas un "essai" de jeunesse, mais un concerto bouillonnant, (presque trop), exubérant, riche d'une thématique parfois un peu désordonnée. Un exemple de pianisme "en force", d'une pétulance rare, d'une impériosité, d'une furia étonnantes. Mais le chef-d'oeuvre du Maître est à mon avis le 3 qui allie à une structure totalement originale un rhapsodisme et une intensité dramatique maximales. Les passages orchestraux, notamment l'ouverture somptueuse au trombone (si j'ai bon souvenir) atteint une puissance lyrique absolument indépassable. Le 3, c'est la plénitude, le rayonnement, la majesté. Pour moi, une des plus grandes oeuvres pour piano et orchestre jamais écrites. Et l'ensemble des 4 concertos constitue sans doute le plus bel ensemble d'oeuvre pour piano et orchestre jamais composé avec celui présenté par Saint-Saëns.

MUSIQUE OPÉRATIQUE
Au départ, je n'écoutais pas d'opéra, c'est vrai, j'ai donc limité critique-musicale.com à la musique instrumentale. Est-il possible d'ailleurs d'assurer la critique pour l'ensemble de la musique (instrumentale et opératique) sans risquer d'être encore plus parcellaire? J'ai commencé à découvrir l'opéra beaucoup plus tard et très doucement. En plus, je suis maintenant dans l'obligation pour les lecteurs de ma lettre de diffusion d'écouter au moins plusieurs CD par semaine de musique instrumentale, ce qui ne me laisse guère le loisir d'écouter des opéras. J'ai trouvé néanmoins dans les quelques opéras que je connais des moments d'une grande inspiration. Je citerai par exemple l'Orlando furioso de Vivaldi. Certes, c'est un opéra écrit dans une conception très "instrumentale", non seulement en raison de passages de virtuosité à certains instruments comme la flûte, l'importance des parties symphoniques, mais aussi plus profondément par la "réduction" de l'opéra à une collection d'airs (comme l'a dit judicieusement une critique) quasiment détachés de l'action dramatique. Il faut aussi éliminer le récitatif qui n'a qu'un rôle de récréation entre les arias. C'est la radicalisation de la conception italienne de l'opéra par opposition à l'opéra français de Rameau ou la réforme opérée par Gluck puis Wagner. SYMPHONIES CLASSIQUES Et Sammartini a écrit plus de 3000 symphonies! Bien rares sont les symphonies de cette période, même jusqu'à la fin du 18e siècle qui trouvent grâce à mes oreilles. Sammartini, c'est un pionnier d'après les musicologues. Je ne cependant suis pas très pressé de l'écouter lorque je me souviens des symphonies de Mozart, Haydn, Stamic et de bien d'autres, postérieures à celles-ci. Je crois que c'est un genre qui a acquis sa maturité beaucoup plus tardivement que le concerto, avec presque un siècle d'écart. Ce temps fut nécessaire pour briser l'uniformité rythmique et instrumentale, varier les effets stéréotypés... DELIUS J'avoue ne pas en avoir eu la même approche. Il m'a paru bien fade, surtout la partie de soliste. Pas entièrement nul, non, mais d'intérêt (pour moi) très limité. Quant au concerto pour piano, il me paraît très fatigant. Non, Delius, jusque là ne m'a fourni aucune preuve d'un hypothétique génie. Je ne vois guère de motif d'intérêt dans ces deux oeuvres. Style vaguement nordique, un rhapsodisme bien léger qui ne me paraît pas avoir eu la capacité de provoquer l'enthousiasme.

RÉPERTOIRE VIOLONISTIQUE
Une fois de plus il ne faut que constater le désert quasi-total du répertoire courant dans le domaine des oeuvres pour violon et orchestre. Ce que l'on peut relier au fait que les violonistes-compositeurs qui ont fait évoluer l'écriture violonistique, ont développé le genre concertant... sont presque tous tombés dans l'oubli ou sont considérés comme des compositeurs de second ordre. Comme les concertos des grands classiques sont (à mon avis) souvent d'intérêt relativement limité, à part le très petit nombre que vous citez qui réussissent à surnager (et encore): le Meldelssohn, le Tchaïkovsky, le Brahms (le double, quoique vous pensiez sans doute plutôt au simple), auxquels on pourrait ajouter les Quatre Saisons, quel reste-t-il? Rien. C'est ce qui arrive lorsqu'on veut s'obstiner à rejeter des écoles entières de violonistes-compositeurs qui se sont développés sur tout le 19e siècle notamment, l'école franco-belge et aussi l'école italienne du 18e siècle, école qui ont été prestigieuses, qui ont certainement apporté au langage musical beaucoup plus d'innovations que toutes les autres : le genre pour soliste et orchestre, le développement de la virtuosité transcendante, et même les premiers développents du symphonisme... L'ampleur de ce génocide artistique est effrayant. Il ne faut en aucun cas le cautionner.

