SOMMAIRE



MESSAGES DE LISTES 2004

ÉCRIRE SUR LA MUSIQUE
Écrire vraiment sur la musique est une impossibilité. On écrit toujours "autour". Il n'y a qu'un seul moyen d'accéder à l'oeuvre musicale, l'audition.

MYLIVECEK, STAMIC, MOZART, SALIERI, CLEMENTI, VIENNE
Myslivecek, j'espérais beaucoup en lui comme en Stamic. Mais je ne désespère pas totalement. Si d'autres enregistrements paraissent, je me les procurerais certainement. Je connais très peu de concertos pour violon de la seconde moitié du 18e siècle dignes d'intérêt (pour le critique intraitable et décourageant que je suis) et encore moins de concertos pour piano, en fait quasiment aucun. En revanche, pour la harpe, c'est un plaisir avec Krumpholz. Pour Mozart, je vois que vous êtes une vraie mozartienne, vous connaissez la réalité de la vie de Mozart rapportée par ses biographes modernes. Certains membres d'une certaine liste m'ont soutenue mordicus que Mozart était un compositeur de grand renom en son temps. Il est vrai que sur cette liste on me prend pour un affabulateur (quand cela arrange naturellement). Sur la jalousie de Mozart, on a de nombreux témoignages, les frères Stamic furent traités par lui de "barbouilleurs de notes". Cela dit, ce sont des relations de confrères, rien que de très normal. Ce qui est grave, c'est que l'on a accordé de l'importance aux anathèmes portées par Mozart. A propos de Clementi, Pestelli a écrit: "Sur lui (Clementi) pèse le désaveu de Mozart". On pourrait en dire autant de Salieri sans doute dont la mémoire a pâti des élucubrations inventées par les littéraires, bien timidement infirmées par les musicographes. Il fallait aussi comprendre Mozart, un peu aigri d'être supplanté dans sa patrie par des étrangers. Mais lorsque les ragots et les erreurs historiques (pas toujours involontairement) se conjuguent pour discréditer des compositeurs, je pense qu'il est nécessaire d'intervenir pour éclairer le profane. Naturellement, le mal est fait. La révolte larvée des compositeurs autochtones contre les étrangers existait vraiment à Vienne, certains auteurs le rapprotent, mais cela n'empêchait sans doute pas les relations normales. Mozart a bien travaillé avec Da Ponte, comme Salieri et ce dernier a été le bienfaiteur du fils de Mozart. Toute cette turpitude (non pas tellement des compsiteurs, mais surtout des intellectuels manipulateurs) ne m'empêche pas d'apprécier Mozart, selon les oeuvres. Je revendique simplement qu'on accorde plus d'importance à certains de ses contemporains qui étaient à mon avis de grands compositeurs.

MOZART ET LE CREUSET VIENNOIS
Cette citation est un des jalons qui bâtissent une légende. Comme la légende de Salieri jaloux de Mozart alors qu'il est avéré que c'était Mozart (fort logiquement) qui était jaloux de Salieri et aussi jaloux de Clementi et aussi des frères Stamic. Si Mozart avait vécu plus, on ne sait ce qui aurait pu advenir, mais ce que l'on sait, c'est qu'à la fin de sa vie, Mozart, comme vous le savez, a vu sa notoriété - déjà bien faible - baisser. Le succès relatif de la Flûte enchantée ne pouvait inverser la tendance. Oui, les compositeurs tchèques ont joué un rôle important à Vienne, mais aussi les Hongrois, les Italiens, et même des Espagnols. Ce qui est très bizarre, c'est que ces compositeurs, qui atteignirent souvent une notoriété très supérieure à Mozart (et souvent dans toute l'Europe) ont été balayés à la postérité par Mozart (notamment Gluck et Salieri), Mozart qui n'était que le "local". Sa grande chance, post-mortem, finalement, c'est peut-être d'avoir été "Autrichien". On peut regretter qu'un grand tchèque comme Krumpholz n'ait pas bénéficié de la même attention que Mozart de la part des Intellectuels qui ont déterminé au 19e siècle la notorité des compositeurs du 18e siècle. Bien sûr, guère de noms connus et influents dans la musicographie tchèque du 19e tandis que Forkel (le découvreur de Bach notamment) en Allemagne disposait déjà d'un journal de critique musicale très influent sur l'opinion européenne. En leur temps, les princes choisissaient de préférence les compositeurs étrangers à Vienne en raison de leur notoriété européenne (c'était le cas de Colloredo), ils étaient insensibles au nationalisme. Ce ne fut pas le cas des Intellectuels. Un exemple qui le montre: de nombreux ouvrages ont été publiés en Allemagne au 19e siècle pour montrer par tous les moyens que Haydn était d'origine allemande. Tout cela est assez triste.

POLITIQUE DES MAJORS
Il y a pourtant une idée qui devrait inspirer les grandes firmes pour renouveler le répertoire en évitant les risques: c'est de reprendre les oeuvres des siècles passées oubliées, mais qui avaient obtenu à leur époque un grand succès. Il y a de fortes chances que le succès se récidive. Cela procède d'une logique élémentaire. Malheureusement, à ce qu'il me paraît, les initiateurs de redécouvertes (interprètes comme firmes ou musicologues réviseurs) obéissent trop souvent à une autre logique selon laquelle une oeuvre qui obtint du succès est une oeuvre inférieure et ils pensent aussi qu'une oeuvre ennuyeuse est plus sûrement géniale. En privilégiant la logique du succès d'autrefois obtenu par certaines oeuvres, Cecilia Bartoli a réussi à imposer la redécouverte de Salieri, Gluck et des opéras de Vivaldi. Le succès, d'après un article que j'ai lu (Télérama, je crois) a été absolument foudroyant, mais elle a rencontré beaucoup de difficultés à faire admettre ces noveautés auprès de sa firme, d'après son témoignage. En musique instrumentale, je crois qu'il suffirait d'une petite promotion pour obtenir un énorme succès de certaines oeuvres, mais qui y consentira? Quel grand violoniste et quelle grande firme consentira par exemple à "lancer" le Concerto pour violon n°2 de Vieuxtemps. Si l'oeuvre sort anonymement sans aucun lancement, rien probablement ne se produira. il n'y aura que quelques curieux comme nous pour l'écouter. Comme vous le dites, on a l'impression que les firmes font tout pour se saborder elles-mêmes, je crois qu'elles sont trop inféodées à l'idéologie du système cornaqué par les Intellectuels.

MUSIQUE NORVÉGIENNE
Un CD inoubliable. Halvorsen, Svendsen, Tveirr, Saeverud, Braen, Groven, Irgens Jensen, Grieg, Hanssen. Presqu'uniquement des chefs-d'oeuvre, et, pour le reste (20 % envrion de ce qui ne me paraît pas excellent), demeure d'un bon niveau. Les maîtres-d'oeuvre de cette production semblent avoir été bien déterminés à offrir au public de la véritable musique qui puisse le ravir. La plupart de ces pièces obtinrent, au moins en Norvège, un grand succès. Voilà qui remplacerait bien quelques-uns des faux-chefs-d'oeuvre que le snobisme intellectuel met en avant sous nos latitudes. Aucun moderniste là-dedans. L'esprit le plus saillant de ce digne aréropage de compositeurs norvégiens me paraît (en considérant uniquement les pièces du CD) Harald Saeverud. Une densité thématique assez surprenante, notamment dans le Kjempeviseslatten de ce compositeur, vaste crescendo de style expressionniste. Un lyrisme bouleversant, une puissance émotionnelle viscérale. Le rhapsodisme norvégien adopte tous les affects, la nostalgie aussi bien que la veine carnavalesque à la manière d'un Chabrier par exemple. Elle ne s'enlise pas obligatoirement dans la brume imprécise d'une musique figée. La précision du trait, le mordant, la dynamique peuvent la caractériser. La Valdresmarsj, rappelant parfois les marches de Sousa, est une scène de liesse populaire. Ce qu'il y a d'étonnant, c'est que l'utilisation des cuivres et des percussions, notamment dans certains pièces de Tveitt, même si elle est poussée (et même si elle n'est pas toujours réussie), n'aboutit jamais à cette détérioration du tissu musical vers la stridence qui caractérise les modernistes. Effets impressionnistes-expressionnistes de féerie et de magie, rêverie éveillée chez Irgens-Jenssen et Brustad... Lorsqu'on écoute ces maître du rhapsodisme norvégien, l'on a l'impression de franchir une barrière stylistique, nous ne sommes plus dans le même espace-temps musical. On se sent délivré des pesanteurs tyraniques du traditionalisme-modernisme. J'allais oublier Halvorsen: "Bojarenes Indtrogsmarst", un classique. Grieg en était épris, moi aussi. Ces rétrospectives de musique rhapsodique par pays ont à mon avis un grand intérêt, elles permettent de découvrir de nouveaux noms que l'on ignorait, des écoles entières sacrifiées au mépris des pseudo-élites. C'est ensuite l'occasion de rechercher s'il n'existe pas des enregistrements qui sont consacrés à ces compositeurs (quoique malheureusement pour Saeverud et Braen par exemple, j'en doute - mais je n'ai pas vérifié).

LA CHASSE DU JEUNE HENRI DE MEHUL
Que vit le jeune Henri au cours de cette chasse? A-t-il médité sur la gloire, l'amour ou la mort? On ne le saura sans doute jamais. Sauf si l'ouvrage lyrique dont cette ouverture est tiré nous donne la clé. Quoiqu'il en soit, la musique par elle-même ne permet pas de l'imaginer. C'est sans doute ce qui apparaît de plus fascinant dans ce véritable poème symphonique, comme le furent plus tard les oeuvres aux titres imagées de Debussy. Le but n'est pas de décrire, mais de faire croire que l'on décrit, demeurer le plus possible dans l'ineffable et l'ambigu. Quelle maîtrise, Méhul, dans cet art encore à inventer de la fausse évocation. Il y parvient, non par l'usage du flou comme Debussy, mais au contraire par la précision. Des effets d'une subtilité inouïe, une progression thématique calculée, dont le calcul, par lui-même, contribue à la fascination, comme si elle signifiait une volonté impressionnante de détermination, mais vers quel but? Et malgré la précision, la logique des progressions, tout est senti, rien n'est sec ni convenu. Remarquable, oui, remarquable, Méhul, dans cette ouverture, datant de 1797. Une date incroyable par rapport au style de l'ouvrage. Un style dont on trouverait bien peu les prémisses dans le symphonisme post-viennois. Aucun rapport. Du pré-rossinisme, peut-être, et encore? Un Berlioz avant la lettre, débarrassé de ses oripeaux beethovéniens qui lui collent à la peau, plus de 30 ans après, dans la Fantastique. A cette époque où Méhul écrivait cette ouverture, Beethoven n'avait pas écrit ses symphonies, ni Rossini ses opéras. D'où vient cette science de l'orchestration? Sans doute ignorons-nous beaucoup sur la musique symphonique française du début du 19e siècle (moi en tous cas). Beethoven n'ira guère plus loin dans le traitement thématique et il a conservé peaucoup plus d'archaîsme du 18e siècle, ni Rossini dans le développement des crescendos complexes. Dommage que toutes les oeuvres de ce double CD (Nimbus Records avec l'Orchestra of Gulbenkian Foundation dirigé par Michel Swierczewski) n'atteignent pas, à mon avis, l'irradiante beauté de cette oeuvre. Ne négligeons cependant pas la 1 qui nous présente, avec la même virtuosité orchestrale, quelques beaux mouvements en forme de scherzos. Mais le second disque présentant l'ouverture Le Trésor supposé, les symphonies 3 et 4 ne me paraît recéler aucune matière musicale. Quant à juger Méhul là-dessus, et même sur le seul plan de l'écriture instrumentale, il n'y faut évidememnt pas compter. Si certains connaissent suffisamment son oeuvre dramatique, ils pourront s'y essayer.

AIRS DES OPÉRAS DE SALIERI
Je viens enfin, après tout le monde, d'écouter ce CD d'airs tirés des ouvrages lyriques d'Antonio Salieri. Déception considérable. Des qualités de forme, mais rien d'inspiré, aucun air mémorable. Pour moi, il n'y a rien là-dedans. Absolument rien. J'ajouterais néanmoins quelques commentaires d'ordre général. Comment peut-on concevoir que ce compositeur qui triompha sur toutes les scènes d'Europe ait produit une musique dramatique aussi vide (à mon avis)? Pourtant les grands succès d'aujourd'hui ou des siècles passés m'ont toujours parus justifiés. Il faut préciser néanmoins qu'il ne s'agit que d'une sélection d'airs. Comment a-t-elle été réalisée? A-t-on recherché les airs célèbres de Salieri et les opéras célèbres à leur époque? Il est vrai aussi que l'on peut aligner des CD entiers d'oeuvres sans intérêt, même pour les compositeurs les plus réguliers. Tout de même troublant de ne pas trouver le moindre air d'intérêt, même moyen, dans cette compilation? (toujours par référence à mon propre jugement, bien sûr). On ne peut imaginer que Salieri était un compositeur qui flattait le public avec de la musique facile. Ce n'est pas son style, tel qu'il apparaît dans ce CD, loin de là. Comment expliquer aussi le succès actuel de ce CD, si j'en crois un article de Télérama. Néanmoins, je ne me souviens plus exactement du contenu exact de l'article. Ne sont-ce pas plutôt les CD de Vivaldi et de Gluck qui ont obtenu un grand succès? J'ai peut-être extrapolé. Et le CD Vivaldi (que j'ai écouté), je peux vous dire qu'il est d'une autre trempe, un CD fulgurant, celui-là (à mon sens). Le Gluck, je ne l'ai pas encore écouté. Mais, ne serait-ce pas tout simplement Bartoli qui serait à l'origine du succès? Pour revenir à Salieri, il m'apparaît l'auteur d'un des plus beaux (toujours à mon avis bien sûr) concertos pour soliste (flûte et hautbois) de la seconde moitié du 18e siècle. Une oeuvre d'une densité thématique remarquable contrastant curieusement avec le vide thématique de ces airs d'opéras, pourtant la spécialité majeure du compositeur. Alors, je n'y comprend rien. Mais peut-être, dans ce domaine-là, l'erreur est-elle de chercher à comprendre.

PIÈCES POUR PIANO CASTELNUOVO-TEDESCO
Je me demande encore ce mois-ci ce que je vais bien pouvoir conseiller aux fièdles de ma lettre de diffusion. Certainement pas les pièces pour piano de Castelnuovo-Tedesco. Quoique la notice du CD en dresse l'apologie. Pièces d'une riche inspiration, profondes, un art consommé... Moi, je ne vois rien, ou plutôt je n'entends rien de tel. Cet enregistrement m'avait tenté car le Concerto n°1 pour guitare et orchestre m'avait paru une réussite dans un genre difficile. Mais reprenons le commentaire de présentation générale du compositeur: "Compositeur doué d'exceptionnelles capacités musicales Castelnuovo-Tedesco ne confirma que partiellement les grandes espérances qu'on avait placéees en lui en sa jeunesse. Ce fut justemnet sa grande facilité d'écriture qui donna naissance aux passages les moins originaux et les moins significatifs de son style de composition marqués du sceau d'une certaine grandiloquence ou, encore pire, par une certaine banalité mélodique. Ces caractéristiques apparurent surtout dans les oeuvres qu'il écrivit après 1930 et s'affirmèrent tout spécialement dans ses compositions de plus grande ampleur." Que veut-on signifier par ce commentire un peu bizarre. sans doute faut-il lire entre les lignes? Lorsqu'on accuse un compositeur du 20e siècle de "grandiloquence" et de "banalité mélodique", je me méfie. Souvent, à ce qu'il me semble, les mélomanes atteints de cécité musicale trouvent grandiloquentes les oeuvres présentant un caractère lyrique! Pour en avoir le coeur net, j'essaierai de me procurer quelques-une de ces oeuvres "de grande ampleur", son concerto pour violon par exemple puisqu'il est particulièrement dans le collimateur de ce critique. Pour revenir aux pièces pour piano, à mon avis ce sont des essais un peu compassés oscillant entre une écriture impresisonniste limitée et un minimalisme digne de Satie ou Mompou. Guère d'intérêt à mon sens.

COURBE D'INTÉRÊT D'UNE OEUVRE
Je ne sais si je rejoins la notion de moment-faveur invoquée par ce musicologue, mais j'avancerais plutôt celle de l'intérêt topique relatif à un fragment thématique spécifique. L'ensemble de l'oeuvre pouvant être considérée comme développant une courbe d'intérêt (variable) en fonction du temps de "sans intérêt" à exceptionnel, sublime, génial, comme on voudra au fur et à mesure que s'exécute l'euvre. J'emploie là intentionnellement des termes inconvenants (sublime, génial) presque honteux devant lesquelles le pur intellectuel se voile la face. Mais un moment de malaise est vite passé.

RHAPSODISMES
Les références multipes que vous faites à différents folklores permettent sans doute d'en comprendre l'essence commune, et non pas la seule référence à la musique nordique ou slave à laquelle se restreignent bien souvent (on ne sait trop pourquoi) certains membres de ce forum. Si j'ai personnellement un goût particulier pour la musique nordique (j'ai placé certaines oeuvres nordiques parmi les plus grandes, au-dessus de celles des grands classiques dans ma publication de 1988 avant que classique-fr n'existe), je n'ai jamais restreint la musique rhapsodique à un type déterminé de rhapsodisme, ce qui me paraît représenter une fâcheuse tendance vers un nouveau snobisme. La fixation que l'on fait sur la musique nordique sur ce forum me paraît assez comique. Quoique l'exemple de Vienna da Motta ne me paraisse pas significatif en première analyse de l'empreinte rhapsodique (d'après ce que j'en connais), j'y vois indirectement un lien avec la tendance rhapsodique qui s'est affirmée à la fin du 19e siècle. Motta me paraît un des seuls compositeurs qui ait introduit le style symphonique "wagnérien" dans les oeuvres concertantes (pour piano). Résultat peu probant à mon avis car le style concertant me paraît en opposition avec le caractère non-discursif induit par le style "wagnérien". L'on rejoint cependant le folklore car (à ce qu'il me semble) Wagner a beaucoup emprunté ses particularités au style nordique (Berwald peut-être notamment et Gade) sans qu'on l'ait trop claironné évidemment. Dans le même esprit d'ouverture et de synthèse dont vous faites preuve, j'aimerais élargir cette réflexion sur le rhapsodisme aux oeuvres extrême orientales, notamment chinoises. Dans ce dernier cas, la singularité rhapsodique (dans le fameux concerto pour violon de He Zhang-ho par exemple ou le concerto "Petites soeurs de la prairies" de Wu Tsu-chiang), me paraît très loin d'évoquer un quelconque contexte local d'ordre géographique (tout au moins pour moi), mais plutôt l'exploitation d'effets musicaux consécutifs de l'emploi d'un mode particulier (un simple cas particulier de musique modale) auquel il faut associer le traitement instrumental spécifique, parfois à l'aide d'instruments locaux comme le pipa ou le violon chinois (quoique He Zhang ho ait choisi le violon occidental). Tous les folklores, s'inscrivant dans le cadre de la tonalité, me paraissent relever de la musique modale, des modes assez proches entre eux et assez peu éloignés du mode d'ut. C'est donc à mon sens un caractère commun d'ordre purement musical qui caractérise la musique rhapsodique. Quant à Sibelius, la marque rhapsodique dans son oeuvre me semble évidente dans ses poèmes symphoniques, sa première symphonie, mais guère dans les symphonies postèrieures (sauf exception), je ne me suis d'ailleurs jamais expliqué l'importance que l'on accordait sur ce forum aux symphonies de Sibelius postérieures à la 1. Mise à part la 1, pour moi, les symphonies de Sibelius me paraissent comparables à celles de Rimski par rapport à ses poèmes symphoniques. Je terminerai pas une anecdote. On a vu dans le Morgenstenning de Grieg (utilisé dans Peer Gynt) l'image des montagnes de Norvège, mais l'auteur avait composé cette oeuvre initialement pour évoquer le lever de soleil sur la côte ouest de l'Afrique du Nord.

COMPLOT CONTRE MOZART (?)
Ce que je dis sur Mozart est tiré d'ouvrages dont je pourrais donner les références, ouvrages généralement écrits par des spécialistes, comme par exemple Jean et Brigitte Massin. La thèse du complot contre Mozart, justement, ces historiens reconnaissent qu'elle ne permet pas d'expliquer le manque de succès de Mozart de son vivant. Il n'y a jamais eu de complot contre Mozart, seulement des relations de concurrence plus ou moins larvées entre compositeurs, que l'on rencontre habituellement dans tous les milieux. On n'a aucune raison de penser que Mozart en a été la victime plus qu'un autre compositeur de son époque. C'est vrai aussi qu'il n'était pas très opportuniste, il n'avait pas la manière de se présenter à son avantage auprès des princes. En contrepartie, il a été admirablement lancé par son père Léopold, qui, lui, était opportuniste pour son fils. On a beaucoup critiqué Léopold, mais s'il n'avait pas été là, Mozart ne serait peut-être pas comme il est aujourd'hui au sommet du panthéon musical. Avec le nationalisme, la capacité d'enfant prodige a sans doute beaucoup fait dans l'émergence post-mortem de Mozart. Il n'a certainement pas été le seul enfant prodige en son époque, mais sans doute le seul dont on puisse suivre la notoriété précoce (vite avortée) grâce aux lettres périodiques envoyées par son père à des amis. On soupçonne Léoplod d'avoir écrit ces lettres pour la postérité. RAVEL - BRUCKNER - OEUVRES CHALEUREUSE (?) Ce que Ravel n'a pas réussi à mon avis dans son oeuvre pour piano solo, il l'a réussi, me semble-t-il dans son oeuvre concertante pour piano, genre plus conforme à son tempérament. C'est exactement l'inverse pour Debussy. Bruckner, à mon avis, pas plus austère que n'importe quel autre compositeur. La rutilance des cuivres dans la 5 évoque tout ce que l'on veut, sauf l'austérité. Contenu beaucoup moins lyrique dans un grand nombre de ses autres symphonies. Pour moi, ce n'est pas de l'austérité, mais un phénomène beaucoup plus commun que Bruckner partage avec bien d'autres compositeurs (pour ne pas dire tous à des degrés différents), une inspiration très variable tout simplement. Certains compositeurs n'ont peut-être écrit qu'une seule grande oeuvre dans leur vie, mais une oeuvre qui a pu revêtir une grande importance dans l'histoire de la musique. Finalement, qu'est-ce qu'une oeuvre "chaleureuse", pourrait-on citer des oeuvres qui présentent particulièrement la capacité de développer l'empathie?

VARIATIONS SUR LA FOLLIA DE SALIERI
Vous avez raison de vous fâcher que je n'accordasse pas un peu de temps à écouter cette fameuse Variations sur la Follia de Salieri. J'avais vu effectivement votre courriel conseillant cette oeuvre il y a peu de temps. Je dois avouer honteusement que je n'en croyais rien. Les Variations sont généralement, à mon sens, des oeuvres académiques, que je qualifierais d'un terme impossible à écrire sur un forum policé comme celui-ci. Certes, il existe bien des variations sublimes, portant souvent le titre de Fantaisie, par exemple la Fantaisie sur des thème de Rhiabynine d'Arenski ou encore le très célèbre dernier mouvement de la Symphonie fantastique de Berlioz, ou encore le Totentanz de Liszt. Mais si je devais énumérer toutes les Variations, aussi... disons ennuyeuses les unes que les autres, de compositeurs célèbres ou non, la longueur de mon courriel dépasserait les bornes. Et si je la déclamais à l'aube, le soliel se coucherait avant que je n'en ai énoncé le tiers. Si j'ai acheté ce CD, c'était pour écouter le second concerto pour piano de Salieri. Par acquis de conscience uniquement, d'ailleurs. Une étoile à chaque mouvement, et j'estime que c'est déjà bien cher payé. Les plus belles rencontres musicales se réalisent souvent lorsqu'on s'y attend le moins. C'est ce qui fait le charme de la découverte. Pardon encore d'avoir considéré votre jugement avec cette désinvolture.

PIÈCES POUR CLAVECIN ANTONIO SOLER
Pas beaucoup d'enthousiasme pour évoquer ces pièces d'Antonio Soler. Pourtant Soler semble relativement à la mode, la sélection des enregistrements conseillés par Le nouvel Observateur avait indiqué quelques sonates de ce compositeur. Qualités stylistiques, certainement, maîtrise de la composition, certainement aussi. Du post scarlattien très scarlattien. En moins virtuose peut-être, mais chez Scarlatti il y a aussi quantité de pièces limpides de faible virtuosité. Mais que rajouter à Scarlatti, c'est vrai. L'évolution vers le style galant eût été de la part de Soler une involution. Remarquons que les compositeurs de l'école espagnole issue de Scarlatti dont j'ai pu présenter déjà quelques oeuvres: Sostoa, Eriguren, Oxinagas, Lombide... présentaient les mêmes caractéristiques. Aucune caractéristique rappelant le style galant pendant la période où pourtant il s'imposé à l'Europe. Soler, au travers de ces quelques pièces apparaît-il meilleurs que ceux-là? Honnêtement, à mon avis, non. Tous présentent une grande maîtrise compositionnelle dans un style très libéré, mais seulement quelques rares pièces me paraissaint d'intérêt supérieur, une pièce d'Oxinagas, je crois. Quant à cet enregistrement d'Elena Riu (CD Ensayo) des sonates 89, 88, 71, 1, 42, 87, 84, 3, 90, 77, je retiendrais tout de même l'excellente sonate 42, très vive, très entraînante. Mais c'est tout. Le reste est divertissant (suprême injure!). Ecouter d'autres pièces de Soler? Certainement. Il en faut beaucoup plus pour me décourager d'un compositeur.

CARACTÉRISTIQUE ET PRÉJUGÉ - BACH ENCORE
Merci de vos commentaires. La limite que je trace entre caractéristique et préjugé, c'est lorsque la caractéristique se trouve chargée d'une connotation négative à l'égard de certains compositeurs et positive à l'égard d'autres compositeurs. Par exemple, l'expression de la joie dans une oeuvre, on peut juger qu'elle traduit la superficialité ou qu'elle est l'expresison d'une joie profonde, quasi divine. Un exemple: il est généralement entendu que Bach a transcendé la gaieté superficielle de ses modèles italiens pour irradier ses propres oeuvres d'une sève joyeuse, preque mystique. C'est d'une telle évidence. Si vous souhaitez que cette problématique ne reste pas sur internet, vous pouvez toujours me faire un peu de publicité dans votre fac. Méfiez-vous, cependant, faites-le discrètement, vous risqueriez ne ne pas être toujours en odeur de sainteté au sein de cette institution.