RÉPERTOIRE TRADITIONNEL ET VEDETTARIAT - RÉPERTOIRE POUR VIOLON
C'est certain, l'encroûtement dans le répertoire traditionnel est renforcé par le vedettariat et n'incite pas aux découvertes, mais la question que je me pose, c'est pourquoi a-t-on hérité de ce répertoire si pauvre alors qu'il est tout de même plus étendu dans le domaine symphonique. Pourquoi Haydn, Beethoven, Brahms, voire plus récemment Bruckner, Mahler sont considérés comme des sommités dans le domaine symphonique, Liszt, Chopin, Schumann comme des sommités dans le domaine de la musique pianistique alors que leurs correspondants "historiques " dans le domaine violonistique Vivaldi, Viotti, Paganini, Vieuxtemps, De Bériot, Sarasate sont considérés comme des compositeurs relativement secondaires dans le meilleur des cas, voire totalement ignorés. Cela reporte à l'établissement d'un électisme musical pendant le 19e siècle et la première moitié du 20e siècle. Pourquoi le répertoire pour violon actuel est-il si peu représentatif des compositeurs "historiques" qui ont forgé le genre alors que dans le genre pianistique on a tout de même retenu quelques sommités. Chopin et Liszt ont été de grands pianistes compositeurs au 19e, même si on en a oublié beaucoup d'autres. Comment a-t-on pu arriver à cette abérration où les oeuvres les plus connues du répertoire pour violon sont des oeuvres de symphonistes ou pianistes "historiques" (Brahms, Beethoven, TchaÏkovsky) plutôt que des oeuvres de violonistes "historiques". Est-ce qu'on ne fonctionne pas la tête en bas. Et personne ne semble se rendre compte de cette anomalie invraisemblable.

OEUVRE POUR PIANO SOLO DE SAINT-SAËNS
Quel dommage. Une grande oeuvre à mon avis, même si elle n'atteint pas les sommets exceptionnels de l'oeuvre concertante pour piano. Certainement pas une oeuvre à prendre par dessus la jambe comme se permet ce critique. Oeuvre foisonnante, mutiforme, insondable à l'image du compositeur, parfois hallucinante, démentielle, totalement démesurée. Et il y en a qui croient encore que Saint-Saëns est un classique.

ÉCOLE FRANCO-BELGE DE VIOLON
Evidemment, il ne serait pas venu à l'idée de cette violoniste reconnue (Anne-Sophie Mutter) de jouer au cours de sa carrière le 2 de Vieuxtemps. On ne sait jamais, il y avait un risque en effet : que l'oeuvre obtînt du succès et palît les concertos vénérés, qu'on la trouvât plus géniale que les concertos de Mozart ou de Brahms, ce qui eût été intolérable. Alors, surtout pas. On se demande parfois si le panurgisme ne régit pas les artistes et organisateurs. L'oblitération de l'école belge de violon du 19e siècle est certainement, le plus grand scandale de l'historiographie musicale, le plus honteux. Et personne ne réagit.

NOUVEAUTÉ ET OEUVRES GALVAUDÉES
Par ce choix, Sophie Mutter appuie donc la disqualification des "oeuvres de virtuosité", philosophie que je désapprouve comme vous le savez et qui est responsable à mon avis d'un amoindrissement de la musique et du génie, voire d'une lente érosion de l'audience de la musique classique. Exhumer selon ce principe des oeuvres rares pourrait paraître positif, mais l'est-ce réellement dans la mesure où l'on risque de détourner justement le public de ces nouveautés. A propos des oeuvres modernistes, est-il préférable de les jouer plutôt que des succès classiques éprouvés? Je n'ai jamais prôné la nouveauté pour la nouveauté et la recherche des oeuvres rares pour la rareté. Je préfère même largement que soient rejouées inlassablement des oeuvres pour moi d'intérêt supérieur, même galvaudées, plutôt que des raretés qui me paraissent stériles. Pour donner un exemple que j'ai utilisé souvent, je préfère largement écouter la nième version de "La lettre à Elise" que le concerto de Korngold ou de Conus. Naturellement, je considère aussi que pour juger une oeuvre, il faut qu'elle soit exhumée.

TOR AULIN CONCERTO POUR VIOLON N°3 - CONCERTO POUR VIOLON DE BERWALD
Des idées, pour découvrir le violon du 20e siècle. Tor Aulin, oui, remarquable à mon avis dans son Concerto n°3. un compositeur qui s'inscrit dans une conception très virtuose et lyrique dans le sillage de Paganini. Une utilisation de l'extrême-aigu et des écarts de tessiture impressionnants. Dans un style néo-paganinien évident -encore plus même, (et au 19e siècle, je crois) je vous conseille le concerto de Berwald. Il porte la magie du premier romantisme avec des accents d'une grande intensité. Je le cite en raison de son style s'y rapprochant et c'est aussi un concerto nordique.

CONCERTO POUR VIOLON DE SCHUMANN
Aucune idée, mais il faut considérer que c'est un pianiste. Ce sont surtout les concertos pour violon de symphonistes que l'on a porté aux nues (à mon avis inconsidérément). Et puis il est tellement plat qu'il ne fait vraiment pas honneur au compositeur, même si on y met beaucoup d'imagination pour se convaincre de sa valeur.

ÉVOLUTION DU SYMPHONISME
Tout dépend ceux que l'on définit comme grand, ceux qui ont développé la virtuosité ou ceux qui l'on évité. Les grands violonistes de l'école franco-belge du 19e siècle et de l'école italienne du 18e siècle par exemple ont tendu à développer la virtuosité. Ce qui me paraît certain, c'est qu'au 18e siècle ils ont concourru beaucoup plus que les clavecinistes au développement du symphonisme, sans doute en raison de la vocation symphonique du violon et des cordes en général. Certains effets sont nés pour le violon et ont été appliqués par la suite à l'orchestre , par exemple le crescendo (appliqué notamment par Stamic).

SYMPHONIES DE RIES
Les symphonies de Ries, oui. Espérons que les membres de notre forum retiendront et tenteront de découvrir ces oeuvres... en n'oubliant pas le Concerto n°3 du même compositeur, oeuvre d'une belle trempe, écrit assez précocément dans l'histoire du genre. J'allais presque ajouter style beethovénien pour ce concerto. Mais n'est-ce pas le style de l'époque? C'est sans doute encore plus perceptible pour ce qui est du style symphonique post-viennois. Ries présente moins de pugnacité et de modernité que Beethoven. Si j'avais de la mémoire, je pourrais citer une kyrielle de compositeurs - bons ou mauvais - qui ont honoré ce style beethovénien, allez, disons pseudo-bééthovénien, compositeurs qui doivent peut-être si peu à Beethoven et tant à l'école symphonique dont il n'a été que le représentant.

CONCERTO POUR VIOLON DE BEETHOVEN
S'il était nécessaire de fournir des preuves du culte de la personnalité développé par notre société à propos des compositeurs, ce fait y suffirait. S'est-on interrogé sur la valeur ou l'absence de valeur de l'oeuvre pour lui attribuer une cote. Non, il suffit que le nom de Beethoven soit apposé comme l'estampille sur un jambon de Parme pour qu'on le suppose délicieux. Ce qu'il y a de miraculeux, c'est qu'on le trouvera réellement délicieux.

BACH ET LE TRADITIONALISME - INFLUENCE DU TRADITIONALISME
C'est à mon sens une marque de l'influence du traditionalisme sur la sphère musicale. Ce n'est pas Bach qui a inventé la fugue. Il a été l'un des compositeurs qui l'ont utilisé tardivement alors que la plupart des autres compositeurs avaient abandonné cette forme obsolète au 18e siècle. C'est la singularité de Bach par rapport à son époque. En cela Bach a incarné le traditionalisme. Dire que par ce fait Bach a influencé la musique, c'est comme de dire que Copland a subi l'influence de Mendelssohn en écrivant un concerto pour soliste parce que Mendelssohn a écrit des concertos pour soliste (lequel genre a été inventé un siècle avant Mendelssohn). Même si Beethoven se réfère nommément à Bach, ce dernier n'a fait que transmettre par son nom une forme qu'il n'a pas créée. Bach a servi de cristallisation comme Mozart sert de référence pour désigner le style galant. Il ne l'a pas inventé lui non plus, il a plutôt été un suiveur. Ainsi Saint-Saëns se réfère à Mozart, mais on ne peut distinguer une oeuvre de style galant composée par Mozart d'une autre composée par un compositeur de l'époque. Moi-même, j'utilise par commodité parfois le terme de style "mozartien", c'est quasiment un abus de langage. Nous ne sommes plus il y a un siècle pour croire que Mozart et Bach avaient inventé leur style. Ainsi, transitoirement, vont se réclamer les compositeurs désireux de revenir au style traditionaliste, parfois des compositeurs très peu portés naturellement vers l'écriture contrapuntique. Même Tchaïkovsky a introduit des passages fugués dans ses oeuvres. Pourquoi? Une hypothèse, mais ce n'est qu'une hypothèse. Pour contrer les critiques des savants qui l'accusaient de ses faiblesses sur le plan technique. C'est ce qui se passait régulièrement à l'égard des virtuoses compositeurs du 18e siècle. On les accusait d'incompétence parce qu'ils n'écrivaient pas de contrepoint. Comme ces intellectuels savants détenaient le pouvoir, on peut comprendre aussi que certains compositeurs aient voulu, parfois par opportunisme, ne pas contrarier le milieu traditionaliste dont ils étaient dépendants.