KOZELUK RICHTER SAMMARTINI LA SYMPHONIE CLASSIQUE
Kozeluh ou Kozeluk (?) (prononcer "kozelour", je crois (?)), oui, si j'en juge par quelques pièces pour piano que je connais de ce compositeur, il promet. Style galant typique, mais thèmes très caractérisés, incisifs. Les autres, il me reste à les connaître. Richter, un grand nom de la synthèse symphonique autrichienne au 18e siècle, synthèse effectuée essentiellement par des étrangers, comme je l'ai déjà dit, bénéficiant de la protection des princes locaux à Vienne ou à Estheraza. Un des plus grands novateurs (selon les musicologues) c'est tout de même Stamic (l'un des frères) auquel on attribue l'invention du crescendo pour l'orchestre (ne me demandez pas lequel, dans la famille, je suis complètement perdu et en plus ils ont presque tous les mêmes prénoms), l'invention du crescendo pour instrument soliste (violon) est attribuée à Vivaldi d'après les commentaires d'un de ses auditeurs d'époque, le Président de Brosses, commentaires qui ne laissent aucun doute sur la réalité du procédé décrit. Selon certains auteurs, cependant, la majeure partie des nouveautés définissant la symphonie classique a été apportée par Sammartini, dont se serait inspiré Stamic. Comme Sammartini n'est pas recréé à ma connaissance (?), il n'y a que quelques musicologues d'après partition qui peuvent juger.

EFFETS PRÉCURSEURS DE BEETHOVEN CHEZ DITTERSDORF
Evoquez-vous les 6 symphonies de Dittersdorf, selon l'intitulé du message (vous avez effacé le message précédent et je n'ai pas suivi le fil). Comme l'indique l'avis critique que j'ai noté dans mon site, Dittersdorf me paraît loin d'atteindre la régularité de Beethoven dans ce genre. Sur les symphonies que je connais de Dittersdorf, il n'y a guère qu'un ou 2 mouvements qui me paraissent atteindre le génie supérieur (dans les symphpnies d'après les Métamortphoses d'Ovide). Ce qui me paraît remarquable, c'est la nouveauté des effets, pas obligatoirement leur efficacité, en avance de plusieurs décennies (en attendant de trouver d'autres précurseurs du style "beethovénien"). A mon avis, Dittersdorf trouve son entière efficacité dans ses concertos pour plusieurs solistes (notamment pour contrebasse), un genre et une écriture totalement différents, plutôt proche du style galant et en conformité avec le style de l'époque. L'effet précurseur ne fait pas tout, il ne fait même rien du tout sur le plan de l'intérêt strictement musical pour le mélomane.

NOVATEURS À VIENNE
Cela rappelle le destin des musiciens des provinces polonaises germanisées de l'Allemagne orientale, d'où sont issus Kullak et Scharwenka notamment. Quoiqu'ils aient fait leur carrière en Allemange, il me paraît important de remarquer la marque rhapsodique sarmate dans leur oeuvre (en fait, c'est surtout vrai pour Scharwenka). De ce point de vue, quelle que soit leur réelle nationalité, il me semble qu'on doit les considérer comme des compositeurs polonais sur le plan musical. Krumpholz ou Stamic, évidemment, écrivent dans le style de la musique européenne, sans marque rhapsodique. Il me semble cependant que les Hongrois, Tchèque et Italiens en Autriche au 18e siècle se sont caractérisés par leur esprit novatEUR par rapport à une culture locale plus conservatrice. Il ressort objectivement que les novations sur la plan de la forme, au moins, pendant le 18e siècle ont été apportées par ces compositeurs venus faire carrière à Vienne ou Mannheim. Dittersdorf serait peut-être une exception. A mon avis, il innova sur le plan stylistique, mais ceci n'est reconnu par aucun ouvrage à ma connaissance à propos de Dittersdorf.

LEONTSKY
On ne sort pas indemne d'écouter les oeuvres pour piano de Leontsky. La première approche éveille le scepticisme. Ces humbles mélodies qui semblent se fondre dans le silence, se volatiliser dès qu'elle prennent la moindre consistance comme si elles voulaient se faire oublier le plus possible peuvent-elles constituer de la musique digne de ce nom, capable de rivaliser avec les grandes péroraisons pianistiques. A quoi joue Leontski? Où veut-il en venir? Des oeuvres écrites en 2000 (entre 1991 et 2003 exactement), il faut de la présence immédiate, il faut de l'arrogance, de la provocation. Où sont les effets bien visibles, où sont les stridences, où sont les dissonances là-dedans? Est-ce que l'on se moque de nous? On ne nous dit pas ce qu'il faut entendre? Comment il faut l'entendre. On nous oblige à écouter des riens. Du presque rien, de l'insignifiant. Quoi, cela, de la musique? Des successions d'accords pâteux, des bribes mélodiques brèves, d'un tonalisme à l'évidence aveuglante. Des motifs qui se cherchent incessamment. Une provocation à rebours. Pourtant du presque rien qui devient beaucoup si l'on veut bien prêter une oreille attentive, débusquer les micro-effets camouflés, traquer les variations chromatiques embusquées. L'on est bientôt subjugué par une sensualité sonore originale, celle des effets thématiques réduits à l'essentiel. Et quelle force dans cette humilité. De la substance, il en a Leontsky. Oui. Avec sa manière de ne pas vouloir en dire, de se retenir sans cesse, de vouloir tout maîtriser, d'éviter toute franche effusion. Le propre de l'artiste accompli que de refusuer d'être emporté par sa propre inspiration, de la discipliner, d'en mesurer les effets pour nous les présenter sous la forme la plus rafinnée. Et puis on se réveille. On écoute et on réécoute. On se plonge dans ces méditations musicales du presque rien, ébloui de constater que le si ténu peut être si intense. le "miss Archer's ghost", une mélodie d'une force surprenante, amère, qui nous plonge dans l'angoisse la plus absolue. La plus réconfortante aussi. Quelles références à ces singularités? Peut-être ce qu'aurait composé un Schubert resusscité au 21e siècle et qui se serait frotté aux expériences impressionnistes du 20e. Non pas une modernisation, plutôt un retour à ce qui fait l'essence de la mélodie récitative la plus classique, une décomposition, une schématisation, une analyse. "Best of Leontski volume 1" : un CD qu'il faut absolument écouter. Ne le cherchez pas chez votre disquaire électronique, vous ne le trouverez pas. Tout simplement il n'est pas diffusé. Je vous convie à vous le procurer en vous rendant sur le site du compositeur. http://www.leontski.com

LE MYTHE RAVEL - TZIGANE
On se demande parfois si Ravel ne met pas un certain cynisme à imposer à ses auditeurs des compositions totalement soporifiques dont il a le secret. Par opposition, il montre parfois une capacité à condenser des effets d'une originalité et d'une teneur thématique stupéfiants. Ainsi en est-il des deux mouvements rapides du Concerto en sol par opposition au mouvement central figé, d'une atonie invraisemblable. Le fin du fin étant naturellement de prétendre que cette insignifiance thématique sont l'expression du génie le plus exacerbé, le plus mystérieux, le plus subtil, une magie sonore supérieure. Ravel en vint à ce propos à se fâcher avec son ami et pianiste préféré, chargé de présenter au public ses nouveautés pianistiques, Ricardo Vines. Ce dernier avait insinué que, tout de même, il fallait introduire quelques variations dans l'interprétation pour rendre ce mouvement monotone un peu plus vivant. Vines avait eu pitié du public, sans doute. Sa remarque, en tout cas, me paraît frappée au coin du bon sens. Sans doute Ravel n'avait-t-il pas pardonné à Vines qu'il le privât du spectacle d'un public morfondu par ce mouvement d'une rare pauvreté. Il fallait le jouer, rétorqua-t-il de toute sa hauteur de génie offensé, sans la moindre nuance susceptible de le rendre plus attrayant. Il n'en démordit pas. Manifestation de son esprit retord, de son minaudage, de l'exploitation qu'il fit de sa renommée bâtie sur et par le scandale tout en jouant ensuite les génies taciturnes qui se retirent sous leur tente, sachant qu'on les observe, qu'on épie leurs moindres manifestations et qu'ils se font d'autant plus admirer qu'ils sont dédaigneux à l'égard de ceux qui les adulent. Ravel joue aux maniaques ombrageux, exploite son image, refuse les honneurs. Il joue les aristocrates blasés. Et cela fonctionne. Après sa disparition, d'autres se chargeront d'exploiter encore plus ce même filon, de développer le mythe de l'homme secret au génie insondable. Les ouvrages sur Ravel, fort nombreux, se vendent, paraît-il, comme des petits pains. On retrouve le même contraste entre la densité et la vacuité, me semble-t-il, dans l'oeuvre pour violon du maître de Saint-Jean de Luz que dans son concerto pour piano. A l'inimaginable insignifiance de la Sonate posthume, de la Berceuse sur le nom de Fauré (à mon avis) s'oppose l'explosion des rutilances et inventions de Tzigane (dans une transcription due à Ravel lui-même de l'original pour violon et orchestre). il faut s'incliner devant cette dernière oeuvre. Une transfiguration du rhapsodisme qui évoque le Harry Janos de Kodaly, quoique cette dernière oeuvre me paraisse une réinvention du folklore insurpassée dans le modernisme (au sens positif du terme) qui l'on ignore trop souvent. Mais, lui, Kodaly, ne minaudait pas et on l'a vite considéré comme un compositeur de seconde zone par rapport à l'un de ses tristes collègues de même nationalité que je me dispenserais de nommer. Dans la "Sonate pour violon et piano", à mon avis, Ravel nous gratifie du bon et du moins bon, voire du très mauvais. Excellente utilisation du folklore nord et sud américain dans le second mouvement, mais d'immenses longueurs dans le dernier mouvement que, par un surcroit de cynisme sans doute, Ravel nomme "Perpetuum mobile". Sans doute, lorsqu'on est un génie reconnu, on peut se permettre de faire perdre son temps aux mélomanes qui vous idôlatrent et les humilier. Ravel, d'ailleurs adorait faire perdre son temps à ses amis pour des broutilles. En pleine période anti-ravélienne alors que tout le monde courbait la tête devant cette figure sacralisée qu'il était devenu, j'ai mis longtemps à reconnaître pleinement la valeur de Tzigane. Mais ma profession d'indépendance du jugement de l'oeuvre et du contexte ainsi que de mes propres sentiment à l'égard du personnage, m'obligent à réévaluer cette oeuvre par rapport à la critique que j'en fis il y a quelques années. L'invention propre n'y est peut-être pas aussi extraordinaire qu'on a bien voulu le croire, mais l'originalité du traitement thématique et instrumental me paraît certaine et force l'admiration.

SALIERI - MEHUL - SAEVERUD
Remise à jour de critique-musicale.com avec des nouveautés que j'ai déjà présentées sur ce forum. Je vous incite particulièrement, pour ceux qui ne connaitraient pas ces oeuvres, d'écouter les extraits. J'ai choisi le passage du premier extrait de l'ouverture de Mehul (La chasse du jeune Henri) pour montrer spécialement la recherche des subtilités harmoniques à laquelle s'était livrée le compositeur. D'infimes variations du tissu harmonique se substituant l'une à l'autre, produisent des effets irrésistibles, mais qui risquent malheureusement de passer inaperçu si l'on exerce pas une audition très attentive. L'extrait de Kjempeviseslatten de Saeverud est un moment de cette vaste progression qui constitue l'oeuvre. On y entend l'évolution instrumentale, extrêmement contrastée et originale (notamment par la proximité des pizzicati de cordes et timbales, qui ne rompt cependant jamais la tension du crescendo. Enfin, la 34e et le début de la 35e Variations sur la Follia de Salieri : recherches pseudo-impressionnistes de sonorités inusités, noyées dans le pianissimo, parfois figées, puis déploiement vertigineux du thème dans le fortissimo, selon une coloration harmonique absolument unique.

LE MYTHE MONTEVERDI
Aucun auteur d'ouvrage historique sur la musique ne se fait prier pour encenser Monteverdi. Rassurante, cette musique d'outre-tombe, datant du début de l'ère de la musique classique. On ne risque pas trop en l'écoutant de rencontrer ce dont l'Intellectuel a la hantise: le génie. Monteverdi n'est pas gênant, on peut sans crainte le porter aux nues, c'est une hypostase commode. On pourra le révérer d'autant plus qu'on ne l'écoutera pas, ou plutôt qu'on l'écoutera poliment tout en s'ennuyant ferme. On ne jalousera pas sa gloire, il est trop loin de nous, il n'est presque plus humain. Ses airs ne nous dérangeront guère plus que le ronronnement d'une fugue de Bach, ce compositeur dont toute musique procède, qui en est le commencement et la fin. Certes, ici ou là peut se glisser l'expression de quelque mouvement de l'âme, mais ces fâcheux moments seront vite balayés par un continuum monotone encore imprégné de l'indifférentiation musicale propre à la période renaissante. Car le but de tout intellectuel de la musique, c'est d'éradiquer cette abomination offensante que représente le génie musical, d'éreinter les vrais compositeurs pour les remplacer par des compositeurs fantoches qui n'effaroucheront pas l'esprit traditionaliste. On ne sera pas jaloux de ces usurpateurs que l'on aura promus malgré eux car on sait bien, au fond de soi, qu'il n'ont pas de génie. Qu'un véritable génie soit reconnu comme tel, voilà ce qui est intolérable, insupprotable. Et rien ne sera plus facile, par le truchement d'une rhétorique paradoxale, de prétendre que les oeuvres sont d'autant plus géniales qu'elles sont morfondantes. Seule la caste des Intellectuels, au-dessus du public méprisable, est capable de les reconnaître. C'est à elle de guider la foule des ignorants, de montrer que leurs enthousiasmes sont condamnables, de leur en donner honte, d'isoler les contestataires, refusant de se soumettre aux diktats des docteurs qui possèdent la science du bon goût musical. Que pouvait exprimer le pauvre Monteverdi, né trop tôt, dans l'histoire de la musique. Que les spectateurs de l'époque aient été éblouis par ces timides essais de l'expression passionnelle ne peut être mis en doute. Mais pouvons-nous aujourd'hui sérieusement être touchés par ces pâles effusions? Que Monteverdi ait représenté une étape dans le développement de la musique occidentale n'est sans doute pas contestable, dans le cadre d'un mouvement d'ensemble de la musique florentine et vénitienne à la fin du 17e siècle. Lui, le pauvre Monteverdi, il n'est pas un usurpateur. Il fut bien un grand novateur, il osa ce que nul n'osa, il fut bien le père de la musique classique, Il est précieux car il sert de caution à la promotion artificielle des grands noms érigés comme de faux novateurs. Il nous permet de nous sentir propres à l'égard de l'histoire.

NOUVELLE POLÉMIQUE SUR LES COMPLOTS
On peut être imprégné de la musique d'un compositeur sans pour cela être un plagiaire. Naturellement, si c'est Beethoven qui s'imprègne de Mozart, on ne le considère pas comme un plagiaire, mais si c'est un inconnu, il en est un assurément, par définition même et il est inutile d'écouter ses oeuvres pour s'en assurer. Toute sélection adoptée par un média introduit un biais par rapport à la production de départ sélectionnée. Ce n'est pas obligatoirement une critique de cette sélection. Je connais trop peu d'oeuvres non diffusées pour porter un jugement global, mais l'existence d'oeuvres composées, mais non diffusées, est une réalité historique que l'on doit considérer, sans préjuger de la valeur des oeuvres concernées. Pouvez-vous vous dispenser de commenter mes messages autrement qu'à coups de poncifs primaires? Tant que vous évoquerez les poncif du complot, je vous rappellerais inlassablement que l'affirmation d'une idéologie esthétique sur plus d'un siècle et demi n'a aucun rapport avec un quelconque complot. En second lieu, j'ai plutôt concourru à dénoncer les prétendus complots que certains voient pour expliquer le manque de succès à leur époque de certains compositeurs adulés aujourd'hui, par exemple la triste invention du complot de Salieri contre Mozart. Que faites-vous, de votre côté, pour dénoncer ces complots et surtout pour réparer les conséquences qui ont pu en résulter. Vous êtes plutôt là pour les préserver.

AIRS DE VIVALDI
Zeffiretti che sussurate, oui, un grand air à mon avis, parmi bien d'autres grands airs sur ce CD. Un critique (actuel) a reproché à Vivladi une conception de l'opéra très influencé par la musique pure instrumentale. Un opéra serait surtout pour Vivaldi une collection d'airs de qualité qui excluerait l'importance de l'action dramatique. une conception très "italienne" également portée jusqu'à la radicalisation, qui s'oppose à la conception de la musique française dans la querelle des Bouffons. L'importance et la vraisemblance de l'action dramatique était en effet un des arguments majeurs (mais pas le seul) invoqués par les partisans du Coin de la Reine.

CONSTANTINESCU ET DISCOTHÈQUE IDÉALE
Comment pouvez-vous être choqué de la présence de Constantinescu dans ma discothèque idéale alors que vous vous n'avez pas entendu une note de ce compositeur? C'est la preuve que vous n'appuyez pas votre jugement sur une émotion musicale réelle, mais sur la notoriété.

CULTE DE LA PERSONNALITÉ
Des pièces que je conseillerais particulièrement, aussi bien celle de Ravel que celle de Sarasate. Deux pièces à mon avis où éclate un génie égal, mais naturellement le culte de la personnalité fera toujours qu'on refusera cette idée. A propos du culte de la personnalité, je m'étais étonné suite à notre polémique là-dessus que ce culte soit considéré comme une abomination en politique alors qu'il est parfaitement toléré et même défendu en musique. Pourquoi cette différence? En réfléchissant, j'ai compris que l'on avait raison d'établir ce distinguo. En effet, le culte de la personnalité en politique peut être responsable de nombreux morts, le culte de la personnalité en musique ne tue que la mémoire des compositeurs et le génie musical du passé. c'est beaucoup moins grave.

CULTE DE LA PERSONNALITÉ - EXCÈS
Je veux bien avoir l'esprit large et admettre que l'on sacrifie au culte de la personnalité, mais si ce culte aboutit à assassiner des compositeurs qui ont imposé durablement des oeuvres au répertoire et ont joué objectivement un rôle historique, comme Saint-Saëns ou Paganini (éradiqué de l'ouvrage de Candé 'les chefs d'oeuvre classique de la musique" qui consacre 60 pages à Bach notamment), j'estime que se trouve dépassé la limite au-delà de laquelle on se doit de réagir. Les excès me paraissent toujours préjudiciables, c'est la raison pour laquelle je les ai toujours dénoncés. Lorsque l'excès devient communément admis et que sa dénonciation est considérée elle-même comme un excès, cela signifie que nous sommes en plein délire idéologique. J'en appelle à ce qui me paraît raisonnable.

LEONSKY
C'est plutôt à moi qu'il faut poser la question. Leontsky n'est pas spécialement un coloriste ni un virtuose. Il a développé son inspiration dans la recherche d'une profondeur très intériorisée fuyant toute emphase, sans pourtant verser dans l'austérité. C'est donc l'inverse de Salieri, précisément dans ces varitations où la virtuosité symphonique est délibérément recherchée. Une virtuosité qui me paraît dépasser l'esprit des Variations. Ce n'est pas uniquement un jeu de combinaisons sonores car le compositeur atteint, me semble-t-il, des affects d'une singularité fascinante. Mais convient-il d'opposer intériorité et extériorité. Plus on tente de dégager des caractères spécifiques à certaines oeuvres, plus on doute. On pourrrait très bien affirmé que les variations de Salieri témoignent d'une grande intériorité. Il reste objectivement que la recherche des timbres y est très poussée par opposition à des oeuvres de compositeurs comme Schubert ou Leontsky qui n'ont pas orienté leur inspiration dans ce sens, ne serait-ce que parce qu'ils n'ont guère (ou pas) utilisé les ressources du grand orchestre.

POLÉMIQUE SUR LEONTSKY
La remise à jour de critique-musicale.com vous présente essentiellement les pièces pour piano de Leontsy. La chronique est consacrée à Nicolo Paganini. Pour revenir à l'affaire Leontsky qui a agité cette liste pendant quelques temps, je me dois de vous dévoiler la vérité. C'est vrai que seul un esprit aussi obtus que moi pouvait soutenir que Leontsky était un grand compositeur. Les membres qui l'ont également soutenu sur cette liste ne pouvaient être que des trolls. Et il eût été inconcevable que des mélomanes osassent braver le terrorisme musical que fait régner la bande d'un certain mélomane sur cette liste. J'ai cru au début qu'il s'agissait de membres réels... jusqu'au jour où je me suis réveillé au milieu d'une de mes crises de somnambulisme. C'était donc moi, la nuit, qui m'inscrivait sous des faux noms sur classique-fr et envoyait de faux messages pour soutenir Leontsky. Je félicite particulièrement ce mélomane pour sa clairvoyance. Eh, oui, j'ai dû me rendre à l'évidence, les mélomanes qui soutenaient Leontsky n'existent pas, c'était moi. Mais, rassurez-vous, je me soigne et je suis en voie de guérison... pour ma somnambulite uniquement car, pour m'astreindre à la bienpensance musicale, vous savez qu'il n'y a aucun espoir.

MUSIQUE CLASSIQUE
Avant 1700, ce n'est pas l'ère de la "musique clasisque", au sens large du terme. Après 1900, comme le remarque le musicologue Michel Chion, le phénomène qui caractérise le 20e sicèle sur le plan musical, c'est le triomphe de la tonalité dans le monde. La musique atonale (là c'est moi qui m'exprime) n'a à mon sens pas de réalité historique car elle n'a pas d'assise réelle au niveau du public. C'est une musique marginalisée qui ne compte pas.

DÉCANTATION PAR LE TEMPS - OEUVRES DÉSATTRIBUÉES
Vous défendez donc l'axiome selon lequel le temps produit obligatoirement une décantation positive. Donc, aucune possibilité qu'un compositeur du passé peu connu actuellement ait du génie. Il ne nous reste plus qu'à écouter à longueur de temps Bach, Beethoven, Wagner, Brahms, Schumann, Schubert, Mozart et Haydn. En effet, pourquoi perdre son temps à écouter des oeuvres de compositeurs qui n'ont pas de génie. Votre axiome implique aussi de penser que notre époque possède la vérité et que le jugement des époques passées était faux. Vous semblez considérer que le jugement de la société musicale prime sur le vôtre. Tous les critiques font comme vous, mais la différence, c'est qu'ils se gardent bien de le dire, ils font croire que leur goût personnel correspond à la hiérarchie des compositeurs et des oeuvres. Ce qu'on ne comprend pas dans l'affaire, c'est qu'ils ne peuvent distinguer les oeuvres authentiques des compositeurs consacrés des oeuvres qui leur sont faussement attribuées. La différence devrait être aveuglante entre une oeuvre authentique de Bach et une oeuvre qui lui est faussement attribuée, écrite par un quelconque barbouilleur de notes de l'époque que l'on méprise. Il y a là un grand mystère.

LE MOZART DES MASSIN
Je ne sais plus dans quel ouvrage je l'ai lu. Ce que je sais, c'est que la biographie de mozart par les Massin est très contestée. Les Massin décrivent encore les conditions mélodramatiques de l'enterrement de Mozart, la tempête de neige. L'abrégé de musique de Frédéric Platzer (Agrégé de l'Université) précise:

"Pour en finir, on peut dire qu'est très tenace le cliché romantique, légendaire et erroné du cortège funèbre du compositeur se dirigeant seul vers le cipmitière de Vienne où il allait être enseveli, dans la fosse commune, sous une tempête de neige. Malheureusement prur la légende, on sait désormais: -qu'il y avait des suivants derrière le cortège -où il a été enseveli car on a retrouvé son crâne -qu'un témoin de l'époque affirme catégoriquement que ce jour-là il faisait clair."

Le Mozart de Massin m'est apparu comme un ouvrage très idéologique, parfois presque un bavardage. Et consacrer un tel pavé à un seul compositeur sur lequel on a déjà beaucoup écrit, ce n'est sans doute pas comme cela que l'on parviendra à briser le culte de la personnalité qui gangrène la musique. Et pendant que les Massin écrivaient cette énorme biographie, Candé écrivait un ouvrage de 802 pages "Les chefs d'oeuvre classiques de la musique" au Seuil. Il passe directement, dans l'ordre alphabétique des compositeurs, de Mozart à Palestrina, et aussi directement de Roussel à Scarlatti. Cherchez les manquants. 60 pages sont consacrées à Bach. Tout cela m'écoeure.

SYMPHONIE 40 MOZART
C'est pourtant ce que j'ai trouvé dans un ouvrage sérieux. Si un ouvrage ne signale aucune exécution de cette symphonie du vivant de Mozart et un autre une exécution par Salieri, je pense qu'il est plus logique de penser que le second a raison. En effet, il est possible que le premier auteur n'ait eu aucune connaissance de ce fait, en revanche, il est plus difficile d'imaginer que le second l'ait imaginé gratuitement. C'est justement parce que Mozart disait ce qu'il pensait qu'on peut savoir qu'il était jaloux. De fait, s'il avait caché ses sentiments, on ne l'aurait jamais su. En fait, cela ne va pas plus loin que des médisances entre confrères. Cela me paraît normal. Bien que, selon Hildesheimer, Mozart pouvait prendre tous les masques qu'il voulait, il le faisait, nous dit toujours ce musicologue, avec une grande ingénuité. Au travers des quelques biographies que j'ai lu, Mozart m'est apparu comme un homme d'une certaine probité, on ne pourrait pas en dire autant de Haydn sans doute, courtisan accompli et quelque peu intrigant. Dans tout cela, ce qui me paraît dommageable, c'est le lien que l'on a établi systématiquement entre les qualités morales et musicales des compositeurs. Ce qui semble bien montrer que la notoriété des grands classiques s'appuie sur une perception idéologique.

TEMPS MUSICAL
Le temps musical est certainement une notion très spécifique nous éloignant de la nature ordinaire du temps psychologique ou objectif. La prédétermination inhérente à l'oeuvre musicale semble évacuer la notion de temps, confondre le passé (de l'oeuvre musicale), le présent, le futur. "Le temps n'est plus" serait-on tenté d'affirmer à propos de la relation qu'entretient la musique avec l'oeuvre. Au-delà de la spécificité musicale du temps, ne rejoint-on pas l'objectivité en affirmant que le temps est une illusion. Si le déterminisme est la loi du monde, passé, présent, futur ne coexistent-ils pas? On pourrait également axer la réflexion sur les différentes modalités selon lesquelles le temps est pris en considération suivant les styles. Dans une oeuvre classique ou romantique, c'est le déroulement du temps qui "met en oeuvre" la musique, dans une oeuvre pseudo-impressionniste comme celles de Sibelius, le temps semble figé et ne plus participer à la mise en oeuvre de la musique. Quant à considérer une oeuvre de Boulez à propos d'une réflexion sur l'oeuvre, cela me paraît étrange. Ce n'est pas parce qu'on intellectualise à propos de la musique en général qu'il faut établir cette réflexion sur un matériau confondant oeuvre artistique agissant sur la sensibilité et pseudo-création intellectuelle gratuite (opinion personnelle, naturellement).

BRAHMS INFLUENCÉ PAR LA MUSIQUE BAROQUE (?)
Brahms influencé par la musique baroque? Sans doute très circonscrit, surtout si l'on considère la connaissance encore très limitée de la musique baroque à l'époque de Brahms. Brahms, c'est plutôt ce que je nommerai un standard classico-romantique, le terme classique ne désignant pas la musique de la seconde moitié du 18e siècle (en dépit des Variations sur un thème de Haydn), mais, lato sensu, une utilisation du langage romantique dans le sens de l'assagissement et de la mesure, évitant toute emphase sentimentale ou même toute expression trop originale (à mon avis) du génie musical. Cela dit, un compositeur n'a pas l'obligation d'avoir un style "original", reconnaissable, il suffit que la thématique des oeuvres soit originale dans le sens où les thèmes ne sont pas repris à d'autres oeuvres. De ce point de vue, nous n'avons aucune raison d'entretenir la moindre suspicion l'égard de Brahms. C'est en ce sens, stricto sensu (mais fondamental), que je conçois l'originalité chez Brahms. Donc, en définitive, pour moi, en opposition à Kurt Masur, je pense que Brahms utilise fondamentalement le langage musical de son temps, l'hypothétique marque baroque y est certainement moindre que chez un romantique comme Chopin, plus romantique dans l'expression, mais utilisant parfois des figures de style comme certains agréments caractéristique de l'école de clavier baroque. Mais que veut dire par là, Kurt Masur, quelle idéologie y a-t-il masquée là-dessous? N'est-ce pas une nouvelle simagrée pour nous démontrer l'importance d'un "grand classique". Peut-être n'y a-t-il rien de plus qu'un essai d'analyse, mais sait-on jamais. C'est vrai que je suis un esprit soupçonneux. Est-ce qu'on ne voudrait pas démontrer que Brahms n'est pas un classique, un romantique assagi (suprême honte), mais qu'il a eu la clairvoyance de voir dans le passé contrairement aux autres compositeurs de son époque? Et ainsi il retrouverait une réelle originalité.

MÉLOMANES SUPÉRIEURS ET GROOPIES
Voilà qui montre une fois de plus que la fixation sur les "noms" exerce un attrait puissant sur les amateurs (et prétendus spécialistes) de musique classique. Ces "mélomanes supérieurs" peuvent-ils se prétendre au-dessus des groopies de la variété ou de la pop dans la mesure où ils obéissent à la même fascination primaire à l'égard des "vedettes". Concernant Bach, la vénération à l'égard du père retentit même sur les fils! C'est comme le pouvoir royal, cela se transmet par filiation. Mais, après tout, c'est bien un des fils Bach qui a composé en grande partie la "Fantaisie chromatique" attribuée longtemps au père. Un concerto grosso à l'opoque de louis XVI, c'est tout de même un peu ringard.

DERNIERS QUATUORS DE BEETHOVEN
Je ne doute pas de vos capacités à écrire une intervention fouillée sur les quatuors de Beethoven, mais ne sera-ce pas trop tard pour être considéré comme un enthousiasme spontané. Ne sera-ce plutôt un message destiné à satisfaire les exigences de la polémique après que j'eus émis la remarque sur l'absence de messages élogieux à l'égard de ces quatuors? Néanmoins, vous êtes pour l'instant le seul à relever le défi. L'impression qui est ressortie des réactions après ma critique, c'est surtout celle du scandale à l'égard du "blasphémateur", mais de l'admiration sicnère pour la beauté de ces quatuors, j'en doute beaucoup, je n'en vois aucun témoignage. J'ai bien peur que les seules qualités de ces quatuors, c'est qu'ils soient signés d'un grand nom.

PAGANINI ET BACH CHEZ LES DISQUAIRES
Notre spécialiste des quatuors évoquait Paganini et Bach récemment. Je viens ce matin de chez mon disquaire. je me suis amusé à compter dans les bacs le nombre de CD consacré à Bach et à Paganini. Librairie disquerie Les Volcans chaîne Privat à Clermont-Ferrand si quelqu'un veut aller vérifier, on ne sait jamais. J'ai trouvé 122 CD de Bach et 2 de Paganini! Paganini a au moins un avantage, c'est que son plus grand succès historique: la Campanella, au moins c'est lui qui l'a écrit.

TRIO D'ARENSKI
Oui,et ce qui me paraît important, c'est que l'aspect mélodique que vous signalez justement n'entraîne nullement que ce trio soit écrit dans un esprit classique ou traditionaliste. Il existe bien d'autres caractéristiques d'une eouvre qui puisse recèler de la nouveauté, la couleur instrumentale, le thématisme, la forme même du mélodisme. En ce qui concerne cette oeuvre d'Arenski, on pourra apprécier la couleur instrumentale à mon avis très spécifique qui est communiquée au violoncelle et plus encore au violon dans le medium et le grave pour cet instrument. Les deux instruments semblent transfigurés, réinventés. Romantisme slave, dites-vous, oui, quoiqu'Arenski comme les autres compositeurs du cercle de Bélaïev pratique un rhapsodisme atténué, c'est le cas dans cette oeuvre. Saveur slave subtile. Arenski semble beaucoup plus apprécié dans ce Trio que les derniers quatuors de Beethoven. Sachez que sur la liste concurrente, aucun membre n'a fait passer le moindre enthousiasme pour ces quatuors, sinon des propos de contradicteurs aigris par mon jugement sur ces oeuvres. Pauvre Beethoven, il méritait peut-être mieux.

HYPOTHÈSES COMPLOTISTES MOZART KETELBEY BOULEZ
De la même manière, certains ont clamé haut et fort que si Mozart n'avait pas atteint une grande notoriété de son temps, cela était dû à un complot de Salieri et des autres compositeurs viennois. Les faits ont d'ailleurs montré que cela n'était qu'une invention. C'est sans doute aussi un complot qui a permis à Keltelbey d'imposer un succès et empêché Boulez d'en imposer le moindre. Ceux qui voient dans l'histoire de la musique je ne sais quelles hypothèses complotistes sont à mon avis des esprits partisans et limités, ne considérant l'histoire que par le petit bout de la lorgnette.

DERNIERS QUATUORS DE BEETHOVEN
Il a fallu - écrit le commentateur de cet enregistrement des Quatuors de Beethoven (op 129, 130, 131, 135) - plus d'un siècle pour que l'on comprît la grandeur de ces oeuvres, boudées par le public de l'époque. Décidément, la société qui a produit Beethoven était composée de mélomanes à l'esprit étriqué qui n'ont rien compris! Heureusement que des esprits éclairés par la connaissance musicale nous désignent les oeuvres que nous devons admirer. Malheureusement, l'enseignement de ces esprits supérieurs ne m'a toujours pas permis de comprendre ces quatuors. Alors, je vous propose plutôt les oeuvres d'un très petit compositeur: Anton Stepanovitch Arenski, qui eut l'audace d'obtenir de son vivant de grands succès susceptibles de faire pâlir parfois ceux de Rimski-Korsakov, de Rubinstein ou Tchaïkovski en Russie. Mais, naturellement, là encore, le public de l'époque n'a sans doute rien compris. Précisément j'évoquerais le Trio pour violon, violoncelle et piano. Si je cherche en vain des compositions pour violoncelle (en tant que soliste) qui m'agréent, en revanche, cet instrument me semble s'exprimer d'une manière sublime dans le cadre de certaines oeuvres de musique de chambre ou même comme second soliste. C'est le cas (comme second soliste) dans le Concerto pour violon, violoncelle RV 564 de Vivaldi. Même constat dans le Trio op 32 d'Arenski (CD CRD par le Nash Ensemble) où la proximité du violon semble rehausser encore cet instrument. Les deux instruments paraissent même transfigurés, se confondant parfois en créant un étrange coloris instrumental. Oeuvre sublime ce Trio, qui manifeste bien l'approche spécifique d'un compositeur à l'égard de la musique de chambre. Le dépravé joyeux, le noctambule adepte des lieux mal famés de Moscou se retrouve purifié au travers de cette oeuvre amère et douloureuse. Ce qui contraste avec les apparences un peu trop lisses de ses pièces pour piano où il semble s'oublier dans un nirvana inconsistant. Du même Anton Stepanovitch Arenski, on pourra écouter la superbe (pour moi du moins) Introduction à "Nal and Damayanti" op 47, une trouée vers un paradis inacessible où tout n'est que volupté (CD Chandos 10024 avec BBC philarmonic - Yuri Torchinsky).

OEUVRES "INCONTOURNABLES"
Vous devez faire un effort, dites-vous, pour respecter l'auteur (moi-même) d'un propos présentant Paganini comme un des plus grands compositeurs comparable à Beethoven ou Berlioz. Cela signifie que vous n'admettez pas une autre opinion que celle qui s'est imposée, que pour vous toutes les opinions sur la valeur des oeuvres et compositeurs ne sont pas respectables. Votre attitude ne plaide pas spécialement pour les compositeurs que vous défendez car il apparaît clairement que vos jugements ne sont pas guidés par la seule émotion authentique. Je me permettrais aussi de vous faire remarquer que l'idée que vous avez de Paganini tient plus de l'imagerie populaire que de la connaissance musicologique. Renseignez-vous, de grands instrumentistes et spécialistes comme Thibaud ou René de Saussine se sont penchés sur l'oeuvre de Paganini, ce qui ne prouve nullement la valeur de ses oeuvres, mais au moins son importance sur le plan de l'évolution du langage musical (en ce qui concerne Renée de Saussine). Si vous êtes outré et scandalisé de constater qu'on ne partage pas votre opinion sur une oeuvre, c'est que vous n'admettez pas le caractère subjectif du jugement musical, quoique vous vous en défendiez. Je pourrai écrire que pour moi les quintettes de Sgambati sont "incontournables". Une opinion en vaut une autre. Je pourrais aussi être outré que vous considériez les quatuors de Beethoven, Haydn comme incontournables. Mon opinion est, je pense, aussi respectable que la vôtre. Ce que je puis dire, c'est que vos goûts sont traditionnels, ce n'est pas avec vous que l'on va réévaluer la considération pour les oeuvres rares ou peu connues (puisque vous n'en citez aucune), ni moderniser notre vision de l'histoire de la musique. Vous avez dans votre discothèque, dites-vous, tous les quatuors écrits depuis Haydn. Vous m'en voyez admiratif. J'ai quelques connaissances sur le concerto et possède une certain nombre d'oeuvres pour piano et orchestre recréés jusqu'en 1988, mais je ne suis pas sûr de posséder le dixième de celles qui ont été écrites. Vraiment, je vous admire. Ce qui me désole, c'est que, de cette connaissance extraordinaire, vous n'ayez pas découvert le moindre quatuor peu connu digne de ceux de Beethoven ou Bartok. Que de temps perdu.

ONSLOW OEUVRE POUR PIANO A QUATRE MAINS
Onslow, l'oeuvre pour piano à 4 mains par Laurent Martin et Thierry Ravassard. Le compositeur semble montrer dans ces pages la même verve que dans ses quatuors: même style énergique, même diversité, même sens du contraste, mais je n'y retrouve pas les même effets originaux, et encore moins le même intérêt sur le plan thématique. L'écriture demeure extrêmement classique, parfois même assez proche du style des maîtres clavecinistes de la première moitié du 18e siècle. Un certain romantisme s'exprime dans quelques pièces, notamment dans les 2 dernières des "Six pièces pour le piano". J'excepterai cependant de ce jugement un peu sévère le Finale de la "Sonate en mi m op 7", pièce très classique, mais où les thèmes trouvent à mon avis toute leur efficacité. Est-ce suffisant pour conseiller au mélomane de se procurer cet enregistrement? Je n'oserai. En revanche, je ne peux que conseiller les quatuors op 9 n°3 et op 47, que j'ai présentés précédemment.

PERCEPTION DE PAGANINI
je n'ignorais pas l'appréciation très négative de certains musicologues à l'égard de Paganini, je l'ai d'ailleurs assez violemment condamné, mais il me semble qu'ils ne vont jamais jusqu'à nier l'évidence (ceux que vous citez, d'ailleurs) l'importance de Paganini dans l'écriture violonistique et le caractère virtuose de ses oeuvres. ils reconnaissent son apport dans le domaine de la virtuosité à défaut de reconnaître l'intérêt purement musical de ses oeuvres. Sur ce dernier point, les avis sont partagés, il ne s'agit plus d'une donnée d'ordre objectif. Candé souligne l'"originalité expressive" de Paganini", Schumann (qui n'est pas musicologue) le caractère sublime d'une de ses oeuvre au moins et Listz le caractère romantique de l'art paganinien. Toutes ces appréciations, de musicologue ou de compositeur, sont purement subjectives et n'ont aucune autorité, ni dans un sens ni dans l'autre. Les témoignages de compositeurs (et bien d'autres témoignages) montrent cependant comment a été perçue la musique de Paganini. Affirmer comme vous le faites :

-que les oeuvres de Schubert contiennent plus de virtuosité que celles de Paganini
-que Paganini n'a en aucun cas modifié l'écriture musicale, donc même pas celle du violon

relève de la plus ferme incompétence. Vous ne trouverez pas un ouvrage sérieux soutenant ces assertions. Quant à votre reconnaissance par vos pairs, je crois plutôt que vous êtes le Pinocchio de la musicologie qui ne sera jamais reconnu. Vous n'avez jamais été capable d'avancer la moindre idée marquante sur la musique. Vous ne serez jamais qu'un médiocre scribouillard se complaisant dans sa cuistrerie. De grâce, cessez de plastronner avec votre qualité de musicologue. Faut-il que vous soyez dénué à ce point de compétence pour que vous soyez dans l'obligation de brandir à tout va votre carte de visite. Les musicologues avec lesquels j'ai échangé n'ont jamais signalé avec une telle ostentation leur qualité professionnelle. Il faudra bien que vous décidiez à faire le modeste en vous adressant à moi. Sachez que mon ouvrage (Les oeuvres pour piano et orchestre (Jean-Michel Percherancier/Claude Fernandez) consacré en partie à l'analyse et l'historique du phénomène de la virtuosité a été choisi en 1988 par Danièle Pistone (qui en a écrit la quatrième de couverture), alors professeur de musicologie à la Sorbonne qui l'a soumis à Champion-Slatkine. La présentation sur France musique, les articles qui ont dans la presse suivi ont été élogieux. Mon article sur Bach a été apprécié par un spécialiste de musique allemande ancienne qui n'y a trouvé aucune erreur, même s'il ne partage pas mes idées. Antoine Hennion a reconnu un certain intérêt à mon article puisqu'il m'a proposé de le rencontrer. En dernier lieu, critique-musicale.com a été remarqué très positivement dans l'émisison de Patrick Kalman sur France Musique. De votre côté, qu'avez-vous publié sur le thème de la virtuosité qui retienne l'attention pour pouvoir me faire la leçon sur ce sujet?

LA FANTAISIE BÉTIQUE DE DE FALLA
Une oeuvre qui, je l'avoue, ne m'a jamais enthousiasmée. Difficile (terme généralement consacré pour signifier qu'une oeuvre est ennuyeuse, mais qu'on n'ose pas le reconnaître), complexe, mais d'une complexité vaine, rébarbtive, sans lyrisme, sans thématique, sans mélodisme, sans intérêt harmonique à mon avis (la mélodie et l'harmonie vont généralement ensemble). Bref, pour moi, une oeuvre ratée, à la recherche d'une originalté moderne sans la trouver. Je crois que c'est l'oeuvre devant laquelle se prosterne un certain mélomane distingué.

BIENPENSANCE MUSICALE ET ESPRIT SULFUREUX
Pauvre mélomane, il a voulu s'imposer sur cette liste comme le pourfendeur du conventionalisme, le mélomane provocateur secouant la léthargie des esprits traditionnels. Mais voilà, il n'en a que les apparences. Ce qui manque à ce matamore, c'est le courage et la puissance d'un esprit fort. Ses gros mots, ses vulgarités ses réactions de bravache ne cachent pas son attitude de godillot à la remorque de la pensée officielle sclérosée. Et surtout l'ennui pour ce sieur pitoyable, c'est d'être confronté avec le mélomane sulfureux, scandaleux et infréquentable que je suis. Le grand provocateur qu'il croît être auprès de moi n'apparaît plus que comme un petit garçon pusillanime. Il a trouvé son maître. Il se souviendra longtemps de sa déculottée en public sur le forum-classique où il fut filtré et manipulé dès son premier message. Il a éprouvé aussi l'amertume de constater, sur classique-fr cette fois, combien les faux compliments sont plus assassins que les injures. Pauvre mélomane, je le plains de tout coeur. MUSIQUE SYMPHONIQUE D'ARENSKY On chercherait vainement dans la musique symphoniqued'Arensky (en particulier dans sa symphonie n°2) l'expressison d'un pathétisme spécifiquement symphonique, tant sa musique baigne dans le bonheur, tant elle paraît une émanation éthérée inaccessible aux affres de la condition humaine. La virtuosité orchestrale se trouve gommée par une sensation omniprésente de volupté orgastique. La musique d'Arensky n'a pas d'angle, bien qu'elle multiplie les plans sonores, les registres instrumentaux, elle n'a que desz courbes, des rondeurs, des sinuosités. L'abondance, la diversité motivique, la couleur instrumentale constituent une pâte homogène qui communique un sentiment de plénitude. Sur l'ensemble de ces oeuvres présentés dans ce CD Chandos par le BBC Philarmonic (Yuri Torchinsky), c'est à mon avis l'Introduction de "Nal and Damayanti" qui s'impose. Une oeuvre dans laquelle la complexité orchestrale des effets n'oblitère pas l'élément mélodique principal. On n'oubliera pas le second mouvement des Variations op 33 (où le piano occupe une place importante), une oeuvre sans structure, n'appartenant à aucun genre défini, apparemment composée sans aucun souci formel. Je recommande donc ce CD pour ces deux parties. En revanche, la Symphonie n°2 et quelques autre spièces orchestrales mineures me paraîssent dépourvue de tout pathétisme et même de toute tension.

IMPORTANCE HISTORIQUE DE PAGANINI
Et l'on pourrait prendre un point de comparaison encore plus significatif et quantitativement comparable (puisque vous y tenez). La série des concertos de Paganini et celle des concertos pour violon de Bach. Les premiers représentent l'oeuvre maîtresse du violoniste-compositeur, oeuvres qui eurent un retentissement important sur l'évolution du genre violonistique - et même pianistique - sont moins interprétés que les seconds qui n'opérèrent aucune modification du langage musical. Et il faut ajouter que Bach s'est certainment plus exprimé dans d'autres genres musicaux que dans le genre concertant où il a surtout paraphrasé des modèles italiens. Naturellement, cela ne préjuge en aucun cas de la valeur de ces oeuvres, mais c'est tout de même bizarre qu'on ait abouti à ce résultat paradoxal sans qu'aucune influence d'ordre idéologique ne fût intervenue, d'autant plus qu'à leur époque les concertos de Paganini (tout au moins certains) étaient plus connus que les concertos de Bach à son époque.

IMPORTANCE DE LA VIRTUOSITÉ - PAGANINI
Le développement de la virtuosité en elle-même constitue une tendance et un aspect innovant de l'écriture musicale depuis la première moitié du 18e siècle jusqu'à la fin du 19e siècle, c'est, avec la recherche d'expressivité, un des moteurs de l'évolution du langage musical, auquel on peut ajouter, s'y interpénétrant, bien d'autres aspects, l'évolution de la thématique, de la mélodie, de l'harmonie, de l'instrumentation. Il s'agit d'un vaste mouvement d'ensemble, historique, dans lequel il est reconnu que Paganini tient une certaine place, mais l'on pourait signaler toute la lignée des grands violonistes-compositeurs de Vivaldi à Locatelli et le développement parallèle dû aux pianistes-compositeurs au 19e siècle. Aucun auteur n'a soutenu que la vituosité chez Paganini était simplement un effet de ses talents d'interprète comme l'affirme grossièrement jmw. Quant à savoir si la virtuosité de Paganini est de la virtuosité gratuite, c'est un jugement subjectif que l'on peut laisser à l'appréciation du mélomane.

LES NOUVEAUTÉ DE BEETHOVEN ET LES CLERCS
Et comme l'a remarqué un commentateur, ce n'est pas le public mélomane de Beethoven qui ergotait pour savoir si certaines cadences harmoniques de ses symphonies était orthodoxes ou non, mais bien les clercs qui croyaient avoir l'apanage de découvrir la nouveauté parmi un public d'attardés. Naturellement, je n'inclus pas dans ces clercs de l'époque les musicologues sérieux qui, au contraire, nous permettent aujourd'hui de mieux comprendre l'évolution du langage musical sur des critères objectifs.

PAGANIN - VIRTUOSITÉ - VALEUR MUSICALE
Puisque vous me mettez au défi, je réponds À ce prétendu musicologue. Il a prétendu que la virtuosité de Paganini tenait uniquement à son pouvoir d'interprète. Je pense qu'on ne peut pas prouver que l'écriture d'une oeuvre est virtuose par des critères objectifs, mais il est certain que les 24 caprices comme les concertos de Paganini ont continué par être considérées par tous les auteurs, instrumentistes et mélomanes comme des oeuvres de virtuosité, même interprétées par d'autres violonistes. Je pense donc que la virtuosité ne se trouvait pas uniquement dans l'interprétation, mais bien dans l'écriture des oeuvres. D'autre part, il est avéré que la difficulté instrumentale de ces oeuvres reste très élevée, même par rapport à des oeuvres postérieures. Quand à la valeur musicale, il n'y a guère que ce faux musicologue pour penser encore qu'elle peut être reconnue par l'analyse grâce au pouvoir intellectuel des musicologues, une idée ringarde et puérile que soutenait autrefois Eugène Rapin, mais que ne soutiendrait plus aucun musicologue aujourd'hui sans se couvrir de ridicule.

ZELENKA - PISENDEL - MUSIQUE ANCIENNE
Le point commun entre Pisendel et Zelenka pourrait être l'oubli dans lequel ils sont tombés. Surtout Zelenka, d'ailleurs, quoique ses oeuvres bénéficient tout de même d'un catalogage (ZWV). Je n'ai pas vérifié sa discographie, mais j'ai bien peur qu'elle ne comporte que ce CD Deutsche Harmonia Mundi avec Freiburger Barockorchester (CD qu'il partage avec Pisendel). Pourtant, quelle originalité, ce Zelenka. Il ne s'embarrasse pas de rhétorique pour écrire de la musique. L'inverse d'un Bach. Pour lui, l'effet représente tout. Il use des instruments en considération de leurs qualités phoniques, notamment dans le concerto à 8 instruments ZWV 186. Du nouveau pour l'époque qu'il partage avec Vivaldi. Pour le reste, de l'alacrité, du lyrisme, des contrastes puissants, du pathétique, tout cela voisinant aussi avec des caractéristiques plus archaïques. Ce concerto surprend agréablement par comparaison à la quantité de musique poussive qui constitue, me semble-t-il, l'essentiel du baroque, du moins celui qui nous est présenté en discographie et qu'on nomme avec pudeur "musique ancienne". Que les amateurs de ce genre me pardonnent. Je ne me lasse pourtant jamais d'explorer le répertoire de cette époque, mais bien peu d'oeuvres me satisfont. Que dire de Pisendel, par rapport à Zelenka sinon qu'il fait plus pâle figure avec son Concerto en D majeur pour divers instruments (non catalogué (?)), sa Sonate C m pour hautbois et cordes (pas mieux cataloguée). Plus classique, certainement, ce qui n'exclut pas parfois des effets d'envergure, notamment dans ce curieux concerto pour violon, hautbois, cor, basson où le violon s'exprime sous forme de cadence presqu'à chaque solo. Un CD qui montre la vitalité de la musique baroque, assez éloignée des classiques Corelli, Bach ou même Haendel. Il serait temps que l'on s'intéressât à ces compositeurs dont bien peu d'oeuvres sont connues.

BACH COMPARÉ À PAGANINI (?)
Par rapport aux oeuvres violonistiques de Bach, les sonates pour piano et violon de Paganini, , dites-vous, "si elles sont jolies et agréables , produisent un bien mince plaisir après deux ou trois écoutes ; musique d'agrément , naïve , sans ambition artistique réelle." Comparer la production d'un compositeur du 18e siècle et celle d'un compositeur du 19e siècle n'a guère de sens. Pour ce qui est de l'aspect qualitatif, c'est une affirmation gratuite de votre part. Vous en êtes encore à asséner des opinions comme des vérités universelles. Voilà qui ne plaide pas pour vos goût musicaux. Justement, si c'est l'offre qui induit la demande coimme vous le dites, on comprend que Bach soit beaucoup vendu plus qu'il n'est réellement apprécié. Je ne comprend pas votre logique. Sérieusement, ne croyez-vous pas que l'éreintement systématique pratiqué depuis le 19e siècle à l'encontre des violonistes-compositeurs d'une part, d'autre part, l'encensement obligé à l'égard de Bach depuis ce siècle également n'a pas une certaine part dans cette différence assez invraisemblable, presque indécente.