TOUT SE VAUT? CONCEPTION POST-MODERNE
La musique, signe de supériorité culturelle, voire comme marqueur aristocratique, ce n'est pas ce que je conteste, au contraire, c'est ce que j'affirme et approuve. Je crois qu'il est temps de fustiger le fameux "Tout se vaut" qui est la marque d'une dégradation de la culture. Le punk qui fait de la batterie, non pour moi, cela ne vaudra jamais la Pathétique. Cela équivaut-t-il à "ramer en arrière"? Dans mon répertoire personnel se trouvent certaines oeuvres crées dans les dernières décennies du 20e siècle, même (rarement il est vrai) quelques oeuvres composées au début de notre millénaire, par exemple celles de Leontsky. Je ne considère donc pas que la préférence classique est signe de retour vers le passé. Cette attitude réfère en fait à une philosophie qui accorde, positivement ou négativement, une importance à la date de création d'une oeuvre. Je me situe dans une perspective post-moderne pour laquelle l'oeuvre vaut en elle-même indépendamment de son temps. Les notions d'oeuvres d'avant-garde ou d'oeuvre du passé deviennent caduques. La notion d'obsolescence ici est appliquée à l'approche idéologique, non aux oeuvres musicales elles-mêmes. En revanche, j'approuve la critique de cet auteur concernant la musique moderne (appelée faussement contemporaine) et j'ai toujours contesté, même, son existence sur le plan historique. L'existence historique d'un mouvement supposent à mon sens qu'il a drainé au cours de son histoire un public véritable. Pour un historien futur de la musique, la musique "moderne" n'apparaîtrait que comme un fait de discours.

AUDITORAT DE LA MUSIQUE CLASSIQUE
A partir de la naissance de la musique classique, vers la fin du 17e siècle (interprétation personnelle pour cette limite), cet art ne fut partagé que par une faible fraction de la population, l'aristocratie. Cette fraction n'en a pas moins constitué un véritable public manifestant ses adorations et ses aversions ainsi qu'une grande sensibilité à l'évolution du goût. Pourquoi la persistance de cette limitation à une frange restreinte de la population actuellement serait-elle considérée comme une anomalie? Notre époque démocratique considère sans doute qu'elle détient la vérité et interprète la limitation de l'auditorat de la musique classique comme un confinement, une mort lente. Ne s'agit-il pas d'une conclusion orientée idéologiquement, considérant comme postulat que tout individu est potentiellement sensible à la musique classique et que le goût du prolétaire doit être le goût universel?

SENSIBILITÉ À LA MUSIQUE CLASSIQUE
L'amusie est certainement la forme la plus fruste d'insensibilité à la musique. Parmi ceux qui ne sont pas atteint de cette limitation, c'est encore sans doute une faible fraction d'individus qui sont probablement susceptibles de "saisir" la musique classique. En revanche, je suis persuadé qu'un nombre non négligeable de personnes apprécieraient la musique classique s'ils n'avaient pas d'autres centres d'intérêt les accaparant et si la musique classique n'avait pas l'image passéiste qu'elle possède malheureusement. La motivation est peut-être un facteur indépendant de la capacité de saisir la musique classique, et elle est peut-être déterminante. A contrario, je ne suis pas sûr que tous les passionnés de musique classique bénéficient d'une sensibilité musicale très aiguë. Naturellement, chacun peut se prévaloir de posséder la meilleure, c'est ce qui se passe lorsque nous prétendons chacun que nos goûts sont la vérité musicale. Mais la "passion" pour la musique classique pourrait s'appuyer sur d'autres satisfactions que la réelle jouissance du génie que l'on perçoit dans l'oeuvre. Cette dernière n'est peut-être qu'un dérivé largement insuffisant à expliquer le phénomène musical dans sa dimension historique.

CHABRIER
Tout de même un bon gros wagnérien, Chabrier, c'est pour cela que Saint-Saëns était fâché avec lui. Wagnérien parfois dans le procédé, comme dans l'Ouverture de Gwendoline, mais aux antipodes dans l'esprit. Wagner n'a jamais connu sa joie pétulante... très peu wagnérienne. Jamais rien de morbide chez Chabrier, parfois du mystère comme dans le "Sous-bois" des Suites pittoresques.