JUGEMENTS SUR LES COMPOSITEURS (?)
Il s'est trouvé que ces deux compositeurs étaient à mon programme d'écoute ce mois-ci, un pur hasard. Je n'ai établi aucun parallèle. Les critiques sur critique-musicale.com sont strictement séparées. L'égalité entre les compositeurs? Il y a des compositeurs pour lesquels je n'ai trouvé aucune oeuvre intéressante, Gatti par exemple, d'autres dont un très grand nombre d'oeuvres m'enthousiasment, Bottesini par exemple. Je n'ai donc jamais songé à une égalité des compositeurs. Il est vrai que tant que je n'ai pas écouté l'intégrale des oeuvres d'un compositeur, je peux difficilement formuler un jugement général et définitif sur lui. Votre remarque me paraît intéressante dans le sens où, dans un ouvrage par exemple, des choix sont nécessaires et l'on ne peut traiter de tous les compositeurs et toutes les oeuvres. Les capacités de mémorisation des mélomanes sont également limitées. Nous avons aussi besoin de repères "humains" reliés à des éléments biographiques, ce qui est incompatible avec l'anonymat consécutif à un trop grand nombre de noms. Je n'ai pas vraiment de réponse à ce problème. Je me limite à lutter contre les excès de représentativité lorsqu'ils me paraissent outranciers. J'essaie de promouvoir les oeuvres que je découvre, qu'elle aient été écrites par des compositeurs reconnus ou non. J'essaie aussi de considérer les oeuvres en elles-mêmes, indépendamment des compositeurs, une idée qui risque de passer plus difficilement auprès du public. Pourtant, des oeuvres de compositeurs quasi-inconnus ont réussi à s'imposer. Je donnerai comme exemple le fameux "Sur un marché persan" de Ketelbey (alors que Boulez a échoué malgré toute la publicité qui a été faite autour de lui). C'est peut-être uniquement dans le cas d'oeuvres de compositeurs très peu connus comme celui-ci où on peut avoir la quasi certitude que l'intérêt propre de l'oeuvre soit intervenu dans son succès.

SAINT-SAËNS ET LE PUBLIC
Aucune idée naturellement, je ne connais pas les ouvrages lyriques de Saint-Saëns. Sur le plan historique, il faut savoir que Saint-Saëns a dépensé une énergie considérable, et très souvent vaine, pour faire accepter ses opéras. Le nombre de démarches qu'il a tentées et de rebuffades qu'il a essuyées de la part des directeurs de théâtre est assez phénoménal, notamment pour "Le timbre d'argent" et "Henri VIII". Cela signifie-t-il que ces ouvrages sont obligatoirement mauvais? Il est incontestable que Saint-Saëns a bien mieux réussi auprès du public par ses oeuvres instrumentales et s'est fait connaître par elles à une époque où le renom d'un compositeur passait presqu'obligatoirement par le théâtre. Un exploit qu'il faut peut-être souligner. Saint-Saëns aimé du public, c'est certain, mais beaucoup moins des milieux musicaux qui ont décrété son inconsistance et sa superficialité dès qu'eut disparu celui q'on nommait le Beethoven français. Décidément, il sera toujours difficile de concilier les goûts du public et de l'intelligentsia musicale. Comme l'a signalé un commentateur, Beethoven est un des rares sur lequel s'est produite cette réconciliation, mais est-ce sur les mêmes oeuvres? Pardonnez-moi de m'être éloigné quelque peu du sujet que vous proposiez. Justement si car vous produisez des citations qui ne prouvent nullement ce que vous voulez avancer. C'est tout au moins un manque d'esprit logique.

IMPORTANCE HISTORIQUE DE PAGANINI - VALEUR DE SES OEUVRES
je n'ai jamais prétendu que les musicologues avaient une opinion positive sur l'intérêt artistique des oeuvres de Paganini, j'ai même plutôt prétendu l'inverse et je l'ai clamé assez fort, mais il me semble que les auteurs ne vont jamais jusqu'à nier l'évidence, c'est-à-dire l'importance de Paganini dans l'écriture violonistique et le caractère virtuose de ses oeuvres (qui n'est pas dû au seul fait d'interprétation), ce que d'ailleurs certains lui reprochent. Affirmer comme vous le faites :

-que les oeuvres de Schubert contiennent plus de virtuosité que celles de Paganini et que paganini est virtuose uniquement comme interpréte -que Paganini n'a en aucun cas influé sur l'écriture musicale, donc même pas celle du violon

relève de la plus ferme incompétence et je ne vois pas d'auteurs qui aient soutenu de telles assertions. Sur le plan de la valeur artistique, expressive, des oeuvres de Paganini, les avis sont partagés. Candé souligne l'"originalité expressive" de Paganini", Schumann le caractère sublime d'une de ses oeuvre au moins, et Listz le caractère romantique de l'art paganinien. Le dictionnaire Honegger ne reconnaît quasiment aucune valeur à Paganini : "En dehors du domaine limité de la virtuosité, Paganini ne représente guère qu'un miroir fidèle de son époque, plus apte à varier agréablement un thème qu'à édifier une oeuvre de grande envergure Marc Honneger (Directeur de l'institut de musicologie de l'université de Strasbourg) Dictionnaire de la musique, Bordas, 1970 " En revanche, le spécialiste du Dictionnaire Vignal lui reconnaît comme Candé des qualités "expressives" Dictionnaire de la musique Larousse, 2001 sous la direction de Marc Vignal 900 p 1 volume

"il explora les virtuosités acrobatiques du violon, exaltant l'instrument, mettant en valeur ses possibilités expressives et ses positions les plus élevées" p 640

et article violon du même ouvrage:

"Il (Paganini] réunit en un tout artistique convenant à la manière de penser et de sentir de la première moitié du 19e sicèle, ce qui avant lui existait déjà dans cette technique. P 640

Donc, dans cette dernière appréciation, l'accent n'est justement pas mis sur la technique instrumentale (contrairement au Honegger), le rôle de Paganini serait au contraire d'avoir rendu "artistique" des procédés instrumentaux qui existaient déjà. Le débat est donc ouvert sur le sujet. Les ouvrages les plus récents, me semble-t-il, vont plutôt dans le sens d'une revalorisation de Paganini ou tout au moins évitent l'attitude de mépris du Honegger. Et en général les musicologues restent plus prudents dans leur appréciation que les auteurs non musicologues.

GRAND MUSICOLOGUE
Quant à votre reconnaissance par vos pairs, je crois plutôt que vous êtes le Pinocchio de la musicologie qui ne sera jamais reconnu. Vous n'avez jamais été capable d'avancer la moindre idée marquante sur la musique. Vous ne serez jamais qu'un médiocre scribouillard se complaisant dans sa cuistrerie. De grâce, cessez de plastronner avec votre qualité de musicologue. Faut-il que vous soyez dénué à ce point de compétence musicale pour que vous soyez dans l'obligation de brandir à tout va votre carte de visite. Les musicologues avec lesquels j'ai échangé n'ont jamais signalé avec une telle ostentation leur qualité professionnelle. Il faudra bien que vous vous décidiez à faire le modeste en vous adressant à moi. Sachez que mon ouvrage (Les oeuvres pour piano et orchestre (Jean-Michel Percherancier/Claude Fernandez) consacré en partie à l'analyse et l'historique du phénomène de la virtuosité a été choisi en 1988 par Danièle Pistone (qui en a écrit la quatrième de couverture), alors professeur de musicologie à la Sorbonne (puisque vous aimez tant la reconnaissance universitaire) qui l'a soumis à Champion-Slatkine. La présentation sur France musique, les articles qui ont dans la presse suivi ont souligné le sérieux de l'ouvrage. Mon article sur Bach a été apprécié par un spécialiste de musique allemande ancienne qui n'y a trouvé aucune erreur, même s'il ne partage pas mes idées. Antoine Hennion a reconnu un certain intérêt à mon article, même s'il n'en partage pas ceertaines idées, puisqu'il m'a proposé de le rencontrer. En dernier lieu, critique-musicale.com a été remarqué très positivement dans l'émisison de Patrick Kalman sur France Musique. De votre côté, qu'avez-vous publié sur le thème de la virtuosité qui retienne l'attention pour pouvoir me faire la leçon sur ce sujet. Vous me dites:

"Si mes images vous froissent, froissez-les à votre tour et > torchez-vous avec, cela fera entrer un peu de fantaisie dans votre > vie et donnera à votre cul un intérêt que vos connaissances musicales > n'ont pas."

Voilà une manifestation élevée de votre subtilité, digne du grand musicologue que vous êtes. Vos pairs seraient certainement ravis de vous reconnaître des leurs en la découvrant, que dis-je, vous seriez considérés par eux comme le primus inter pares.

ALÉNATION DE L'ART À LA SPHÈRE SOCIO-POLITIQUE
C'est un paradoxe que notre époque, au nom du modernisme, veuille contester l'autonomie de la musique, laquelle s'affirme comme art abstrait. Or, cet art abstrait se trouve revendiqué parallèlement par la peinture comme une conquête du modernisme. Cette tentative de contestation me paraît être une agression de la sphère politico-sociale qui ne supporte pas qu'un domaine lui reste étranger. Il en fut ainsi de tout temps. L'idéologie n'a jamais supporté la concurrence de l'art au sein des disciplines de l'esprit. Il est plaisant cependant de constater que le modernisme musical, bâti largement sur l'abstraction intellectuelle, se trouve lui-même contesté par l'idéologie socio-politique. Pour ma part, je considère que l'art se trouve ailleurs, ni dans la sphère intellectuelle, ni dans la sphère de l'idéologie socio-politique, mais dans celle de l'affectivité.

ESPRIT BÊLANT
Vous trouvez détestable ma manière de dénigrer l'apogée de Beethoven, selon vous ses derniers quatuors. J'exprime une opinion sur ces quatuors. Ne croyez-vous pas qu'il est aussi détestable que vous déniez que l'on formule une opinion en contradiction avec la vôtre? Vous aussi, vous n'êtes qu'un esprit bêlant comme ces vieilles demoiselles qui sont indignées par les idées non-conventionnelles. Mais, consolez-vous, il y a encore plus bêlant que vous sur ce forum. C'est vraiment la journée des mélomanes primaires. Vous en êtes un magnifique spécimen, je dois l'avouer. Vous avez bien appris votre catéchisme. Après cela, on prétendra qu'il n'existe pas d'idéologie préexistente se substituant aux émotions vraies. Ne vous inquiétez pas, là, ce n'est pas à vous que je m'adresse, mais à d'autres membres de ce forum qui comprennent très bien ce que je dis. L'ennui, c'est que vous faites honte à ces mélomanes plus fins qui doivent se sentir un peu gênés. D'ailleurs depuis longtemps ils évitent de s'expliquer avec moi, ils se tapissent dans l'ombre. Finalement, je ne regrette pas votre intrusion dans notre conversation car le propagateur que vous êtes de la bienpensance musicale officielle digne des vieilles demoiselles effarouchées par la pensée libre a pris une déculottée en public dont il se souviendra.

LES DERNIERS QUATUORS DE BEETHOVEN
Les grandes oeuvres, dites-vous, n'ont guère besoin qu'on proclame qu'elles sont grandes. Vous avez certainement raison, pourtant, à longueur d'ouvrage, se trouve proclamée la grandeur des quatuors de Beethoven. Sans doute les auteurs ont-ils peur que cette grandeur ne soit pas suffisamment visible par elle-même. En revanche, ils sont très peu locace au sujet des Quatre saisons de Vivaldi, qu'ils qualifient laconiquement très souvent d'"oeuvre connue" pour tout éloge. Comment expliquer cette différence de traitement? Ces quatuors de Beethoven sont-ils d'ailleurs aussi connus qu'on le croit des mélomanes? Je m'attaque à des "valeurs fondamentales", me dit-on, pourtant tout jugement sur une oeuvre musicale demeure une opinion par définition, quelque soit l'encensement dont elle a pu bénéficier. Imagnier que certaines oeuvres sont au-dessus des autres au point de considérer que leur valeur est une donnée scientifique objective me paraît difficilement admissible. Dans ce cas, où est la part de l'émotion vraie lorsque le formalisme dogmatique intervient? Ce que je conteste, c'est la nature des mécanisme qui ont permis leur émergence: l'existence d'une intelligentsia intellectuelle se substituant en partie plus ou moins grande au goût du public. C'est à mon avis le cas pour les oeuvres modernes élues au 20e siècle et pour les oeuvres du 18e siècle élues par les intelligentsias intellectuelles du 19e siècle. Dans les deux cas, ce ne sont pas les compositeurs les plus considérés par le public à leur époque qui ont été "choisis" par les intelligentsias, mais d'autres compositeurs selon d'autres critères, par exemple privilégier plutôt des oeuvres où sont développées des "formes savantes" telles que le contrepoint, ou encore privilégier certains compositeurs issus de certaineslieux géographiques.

MÉLODIE ET SIMPLICITÉ - VIRTUOSITÉ
Une mélodie est-elle une structure simple? C'est sans doute la structure musicale la plus mystérieuse qui n'a jamais été élucidée, quasi totalement opaque à l'analyse contrairement à l'harmonie sur laquelle l'analyse a plus de prise, et surtout contrairement au contrepoint. En second lieu, le terme de mélodie, même si je l'emploie, ne me satisfait pas, je lui préfère celui de thématique, qui est plus large. En ce qui concerne la structure au niveau architectural, vous savez que je suis particulièrement sensible aux oeuvres de compositeurs qui les ont, me semble-t-il, développés au plus haut degré, notamment Rimski-Korsakov ou Sibelius pour l'art symphonique, Paganini ou Vivaldi pour l'art concertant... si toutefois on veut bien s'accorder sur ces exemples. La virtuosité est aussi une structuration supérieure, une complexité. Comme amateur de virtuosité, il serait difficile de me taxer de mélomane n'appréciant que les thèmes faciles. J'ai beaucoup moins de goût pour les thèmes simples de Schubert ou Schuman, sans vouloir déprécier ces compositeurs.

GÉNIE UNIVERSELLEMENT RECONNU
Vous savez, la notion de génie universellement reconnus varie en fonction du temps comme je l'ai déjà souligné dans de nombreux messages et aussi de l'espace, comme l'a souligné sur ce point un message approfondi de François Juteau il y a quelques temps. Pour compléter, je viens d'apprendre par hasard ce matin par un commentateur de France Musique que Niels Gade était très joué et considéré dans les pays nordiques alors qu'il est considéré comme quantité négligeable ailleurs. Qui a raison? Est-ce obligatoirement nous. Et si les musicographes qui se sont imposés au 19e siècle avaient été scandinaves et non Allemands, le panthéon musical en aurait peut-être été totalement changé. Alors, il faut peut-être un peu relativiser l'importance accordée aux génies universels. Concernant un concerto de Vivaldi et un concerto brandebourgeois, la réponse serait variable sI l'on s'adressait à un mélomane du 18e siècle, du 19e siècle ou du 20e. Si j'ai bien compris, vous réduisez un concerto de Vivaldi à l'importance d'un Poulbot par rapport à van Gogh. Là, encore, peut-être ignorez vous que de grands musicologues (Pincherle notamment) se sont penchés sur l'oeuvre de ce compositeur, ce qui, je le répète, ne prouve nullement la valeur de ses oeuvres, mais montre son importance historique et son rôle fondamental dans l'évolution du langage musical, notamment de la symphonie et du concerto. D'une manière générale, votre discours semble très peu éclairé par les connaissances musicologiques de base, mais plutôt par les poncifs méprisants des prétendus mélomanes supérieurs.

MÉLOMANE PATHÉTIQUEMENT ISOLÉ (?)
Vous avez raison, je n'ai pas beaucoup d'accointance avec les clans de mélomanes supérieurs marginalisés qui défendent des oeuvres inaudibles honnies par le public, celles des atonalistes, mais qui sont encensées par les milieux officiels. Alors, je vous le demande, qui est isolé et pathétique? Quand je constate la violence des diatribes qui me sont envoyées, je me demande aussi qui est acharné. Concernant le silence qui entoure mes interventions sur cette liste, un petit tour dans les archives vous éclairerait certainement. Sachez tout de même que cette liste s'est scindée en deux listes concurrentes. La situation actuelle en est le résultat plus que mes prises de position personnelles. Vous pouvez vérifier que j'ai dialogué normalement avec les membres de cette liste pendant plusieurs années avant cette scission et pourtant je défendais les mêmes idées.

PRÉLUDES DE CHOPIN
J'avoue que la série des Préludes de Chopin, compendiums à mon sens laborieux et dépourvus d'inspiration, ne m'ont jamais paru exprimer le romantisme. Je ne saurais trop conseiller au mélomane les grandes polonaises du même compositeur qui évoquent un lyrisme puissant, oeuvres qui comptent parmi les plus grands succès du maître polonais, les plus emblématiques, notamment la fameuse Polonaise héroïque, son oeuvre la plus connue. Ce sont en plus des oeuvres où circule une sève rhapsodique intense contrairement aux Préludes, plutôt désincarnés et secs. A mon sens, il faut vraiment beaucoup d'imagination à ce chopiniste pour entendre tout cela dans le prélude analysé plus bas.

AUTHENTICITÉ DES OEUVRES DE BACH
Apparemment, vous ne connaissez ni les problèmes d'authenticité concernant les oeuvres de Bach, ni ce que l'on sait sur les sources de son inspiration. Bach était surtout un compilateur dans le domaine du concerto. Il recopiait de nombreuses oeuvres ou les arrangeait. L'autographie n'est donc nullement une preuve. En second lieu, le style de Bach ne lui est pas propre, il est celui des compositeurs allemands qui lui sont antérieurs, d'après ce que rapportent de nombreux auteurs qui ont étudié ces oeuvres. On reconnaît le style de Bach par rapport à ses contemporains car Bach avait un demi-siècle de retard et se référait à des compositeurs qui sont peu connus actuellement. C'est vrai qu'il n'est pas le seul dans ce cas, quasiment tous les compositeurs connus n'ont pas réellement de style propre, c'est notre ignorance du répertoire de l'époque qui nous le fait croire. En ce qui concerne la série des concertos à laquelle appartient le BWV 1056, on y trouve des transcriptions d'oeuvres pour violon de Bach lui-même, dont l'authenticité n'est pas non plus avérée. On a donc aucune certitude. J'avoue en dernier lieu qu'une transcription d'oeuvre pour violon en oeuvre pour piano, sur le plan musical, me laisse perplexe.

POÈMES SYMPHONIQUES DE RIMSKI-KORSAKOV
J'avoue que Mlada (la suite) est une des rares oeuvres orchestrales de Rimski que je n'apprécie pas. Je suis même extrêmement dur à l'égard de cette oeuvre dont l'écriture me paraît très rudimentaire, notamment par un traitement symphonique très sommaire contrastant avec les rutilances de Schéhérazade. Oeuvre facile à mon sens, qui ne fait pas honneur à son compositeur, et mérite bien l'oubli dans lequel elle est tombée. Il me paraît cependant difficile d'y voir une relation de cause à effet. Skasska, qui me paraît être l'expresison du génie rimskien au plus haut degré n'est pas plus connue que Mlada, peut-être moins. Une autre question est de savoir le succès réel de ces oeuvres à leur époque. Ce qui est certain, c'est que Tsar Saltan, peu connu actuellement, mais peut-être un peu plus que mlada, obtint un succè sde concert extraordinaire. C'est aussi pour moi une référence d'oeuvre magistrale, féerique, presque magique.

INFLUENCE DE VIVALDI
Pisendel, qui doit peut-être un peu l'intérêt qu'on lui porte, à Vivaldi, dont il était, disent certains, l'unique véritable ami, le Prete Rosso, ayant surtout des ennemis. On s'en serait douté. Ces oeuvres de Zelenka et de Pisendel posent le problème de l'influence de Vivaldi et de l'originalité relle de ses contemporains par rapport à lui. Ce que nous considérons comme le standard vivaldien a-t-il été totalement élaboré par Vivaldi, question à laquelle il est difficile de répondre sans doute, étant donné le flou sur les dates de parution de nombreuses oeuvres. Ce qui est acquis, sur le plan historique, c'est la nouveauté de l'Estro armonico, publié vers 1711 si ma mémoire ne fait pas défaut (à vérifier cependant). Pour le reste, il est sans doute difficile d'attribuer une particularité à un compositeur de manière certaine.

TRANSCRIPTIONS PAR BACH
Difficile de voir le génie mélodique ou le génie harmonique dans des oeuvres contrapuntiques. Le travail réalisé par Bach est souvent un détournement car il a transformé des oeuvres à vocation lyriques tels les concertos de Vivaldi en oeuvres dépourvues de tout lyrisme et surchargées. on peut s'interroger sur le bien-fondé musical de ces transcriptions.

QUATUORS ONSLOW - ZELENKA
J'ai présenté déjà sur ce forum les nouveautés qui me paraissaient dignes d'intérêt parmi les oeuvres que j'ai auditionnées ce mois-ci. Rappelons tout de même: les quatuor op 47 et op9 n°3 d'Onslow (surtout le Quatuor op 47 d'ailleurs) dans un CD cpo avec le Mandelring Quartett. A propos d'Onslow, je suis un peu étonné du manque d'enthousiasme et même de l'absence totale de réaction concernant ce compositeur sur cette liste, compte tenu que sur une certaine liste il y a beaucoup d'agitation sur le sujet. Je ne sais trop pourquoi d'ailleurs. N'y aurait-il personne pour mentionner des quatuors d'un appréciable intérêt parmi la palette assez conséquente, je crois, qui a été recréée. Pour revenir sur ces quatuors, je reprocherais à Onslow, dans les mouvements les meilleurs, une reprise trop conséquente des mêmes thèmes et, concernant l'écriture, une tendance à la densité parfois un peu étouffante contrastant avec son sens de l'énergie et du contraste. En revanche, je pense que d'autres quatuors du maître pourraient nous révéler des ouvrages plus affirmés. Concernant Zelenka, le silence total ne m'étonne guère. C'est vrai que la découverte de compositeurs baroques peu connus n'a pas beaucoup d'édeptes sur cette liste. Une recherche ingrate. je crois cependant que les oeuvres de Zelenka pourraient reconcilier certains avec cette époque, avec ce cd Deutsche Harmonia mundi (Freiburger Baroorchester).

QUINTETTES ONSLOW
Onslow quintettes op 38, 39, 40. Bis repetita, ces quintettes d'Onslow par rapport à la série des quatuors op 9. Pourquoi pas. le même style, les mêmes procédés, les mêmes effets. De l'énergie, Onslow, ses oeuvres en débordent, une énergie rare qui circule dans les tous ses motifs. Du contraste aussi. Il utilise mal le quatuor et le quintette, dira-t-on. Tout repose sur le violon principal. C'est de la mélodie accompagnée (suprême insulte). Et pouquoi pas. Les critiques sur la forme sont toujours vaines. Tel motif, s'il est bon, peut être traitée de la manière la plus dépouillée. Tel autre, médiocre, ne sera amélioré par aucun traitement. Toute puissance de la thématique. L'oeuvre d'Onslow en est l'illustration. Particulièrement le 3e mouvement du Quintette op 39. un mouvement ne tenant qu'à un fil, ou une corde, la chanterelle du violon. Etait-ce nécessaire de mobiliser les ressources du quintette pour produire cette diversion monoinstrumentale? Mais en contraste, le thème central a du corps. Thème presque symphonique. De même, c'est la dimension virtuose qui domine le premier mouvement du quintette op 40. Presque un mouvement de concerto. Où est le quintette là-dedans? Où sont les entrelacs savants de ce genre que l'on écoute avec le plus grand respect, la tête entre les mains? Hors, le quintette op 38, à mon avis son grand échec, Onslow ne modifie pas son approche par rapport aux quatuor de l'opus 9 écrits probablement bien avant. Haec decies repetita placebit.

LES COMPOSITEURS ET LA POLITIQUE
La remarque a déjà été formulée par un autre membre il y a quelques mois, mais on peut la rappeler. En substance, elle est la suivante. Au 18e siècle, les compositeurs acceptaient généralement de se plier au pouvoir princier, doit-on les considérer comme des vendus et cela les a-t-il foncièrement empêché d'exprimer leur génie? Ce qui me paraît condamnable, ce sont les artistes qui croient à leur importance sociale et se mêlent d'afficher des opinions politiques, dans un sens ou dans l'autre. C'est la raison pour laquelle je suis assez sévère à l'égard de Chostakovitch, de ce point de vue (Chostakovitch qui, justement, a adopté les deux attitudes successivement à l'égard du pouvoir). En revanche, un compositeur comme Gliere, qui s'est contenté de servir son art humblement sans faire de politique, a pu s'exprimer normalement, si j'en juge par sa production, à mille lieues du simplicisme populiste soviétique prétenduement imposé par les autorités.

PENDERECKI - "GÉNIE"
Au programme de ce mois-ci, les concertos pour piano et orchestre de salieri, diverses oeuvres pour orchestre, violon et orchestre, piano et orchestre de Max d'Ollone, toutes oeuvres que je vous ai déjà présentées. J'ai omis les concertos pour violon et orchestre de Penderecki. Je ne vois guère cependant l'intérêt de m'appesantir sur ce que je nomme avec difficulté des oeuvres. Qui me dira jamais si Penderecki est tonal ou atonal? Mime-t-il l'atonaliste en demeurant tonal ou mime-t-il le tonaliste en s'en affranchissant? Peut-être quelques-uns s'interrogeront longtemps sur cette question certainement capitale. La question que je pose plutôt est: où se trovuent les motifs, les thèmes, où se trouve la musique? Chronique ce mois-ci consacrée à l'évolution sémantique de quelques termes. Employez-vous souvent le terme de génie ou avez-vous honte de l'employer? Un vocable dont il ne reste plus que le déchet sous la forme vulgarisée du langage nouvelle vague. Il a vécu son temps... comme la réalité qu'il recouvrait.

COMPOSITEURS SOVIÉTIQUES
L'occultation de la meilleure musique russe par les dissidents, utilisant à leur profit la propagande politique occidentale, c'est possible, mais peut-être pas fondamental. Nous avons eu de nombreuses discussions là-dessus sur ce forum et classique-fr. Il s'était avéré, sauf si je n'ai pas bonne mémoire, notamment par rapport au modernisme atonal, qu'on retrouvait aussi bien des modernes que des "classisisants" parmi les "dissidents" expatriés et parmi les officiels dans les pays de l'Est. Chtedrine et Sviridov, je ne les prendrais pas comme exemple de valeur méconnue. Un officiel bon teint comme Kabalevsky, (que je considère personnellement comme un des plus grands compositeurs de la seconde moitié du vingtième siècle) n'a pas bénéficié d'un traitement particulièrement privilégié. Sa mort, sous l'ère soviétique, je crois, n'a eu guère de retentissement. "L'exploitation" de l'effet dissidence a peut-être été plus sensible de la part des écrivains russes que des compositeurs, ce qui paraît logique. Rétrospectivement, c'est vrai qu'on mesure peut-être l'importance de l'apport soviétique dans le domaine de la culture. On pourrait aussi considérer la promotion accordée à l'un des meilleurs représentants (à mon avis) de la musique russe, Tchaîkovsky pendant la période soviétique, un mouvement général de l'intelligentsia russe musicale que les autorités ont bien soutenu. Je ne suis pas vraiment partisan, sur le fond, de ce genre de promotion artificielle, d'ordre idéologique, privilégiant un nom particulier, mais je pense que le choix pouvait se justifier. Pendant ce temps, en France, on faisait tout pour dénigrer le correspondant de Tchaïkovsky, Saint-Saëns, dont nous avons fait un petit compositeur. Est-ce mieux?

SAINT-SAENS ET LE MODERNISME
De votre point de vue, on ne peut pas en même temps voir les prémisses de Bartok chez Saint-Saëns et le déclarer rétrograde. Il faut choisir. Si on le considère comme rétrograde, qu'on lui laisse la paix et qu'on se dispense de le placer en précurseur de Bartok. Quant à quitter la salle lors de la première du Sacre, c'est une preuve de courage car il n'était pas facile de s'opposer au conventionnalisme pro-avangardiste de l'époque.

A PROPOS D'UN CERTAIN DOCTEUR EN MUSICOLOGIE
Le fameux docteur auquel vous faites allusion se caractérise par son incompétence notoire, au point que, ne pouvant convaincre par le seul contenu de son discours, il est dans l'obligation d'étaler son titre jusque dans sa signature. Durant toute la polémique sur Bach et les grands classiques, il fut incapable de fournir le moindre argument sur le sujet, la moindre moindre idée originale, sinon le rappel incessant de ses titres, sensés lui conférer automatiquement la supériorité et l'autorité du spécialiste. Il ne suffit pas de plastronner avec un titre - lequel ne fournit que des compétences techniques - pour prétendre être un bon musicologue. Ce docteur n'a pas l'envergure qui lui permettrait de dégager des problématiques. Ses capacités de raisonnement logique sont également limitées. Sa formation est essentiellement "littéraire", me direz-vous, et non pas scientifique. Nous lui pardonnerions cette carence d'esprit rationnel s'il était capable de montrer d'autres qualités que l'on attend d'un littéraire (lato sensu), c'est-à-dire la sensibilité artistique. Or, il fut toujours incapable de manifester le moindre enthousiasme ressenti à propos d'une oeuvre dans ses interventions où ne transparaît que sa cuistrerie pathétique. La musique n'est pour lui qu'il filon qu'il exploite afin d'acquérir une position sociale, en aucun cas une adhésion et une passion envers la beauté des oeuvres musicales.

CONCERTOS IN DU E CORI VIVALDI - DISCOGRAPHIE
J'ai souvent attiré l'attention des mélomanes de cette liste sur les chefs-d'oeuvre que constituaient pour moi les 4 concerti in due cori de Vivaldi, pourquoi pas une fois de plus. La comparaion avec Les quatre saisons s'impose à mon avis pour ce qui est de la maturité du langage musical. Analogie également (pour moi) car tous les mouvements (sur les 12 au total) me paraissent présenter un intérêt spérieur. Malheureusement, à part le CD introuvable des Solisti di Milano avec Eprikian, je ne vois pas vers quelle interprétation aiguiller l'acheteur. Même pour une acquisition séparée de ces concertos, ce n'est peut-être pas évident. Il est souvent question de Vivaldi ces temps-ci sur cette liste. Mais après tout pourquoi pas, ce n'est peut-être pas plus mal que sur une certaine liste où on ne cesse de se gargariser de Mahler. Que tout le monde se rassure, je ne voue pas Mahler aux gémonies, mais un équilibrage entre l'intérêt que l'on peut porter à certains compositeurs connus n'est peut-être pas néfaste. J'ai rarement (pour ne pas dire jamais) lu de considération sur la discographie vivaldienne, quelle que soit la liste. Malheureusement, il est évident qu'on ne peut ouvrir une discussion de discographie comparée sur des compositeurs peu connus, Scharwenka ou Sgambati par exemple. Cela n'est possible que pour les compositeurs relativement connus, ce qui est bien dommage.

VEJVANOVSKY SONATES - VOGUE DE LA MUSIQUE ANCIENNE
Vejvanovsky Pavel Josef: Sonatas: CD Supraphon. Un CD à ne pas acheter. Assomant, Vejvanovsky. Qui pourrait trouver du plaisir à écouter ces sonatas au style archaïque? Style d'époque pourtant. A peine de la musique "classique". Comment expliquer que nos ancêtres ont pu prendre quelque plaisir à entendre ces fanfares rudimentaires? Mais y prenaient-ils du plaisir au-delà de la pure excitation acoustique et de la sensualité organique la plus élémentaire, la plus basse? On peut aujourd'hui leur pardonner, comprendre: ils n'avaient pas de points de comparaison plus élevée en cette période du haut baroque, voire de l'ante-baroque. La nouveauté de ces pauvres combinaisons tonales (c'est de la musique tonale, tout de même) leur paraissait inouïe en comparaison de la musique atonale renaissante. Mais au vingtième siècle, après le développement de la musique expressive, nous ressortir ces vieilleries antédiluviennes, qui plus est, exécutées sur des instruments couinants! C'est dépasser les bornes. De qui se moque-t-on? Sous couvert de la sacralité recouvrant la musique ancienne, n'exploite-t-on pas de la part de certains auditeurs le goût du primitif, la jouissance sonore futile, voire malsaine, qu'on n'oserait pas consciemment approuver. De l'hypocrisie pure. Tout cela serait sans conséquence si cette vogue ne jetait pas une ombre sur les redécouvertes majeures des périodes suivantes. Un concerto peu connu du 19e siècle ne jouira pas de la même sacralité. On aura vite fait de le conspuer en déclarant qu'il ne vaut pas celui de Schumann ou ceux de Brahms. Cette invasion de pseudo-oeuvres de musique classique serait sans conséquence si elle ne détournait pas le public potentiel attiré naturellement par les oeuvres expressives. On impose la nullité. Pas le moindre jugement indépendant de la part de nos découvreurs dans la mesure où règne la sacralité historique de l'oeuvre. La vogue (prétendue, mais la prétention joue un rôle roboratif) de la musique ancienne, c'est de la pollution sonore menaçant la musique classique. Les sonates de Vejvanovsky, un CD à ne surtout pas acheter.

LA PAHTÉTIQUE DE TCHAÏKOVSKY
Comme j'ai pu le dire souvent, la Pathétique comporte des parties sublimes, inoubliables, malheureusement certains mouvements sont lancinants, répétitifs, peut-être intentionnellement, et d'une grande pauvreté, à ce qu'il me semble. Il est vrai qu'un seul mouvement réussi est suffisant pour qu'une oeuvre soit considérée, à juste titre, comme une oeuvre exceptionnelle. Ainsi en est-il aussi pour moi de la 3 (Héroïque) de Beethoven et de bien d'autres oeuvres. La Pathétique est une grande oeuvre, mais une oeuvre ratée, comme le fut la vie du compositeur qu'elle évoque. Elle est le symbole de Tchaïkovsky, l'homme raté par excellence. Ce dont elle a bénéficié, c'est d'un contexte propre à la mettre en lumière. Elle est la dernière avant la fin tragique du compositeur, lequel a présenté cette symphonie comme un testament au message dont le sens était occulté. Plan traditionnel pour les deux premières symphonies, pas au sens où on l'entend pour les symphonies classiques, bien entendu, vous avez raison. Tchaïkovsky fut-il jamais capable de s'astreindre à un plan? Cependant, une écriture, une succession des thèmes plus proche du schéma courant alors que, sur ce plan du thématisme, l'écriture de la 3 est beaucoup plus déroutante. Le compositeur n'aurait pas été satisfait de cette symphonie et l'aurait (peut-être) laissée à l'état d'ébauche. Un travail compositionnel supplémentaire n'aurait-il pas abîmé cette oeuvre vierge? Je me méfie souvent de l'acharnement de certains compositeurs à parfaire une oeuvre, et plus particulièrement dans le cas de Tchaîkovsky. Rimsky aussi a passé beaucoup de temps à défigurer ses oeuvres à la fin de sa vie.

OEUVRES POUR FLÛTE
J'ai écouté il y a quelques années un CD de concertos classiques pour flûte: Devienne, Naudot, Frédéric II, Quantz. Aucun de ces concertos n'avait trouvé grâce à mon jugement. Tous aussi nuls les uns que les autres, avec répétition de formules lénifiantes, parfaitement insupportables. En revanche, je ne connais pas celui de CPE Bach que vous évoquez. Cette expérience m'a largement refroidi dans la découverte des concertos classiques pour flûte. Dans le style classique, et dans un genre voisin, quoique à une époque un peu plus avancée, je rappellerai les Sérénades pour flûte, clarinette, guitare de Diabelli (où la flûte domine souvent) qui m'ont paru des oeuvres de premier plan. Et aussi, à l'époque romantique, l'étonnant concerto pour flûte et orchestre de Doppler, un bon concerto malgré, à mon avis, des faiblesses thématiques passagères, une oeuvre égarée à une époque où les oeuvres concertantes pour flûte n'intéressaient plus beaucoup les compositeurs.

VRANICKY - RICHTER
Rien d'autre à vous proposer ce mois-ci que les quatuors op 39 et 40 de'Onslow et, bien sûr, le symphonies op 52 et symphonie en c moll sine op de Vranicky. Je ne décolère pas contre Zelenka que j'avais admiré pour ses concertos à nombre rédit d'instruments. Que dire de Sonates en trio d'un archaïsme assomant avec des mouvements fugués à n'en plus finir. Et il semble s'y complaire. Voilà posé à nouveau le problème de la musique ancienne. Bref, Vranicky a remplacé Zelenka dans mon estime. Je rappelle pour Vranicky qu'il s'agit d'un CD Supraphon avec Dvorak Chamber Orchestra dirigé par Bohumil Gregor. Des symphonies classiques qui m'ont redonné le goût de cette époque pourtant limitée sur le plan de la hardiesse symphonique. Pour terminer: Richter: 4 Symphonies sans numéros d'opus. Aucun catalogage des oeuvres de Richter ne semble exister! Des oeuvres baroques à cent pour cent qui évitent les faiblesse du style classique, mais ne sont pas meilleures à mon avis que les concertos pour orchestre de Vivaldi. Un échec dans les deux cas montrant la limite de l'orchestre à cordes avant l'utilisation des cordes divisées à l'extrême comme dans l'Andante religioso d'Halvorsen, une de mes oeuvres préférées. Je ne rate donc jamais l'occasion de l'évoquer, même si c'est un peu forcé. Je ne reviens pas sur Vejvanowsky qui me donne de cauchemars et j'en reste là.

FRANTISEK RICHTER OEUVRES POUR FLÛTE
Frantisek Richter: un compositeur qui dut marquer l'époque charnière entre le baroque et le classique. Il est en effet indiqué dans de nombreux ouvrages d'histoire de la musique. Cité seulement le plus souvent, mais tout de même cité. Les concertos pour flûte et pour hautbois de ce CD CPO 999117-2avec Robert Dohn flûte (Slavak orchestra Chamber BohdanWarchal) montrent qu'il appartient typiquement à l'époque baroque, en aucun cas à l'époque classique. Il n'utilise jamais les formules stéréotypées du style galant. Baroques, ses scantions, sa thématique, son rythme. Doit-il être pour cela considéré comme un retardataire. Nous en revenons au concept de baroque tardif illustré déjà par Benda dans certaines oeuvres, et par bien d'autres. Le baroque tardif m'apparaît plutôt comme une expantion particulièrement novatrice vers un style qui refuse les facilités du standard galant. Un développement peut-être important au niveau historique, souvent occulté par le style galant. Précisément dans ces concertos pour flûte, Richter me paraît faire bonne figure auprès des innombrables compositions baroques elles aussi standardisés. Je ne pense pas cependant qu'il atteigne l'excellence, même dans le premier mouvement du Concerto en D majeur, un bon mouvement, mais sans plus (opinion personnelle). Flûte volubile, mais jamais réellement virtuose, orchestration homogène complètent le tableau de ces oeuvres à mon avis un peu décevantes.

VRANICKY
Qu'est-ce qui caractérise le style de Vranicky? Apparemment rien. Style post-viennois, pourrait-on dire. Ni en avance sur son temps, ni en retard, Vranicky, quoiqu'il soit difficile d'établir un constat clair en raison des incertitudes de date. Orchestration homogène, pas de couleur instrumentale nette. Pas d'utilisation magistrale des registres. Bref, aucune audace - mais aucune faute de goût. Vranicky réussit peut-être plus par ce qu'il évite que par ce qu'il tente. Ce qu'il évite: l'affadissement de la musique galante, les effets de cuivres trop voyants et primaires signant souvent les oeuvres de cette époque. Utilisation discrète des bois et des percussions, presque l'orchestre à cordes. Vranicky y va doucement. Rien de remarquable ni sur le plan de la forme, ni sur le plan de l'orchestration. Vranicky a tout de même une qualité: il est génial. Il réussit là où les autres échouent. Génial, cet immense Adagio de la Symphonie op 52, une langueur, un appesantissement imperceptibles. Des effets de fusion instrumentale très aboutis. Et si Vranicky, si méfiant des nouveaux effets de couleur instrumentale, avait une longueur d'avance? Bilan contrasté cependant pour ces deux symphonies. Prébeethovénien, le premier mouvement de la symphonie sine op, sombre, pathétique, une pulsion lyrique, une pugnacité, un volontarisme... que Beethoven n'a donc pas inventés. Et puis, des mouvements rudimentaires comme les deux derniers de cette symphonie ou, pire encore, le 3e mouvement de la symphonie op 52, lourd à souhait, des mouvements bâclés, sans aucune recherche, visant à divertir facilement le public. Pavel Vranicky Symphonies op 52 et symphonie sine op Dvorakuv Komorni Orchestr Bohumil Gregor. Un CD à ne pas manquer.

SYMPHONIES DE RAFF
J'aurais l'occasion de développer mon analyse de la 5 Lénore, pour moi une oeuvre sublime. Je vous rejoins sur certains aspects. L'introversion, oui, chez Raff, mais une introversion qui n'exclut un sens très aigu des effets. L'influence de Wagner, oui et non, cela mériterait un commentaire plus approfondi. Mais la 5 n'a peut-être pas les mêmes caractéristiques que la 3 que vous évoquez. Je sais déjà maintenant quelle sera ma prochaine acquisition. Je serais partant pour une intégrale des symphonies de Raff.

REMARQUES SUR L'HISTOIRE DE LA MUSIQUE
Quelques remarques sur les "raccourcis" des histoires de la musique: Je suis le premier à regretter ces fameux raccourcis, notamment:

-l'ignorance généralement des répertoires instrumentaux spécifiques (contrebasse, flûte... et même violon) dont les compositeurs sont ignorés. Je ne puis manquer de signaler une fois de plus l'absence de la grande école de violon franco-belge depuis Viotti jusqu'à de Boeck, un grand mouvement historique dont un ouvrage d'histoire de la musique devrait à mon sens tenir compte.

-la prééminence à mon avis excessive accordée parfois à des idoles qui n'ont pas eu un rôle fondamental dans l'évolution des formes et de l'écriture musicale (par exemple Bach, Haydn, Mozart, Meldelssohn, Brahms...) alors que les véritables fondateurs de formes et de langages musicaux occupent souvent une place beaucoup plus modeste (pour le 18e par exemple Vivaldi, Scarlatti, Gluck).

-l'importance exagérée à mon avis accordée aux oeuvres modernes dont l'importance historique est contestable et qui sont à mon sens le résultat de l'activité d'une secte maginalisée.

-Plus de 50% en moyenne du contenu d'un ouvrage d'histoire de la musique est occupé par des commentaires sur les "idoles" de la musique dont, l'émergence, je le précise à nouveau, n'est généralement pas due à l'activité musicologique, mais est antérieure. Les auteurs avalisent (de plein gré ou contre leur gré ?) les choix historiques qui leur sont imposés. S'ils le font insuffisamment au profit de fresques plus approfondies ou de compositeurs peu connus, il est probable qu'ils se heurteraient à l'incompréhension des éditeurs.

En conclusion, quelle que soitent les imperfection des histoires de la musique, et je suis le premier à les déplorer, les ouvrages écrits par des équipes de musicologues confirmés me sont apparus généralement plus objectifs, moins imprégnés par l'idéologie et le culte des idoles que les ouvrages de vulgarisateurs.

LE DISCOURS DE JANKÉLÉVITCH
Quoique Jankélévitch cite à tout va des citations grecques dans la langue, je ne crois pas toujours à son discours qui manque souvent de contenu argumentaire, c'est plutôt une sorte de discours suggestif, de perpétuel évocation. Il aligne ainsi des pages pour ne rien dire, ou à peu près rien. Néanmoins, j'ai beaucoup de tendresse pour lui, mais je doute souvent de la réalité des émotions qu'il prétend éprouver en écoutant les oeuvres musicales.

JUGEMENT PAR LES MÉLOMANES
Concernant les concertos pour violoncelle de Vivaldi, vous savez, je les connais extrêmement peu, en comparaison, par exemple, des concertos pour hautbois ou flûte. Et puis je suis conscient de passer aussi à côté de certaines oeuvres, même si je me livre à de nombreuses auditions. Je crois que les appréciations de mélomanes valent surtout si on considère la résultante de jugements émanant de plusieurs personnes. Une oeuvre qu'un tel n'aura pas apprécié pour une raison ou pour une autre ravira un autre mélomane. Il s'ensuivra cependant que certaines oeuvres recevront plus de suffranges que d'autres. Votre réflexion, si elle est abrupte, a le mérite de refuser de se voiler la face. L'appareil officiel actuel entretient ses privilèges et se graisse en utilisant les chefs-d'oeuvres du passé. Finalement, c'est ce qui arrive dans toute période de décadence. Nous n'y pouvons rien. il faut le prendre avec philosophie.

SYMPHONIES DE RAFF - INTÉRIORITÉ, EXTÉRIORITÉ
Suite à l'intériorisation évoquée à propos de la 2 ou la 5 de Raff, une pensée plus générale m'est venue concernant cette notion. Tout d'abord, la virtuosité est-elle une manifestation de l'extériorisation? En règle générale, a priori, oui, mais le caractère hautement complexe sur le plan thématique notamment de certains passages de virtuosité tend paradoxalement à orienter cette expression vers une certaine intériorité (me semble-t-il). En second lieu, qu'en est-il de l'intériorité de la musique en général par rapport aux autres formes d'art? Il me semble que la musique représente l'art el plus extériorisé par rapport à la peinture et la littérature en général. Le silence, qui caractérise les oeuvres picturales pourrait signifier préférentiellement l'intériorisation, une certaine extériorisation pouvant relever dans ce cas d'une intention manifeste à représenter le mouvement, l'animation par certaines scènes (une représentation de carnaval par exemple). J'ai toujours pensé que les peintures visant à représenter le mouvement étaient des échecs, en raison justement du caractère intrinsèquement intériorisé de tout art pictural. Intériorisation également de la littérature en ce sens qu'elle est liée à l'idée, et surtout à une évocation indirecte des scènes réelles, ces dernières relevant, elles, par définition, de l'extériorisation. Enfin, la poésie serait à l'interface car elle peut être déclamée (les aèdes de l'Antiquité), elle rejoint alors la musique, tandis que la poésie lue intérieurement (comme un roman) rejoint le silence intériorisé. La relation devient plus subtile si l'on considère le caractère spécifique de la musique classique par rapport aux musique folkloriques. Assurément, la musique classique se distingue par une certaine intériorisation. Alors, plus primaires les musiques extériorisées par rapport aux musiques intériorisées relevant de la cérébralisation? Mais plus fondamentalement musicales. Et l'expressivité n'est-elle pas atteinte, la sensibilité touchée lorsqu'existe un équilibre entre une introversion stérilisante et une extériorisation dissipatrice? En définitive, est-il pertinent de distinguer des oeuvres fondamentalement extériorisée et des oeuvres fondamentalement intériorisée en musique classique dès lors qu'elle remplit les critères de ce genre? Je vous laisse sur cette interrogation après cette cogitation nocturne. Il est 2h30 à Clermont-Ferrand, en France.

EXTÉRIORITÉ ET MUSIQUE DESCRIPTIVE
La musique descriptive ne me paraît pas obligatoirement plus extériorisée que la musique dite pure. On pourrait considérer aussi les composantes de la musique et leur rôle dans l'impression d'extériorisation. Il me paraît évident que le rythme induit un élément d'extériorisation et l'arythmie plutôt un élément d'intériorisation. Ainsi, les pièces pour piano très descriptives et visuelles de Debussy ne produisent pas (pour moi) un effet de musique extériorisée. En revanche, la mélodie, qui est (à mon sens) moins intuitive et qui est de nature discursive, me semble plus intériorisée que le sentiment induit par l'harmonie. Mais, je le dis une fois encore, le débat n'est peut-être pas pertinent. Nous faisons donc comme Socrate, en définitive, nous constatons que nous ne savons rien de plus à l'issue du débat et nous ne savons pas pourquoi nous avons philosophé. SYMPHONIE IN DEN ALPEN RAFF Une grande symponie la 7 "In den Alpen" de Raff. Ceux qui envisagent d'acquérir une ènième version de la Symphonie inachevée de Schubert feraient bien de faire un tour du côté de cette oeuvre. Ils verraient la différence qu'il y a (à mon avis) entre le désolant essai d'un amateur symphoniste et le génial accomplissement d'un véritable symphoniste de vocation. Rien que pour l'introduction du premier mouvement, on pourrrait donner toutes les symphonies de Brahms. Raff n'est pas un de ces esprits qui se complaisent dans les formules traditionnelles. Son esprit d'innovation, son originalité, aucun doute là-dessus, on le sent, cela fuse partout. La fadeur poussiéreuse des grands classiques, ce n'est pas chez lui qu'on peut la rencontrer Même s'il n'est pas toujours génial, mais quel compositeur l'est dans toutes ses oeuvres? Revenons à cette introduction du premier mouvement, on pourrait y consacrer un message entier. Un moment sublime, extatique, des motifs fascinants, très sibéliens (peut-être d'inspiration nordique ou de la pure création, je n'en sais rien). Sublime aussi dans cette introduction l'utilisation des timbales, on ne peut pousser plus loin la recherche de l'effet lyrique. C'est ce que j'appelle de l'Art. Ceux qui dissèquent sur les partitions les thèmes et contrethèmes des fugues n'ont aucune idée de ce qu'est le génie musical. Qu'ils n'écoutent pas cette page imprégnée de génie profond, ils demeureraient impassibles. Moi, j'en suis foudroyé.

POURQUOI ÉCOUTER LES SYMPHONIES DE RAFF
Je lis rarement les notices accompagnant les CD, mais c'est encore trop. A chaque fois, cela me détruit le moral. Pourquoi écouter les symphonies de Raff? Voici les réponses d'un docteur, Peter Keller: "Pour l'écouter aujourd'hui? Peut-être pour cette raison: durant la période après Schumann, Raff et ses contemporains comme carl Reinecke et Karl Goldmark défrichent le terrain qui nourrira les chefs de file de la nouvelle musique allemande, Max Reger et Richard Strauss. Les idées nouvelles en matière de composition ne proviennent pas seulement de Wagner et Brahms, mais aussi de la génération intermédiaire représentée par Raff. Connaître ses oeuvres, c'est avoir une vue d'ensemble de la musique du 19e siècle." (fin de citation) Naïvement, je pensais qu'on pouvait écouter Raff parce que ses oeuvres nous apportaient du génie procurant une jouissance supérieure. Pour ma part, c'est pour cela que je l'écoute. Mais sans doute, avec Keller, nous ne sommes pas sur la même planète. Au passage, on aimerait savoir aussi quelles idées nouvelles a apporté Brahms? Keller n'assimile-t-il pas automatiquement la notoriété d'un compositeur à notre époque à sa capacité réelle d'avoir innové?

PAS D'OEUVRES CONTEMPORAINES DANS CRITIQUE-MUSICALE.COM (?)
Je ne juge jamais les oeuvres en fonction de leur date de parution. Je pourrais vous citer de nombreuses oeuvres écrites après 1945 et que je considère comme importantes et de grande valeur. A commencer par certaines oeuvres de Leontsky composé en 2001 (et le compositeur est encore assez jeune). Je pourrais vous citer aussi le Concerto pour violon de Taktakichvili composé vers 1970 et aussi une oeuvre de Rodrigo composé en 1981 (Como un divertimento). Et bien d'autres. Ne vous en déplaise, les oeuvres postérieures à 1945 ne relèvent pas toutes, loin de là, de la vieille musique atonale ou pseudo-tonale dont l'origine remonte avant le 17e siècle. Le courant expressionniste russe s'inscrit dans le sens novateur et les oeuvres de ce courant ont été composées pour la plupart après 1945. Le terme moderniste ne veut rien dire, mais tout le monde le comprend: oeuvres qui se prétendent modernes, mais ne relèvent généralement pas de l'art musical. Quant au camarade Djanov, merci pour lui, mais laissez-le tranquille. Il fait partie des noms commodes que l'on brandit (avec Hitler ou Staline) quand on n'a pas d'argument.

ÉVOLUTION DES ESPRITS - LA NOTORIÉTÉ EN SON TEMPS
Ravi que vous accordiez une certaine importance à la notoriété d'un compositeur en son temps. La tendance se confirme au niveau des redécouvertes. On ne méprise plus la notoriété d'un compositeur en son temps et on ne considère plus que seul l'électisme supérieur de notre époque représente la vérité absolue. Les quelques compositeurs recréés dont j'ai présenté les oeuvres récemment étaient justement très connus à leur époque. Raff, d'abord, le plus connu des compositeurs allemands pendant une période de sa vie, Briccialdi, le Paganini de la flûte. Carulli, lui aussi, jouissait d'une notoriété considérable. Les idées, heureusement évoluent et on ne considère plus nos ancêtres comme des pauvres d'esprits musicaux incapables d'avoir discernés quels sont les véritables grands compositeurs. C'est un progrès.