WAGNER MORBIDE OU JOYEUX? - MUSIQUE NORDIQUE ET WAGNÉRISME
Mon jugement était fondé sur les extraits symphoniques de Wagner. ils ne sont effectivement pas représentatif de son spectre expressif, mais au moins caractéristique d'un certain climat général. Un affect plutôt morbide que je ne reprocherais certainement pas à Wagner pour m'y complaire moi-même. Ce que je reprocherais plutôt au créateur du Hollandais Volant, c'est d'avoir incomplètement exploité les effets de la musique nordique, et sans doute pas ceux qui (à mon avis) les plus spécifiques, les plus fascinants. On pourrait considérer le traitement qu'il a adopté comme une édulcoration du rhapsodisme. A sa décharge, la musique nordique à son époque était plutôt désavouée. Les réactions à l'égard des oeuvres de Gade semblent le montrer. Si j'en crois un commentaire lu il y a quelques années, Gade aurait renoncé de lui-même à présenter en Allemagne certains effets de musique nordique qui avaient fait scandale dans ses premières oeuvres. Gade moins morbide cependant que Wagner, mais sans doute plus révolutionnaire. Wagner a-t-il, sur le plan symphonique, dépassé Gade? A mon avis, non.

SYMPHONIE 6 DE MARTINU
C'est une symphonie qui m'a également beaucoup marqué. Fluidité de la musique tchèque, pourquoi pas. Dans cette symphonie, une suite de ruptures thématiques sans transition, mais qui n'engendre pas de heurt. Une rare plasticité du discours, un polymorphisme motivique incessant, une palette harmonique perpétuellement changeante. Je dirais plutôt Martinu libre de toute attache atonale dans cette oeuvre. Alors que ce compositeur m'agaçait (dans ses oeuvres concertantes) pas ses incursions gratuites vers l'atonalisme, il m'enchante ici par la manifestation de ses attaches naturelles avec le rhapsodisme, lequel, me semble-t-il, représente le vrai moteur de l'évolution musicale au 20e siècle. Là, Martinu se rapproche de Kodaly et s'éloigne de Bartok.

HISTOIRE DU LANGAGE OCCIDENTAL D'ANNIE COEURDEROY
Coeurderoy, Annie - Histoire du langage musical occidental -Puf, Que sais-je, 1988 162 petit format. Quelques mots sur cet ouvrage édité dans une collection de référence, les Que sais-je. Il en porte bien la marque. Du sérieux, l'auteuse est chercheuse au CESB de Tours, mais un ouvrage qui me paraît véhiculer de nombreuses idées obsolètes. Et je ne suis pas sûr que cette chercheuse, certainement très érudite dans son domaine pointu de l'harmonie musicale, ne présente pas un manque cruel de culture musicale, voire même ne manifeste pas une méconnaissance du sujet de son ouvrage: le langage musical. L'ouvrage semble trahir également une méconnaissance des compositeurs présentés pourtant depuis plusieurs décennies par ses confrères comme les innovateurs principaux et créateurs avérés de genre et procédés musicaux, notamment parmi les compositeurs du 18e siècle. Cause de ce déphasage, la tradition selon laquelle en harmonie on s'appuie sur les grands classiques. Rien par exemple sur Stamic (créateur du crescendo pour l'orchestre) et Sammartini à la base de la symphonie. Rien sur Torelli et Vivaldi à la base du concerto du solisme Rien sur Boccherini à la base (au moins en partie) du langage classique délivré de sa basse continue. Rien sur Alberti qui créa la fameuse basse dite d'Alberti Quasiment rien sur Scarlatti à la base du langage pianistique moderne... Rien sur Paganini, créateur de la virtuosité transcendante. En revanche, on nous sert à tour de bras Mozart, Haydn et Bach. Un ouvrage sur le langage musical qui s'appuie sur des suiveurs en négligeant les véritables novateurs peut-il être crédible? Une idée archaïque, tout d'abord, celle de nous présenter l'harmonie comme le facteur principal de l'évolution du langage musical en occultant presque totalement l'évolution de la mélodie, de la forme, de la thématique, de l'instrumentation, cette dernière caractéristique considérée comme extérieure et superficielle par rapport à ce soubassement que constitue l'harmonie. Résulat, on ne voit nullement se discerner la succession des syles musicaux, notamment l'avènement du style galant.

"A la limite, la mélodie peut être pensée comme un processus secondaire émanant des enchaînements harmoniques." p82

Proposition que l'on pourrait retourner.

"Celui-ci (le système) d'horizontal qu'il était depuis les origines est devenu vertical, du fait de l'entrée en scène de la polyphoie" p4

N'est-ce pas plutôt la monodie accompagnée qui témoigne du langage harmonique plutôt que la polyphonie? Plus loin, pourtant:

Le 17e siècle utilise bien des accords de septième, mais le plus souvent dans des contextes où ils peuvent aussi s'expliquer par des processus contrapuntiques de passage p 87

Voilà tout de même les prémisses d'une remise en cause des analyses considérant les rencontres fortuites de l'écriture horizontale comme de l'harmonie, un tour de passe-passe qui présentait l'avantage de montrer un certain compositeur traditionnaliste du 18e siècle comme un grand novateur.

"En ce qui concerne le chromatisme, dont l'usage intensif qui en est fait à la fin du 19e siècle est souvent décrété responsable du déclin du langage tonal, on ne voit pas que, ramenés à leur processus de base, les enchaînements wagnériens les plus déroutants aillent plus loin que ce passage de la Fantaisie chromatique de JS Bach" p 92

On veut nous fourguer Bach par tous les moyens, sauf que la Fantaisie chromatique n'est pas de lui, ou tout au moins pas entièrement. Plus loin:

"Il convient cependant de rendre justice au génie innovateur de F Liszt, inventeur de formules généralement attribuées à Wagner."

D'autres auteurs considèrent que c'est Paganini qui est à l'origine du chromatisme. Alors, que signifient tous ces errements sinon que la connaissance est déformée pour cause de culte de la personnalité. Pour saluer l'innovation (fausse) de Wagner, un ouvrage entier a été écrit (dont vous m'épargnerez la référence). Pour le rectificatif concernant Liszt puis Paganini, on se contentera d'une ou 2 lignes dans des ouvrages spécialisés ou des dictionnaire de la musique. Et naturellement, cet ouvrage d'Annie Coeurderoy est sous-tendu par l'idéologie implicite selon laquelle l'évolution de la musique (qui n'est autre que l'évolution de l'harmonie) ne peut conduire qu'à l'atonalisme, dont l'avènement se trouve justifié. Et naturellement, rien sur le rhapsodisme, dont il est pourtant difficile de penser qu'il n'a pas joué un certain rôle au 19e et 20e siècle. Est-ce qu'on va enfin observer un dépoussiérage de l'histoire de la musique dans les ouvrages proposés au public dans les grandes collections? Est-ce qu'on va enfin en finir avec la dictature et le culte de la personnalité liés aux "grands classiques". CONTESTER BACH
Très cher Melmoth, permettez-moi tout d'abord de citer la merveilleuse phrase qui vous écrivîtes à mon propos: "Il me paraît beaucoup plus insultant de ne pas aimer Bach, Gould, la musique baroque ou Norhölm que de traiter un abruti de cette liste de connard oligophrène..." En effet, il est certainement plus irrévérencieux de contester Bach que d'assaisonner son discours de termes pimentés, salaces et vulgaires comme vous en avez l'habitude, termes offusquant les bonnes âmes, mais confortant le traditionnalisme rampant par leur vacuité et surtout épargnant toute remise en cause de la philososphie musicale. Très cher Melmoth, l'on doit vous savoir gré ici d'entretenir superficiellement un parfum de sédition anti-BCBG grace à vos grossièretés inoffensives et tellement rassurantes. Quoique vous contestiez l'ébourrifant mélomane distingué - Modérator I - vous partagez avec lui les mêmes idoles et la même vénération pour les hypostases imposées par l'intellectualisme anti-artistique. Vos jugements musicaux ne sont que le produit de la société que vous propagez par votre grégarisme instinctif, en aucun cas vos choix individuels. Comme tous les esprits faibles, vous vous complaisez dans l'aplaventrisme à l'égard des standards véhiculés par l'idéologie dominante des milieux officiels. Sans doute allez-vous répondre à cette missive par quelques insultes dont vous avez coutume. Vous avez raison, évitez l'argumentation qui ne pourrait que vous ridiculiser et retournez faire joujou dans votre bac à sable.