SYMPHONIE 8 DE RAFF
Une autre symphonie sublime de Raff, la 8. Même conception monumentale du premier mouvement. Trop, même, à tel point qu'il se perd dans les dédales d'une structure fuguée dans sa finale. Mais quelles succesison de thèmes. Et surtout quelle introduction! C'est la spécialité du compositeur: harmonies envoûtantes qui nous introduisent au-delà du "wagnérisme", par et à travers lui. Aussi vers des allusions brucknériennes. Plus sublime encore peut-être le second mouvement. Voilà une de ces pages dont les thèmes pourraient devenir célèbres pour peu que l'on prît la peine de les médiatiser. Succès garanti. Que font les maisons de disque? Rien. Elles éditent des nouveautés, des compositeurs inconnus, c'est bien, mais insuffisant. Encore faut-il être capable d'en saisir l'envergure, d'en dégager les parties maîtresses. C'est magnifique de vouloir gagner de l'argent en vendant des enregistrements musicaux, mais encore faut-il être capable d'agir, de prendre les nouveautés en main, ne pas se contenter d'être la courroie de transmission de l'appareil musical qui propose des partitions, mais ne va pas plus loin. C'est un mérite, proposer des partitions, de les enregistrer, de les diffuser, mais si on ne croit pas au génie de ce qu'on publie, alors il faut laisser les partitions dormir dans les bibliothèques. Revenons à ce second mouvement, des contrastes puissants, un thème triomphal d'une grande fluidité. Impossible d'y résister. Les deux derniers mouvements, malheureusement, apparaissent un peu atones par rapport aux deux premiers comme dans de nombreuses symphonies de Raff. Que dire maintenant des symphonies 9, 10, 11. Elles me laissent dans l'expectative. Raff y essaie des formules nouvelles, il semble abandonner la recherche du grand lyrisme pour une structure en petits solos successifs. Volonté d'éclater la symphonie, d'en renouveler l'esprit. Oui, mais à mOn avis pas convainquant. Est-ce pour cette raison que la fortune de Raff auprès du public faiblit à la fin de sa vie? Bien difficile d'affirmer une telle idée. Comme pour de nombreux compositeurs, la carrière de Raff semble se terminer dans le manque d'inspiration et la grisaille. Qu'en est-il de ses premières symphonies? N'aurait-on pas dû plutôt les resusciter en priorité, notamment la 1, qui avait obtenu un grand succès. Ces 4 symphonies 8 à 11, il s'agit d'un double CD avec le Philarmonia hungarica (Werner Andreas Albert). Je conseille au mélomane de se procurer plutôt une version séparée de la 8 car l'ensemble, à mon avis, cela ne vaut pas la peine. Mais cette symphonie, on ne peut l'ignorer.

LEONTSKY
Tous les albums de Leontsky ne me séduisent pas. J'ai fait silence sur plusieurs qui m'ont laissé indifférent. Le dernier cependant (Salons déserts) restitue (presque) pour moi la magie du premier album, le fameux "best of I". Même esthétique des micro-effets. Cette musique est trompeuse. Il est si facile de "passer à côté". Je dois avouer que l'écoute de Leontsky est une des expériences musicales les plus curieuses qu'il m'ait été donné d'éprouver. Une musique rare, difficile à cerner. Une fausse musique romantico-classique, mais plutôt un pseudo-impressionnisme camouflé qui n'a guère d'équivalent, une chimère impossible entre Schubert et Debussy, où traîneraient parfois des accents rappelant Satie, Albeniz, Séverac... ou d'autres équivalents que je ne connais pas. Faux minimalisme que cette densité d'effets suggérés. Cette musique qui finit par nous subjuguer avec du presque rien n'est-elle pas une drogue falsifiée? Comment la définir? Une sorte d'apesantissement incessant, morne, un piétinement d'accords hésitants, lardés de silences,dont on ne sait où ils veulent aller, qui refusent leur résolution en une infinité de méandres successifs. Un jeu qui tend vers la volupté auriculaire du son pour lui-même. C'est pourtant là qu'on est le plus captivé, dans l'attente, l'attente de ce qui ne vient pas, qui traîne indéfiniment. Et parfois, une lumineuse bribe de mélodie, un motif tronqué, authentiquement classique, effrontément classique, mis en relief dans la tessiture aiguë. Concentration extrême, intériorisation presque monstrueuse. Une musique faussement conventionnelle qui s'ingénie à nier sa nouveauté et qui refuse de se livrer. Leontsky pourrait être contesté selon l'argumentation anti-impressionniste qui prévalut à l'époque du Groupe des Six. Ne se perd-il pas dans un labyrinthe de subtilités byzantines par lesquelles la musique s'amenuise jusqu'à la vacuité? Ne met-il pas en relief par un tour de prestidigitation musicale des séries d'accords communs, sans intérêt? Qu'importe puisque nous sommes séduit. La musique n'est-elle pas illusion? J'ai peur que ces oeuvres ne laissent de nombreux mélomanes indifférents, surtout ceux qui recherchent des effets modernistes bien voyants. Cette synthèse entre romantico-classicisme et impressionnisme dérouterait un esprit avide de révolutionalisme creux. "Je m'avance", faux prélude où tout semble mesuré au cordeau, comme une miniature. "Couloirs interminables", magique mélodie, "Lourdes tentures", un immense crescendo massif dans le grave... Et bien d'autres pièces qui fascineront les amoureux de la concision du "presque rien". Un CD qu'il faut absolument écouter.

http://www.leontsky.com

VRAIE ET FAUSSE NOUVEAUTÉ
Les véritables nouveautés se trouvent en effet rarement chez les compositeurs qui s'autoproclament novateurs et elles sont rarement perceptibles immédiatement sous la forme d'effets trop voyants prétendant révolutionner la musique. Elles sont plutôt présentes chez les compositeurs qui n'ont aucune prétention moderniste. Le Concerto n°2 de Rachmaninov, naturellement, oeuvre majeure du 20e siècle. TRANSCRIPTIONS Personnellement, je ne suis pas partisan des transcriptions, sauf si elles sont "autorisées", c'est-à-dire paraphées par le compositeur lui-même: composées par lui ou commandées par lui (comme fit Liszt pour certaines de ses oeuvres à Raff). Sinon, le choix d'un genre instrumental par l'auteur constitue à mon sens une caractéristique fondamentale de l'oeuvre au même titre que l'écriture des thèmes ou leur traitement. C'est vrai qu'on 18e siècle, on n'accordait pas la même importance à la couleur instrumentale et de nombreux compositeurs notaient par exemple qu'une oeuvre était conçue pour le violon ou la flûte. c'était cependant une limitation considérable et induisait justement qu'on ne pouvait pas la jouer pour un autre instrument. Ainsi, la transcription pour clavecin et orchestre d'une oeuvre pour violon par exemple (je dis celà tout à fait par hasard, naturellement) me paraît indue. Je la considère comme une modification non autorisée de l'oeuvre, une contrefaçon qui peut altèrer gravement l'esprit de l'oeuvre. Il n'en est pas de même pour les variations.

CARULLI - LEONTSKY - RAFF
Carulli, c'est le classicisme parfait. Aucune note ne dépasse, mais tous les motifs accrochent l'attention dans ces oeuvres oscillant entre mélodisme simple et subtilités harmoniques. Harmonies consubstantielles à la mélodie puisqu'il s'agit d'oeuvres de musique de chambre à l'accompagnement réduit (pour violon, alto ou encore flûte). Si vous préférez les déploiement de puissance orchestrale, choisissez la 8 ou la 7 de Raff qui, elles, oscillent entre l'intériorité et l'extériorisation. Leontsky, lui, dans "Salons déserts" s'enferme dans les subtilités pseudo-romantico-impressionnistes, naviguant quelque part entre Debussy, Schubert, Satie, Albeniz, une curieuse chimère... Inériorité pure, presque maladive, viscérale compensée par de rares bribes mélodiques lumineuses... Chronique consacrée à l'influence des Intellectuels. Spécialement pour les membres de classique-fr, qui n'ont pas encore compris la différence profonde entre le complot et l'empreinte idéologique. Mais il est vrai, c'est tellement facile de brandir l'argument primaire du complotiste quand on est incapable d'analyser une problématique.

LEONTSKY - RAFF CARULLI
Remise à jour de critique-musicale.com. J'ai déjà présenté les oeuvres de Carulli, Leontsky, Raff, dont il est question. Des oeuvres appartenant à un spectre tanT stylistique qu'instrumental très large. Chacun devrait pouvoir y trouver ce qu'il recherche. Si vous êtes un intimiste, préférez Leontsky. Si vous aimez la puissance lyrique, préférez Raff, enfin si vous avez un esprit plus classique, préférez la musique de chambre de Carulli. Mais poruquoi pas les trois genres.

FRANTISEK BRIXI
Je vais devoir employer à propos de Brixi la formule élégante que vous connaissez désormais : "Si vous n'êtes pas un passionné de musique baroque..." Dommage pourtant de traiter ainsi ce compositeur. Que manque-t-il à ces concertos pour orgue pseudo-vivaldiens par rapport à ceux de Haendel ou ceux de Vivaldi lui-même. Une écriture très enlevée, légère, une grande souplesse, mais une virtuosité limitée. On remarquera une utilisation très symphonique des cuivres, leur fusion à la masse orchestrale. Quand on pense au caractère souvent élémentaire et parfois même grotesque des cuivres dans de nombreuses oeuvres de l'époque classique quelques décennies plus tard (notamment chez Haydn), le fait me paraît remarquable. Et ce n'est pas tout. Brixi sait dépasser la musique baroque - parfois. Il est vrai que c'est indispensable pour que la musique baroque devienne simplement de la musique digne de ce nom. Dans un mouvement lent, l'Andante molto du Concerto en ré majeur. Sonorités hallucinantes, déroutantes, mystérieuses. Dans leurs meilleures compositions, les compositeurs baroques passent généralement directement à des effets de musique romantique ou impressionniste-moderne en ignorant le classique. Mais il faut avouer que c'est assez rare. Pour le reste, du baroque typique qui s'écoute, du baroque où l'influence italienne est particulièrement intégrée. Brixi aura été génial au moins une fois. Peut-on en dire autant de très nombreux compositeurs de l'époque? CD Supraphon avec Jan Hora à l'orgue Prazsky Komorni Orchestr Ridi : Frantisek Vajnar

ÉVOLUTION DE L'ORGANOLOGIE, DU THÉMATISME...
Oui, l'évolution de l'organologie peut expliquer bien des aspects du symphonisme. Sans oublier parfois l'aspect purement thématique relevant d'une évolution indépendante de celle de l'organologie. D'une manière générale, le simplicisme thématique caractérise le style galant par rapport au thématisme du baroque tardif. On retrouve logiquement ces caractéristiques dans les thèmes confiés aux cuivres. A propos de Brixi, justement, quoiqu'on ne connaisse pas la date exacte de composition de ses concertos pour orgue, on est dans l'obligation de penser qu'il sont tardifs, même très tardifs. En effet, Brixi est né 1732 et il est mort jeune à 39 ans (en 1771). Raisonnablement, on ne peut guère dater ces oeuvres avant 1750, on est déjà en période classique depuis plus de 2 décennies (1720 à 1730, nouvelle date réévaluée par les musicologues pour l'avènement du style classique), pourtant je ne vois aucune trace de préclassicisme dans ces oeuvres de Frantisek Brixi. Je les ai découvertes et commentées avant d'avoir même vu la date de naissance du compositeur. Je ne lis les notices qu'après avoir écouté les oeuvres, vous le savez. J'ai découvert avec assez d'étonnement la date de naissance si tardive de Brixi. Le commentateur de l'enregistrement (anonyme), lui, croit voir dans ces oeuvres au contraire une forte imprégnation préclassique. Que penser? Je peux me tromper, lui aussi. Ignorait-il comme moi la date de naissance du compositeur avant de découvrir l'oeuvre. Très peu pensable. Je prétends donc avoir eu une écoute plus objective que lui. Brixi n'est d'ailleurs pas le seul compositeur de cette époque qui développe le post-baroquisme en ignorant totalement la thématique galante. On pourrait citer Corrette qui, ce n'est sans doute pas un hasard, a lui aussi développé un symphonisme original. C'est le cas de Richter (très tardif), de Pisendel. Il ne faut pas oublier l'incertitude concernant la date de composition lorsque le compositeur a eu notamment une longue période compositionnelle.

INTERPRÉTATION
Ce serait sans doute présomptueux de ma part que de prétendre être capable, comme vous le suggérez, de faire abstraction des particularités interprétatives, c'est bien pourtant mon orientation et je n'ai pas d'autre solution. Si l'on veut s'orienter vers la critique des oeuvres rares, il faut obligatoirement y prétendre. D'abord, parce qu'il existe rarement plusieurs interprétations, ensuite parce que matériellement il serait impossible, si elles existaient, de les écouter toutes. Je vous rejoins lorsque vous considérez la lecture des partitions comme la seule référence objective, mais serait-il possible dans la pratique de consulter les partitions de nombreuses oeuvres rares. Personnellement, je n'ai lu que des partitions pour piano, je ne sais si l'on peut valablement se créer une image mentale d'une partition d'orchestre où les pupitres sont nombreux. Peut-être. Mais un autre fait intervient que je voudrais vous illustrer par une expérience personnelle. Avant de connaître des oeuvres rares, j'ai tout de même écouté des interprétations différentes d'une même oeuvre, j'ai pu sonder les variations d'intérêt engendrées par l'interprétation. Dans mon jeune âge, j'ai été ébloui par la découverte du Casse-noisette selon une interprétation que je juge aujourd'hui très médiocre, cela ne m'a pas empêché de considérer cette oeuvre d'emblée comme une des plus belles. Il faut bien que l'interprétation n'ait qu'un role mineur (dans la mesure où la partition est respectée) sinon où serait le génie du compositeur? La musique serait bien peu si l'on pouvait d'un coup de baguette (magique) transformer une partition médiocre en oeuvre géniale ou l'inverse. Pour moi, le coeur de la musique, c'est la thématique. Si la partition est respectée, la puissance de la thématique doit s'exprimer. Plus ou moins bien, mais elle doit s'exprimer. Un thème conserve même sa puissance si l'on change l'instrumentation, voire même l'harmonie et même dans certains cas si on lui fait subir des variations. On ne peut réduire le génie musical à des impondérables. Un troisième argument peut intervenir, celui de la logique interprétative contenue implicitement dans la partition. Le phénomène est sensible particulièrement pour les oeuvres baroques. Les compositeurs de cette époque indiquaient très rarement les nuances, pourtant on sait par des témoignages qu'elles étaient jouées. Dans les interprétations d'une même oeuvre, on retrouve généralement les mêmes nuances. Vous pouvez très rarement jouer un ritardando quand la logique de la partition vous incite à un accelerando, ni une nuance pianissimo lorsqu'un forte s'impose de lui même, ni jouer un crescendo à la place d'un decrescendo. Pour le tempo, qui est effectivement variable suivant les interprétations, il existe aussi une logique. On a rarement vu un interpréte jouer du Bach plus vite que du Vivaldi, quoiqu'il n'y ait aucune indication métronomique sur les oeuvres de ces compositeurs. Concernant votre exemple d'une oeuvre de RW, Si RW a été acclamé et non son confrère, c'est peut-être aussi qu'il se nommait RW, prestige personnel que n'avait pas le confrère inconnu. Il aurait fallu que le fait fût observé dans des conditions de double aveugle pour lui conférer une certaine validité. Nous en arrivons à l'influence des facteurs extra-musicaux, bien plus importants que celui des nuances interprétatives...

ABUS DE L'IMPORTANCE DE L'INTERPRÉTATION
L'importance de l'interprétation a certainement été surconsidérée, à mon avis, pour des raisons d'ordre socio-économiques, donc d'intérêt financier. Il est évident que toute l'industrie du disque et du concert, (avec tous ses partenaires depuis les instrumentistes, les orchestres, les éditeurs, les diffuseurs jusqu'à la critique musicale, les périodiques) repose sur l'existence d'interprétations différentes liées à un répertoire réduit d'oeuvres connues. On comprend dès lors l'importance qui sera accordé à cet aspect de la vie musicale. Dans certaines revues, c'est uniquement l'interprétation qui est jugée, l'oeuvre elle-même n'est plus critiquée. C'est à mon avis une déviation stérilisante de la vie musicale conduisant à un certain fixisme des valeurs consacrées. Le culte des personnalités (instrumentistes, chefs) se greffe également sur l'importance exagérée accordée à l'interprétation, ce qui conduit à une exploitation commerciale.

SUR "BACH EST-IL UN GRAND COMPOSITEUR"
Un goût, par définition, ne se fustifie pas. En revanche, on ne l'affirme pas comme une vérité objective, ce dont je me suis toujours gardé. Mon article sur Bach (indépendant des critiques de critique-musicale.com) est un article de synthèse, pas un article de recherche et encore moins un article critique sur Bach. Je me reporte donc aux musicologues compétents. Sans doute pensez-vous être plus qualifié qu'eux. Sur un point cependant, j'apporte des informations de première main en confrontant de nombreuses notices critique sur Bach ainsi que quelques statistiques sur la représentativité de quelques compositeurs dans le souvrage sd'histoire de la musique. Concernant l'étude du contrepoint de Bach, de nombreux professeurs de contrepoint, depuis Fétis jusqu'à Candé, ont signalé les fautes qu'il comportait. Chacun, à partir de cela, pense ce qu'il veut. CONCERTO 2 DE RACHMANINOV C'est vrai que c'est quasiment le seul concerto pour piano de Rachmaninov que j'apprécie, mais quel concerto. Les autres concertos du maître me paraissent présenter ses défauts sans ses qualités, ou plutôt ce sont ses qualités transformées en défaut : une dissolution de la thématique dans un brouillard harmonique inconsistant duquel rien n'émerge. Le 3 accuse un peu moins cette tendance, mais quelle différence avec le 2 tout de même. Le 2, sans doute un des meilleurs concertos pour piano "Moderne" par l'inspiration, l'originalité sans égale, le traitement de la mélodie, la puissance des effets impressionnistes-expressionnistes, moderne par l'atmosphère qu'il évoque, une sorte de rêve paradisiaque insaisissable, un enchantement empreint de nostalgie. Une telle réussite ne pouvait être atteinte qu'une seule fois dans la vie d'un compositeur. Le meilleur mouvement, je dirais sans doute le deuxième, j'en ai été ébloui, ce fut pour moi une véritable révélation. C'est le plus pénétrant, le plus mystérieux, le plus évanEscent. En revanche, le 3e mouvement est sans doute le plus riche thématiquement, le plus varié, le plus virtuose, une virtuosité spécifique sans aucun rapport avec la virtuosité transcendante qui triompha au milieu du sicèle, que poursuit en cette fin de siècle un certain Tchaîkovsky (passéiste et rétrograde, on le savait, naturellement), auteur d'un concerto non moins célèbre... et non moins sublime.

SGAMBATI SYMPHONISTE
Sur Sgambati symphonisme, je voudrais rappeler l'ouverture Cola di Rienzo, une superbe page de style préimpressionniste. Cette oeuvre présente une succession très calculée de motifs traduisant une grande concentration, une utilisation très poussée de la couleur instrumentale, pourtant sans aucun chatoiement ni éclat ostensible, mais au contraire par la recherche des effets les plus subtils, des sonorités presque étouffées, sombres. L'exploitation du pianissimo y est étonnante.

SGAMBATI OCCULTÉ
Occulté aujourd'hui, mais peut-être pas à son époque. Sgambati jouissait d'une certaine notoriété en Allemagne (grâce notamment à l'appui de Wagner) et en France où il fut tout de même le collègue de Massenet et Saint-Saêns à l'Institut de France. Pour un compositeur italien, cette admission est sans doute significative d'une certaine notoriété internationale. La musique instrumentale italienne du 19e siècle occultée par l'opéra, certainement, mais fut-elle négligeable? On manque sans doute de connaissance sur le sujet. N'oublions pas Bottesini par exemple, Briccialdi, Carulli... les quelque soeuvres que j'ai pu connaître par hasard de ces compositeurs m'ont très vivement impressionnées et ils furent célèbres en leur époque. N'oublions pas un certain Paganini évidemment.

SÉRIE HYPÉRION DES CONCERTOS POUR PIANO ET ORCHESTRE
Effectivement, je ne puis qu'approuver, (quoique le Brull et le Bortkiewitch comme le De Motta me laissent plutôt froid). Mais peu importe, il faut juger sur l'ensemble et saluer cette collection dont l'ambition a été de revaloriser les oeuvres méprisées. Retenons les Litolff, les Scharwenka, le Kullak et bien d'autres. On rêve d'une série identique pour d'autres instruments spécifiques, notamment la flûte.

CONCERTO POUR VIOLON DE KORNGOLD
Pour moi, réenregistrer ce concerto soporifique de Korngold, c'est une perte de temps, de l'énergie perdue. Dommage que cette chère Anne-Sophie ne soit pas mieux conseillée pour ses nouveautés. Quant au Tchaïkovsky, grand concerto sans doute, mais il a bien suffisamment été interprété. Comme vous le dites, dans les 2 cas des remakes.

OEUVRES POUR FLÛTE DU 19e AU 20e SIÈCLE - BRIXI - THÉODORAKIS
Opposition entre dispersion thématique et solidité thématique dans le programme de ce CD RCA (James et Jeanne Galway, Philipp Moll). Dispersion, imprécision dissolution thématique avec des représentants essentiellement du vingtième siècle: Mouquet, Taffanel, Gaubert, Hüe, Enesco, Chaminade... Style post ou pseudo-impressionnisme. Des parties géniales, ultragéniales, oui, mais de brusques retombées dans l'insignifiance illustrant la fragilité des effets impressionnistes, par essence labiles. Toujours quelques mesures en trop pour gâcher des oeuvres qui eussent pu être magistrales. Cécile Chaminade s'en tire le mieux avec une grande page, le Concertino pour flûte et orchestre. Sans oublier Mouquet, le plus sensuel, le plus évocateur avec La flûte de Pan... Solitidité thématique, transcendance avec Briccialdi, Morlacchi, représentants du 19e siècle, et, dans une moindre mesure Doppler. Comparaison significative avec les précédents, des thèmes beaucoup plus nets, incisifs, pas une mesure en trop, musique finalement plus naturelle pour l'esprit, plus conforme au sentiment musical fondamental plutôt que les artificialités parfois trop poussées du post-impressionnisme. Morlacchi, représentant de ce 18e siècle qui n'en finit pas jusqu'en 1820 et plus, introduisant une sensualité nouvelle dans des schémas motiviques teintées encore de style galant. Archaïsme fécond qui pourrait évoquer également les réussites de Diabelli dans le genre. A rapprocher aussi sans doute de ce post-baroquisme qui se développe sans complexe jusqu'en 1750 et au-delà. Frantisek Brixi, justement, en est un excellent représentant, quoiqu'il est malaisé de situer exactement la date de composition de ses concertos pour orgue. Du tout venant baroque dans ces concertos, du standard vivaldien, oui, mais tout de même pas que cela, notamment dans le mouvement lent d'un concerto intitulé, faute de mieux Konzert D dur (aucun catalogage évidemment pour ce compositeur oublié). CD Supraphon avec Prazsky Komorni Orchestr - Vajnar. Enfin, Théodorakis, musique de chambre (Trio athénien CD Intuition Classics). Après le scolaire Trio pour violon, violoncelle et piano, à peu près nul à mon avis, Théodorakis éclate avec ses sonates pour violon et piano. Esthétique réellement moderne sans être moderniste, sonorités hallucinantes, virtuosité cinglante. Le rhapsodisme est renouvelé, transfiguré. Un CD à ne pas manquer. Théodorakis, qui rejeta catégoriquement les errements antimusicaux auxquels quelques-uns s'accrochèrent désespérément, illustre, comme Mouquet, Gaubert, Enesco, Hûe... l'importance du courant tonaliste au 20e siècle, très largement dominant, mais masqué artificiellement par l'idéologie pro-atonaliste du système.

OEUVRES POUR FLÛTE DU 19e AU 20e SIÈCLE - BRIXI - THÉODORAKIS
Bien rare que je signale une interprétation qui m'enthousiasme particulièrement (en tant qu'interprétation). C'est le cas cette fois-ci pour James Galway à la flûte dans ce CD RCA (avec Jeanne Galway et Philippe Moll). Rarement virtuosité sur cet instrument ne m'avait parue si aérienne, si enveloppée. Sans doute la présence de la belle Jeanne a-t-elle transcendée notre flûtiste. Ce qu'il transcende, c'est d'abord une série de compositeurs français du 20e siècle : Taffanel, Mouquet, Gaubert, Hüe... Du post-impressionnisme, si l'on veut absolument mettre une étiquette sur le style. Cette pléiade de compositeurs, tous ayant refusé le modernisme, montre, s'il était nécessaire, que l'atonalisme n'a pas été aussi triomphant que certains veulent nous le faire croire. En revanche, il est sans doute vrai que les prosélytes de cet anti-art ont occupé le devant de la scène, reléguant dans l'ombre ceux qui ne partagaient pas leurs conceptions. Incontestable. Du sublime, oui, du merveilleusement sublime même jusqu'à l'extase dans ces oeuvres, mais malheureusement parfois des retombées brutales. Navrantes, ces baisses d'intensité. Pour Enesco aussi (que je n'ai pas cité), pour Hüe... on passe du 4 étoiles au 0 étoile, parfois,la mélodie s'étire, se perd en développements inutiles, divague, s'appesantit après nous avoir communiqué l'ivresse des hauteurs. Est-ce la conséquence obligée du style pseudo-impressionniste? En revanche, pas d'errements inutiles pour Morlacchi (19e siècle) dans son "Pastore svissero". Achevé, suprêmement achevé, enlevé, rien à redire. Tout paraît nécessaire au moment voulu. Briccialdi, moins imaginatif que dans son "Solo romantico", fournit un exemple de variations proche de son sujet avec "Il carnevale du Venezia op 77". Aucun rapport avec le travail de recomposition réalisé par Salieri sur la Follia. Simplement une exploitation virtuose géniale du sujet. Revenons sur Mouquet, tout de même. On ne peut demeurer insensible à cette page d'impressionnisme absolu que représente le second mouvement de sa sonate "Pan et les oiseaux". Difficile de ne pas rêver à une futaie de la Grèce antique cependant que les nymphes et napées ondoient dans une source à l'onde argentine. La vallée merveilleuse de Nysa ou le Jardins des Hespérides. Il faut absolument avoir entendu cela avant de mourir. Mieux que l'après-midi d'un faune de Debussy? Peut-être pas sur le plan thématique, mais assurément plus évocateur encore et d'une virtuosité plus accomplie, plus transcendante. On sent que la flûte représente le principal souci du compositeur, on ne le sentais pas dans le Prélude. C'est ce presque rien dans le traitement qui fait la différence. Indispensable aussi, le CD Intuition Classics Mikis Théodorakis Musique de chambre Sonatines par le Trio Athénien. Si le Trio violon, violoncelle et piano me paraît à peu près nul, les deux sonatines pour violon et piano me semblent des bijoux, surtout la première, sidérante. La musique de chambre est certainement le dernier genre qui m'aurait tenté chez Théodorakis. Et pourtant. De la pure musique de chambre, exigente, racée. Une beauté farouche. Une limpidité cristalline mêlant froideur polaire et torridité tropicale. Violon passionné exprimant un rhapsodisme transfiguré, harmonies glançantes, virtuosité cinglante... Théodorakis s'est détourné sans complexe de l'évolution amusicale d'une certaine prétendue musique moderne pour créer, lui, du vrai moderne. Pour terminer cette revue des nouveautés mensuelles, je voudrais revenir sur les concertos pour orgue de Brixi que j'avais un peu vite exécuté. J'ai accordé la mention d'excellence au second mouvement du concerto en D majeur. Les mouvements lents de concertos baroques excellent, j'en connais assez peu. Il convient donc de saluer celui-là.