VIENNE MUSICALE
Le Télévision française (3e chaîne) consacrait hier une émission spéciale sur Vienne. S'il fut beaucoup question de la recette des gâteaux viennois et du café, une partie fut consacrée à la musique. C'était le moins que l'on pouvait faire pour cette ville, considérée, certainement à juste titre, comme le symbole de la musique. A part la viste de la réserve des partitions, montrant le Requiem de Mozart et une sonate pour violon de Beethoven, je n'ai guère eu l'impression qu'on ait restitué le climat musical de la ville. Un fond d'extraits d'oeuvres de ces deux compositeurs, cependant, mais parmi cela, on ne sait trop pourquoi, deux extraits d'oeuvres de Paganini et un extrait d'une oeuvre de Vivaldi. Il est vrai qu'un jour j'ai entendu du Mozart en fond muical pour présenter la ville des Doges. C'est toujours de la musique italo-germanique, mais tout de même. Passage obligé à la Musikverein où on aurait aimé y entendre plus de musique plutôt que quelques travelling rapides. Schubert, évoqué très secondairement, presque par inadvertance. Il est vrai qu'historiquement, de ces trois compositeurs, un seul a véritablement marqué la vie musicale viennoise, Beethoven. Tout a été dit (pas dans l'émission bien sûr), concernant les rapports ambigus de Beethoven et Vienne, mais ces liens étaient profonds. Ville européenne de la musique Vienne l'est incontestablement car elle servit de tremplin à de nombreux compositeurs "étrangers", Italiens surtout, mais aussi Allemands, Hongrois, Tchèques, Espagnols... Pendant très longtemps, il a été difficile de faire admettre aux autorités viennoises qu'un grand compositeur lyrique pût ne pas être Italien. Vienne, c'est aussi la valse, un aspect bien illustré par l'émission. Il existe actuellement de nombreuses réceptions mondaines où la valse est de rigueur, et une grande école de valse. Je n'ai personnellement jamais compris l'attrait pour cette musique sirupeuse et ennuyeuse (pour moi), mais il y a des amateurs. Le genre, assez tardif, ne fut justement pas illustré par les clasisque viennois. Pas un seul mot sur la seconde école de Vienne, on ne s'en plaindra pas car son importance historique n'est pas avérée. Le 19e, surtout la fin, fut surtout marqué, dans un autre domaine par Klimpt et Otto Wagner plus que par la musique. Au 19e, l'Europe allait se révolter contre la musique classique italo-germanique. Vienne n'est plus la ville de la musique, mais aucune autre ne lui succèdera véritablement et n'aura accordé autant d'importance à la musique comme elle le fit pendant un siècle. GYROWETZ - VRANICKY - JANACEK
Je termine avec un programme de musique tchèque comprenant Janacek, Gyrowetz, Vranicky. Je dois me repentir d'avoir vilipendé Janacek à la moindre occasion. Il est vrai qu'aucune de ses oeuvres ne recélait pour moi la moindre matière musicale. J'ai néanmoins écouté quelques nouvelles oeuvres et réécouter "Danube", mais il fallait qu'on m'y forçât presque. Danube, c'est vrai que je l'avais considéré un peu vite il y a longtemps; à une époque où je prenais sans doute moins de précaution avant d'indiquer une appréciation. Si l'ensemble de l'oeuvre ne me convainc toujours pas, je réhabilité le 3e mouvement avec soprano et quoique je sois plutôt réservé sur l'utilisation de la voix dans une symphonie, je pense que son intégration, accomplie dans l'esprit instrumental ne dépare pas avec l'environnement orchestral et thématique de l'oeuvre. Mais c'est la Sinfonietta, une découverte pour moi, qui attire mon attention. Un vrai bijou, une oeuvre issue purement de l'exploitation du rhapsodisme et je ne constaterai jamais assez le rôle moteur du rhapsodisme dans l'évolution de la musique non seulement au 19e siècle, mais également au 20e siècle. Kodaly, Rachmaninov, Rodrigo, Khatchaturian (pour ne citer que quelques-uns) ont certainement plus apporté en sonorités nouvelles que les prétendus modernes, peu portés sur la couleur instrumentale et incapables d'intégrer le rhapsodisme. Dans cette Sinfonietta, tout y est, la nostalgie par les épisodes de cordes divisés, le mystère, la pugnacité, la puissance...(Supraphon Janacek Orchestral Works n°3 Brno State Philarmonic Orchestra Frantisek Jilek). Après cette oeuvre, difficile d'aborder Gyrowetz, auteur notamment d'un quatuor ultraclassique, ultraorthodoxe, aseptique et sans la moindre once de rhapsodique. Du plus pur style italo-germanique épuré au maximum. Il ne mérite pourtant pas qu'on l'oublie et cette oeuvre datant du début du 19e siècle participe à l'émergence d'un genre sans éclat, peu spectaculaire, mais qui draine des sentiments profonds et intimes d'une particulière intensité (Hypérion Salomon String Quartet). Voilà pour ces découvertes et réévaluations positives, mais c'est peut-être uniquement l'influence paisible de la Fête de la Nativité qui adoucit mon humeur de critique intraitable. Vranicky, bon, je le laisse, je ne vais pas gâcher ma bonne humeur pour un désaveu concernant ses Sextuor 3,4 et 6, d'autant plus que j'admire le symphoniste à défaut d'apprécier le chambriste.