KROMMER
Non, finalement, après audition approfondie des oeuvres, pas de critique rageuse, mordante et saignante à l'égard de Krommer, et encore moins pour Hummel qui fut une révélation malgré la prévention que j'avais contre lui. Dussek, seul, était l'objet de mon ire. Revenons à Krommer Franz Vinzenz (1759-1831) : concertos pour 2 clarinettes op 35, concerto pour clarinette op 36, conerto pour 2 clarinettes op 91 CD Naxos avec Nicolaus Esterhazy Sinfonia (Kalman Barker: clarinette et direction). Pas un grand CD, non, mais un certain intérêt se manifeste à mon sens dans les parties symphoniques. Variées, denses, d'une perpétuelle mobilité thématiques, quoique rythmiquement, Krommer se restreint à une certaine uniformité. C'est la partie des solistes qui me paraît décevante. Particulièrement dans les concertos pour 2 clarinettes, le compositeur ne me semble pas tirer l'avantage de la présence des 2 solistes. Aucune recherche de virtuosité, rien qui puisse mettre en relief l'instrument sinon un mélodisme passe-partout. Le style concertant, c'est pourtant cette mise en valeur du soliste qui lui permet de mobiliser l'intérêt, de s'affirmer par rapport à l'orchestre. C'est plutôt l'inverse qui se produit et l'on peut douter que Krommer obéisse bien à l'éthique du genre. La clarinette, pourtant, n'est pas le plus impraticable des solistes. On a vu pire, et avec succès si l'on se souvient du fameux concerto pour basson de Lindpaintner. Le timbre particulier de la clarinette, sa netteté sonore, son éclat, sa coloration spécifique dans la tessiture grave... auraient pu engendrer des effets très prenants si elle n'avait pas été traitée uniquement selon une thématique purement mélodique, d'un mélodisme très classique, sans originalité, insuffisant pour la mettre en valeur. Pourtant, Krommer possède le sens du pathétisme, il l'affirme à l'occasion notamment du mouvement lent du Concerto op 36, mais cela ne va pas au-delà d'une atmosphère sporadique qui se dilue rapidement dans l'insignifiance thématique. Une occasion ratée pour ces concertos que je ne saurais conseiller au mélomane. Hummel réussira, dans un autre genre concertant plus difficile certainement, là où Krommer échoue, et il réussira grâce à des qualités que je ne lui soupçonnais pas. Ce sera l'objet d'un prochain message.

DUSSEK CONCERTO POUR PIANO
Pas plus convaincant que les 2 que je connaissais déjà, ce concerto de Dussek op 70. Vague style préromantique. De la fluidité, de l'évanescence, mais pour moi guère de motif digne de retenir l'attention. Rien ne ressort de cette grisaille pianistique qui semble absorber tout effet contrasté, aplanir toute rugosité qui eût ravivé l'intérêt. Le stéréotype de l'époque. Ni plus ni moins bon pour moi que ceux de Hummel ou de Field ou de quelques autres. Pour Hummel le 6 est à mon sens tout de même un peu meilleur, mais je serais loin de crier au génie. En revanche, style d'une grande maturité dans la sonate pour piano op 61 du même Dussek (Jan Ladislav, je précise). Romantisme bien affirmé, cependant ce qui me paraît extraordinaire c'est la vacuité thématique malgré les qualités du style. Comment comprendre cette contradiction. Je n'ai aucune théorie à fournir. Puis l'on retombe dans l'atonie la plus complète avec la dernière sonate de ce CD op 64. Je déconseille donc fermement ce CD Supraphon avec Jan Novotny et Prague Philarmonia (Starowsky). Pour moi, il n'y a rien du tout là-dedans, sinon parfois les prémisses ou l'apparence de la musique, mais jamais la musique elle-même. Ce n'est pas encore aujourd'hui que j'aurais découvert le génie de Dussek. Malheureusement, j'ai bien peur de devoir continuer sur ce registre pessimiste et négatif pour les CD suivants concernant l'époque préromantique, des concertos de Krommer et Hummel. Pas entièrement nul, non, mais à mon avis pas vraiment palpitant. Intéressant pour l'intellectuel qui aime comparer les styles de ce début de siècle, finasser sur les influences des uns et des autres, mais fastidieux pour le mélomane. Ceux qui aiment les critiques négatives, grinçantes et mordantes risquent d'être servis. Ils peuvent se pourlécher à l'avance. Ne croyez pas que j'y trouve un certain goût, descendre Krommer et Hummel exige assez peu de courage de la part du critique. Je préfère m'attaquer à des noms vénérés et faire vaciller quelque idole de son socle.

NICOLO FIORENZA
Niccolo Fiorenza Concerti per flauto Two Trio sonatas Cd Gaudeamus avec Festa musica. 3 étoiles pour Fiorenza, mais 4 tomates pour Festa Rustica. Quoiqu'ils ne soient pas aussi dépenaillés, mal rasés, mal attifés que certains baroqueux, je les voue aux gémonies. Leur noeud papillon impeccable, leur décolleté parfait (ce qui plairait sûrement à un certain mélomane) ne suffit pas pour que je les encense. Pas la partie la plus géniale de ces concertos pour flûte, la partie symphonique des tutti, c'est certain, mais au lieu de la transcender, de l'ader à sortir de l'ornière baroqueuse, ils en rajoutent dans la confusion, les sonorités minables, les rythmes poussifs. Au premier abord, ces tutti m'ont paru pitoyables, il m'a fallu un certain temps pour faire abstraction des imperfections sonores introduites par l'ensemble baroqueux. Fiorenza se serait sans doute bien passé d'être le jouet de ces pseudo-artistes utilisant ses oeuvres pour satisfaire une prétendue authenticité. Pas nulle donc cette orchestration, parfois un peu simpliste, c'est vrai. Fiorenza compense par des effets de rythmes bienvenus. paradoxalement, on y trovue des effets symphoniques d'une modernité inouïe, et d'un lyrisme sublime, souvent en accompagnement du soliste. Orchestration indéfinissable, voisinage bizarre d'archaïsme et de modernisme. le baroque réserve toujours des surprises, c'est une période d'expérimentation sur le plan symphonique, un peu comme fera Ditterdorf pour la période suivante. Et une richesse harmonique qu'on ne s'attendrait pas à rencontrer. je n'ai jamais vraiment compris comment fonctionnaient ces compositeurs baroques, parfois engonçés dans des tournnures sclérosées contrapuntiques qu'ils ressassent désespérément, parfois s'élançant sans filet vers des effets inouis. La musique baroque qui atteint son efficacité dès lors qu'elle se nie, musique introuvable, pont jeté sans espoir vers un futur impossible qui la détruira. Fiorenza, tellement baroque et si peu baroque. Il est capable d'être aussi plat que Bach dans des compositions en style fugué. Fiorenza génial, mais qui manque de patine. il s'aventure seul en des chemins impossible d'où il est dans l'obligation de rebrousser chemin. Passons au soliste. Rien à redire. Du génie, de la virtuosité expressive, de cette virtuosité qui peut rivaliser avec celle du 19e pour la flûte, ce qui ne saurait être la cas pour le violon. Particularité structurelle de ces oeuvres: la répétition par le soliste du thème principal exposé à l'orchestre. Un procédé devenu quasiment systématique à l'apoque galante, mais qui existait depusi longtemps, en concurrence avec d'autres possibilités structurelles. Tout reste sans doute à découvrir dans la flûte baroque, dans le domaine concertant autant que dans celui des sonates. Un CD à ne pas rater pour entrevoir un univers oublié.

SYMPHONIES DE CHOSTAKOVITCH
J'avoue que je réagirais comme ce public. Les quelques symhhonies que je connais de Chostakovitch ne m'inclinent pas à les considérer comme de la musique. Elle sont globalement tonales, mais multiplient les dissonances gratuites et désagréables. Des oeuvres pour moi détestables qui me font fuir. Cela montre qu'il existe un hiatus très important entre le goût du public ce que les intelligentsias considèrent comme des chefs-oeuvre musicaux. Et cela montre que l'on ne tient pas compte des choix du public pour déterminer la hiérarchie des oeuvres et des compositeurs, ni même pour établir les programmes des concerts.

MALPENSANCE, CATÉCHISATION
un discours avant l'exécution dans ce concert. Bien sûr, quand la musique ne peut se défendre elle-même, il faut l'expliquer au cas. Au cas où le public penserait mal, voilà les directeurs de conscience musicale qui viennent le catéchiser. Il y a déjà assez de manipulations par l'intermédiaire des ouvrages sans en rajouter au début des concerts. Est-ce qu'on ne peut pas laisser le public juger de lui-même?

HUMMEL CONCERTO POUR MANDOLINE
1799, date de composition (ou d'édition, je ne sais plus) du Concerto pour mandoline de Hummel. A un an près, elle aurait appartenu au 19e siècle, mais justement elle n'y appartient pas. C'est une oeuvre du 18e siècle, totalement, qui ne fait aucun effort pour s'extirper de ce siècle finissant. Pour notre plaisir, dirai-je. Aucun rapport avec les oeuvres pour piano du maître de Bratislava (lieu de sa naissance) qui s'engagent résolument dans l'esthétique du 19e, mais oeuvres si plates, si évanescentes qu'on ne sait jamais quel motif on écoute, une sorte de pâte multiforme, indifférentiée. Là, avec le concerto pour mandoline, tout l'inverse. On comprend la limite des essais visant à caractériser le style des compositeurs. Chaque compositeur est un caméléon, et même quand il ne l'est pas, il l'est en puissance. Rien ne peut être plus opposé que ce concerto pour mandoline, dont on ne sait trop d'où il a pu sortir, que la série des oeuvres pour piano et orchestre de Hummel. Rien. A peine pensable, à peine imaginable. Autant les oeuvres concertantes pour piano sont privées de toute netteté thématique (je dirais même méchamment de tout contenu thématique) autant le concerto pour mandoline brille par ses lignes mélodiques nettement dessinées et caractérisées. On aurait bien tort de juger négativement Hummel de ce pas en arrière. Rien ne vaut finalement le charme archaïsant des oeuvres galantes tardives qui semblent avoir joué un rôle considérable. Naturellement, l'observateur progressiste ne leur accordera aucune importance. De ce point de vue, Diabelli est un grand maître. Chez Hummel, cela semble occasionnel. Pour écrire un concerto pour mandoline, ce solIste si peu adapté à rivaliser avec l'orchestre, il fallait sans doute être à moitié fou. Pourtant, Hummel relève le défi. La mandoline avec ses sonorités grèles n'est pas écrasée par la masse orchestrale d'un grand orchestre romantique, plus étoffé qu'un orchestre baroque. Concerto pour mandoline, cela éveille quelques échos, celui de Vivaldi (pour 2 mandolines) est célèbre. Chef-d'oeuvre insurpassable dans le genre, peut-être, mais il y a aussi l'autre concerto pour mandoline de Vivaldi, un très bon concerto, mais par rapport à ce dernier celui de Hummel fait à mon avis plus que bonne figure, il le surpasse, me semble-t-il, quoique rien n'autorise une comparaison entre un concerto post-baroque et un concerto post-classique, fussent-ils écrit pour le même soliste. CD Chandos 9925 Alison Stephens mandoline London Mozart Players (Howard Shelley). On trouvera également sur ce même CD le concerto pour trompette et 2 oeuvres orchestrales.

PROGRESSISME - CHOSTAKOVITCH
Le sujet a été maintes fois débattu sur les 2 listes. Qu'est-ce qui est le plus conservateur, l'intelligentsia officielle imposant une musique qui s'appuie sur des critères académiques intellectualistes ou le public? On peut se poser la question. Cette même intelligentsia qui a imposé Bach au 19e siècle aux dépens des virtuoses-compositeurs baroques peut-elle être considérée comme progressiste? Tout dépend ce qu'on nomme conservateur et progressiste. Si on considère le progressisme comme la négation de l'intensité lyrique, de l'expressivité qui s'étaient développés au 19e siècle, alors oui, les intelligentsias du 20e sont progressistes - dans ce sens-là. D'autre part, on pourrait tout autant affirmer que Chostakovitch, acteur d'incessantes gesticulations idéologico-politiques dans tous les sens grâce auxquelles il s'est médiatisé, est superficiel par rapport à son compatriote Kabalevsky par exemple, qui n'a jamais utilisé la politique pour se faire connaître.

ÉDUQUER LE PUBLIC - LA MUSIQUE CLASSIQUE ENNUYEUSE
Bien sûr, on pourra finir par faire accepter Mahler, Chostakovitch... contre le goût naturel du public. En mobilisant toute la médiatisation qui est à la disposition des esprits supérieurs capables de distinguer le bon grain de l'ivraie, en "expliquant", en "éduquant" le public ignare, mais ce genre de conversion forcée pourrait peut-être avoir sa contrepartie, un hiatus de plus en plus grand entre le public et la musique classique, la dérive du concert comme seul marqueur social et Mahler comme marqueur du "mélomane supérieur" à la page, du véritable connaisseur. Est-ce que l'on rend service à la musique classique, à son développement et à sa perennité par ce genre de procédé? On a peut-être fait accepter Mahler et Chostakovitch, mais est-ce que parallèlement cela a permis la progression de la musique classique? On n'a jamais eu besoin de la médiatisaiton pour que la "Symphonie du nouveau monde" ou "Les quatre saisons" deviennent de grands succès, pourquoi certaines oeuvres nécessitent-elles cette manipulation laborieuse pour parvenir au succès, très relatif, d'ailleurs si on y regarde d'un peu plus près. Seraient-elles incapable de se défendre elle-mêmes par leur seul contenu musical? Et qu'est-ce qui permet réellement à la musique de maintenir son public, la "Symphonie du Nouveau monde" ou "l'art de la fugue"? Voilà peut-être comment on en est arrivé à ce que la musique classique toute entière se trouve marginalisée alors que potentiellement, elle pourrait peut-être décupler son public. Voilà comment on a réussi à donner de la musique classique une image de musique ennuyeuse, une image qui n'est pas obligatoirement usurpée.

CONVERTIONS FORCÉES - MAHLER
Je suis bien conscient de la diversité des goûts, mais lorsque des oeuvres parviennent à faire sortir des mélomanes d'une salle de concert, il y a de quoi s'interroger. Il y a de quoi s'interroger aussi lorsque quelques décennies après (paraît-il d'après ce que j'ai lu sur ce forum) les gens se pressent pour venir à ces concerts. C'est tout de même un peu bizarre, ces oeuvres qui nécessitent un apprentissage laborieux et ne s'imposent que par l'entremise d'une campagne de conversion menée par des esprits supérieurs. Bruckner n'est pas Mahler, loin s'en faut, il en est peut-être même l'antithèse. Si certains aspects très intériorisés du style brucknérien peuvent nécessiter une audition plus approfondie et décourager dans un premier temps le mélomane, je le comprends et je suis d'accord qu'il peut être nécessaire d'approfondir l'audition, mais je ne vois pas d'oeuvre de Bruckner qui pourrait vider les salles, surtout pas ses meilleure symphonies. A défaut de formuler un jugement global sur Mahler et Chastakovitch, je me borne à constater qu'il y avait une médiatisation à mon sens exagérée sur le nom de Mahler et Chostakovitch que la motivation du public ne justifie pas à ce point. Par ailleurs, il est vrai que j'ai beaucoup plus souvent une opinion négative concernant les oeuvres de ces deux compositeurs, sans qu'elle soit cependant absolue. Même si l'on admet que les amateurs de Mahler et Chostakovitch puissent entendre souvent les oeuvres de ces compositeurs, il n'y a pas de raison qu'on l'avantage aussi exagérément au détriment de compositeurs sur lequel le public serait ou est plus naturellement porté. Comparativement et corrélativement, je m'élève également contre la faveur à mon avis exagérée qu'on a accordée à la musique symhonique par rapport à la musique concertante, ce qui ne signifie en aucun cas que la musique symphonique n'ait pas pour moi une valeur comparable. Cette faveur, aussi bien sur le plan de l'importance historique que de l'intérêt que porte le public, ne me paraît pas justifiée à un tel point. Que des spectateurs puissent quitter la salle en écoutant une symphonie de Bruckner comme vous me le dites, là, Je suis assez étonné de l'apprendre. j'avoue ne pas comprendre. Certaines symphonies de Bruckner (pas la majorité) me paraissent longues et ennuyeuses, mais il y a tellement d'oeuvres ennuyeuses au répertoire qui ne font pas réagir de cette manière les spectateurs. C'est d'ailleurs à mon avis le lot de tout compositeur, même les plus grands, d'écrire parfois des oeuvres ennuyeuses. On ne les sanctionne pas pour autant en quittant la salle.

SYMPHONIE 2 DE SIBELIUS
Vous savez, je ne pense pas qu'il y ait un grand nombre de symphonies dont tous les mouvements soient excellents. S'il y en a un sur 4, c'est déjà beaucoup et les autres 3 peuvent être ennuyeux à mourir. Si on ne sélectionne pas les mouvements que l'on préfère, on risque de passer de longs moments à écouter de la musique ennuyeuse. Je vous conseille d'écouter indépendamment le dernier mouvement de la symphonie n°2 qui me semble particulièrement inspiré. Il est vrai que si l'on se trouve dans l'obligation d'écouter les mouvements précédents, on risque de se trouver dans une disposition mentale négative. Il faut considérer aussi que de nombreuses oeuvres musicales peuvent présenter une apparence variée, contrastée, mais peuvent être tout aussi vides thématiquement que les oeuvres d'apparence plus plate. Je ne comprend pas pourquoi vous faites une telle fixation sur la Symphonie n°2 car c'est une symphonie d'un grand classicisme romantique. Et si l'on voulait citer toutes les oeuvres du répertoire aussi ou plus ennuyeuses que la 2 de Sibelius, on y serait peut-être encore jusqu'au prochain lever du soleil. Si vous n'aimiez pas la 1 de Sibelius, je pourrais mieux le comprendre, tous les mélomanes ne sont pas dans l'obligation d'apprécier cette recherche de lenteur, ce pseudo-impressionnisme si spécial et si original propre à Sibelius. Vous devriez essayer d'écouter le dernier mouvement de la 2 uniquement. Apparemment la conférencière témoigne du succès de ce dernier mouvement auprès du public. Sans savoir qu'il en était ainsi (vous savez que je lis rarement les notices des CD), j'ai apparemment eu la même impression générale que le public. Ceci pour justifier de mes prétentions de critique musical. Un peu d'autosatisfaction ne fait pas de mal, c'est une antidote aux lettres d'insultes que je reçois régulièrement. Thème joyeux, grandiose, oui, au sens romantique du terme, j'airai même jusqu'au qualificatif d'emphatique , toujours au sens romantique et positif du terme. Que ce mouvement soit l'aboutissement des précédents, c'est peut-être plus discutable, mais cela peut faire passer la "pilule " des mouvement précédents, à mon sens, très ennuyeux. Je n'ai même pas concédé une étoile dans mon répertoire critique au 2e et au 3e mouvements. Et l'unique étoile que j'ai mise au premier, je considère que c'était une largesse (vous voyez je suis parfois généreux sur le plan de la critique musicale, vous ne l'auriez jamais cru). La deuxième de Sibelius, une symphonie assez peu "sibélienne", plutôt un pas en arrière de la part du compositeur, qui, d'ailleurs, à mon sens, ne dépassera jamais les hardiesses structurelles et thématiques de la première symphonie dans les suivantes, sinon dans certains poèmes symphoniques comme "Lemminkaïnen in Tuonela".

RAVEL FROIDEUR OU PUDEUR
On pourrait se le demander, Ravel ayant paradoxalement cultivé la sècheresse. Il s'agissait probablement de sa part d'une coquetterie ou, si l'on veut être plus critique, d'un certain minaudage, voire d'un certain snobisme. Ravel passa longtemps pour être un froid personnage jusqu'à ce qu'on s'avisât que cette froideur pût être un masque, une pudeur. Thèse soutenue par Jankélévitch... que je ne suis pas vraiment sur ce point. DOMINATION PAR PAYS SELON LES ÉPOQUES
Je ne sais dans quel esprit vous écrivez ceci, mais il me paraît difficile d'affirmer, en musique, une quelconque domination d'un pays sans préciser l'époque, et même avec cette précision, on doit prendre la plus extrême précaution dans la mesure où le jugement de valeur sur les oeuvres et l'importance de quelques compositeurs très connus intervient fondamentalement. Historiquement, d'après les données classiques que l'on peut lire dans certains ouvrages, une certaine domination de l'Allemagne a pu s'établir pour la musique instrumentale pendant la première moitié du 19e siècle, mais un basculement s'est produit au milieu du siècle avec domination des musiques française et russe. Tout cela est naturellement schématique, mais semble plutôt s'appuyer sur des données d'ordre quantitatives, donc relativement objectives. De la même manière, on peut déterminer objectivement la large domination de la musique baroque italienne dans toute l'Europe pendant la première moitié du 18e siècle. Tout cela, du reste, ne revêt guère d'importance pour le mélomane. Un autre problème corrélatif, sans doute plus intéressant, peut être posé. Le critère de domination est-il établi d'après le développement du genre symphonique (ce à quoi vous faites sans doute allusion puisqu'il s'agit de symphonies) ou d'après d'autres genres musicaux? Une nouvelle carte de l'importance respective des aires de développememnt de la musique pourrrait sans doute être redessinée en fonction de ce critère, souvent occulté. Comme je l'ai dit souvent, la surconsidération (justifiée ou non?) du genre symphonique a constitué certainement un artefact de l'histoire musicale. Je ne pense pas que quantitativement le genre symphonique ait dominé sur les autres aux 19e siècle, même à l'intérieur de la musique instrumentale. Sa domination paraît beaucoup plus un "fait de discours" qu'une réalité, mais par la suite, le fait de discours devient, par l'effet d'entraînement, fait réel. Ne croyez pas, cependant, que je veuille dégoûter les membres de ce forum des symphonies.

HUMMEL CONCERTO POUR MANDOLINE
Remise à jour de critique-musicale avec un programme de compositeurs tchèques, Hummel, Dussek, Krommer dans des oeuvres que j'ai déjà présentées sur ce forum. Difficile d'espérer attirer l'attention sur un concerto pour mandoline (celui de Hummel) face aux grandes intégrales de symphonies dirigées par des chefs prestigieux. Tant que les mélomanes donneront la priorité au jugement stéréotypé de la tradition au lieu de faire confiance à leur propre jugement, il en sera ainsi. Beaucoup moins d'échanges d'ailleurs sur les interprétations de concertos, même connus, et si c'est le cas parfois on retombe souvent sur les concertos écrits par des symphonistes. Alors, dans ces conditions, un concerto pour mandoline d'un obscur compositeur tchèque! Néanmoins, sur ce forum, des oeuvres rares ont parfois réussi à se frayer un chemin. Négligé, Hummel, encore plus négligé le genre concertant pour mandoline, pourtant quelle subtilité dans l'accompagnement des soli dans ce concerto, pour s'en tenir à la partie symphonhique. Vous pourrez en juger dans l'extrait. OEUVRES RÉELLEMENT CONNUES ET APPRÉCIÉES La popularité de mozart me semble assise sur des oeuvres de valeur, comme je l'ai toujours affirmé. Mozar ne manque pas de véritables "tubes" qui se suffisent à eux-mêmes sans que la publicité surajoutée du cinéma soit nécessaire. tout le monde connaît par coeur les thèmes de la Petite musique de nuit ou celui de la Marche turque ou encore de la 40e. En revanche, si tout le monde a entendu parlé de la 5e de Mahler, combien sont ceux qui peuvent immédiatement dans leur tête se rémémorer le thème principal. C'est là qu'on voit la puissance de la thématique et qu'on sait réellement si une oeuvre est connue ou pas.

RÉPÉTIION
Vous me reprochez de répéter toujours la même philosophie de prévention à l'égard des élites intellectuelles dans mes chroniques. Oui, mais les élites actuelles continuent toujours ce qui me paraît être la même altération de l'Histoire musicale. Et ce que je dis représente certainement bien peu par rapport à la tendance idéologique qui s'affirme depuis 2 siècles et qui continue. Ce que j'écris n'est qu'une contrepartie insignifiante par rapport à l'incessante répétition de ce qui me paraît être des préjugés. Quand cette élite arrêtera, j'arrêterais moi aussi, c'est promis.

SÉLECTION DES 100 OEUVRES PAR LE MONDE DE LA MUSIQUE
Pour garder le moral après cette sélection de 100 oeuvres, je vous suggère d'aller consulter la sélection des 70 oeuvres préférées sur critique-musicale.com. Quelques commentaire supplémentaires sur cette sélection des 100 oeuvres. Elle comportait 6 oeuvres de Bach et 5 de Brahms, si j'ai bon souvenir. Je ne doute pas que Brahms et Bach aient écrit de grandes oeuvres, que j'apprécie d'ailleurs, mais accorder une telle importance à ces deux compositeurs, me paraît une signature de l'esprit conservateur et traditionaliste. Dans cette sélection des 100 oeuvres, aucune oeuvre de l'école chinoise du 20e siècle, et là je ne crois pas me tromper. Aucune oeuvre non plus écrite par une femme. Ce n'est certes pas un critère, mais c'est tout de même bizarre que la moitié de l'humanité, selon ces mélomanes, n'ait jamais écrit d'oeuvre marquante. Pour ma part, je vois au moins 2 (dont une que j'ai inscrite dans ma sélection), sinon 2 oeuvres essentielles écrites par des femmes parmi de nombreuses oeuvres excellentes qui valent certainement les oeuvres de Brahms ou Bach.