OEUVRES POUR PIANO ET ORCHESTRE DE SAINT-SAËNS
Ne pas oublier les autres oeuvres pour piano et orchestre de l'obscur compositeur académique. Weeding Cake par exemple, plutôt le style fantaisie où l'on ne retrouve aucune recherche de grâce et d'amabilité (Saint-Saëns l'est si peu), mais surtout de brillant et de somptuosité. Et aussi la Fantaisie zoologique pour laquelle je proposerais une écoute plus dramatique qu'humoristique.

ALKAN PRÉLUDES
Un Alkan insoupçonné dans ces 25 préludes dans tous les tons majeurs et mineurs op 31. Mélodique, sage, aéré, réfrénant toute tendance à la virtuosité ou aux effets contrastés. un Alkan presque "angélique" - au sens religieux - du terme. Sens qui n'est peut-être pas une simple image. Toute la contradiction de ce personnage bizarre qu'était le créateur de la Sonate "Les Quatre Âges", semble se manifester dans ces pages paradoxales. Minimalisme, oui, on pourrait aller jusque là, quoique un gouffre sépare ces oeuvres au mélodisme très affirmé de l'inconsistance informe des pièces Gnossiennes de Satie ou encore des bruits de cloche dont nous assome Monpou. Et même certaines pièces au mélodisme cantabile atteignent une grande sérénité et une grande noblesse, par exemple le 2, le 9, le 13e prélude. Une volonté de retour au classicisme dans ces pages de la part d'Alkan, non ce n'est certainement pas sa démarche, plutôt un approfondissement au-delà du romantisme. Presque une négation du romantisme et de la bravoure instrumentiste, une repentance. Cependant, à mon avis, ce qui sauve ces pièces de la stérilité, c'est justement leur classicisme, le mélodisme cantabile. La boucle est bouclé pour Alkan. Bien des "grands" (ou prétendus "grands") ont produit des pages dérisoires dans le domaine du prélude (à mon avis) Chopin, Bach, Rachmaninov... sous le prétexte de didactisme, d'"édification" musicale, alors saluons la démarche d'Alkan qui n'a rien d'intellectuelle ni de démonstrative. Remarquons qu'en composant des préludes sur tous les tons majeurs et mineurs, il reprend une vieille tradition qui remonte bien avant Bach et que Bach lui-même a reprise. On a cru longtemps que Bach avait été le premier à s'adonner à ce genre d'exercice et on avait utilisé ce prétexte pour déclarer qu'il avait contribué à l'établissement de la tonalité, une contre-vérité musicologique qui a été reconnue. Une prestation de Laurent Martin, l'inlassable et talentueux promoteur du compositeur mal-aimé que fut Alkan.

PIÈCES POUR PIANO DE GRIEG
Sauf que le premier volume que j'ai déjà écouté depuis longtemps me paraît d'une nullité affligeante. Il s'agit des Pièces lyriques op 23, des Nocturnes op 20, 21, 31, 33... Et ce sont bien les seules compositions de ce grand maître qui me paraissent dépourvues d'intérêt. Le contraste entre un concerto d'une densité, d'une virtuosité stupéfiantes et, d'autre part des pièces à mon avis simplistes, sans relief, sans saveur, sans imagination, a de quoi surprendre. Puisque nous sommes dans les intégrales pour piano de compositeurs qui ont brillé dans le domaine concertant, je signalerais celle de Scharwenka qui, elle (pour les volumes que je possède), m'euphorise tout autant que les concertos, notamment les "Cinq polonaises" qui furent un des plus grands succès d'édition du 19e siècle comme je l'ai déjà signalé sur cette liste.

BARTOK RHAPSODIQUE? - KODALY
De Bartok, je ne connais qu'une seule oeuvre qui soit vraiment rhapsodique, Sorrow, une petite pièce pour piano. Il semble que Bartok ait éradiqué toute substance rhapsodique dans ses concertos. Comment pourrait-il en être autrement, en effet, les effets agressifs, la rythmicité moderne dont témoignent ces oeuvres leur ôte toute possibilité d'exprimer des thèmes rhapsodiques. Néanmoins, je tâcherais de me procurer l'oeuvre que vous signalez, il est possible qu'elle procède d'un autre style. En revanche, Kodaly me semble un grand inventeur de sonorité nouvelles et un compositeur certainement beaucoup plus important que Bartok dans l'évolution de la musique au 20e siècle.

FIN MESSAGES 2005

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