OEUVRE CONNUE - EXEMPLE DU CONCERTO POUR VIOLON DE BRAHMS
Un autre facteur important dans la notion d'oeuvre connue, et que j'ai oublié d'évoquer, est le facteur temporel. Une oeuvre connue signifie pour la plupart de ceux qui utilisent cette définition "oeuvre connue acutellement", "célèbre actuellement". Comme je l'ai dit souvent, nous ne pouvons pas nous permettre d'affirmer la prééminence de notre jugement sur celui de nos ancêtres, contemporains souvent des génies que nous honorons, ce serait de la présomption. La variabilité historique du jugement sur les oeuvres et les compositeurs est sans doute le facteur qui montre le mieux la fragilité du concept "d'oeuvre connue". Si la valeur d'une oeuvre était "évidente", comment se ferait-il qu'une époque antérieuse ait décrétée sans intérêt une oeuvre qu'une époque postérieure juge géniale? Revenons au concerto pour violon de Brahms. L'intelligentsia la considère aujourd'hui indiscutablement comme une oeuvre géniale. Le magazine Classica Répertoire, qui consacre une partie de ses pages à cette oeuvre, nous dit (p. 66 n°68 décembre-janvier 2004):

"Le Concerto présentait de telles difficultés d'exécution - que les instrumentistes de l'époque avaient bien du mal à surmonter - que son succès fut loin d'être immédiat. Rappelons qu'un virtuose de la stature d'un Sarasate refusa toujours de le jouer, usant d'un prétexte quelque peu étrange"

Une petite explication de texte est nécessaire pour décrypter ce passage. Le fait objectif rapporté est l'absence de succès du concerto lors de sa création, absence de succès qui se poursuivit assez longtemps si l'on en croit les termes (loin d'). Mais, le journaliste prend bien la précaution de préparer le lecteur en lui fournissant une explication de cet échec avant qu'il ne l'apprenne. Ouf, on est donc rassuré. Si le concerto de Brahms n'a pas eu de succès, c'es qu'il était mal joué. L'absence de succès n'est pas dû à l'insuffisance de l'oeuvre, mais au contraire au fait qu'elle est supérieure, c'est-à-dire que les violonistes ont été incapables de se hausser au niveau de l'écriture violonistique de Brahms. Brahms, qui était violemment opposé à la virtuosité, est montré au contraire comme le démiurge de la virtuosité surpassant ses contemporains par sa virtuosité quasi diabolique. Récupération classique de la virtuosité que l'on dénie aux compositeurs qui l'on magnifiée pour en parer les "grands classique". J'ai rencontré ce genre de tour de passe-passe maintes fois. Poursuivons. Sarasate, qui fut considéré comme le plus grand virtuose de la fin du 19e siècle (ce qu'admet l'article) refuse de jouer le concerto, nous apprend-on. Naturellement, il ne peut avoir qu'un prétexte. Et un prétexte étrange. Que veut-on insinuer sans le dire? S'agirait-il d'un complot de Sarasate contre Brahms ou d'une jalousie ou encore d'une incapacité technique de Sarasate. A lire ces lignes, on serait presque tenté de le croire. Au passage, le violoniste-compositeur est rabaissé, non seulement il est nul sur le plan composition comparé à Brahms (c'est une telle évidence qu'il est vraiment inutile de le dire), mais il n'est même pas un violoniste supérieur. Avoir l'outrecouidance de ne pas se prosterner devant le concerto de Brahms est l'erreur impardonnable qu'il commit. Pourtant, ce concerto de Brahms n'ayant pas eu de succès, pourquoi aurait-on voulu que Sarasate le jouât. Le commentateur commet ici une erreur en considérant que l'oeuvre est reconnue lors de sa création alors qu'elle ne l'est pas (il l'a pourtant écrit lui-même quelques lignes plus haut) , ceci parce qu'il lui paraît invraisemblable, et surtout intolérable, qu'elle ne le soit pas. Le public qui fut insensible au concerto de Brahms en son temps ne peut être évidemment que dans l'erreur lui aussi. Tellement évident qu'il est inutile aussi de le dire. Voilà comment se trouvent travestis sans cesse les faits à la convenance des "grands". La difficulté du concerto pour violon de Brahms est-elle une preuve de sa valeur? c'est ce qu'on voudrait subrepticement nous suggérer ici alors que par ailleurs, depuis le début du 20e siècle, l'intelligentsia n'a cessé d'éreinter la virtuosité des virtuoses-compositeurs, considérée comme de la musique dégénérée. Pourtant, cette difficulté d'exécution du concerto de Brahms n'est-elle pas dû plutôt au fait que le compositeur n'était pas un grand violoniste? L'article nous apprend que le violoniste Joaquim demanda de nombreuses modification de la partition pour raison technique et que Brahms accepta des concessions. Le Concerto n'était donc pas visiblement une oeuvre de violoniste puisqu'elle a nécessité des modifications pour l'adapter. Pourquoi pas bien sûr. Cela ne prouve rien ni dans un sens ni dans l'autre. Mais force est de constater que ce qu'on nous présente généralement comme de grands chefs-d'oeuvre violonistiques ne sont pas des oeuvres écrites par les maîtres de cet instrument qui en avaient développé la technique, la thématique, qui avaient inventé et développé le genre concertant pour violon et orchestre. Tout de même un peu bizarre. c'est comme si on prétendait que les plus grandes oeuvres orchestrales avaient été écrites par Tartini, Viotti, Bériot, ou Léonard plutôt que par les compositeurs qui se sont investis toute leur vie dans la composition orchestrale et s'y sont exprimés particulièrement (Beethoven, Bruckner...). Rien ne prouve rien naturellement dans ce commentaire que je fais sur cet article de périodique. Sauf qu'y apparaît un faisceau de bizarreries tendancieuses qui devrait incliner les inconditionnels des "grands classiques" à un peu plus de circonspection.

CRITIQUE DE CRITIQUE-MUSICALE.COM
Concernant Brahms notamment, vous aurez pu remarquer que j'ai mis la mention excellent à son concerto pour violon et violoncelle, vous avez donc déjà tout faux concernant le rejet catégorique de ce composituer que vous m'imputez. On se demande d'ailleurs si vous évoquez mes critiques ou celles de quelqu'un d'autre. Peut-être confondez-vous avec un autre site que critique-musicale.com. En second lieu, que ces oeuvres soient très connues n'influence nullement mon appréciation qui est personnelle et que je présente comme telle sinon mon jugement n'aurait aucune authenticité. Il vaut mieux, me semble-t-il, se tromper et avoir un jugement authentique que de se contenter de suivre les jugements convenus. En troisième lieu, qu'une oeuvre soit très connue ne préjuge pas toujours de l'intérêt réel qu'y ont trouvé les mélomanes. Il faudrait analyser plus loin pour savoir quels sont les facteurs qui ont permis son émergence, dans quelle mesure le public est à l'origine de cette émergence. Il faudrait collérer également à la médiatisation qui est réalisée autour du compositeur dans les ouvrages. Comme je l'ai souvent dit, le seul cas où on est sûr qu'une oeuvre ait émergée par sa seule capacité à émouvoir le public, c'est lorsque le compositeur est quasiment inconnu ou très peu connu (cas de Giazotto-Albinoni pour son Adagio) ou encore lorsqu'il subit une médiatisation négative (cas de Paganini). Un autre questionnement peut être considéré, celui de l'appréciation de la notion d'oeuvre connue. Par exemple, "Le marteau sans maître" est une oeuvre "connue", mais qu'est-ce que cela signifie réellement? Que le nom est connu, que l'oeuvre est souvent interprétée, que la muique elle-même est connue?... Cela dit, je n'assimile pas cette dernière oeuvre à celles que vous citez précédemment, mais c'est un extrême qui permet de mesurer la complexité de la notion d'oeuvre connue, dans son appréciation et ses causes.

HELLER PIÈCES POUR PIANO
Heller Promeneur d'un solitaire, op 78, Rêveries du promeneur solitaire op 101, Dans les bois op 136, Dans les bois nouvelle série op 128 : Oeuvres presque toutes d'intérêt supérieur dans ce CD. Génie plus moderne que romantique, Heller (dans l'esprit). Plus rythmique que mélodique, mais une rythmique qui ne tombe jamais dans la vulgarité, une rythmique transcendée par l'idée musicale. Aucun caractère abrupt dans ces oeuvres, même pas comme dans les oeuvres les plus accomplies de Liszt. Style encore moins comparable à celui, heurté, d'Alkan. Un lissage parfait. On est loin de l'épanchement romantique d'un Chopin, voire d'un Gottschalk à la fin du siècle. Ce n'est pas une question d'époque, mais de tendance. Heller peu sensuel, peu sentimental. Peu bucolique, peu visuel malgré les titres de ces pièces. Beaucoup moins pastoral que Betthoven ou Vivaldi, ou même Raff. Ce n'est pas une question d'époque, là non plus. L'air ne circule pas dans ses pages, l'on n'y sent pas le courant des ruisseaux, ni le souffle de la forêt. Aride, Heller? Non, il a des fulgurances, des flamboyances. Que cherche-t-il, une perfection supérieure, une esthétique qui tranche comme la lame d'un couteau, mais souple, d'une souplesse rare. Il l'atteint. Pourquoi alors ces titres? Heller se connaît-il, connaît-il l'essence de son art? Virutuosité, oui, très élevée parfois, notamment dans la nouvelle série Dans les bois, mais virtuosité qui n'est jamais tapageuse, virtuosité naturelle, moderne, virtuosité de densité, virtuosité qui n'est pas une exacerbation de l'esprit de solisme, encore moins égotique. Parfois démonstrative, mais jamais déclamatoire (ni au bon sens ni au mauvais sens du terme). La puissance de Heller, malgré sa limitation sur le plan mélodique (relative), c'est la thématique, une thématique toujours claire, inventive, des motifs toujours étonnants. Point fort dans ce sens : le refus de tout développement. J'ai rarement rencontré un compositeur qui refusait avEc autant de netteté ces épanchements obligés confinant plus souvent à la facilité et au manque d'inspiration. Heller parfois un peu spartiate, un peu absent, mais toujours en douceur. Des pages sublimes qu'il ne faut pas rater. CD Claves record Marc Pantillon piano.

TRANSCRIPTIONS PAR LISZT
La plus fantastique transcription réalisée par Liszt me paraît être d'après "La campanella de Paganini. le défi était autant musical que technique, concernant deux instruments aussi opposés que le piano et le violon. Je crois que Liszt a réussi cette transcription, non en tentant de rendre certains effets violonistiques, mais en inventant de nouveaux effets pianistiques. Presqu'aussi fulgurante, la Fantaisie sur les Ruines d'Athènes pour piano et orchestre, mais il ne s'agit plus d'une transcription. Liszt s'éloigne de son sujet et atteint une mobilité thématique, une déstructuration motivique qu'il atteindra rarement ailleurs, si ce n'est dans d'autres transcription, celle d'après Lelio par exemple.

PRÉÉMINENCE DES GRANDS CLASSIQUES - MOZART
Il est sans doute vrai que mozart, de tempérament très indépendant et artiste, supportait mal les contraintes des commandes et que son inspirtion ait pu en pâtir. Néanmoins, je pense qu'il a écrit aussi de nobmreuses oeuvres de faible inspiration comme un grand nombre de ses contemporains. je n'appliquerai pas le terme de chef-d'oeuvre à toutes celles que vous énumérez. Je me trouve toujours pris au piège dans ce genre de discussion sur Mozart, Beethoven, Brahms, Wagner, Bruckner et quelques autres de lui donner une importance par rapport à leurs contemporains. Pourquoi n'échangeons-nous pas autant de messages sur Krumpholz, Clementi, Diabelli, Kulhau, Arriaga... Ce sont uniquement des habitudes et le fait que leur oeuvre n'est pas disponible ou peu connue. J'ai de moins en moins envie de cautionner les grands noms. Je ne disconviens pas qu'ils aient écrit des oeuvres de génie, je les admire même, mais je refuse leur prééminence, à mon avis factice, par rapport à d'autres génies qui me paraissent d'un niveau égal. Il est temps d'en finir.

MOZART
C'est vrai qu'il y a chez Mozart (autant que je le connaisse) un spectre très étendu d'affects, de styles, de niveau d'écriture... En revanche, je n'allèguerais peut-être pas les mêmes oeuvres que vous pour l'illustrer. C'est à mon avis dans certains quatuors que Mozart transcende le style galant pour atteindre des effets très élaborés. Mais cette caractéristique n'est-elle pas aussi vraie chez ses contemporains. Le contraste entre certaines sonates très scolaires de Clementi (celles des Classiques favoris par exemple) et des oeuvres d'un pianisme suprêmement élaborées comme la Sonate op 2 n°1 à de quoi étonner. Chez Dittersdorf aussi, quoique ce soit un peu plus tard. Et pour d'autres compositeurs de l'époque comme Kulhau, Mayr, Pleyel... on ne connaît quasiment rien de leur oeuvre, alors comment juger? La caractéristique de Mozart, c'est peut-être que l'on connaît quasi intégralement son oeuvre. J'ai toujours trouvé Mozart assez sensuel, mais assez peu bucolique, comme tous les compositeurs de l'époque qui sont plutôt des salonnards (ou, si vous préférez un terme moins péjoratif, des compositeurs de cour, très citadins). Mais pourquoi pas après tout. Il me reste à découvrir ce divertimento. Tiens, je viens encore de me laisser prendre au piège, évoquer Mozart au lieu d'évoquer Krumpholz par exemple.

LOCATELLI - OEUVRES POUR VIOLON
Vous avez déjà de la chance d'avoir entendu ces Caprices de Locatelli, personnellement, je n'en ai jamais écouté une note. J'ai d'ailleurs mis longtemps avant de savoir qu'ils existaient. La première fois que j'y ai vu une référence, j'ai cru qu'il y avait une coquille et qu'on avait écrit le nom de Locatelli au lieu de Paganini. Pas étrange à mon sens, cette situation, dans la mesure où les violonistes-compositeurs ont été déconsidérés pendant plus d'un siècle et demi, et d'ailleurs tout le baroque italien au profit de Bach et Haendel et encore plus les violonistes-compositeurs du 19e siècle, tous catalogués comme compositeurs médiocres. Et il y a sans doute bien d'autres oeuvres de ce type qui dorment encore dans les bibliothèques. Quant aux baroqueux pour le 18e, leur préférence va plutôt au répertoire archaïque prébaroque qui leur convient mieux. Une discographie pour Locatelli tout de même lègère, eu égard à l'importance historique du compositeur. Il manque les Caprices, qui avaient acquis à l'époque une grande réputation. Il est très probable que Paganini les ait connus. Il est difficile de juger aujourd'hui l'évolution du style violonistique avec des "trous" aussi énormes dans le répertoire. Les mentalités en sont pas prêtes de changer. On ne peut pas déconstruire en quelques années une déconsidération d'un siècle et demi. Il se trouve qu'en ce moment, nous évoquons ces oeuvres de vituosité violonistique sur ce forum qui y a toujours été ouvert, mais généralement, les forums de mélomanes passent leur temps à se gargariser d'oeuvres post-romantiques symphoniques (pour ne citer personne) et lorsqu'on cite des concertos pour violon, ce sont des concertos de compositeurs plutôt symphonistes, comme le fait notre mélomane distingué avec son fameux "club très fermé": Bach, Mozart, Beethoven, Brahms, Sibelius, Berg et Dutilleux. Il est réticent à y inscrire Tchaïkovsky, il s'interroge et finalement l'exclut. Une sélection dure qui ne contient aucun des compositeurs dont on sait, historiquement, qu'ils ont inventé, fait évoluer le genre concertant et la thématique violonistique. Alors, si les chefs-d'oeuvre appartiennent à un club aussi fermé, pourquoi s'embarrasser à écouter du Locatelli. Je n'ai rien contre les maîtres post-romantiques de la symphonie, mais un peu d'ouverture est peut-être profitable.

CONCERTO GROSSO
Les concertos grosso sont généralement des compositions archaïques qui n'intègrent pas les nouveautés du style concertant. D'ailleurs, il s'agit d'un opus 1 alors que l'Arte del violino, c'est, je crois l'opus 6 ou 12 (?) Quoique je ne connaisse pas les concertos grosso de Locatelli, je suis dubitatif. L'appellation, à elle seule, à tendance à me faire fuir.

VIOTTI
En matière de concertos pour violon du 18e siècle, vous pouvez découvrir Viotti si vous ne le connaissez pas. Quoique sa production (si je ne me trompe pas) s'inscrit en grande partie dans le 18e, elle s'inscrit aussi dans le début du 19e. Viotti s'oriente assez franchement vers le 19e siècle par le renouveau qu'il a apporté, plus d'ailleurs, à mon avis, par le langage violonistique que par le sentiment. Son orchestration, beaucoup plus fouillée que celle de nombreux violonistes-compositeurs du 18e, voire du début du 19e se rapproche de celle de Beethoven. Je vous conseille le 1, le 16, mais surtout le 20. Du reste, quasiment aucun rapport avec Locatelli. Le style de Viotti s'oriente franchement vers le style futur de l'école franco-belge, notamment par l'importance qu'il accorde à l'orchestration.

SÉLECTION DE 100 OEUVRES SELON LE MONDE DE LA MUSIQUE
Il y a tout de même Zelenka, mais c'est vrai que dans l'ensemble c'est le règne des grands classiques. Sgambati, n'y pensons pas. Il n'y a aucune oeuvre de Saint-Saëns notamment ni de Paganini. Cela me paraît visiblement le résultat de la vaste campagne de déconsidération qui a touché ces compositeurs. Un travail de sape qui a fini par payer bien que ces compositeurs aient imposé des oeuvres parmi les plus connues (Le Carnaval de Animaux, les 24 caprices...). Je ne sais pas si Britten peut compenser, quels grands succès a-t-il imposés? Quoiqu'il puisse exister des oeuvres géniales qui ne sont pas devenues de grands succès, pourquoi pas. Quant à la sélection des oeuvres de Liszt proposée, je pense que l'on passe totalement à côté de ses chefs-d'oeuvre, ses grands succès, la Rhapsodie hongroise, le Totentanz... On passe aussi (à mon avis) à côté des grands chefs-d'oeuvre de Sibelius, à rechercher d'abord dans ses poèmes symphoniques. Et j'oubliais aussi, Grieg totalement absent. Il me semble aussi, sauf erreur de ma part, que la musique américaine n'est pas du tout représentée. Pourtant à mon sens une très grande école, surtout celle de la fin du 19e siècle.

INTERPRÉTATION VIOLONISTIQUE DE AL MUSIQUE BAROQUE Toutefois, je ne donnerai pas totalement tort à Harnoncourt, sur les considérations qu'il a développées concernant l'interprétation des passages de virtuosité violonistique pendant le baroque: l'aboutissement à une sorte de halo de vibrations produisant un effet lyrique, l'inverse du phrasé cantabile qui donne de l'importance à chaque note et à la logique de leur succession capable de créer la ligne mélodique. Ces effets d'illuminations, d'irradiation sonore quasiment impressionnistes peuvent être illustrés par l'op 8 de Vivaldi notamment. Je ne connais pas le sujet sur le plan technique, mais ce que dit Harnoncourt me paraît une possibilité interprétative évidente qu'ont trouvée assez facilement les interprètes (plus ou moins bien selon les uns et les autres), mode baroque ou pas depuis I solisti di Milano, I solisti di Veniti, bien avant l'ère de nos baroqueux destructeurs. Pour moi, au-delà des considérations organologiques la partition impose sa logique parque c'est elle qui communique le sens. Et, d'autre part, c'est le le principe du respect de la partition qui, à mon avis, donne tort aux baroqueux. En effet, les crissements et autres bruits intempestifs, voire fausses notes qu'ils surajoutent, ne se trouvent pas inscrits sur la partition. Pour moi, le respect de la partition condamne les interprétations baroqueuses et amène à préférer les instruments modernes, plus parfaits.

OPUS 1 DE NIELS GADE
Une excellente initiative. Je ne saurais que trop conseiller cette oeuvre de Gade, une de plus qui nous montre l'importance de la musique nordique et du rhapsodisme dans la musique européenne à partir du 19e siècle, et qui se prolonge au 20e. Cet opus 1 de Gade est une préfiguration du futur (je ne me souviens plus de la date, mais c'est avant, me semble-t-il, les oeuvres majeures de Wagner). Enfin la musique restituée dans sa véritable dimension. Un chef-d'oeuvre comme celui-ci ne doit pas passer inaperçu.

SYMPHONIE 6 MARTINU
Martinu Symphonie n°6 CD Arte Nova Symphony Orchestra St Gallen. Grand chef d'oeuvre. Immense chef-d'oeuvre, cette symphonie. Un sommet. Approfondissement, aboutissement plus que novation sans doute, mais point ultime, apogée. Une oeuvre à la croisée de tous les chemins : post-impressionnisme, expressionnisme, rhapsodisme... Un rhapsodisme étonnant, ni celui de Kodaly, métamorphosé, réinventé, ni celui, âpre et expressionniste de Khatchaturian ou Kabalevski, ni celui, plus classicisant de Rodrigo, un rhapsodisme hybride, en même temps classique et moderne, qui utilise tous les registres. C'est le rhapsodisme qui transcende le second mouvement, alliant le mélodisme aux effets harmoniques et instrumentaux les plus poussés du siècle. J'ai classé cette oeuvre parmi les 70 chef-d'oeuvre de la musique. Deux raisons ont présidé à mon choix, comme à celui de toutes les oeuvres de cette sélection. Au moins un des mouvements doit être d'une intensité bouleversante, pour moi, c'est le second, ensuite, tous les mouvements de l'oeuvre doivent être excellent, et j'ajouterai qu'aucun développement inutile ne doit occasionner de baisse de tension. On pourrait certainement en compter plus de 70, j'ai ai retenu rarement plusieurs pour un compositeur. Que valent les autres symphonies de Martinu? A-t-il adopté une conception plus classicisante dans cette symphonie. Je n'y vois aucun effets tirant vers l'atonalisme, sinon des effets secondaires de "décoration". Si Martinu était revenu au tonalisme pur après un phase de "modernisme", il ne serait pas le seul.

VOLKMANN SYMPHONIE 1
Comemnt résister à cette symphonie n°1 de Volkmann. Du lyrisme pur. La gravité, le pathétisme : l'essence même de la symphonie. Les moyens: très classiques, mobilisation maximale des percussions. Volkmann me prend par mon point faible. Orchestration classique? Méfions-nous. Dans ce lyrisme à couleur instrumentale limitée, des effets magnétiques. Sibelius se profile par endroit. N'est-il pas parti lui aussi des effets beethovéniens, mais des effets beethovéniens approfondis, renouvelés, transfigurés. Il faut toujours se méfier des classiques. Plus lyrique encore que la symphonie n°1 l'ouverture Richard III, un crescendo monstre, un de ces moments rares où l'orchestre déchaîné vous transporte dans un monde irradié par une énergie surnaturelle. Tout bascule dans un gouffre incomensurable comme si nulle fin ne pouvait altérer ce développement hallucinant. Oui, hallucinant, ce crescendo, une apothéose du crescendo rossinien, mais remodelé, surtout redéfini dans un affect plus sombre. On sort difficilement indemme de cette expérience musicale à la limite du dicible, du concevable, de l'évoquable. Symphonie n°2, tout change, de la musique plus facile, semble-t-il. Non, ce serait exagéné, mais plus rien de la pulsion lyrique, une musique capricieuse, joyeuse, lègère. Phénomène étonnant, il y a là certains effets spécifiques du ballet tchaikovskien (comme en partie dans la symphonie n°1). Impossible de ne pas le voir. Impossible que Tchaïkovsky n'ait pas écouté et réutilisé ce matériau, ce thématisme, cette coloration. Les motifs à la flûte surtout, comme dans la Symphonie n°11 de Raff. Finalement, Tchaïkovsky aura puisé dans l'orchestration germanique de son époque classisisante (mais pas dépourvue d'originalité) beaucoup plus de matière que je ne pensais. Cette présence des effets tchaïkovskiens, la notice du CD n'en dit pas un mot (?). Pourtant elle signale que la Symphonie n°1 eut un succès considérable à Moscou en 1864. Vers 1864, Tchaïkovsky était-il à Petersbourg ou à Moscou, je ne m'en souviens plus, mais dans les 2 cas, il serait étonnant qu'il n'eût pas entendu cette oeuvre dont le retentissement fut formidable. On le comprend d'ailleurs car c'est, pour moi, une oeuvre sublimissime qu'il est impossible d'ignorer. Je regrette de froisser les âmes sensibles à la notoriété des grands noms, mais je considère que cette symphonie est d'une puissance supérieure à toutes celles que Brahms a pu écrire et Volkmann atteint le meilleur de ce qu'a pu créer l'auteur du "Casse-noisette". Appréciation, naturellement, qui n'engage que moi et que l'on est pas dans l'obligation de partager. Volkmann Complete Orchestral Works 2 CD Nordwestdeutsche Philharmonie (Werner Andreas Albert).

FIBICH PIÈCES POUR PIANO
Avant d'écouter ce CD, je n'aurais pas donné cher de Fibich, par souvenir d'un bien pâle concerto pour violon. je m'apprêtais donc à le dévorer tout cru. Qu'en est-il de ces pièces pour piano Nalady Humeurs op 47 partie 4, Impressions Dojmy op 47 partie 1 ? Tout d'abord les 7 premières pièces de Humeurs relève d'un pianisme assez simple, à mon avis guère remarquable. On pourrait en dire autant d'un certain nombre de pièces d'Impressions. Pourtant, tout change, notamment, avec le Moderato d'Humeurs et quelques autres pièces d'une virtuosité plus saillante, d'une thématique plus persuasive. Le moderato justement "l'andalouse", qui exploite bien le rhapsodisme ibérique. A part cette pièce, la teinte rhapsodique (slave) est modérée. Le style relève, malgré de brèves incursions vers un pianisme plus complexe d'un mélodisme cantabile assez limité. La notice du CD apprend que ces pièces sont un itinéraire sentimental et érotique, chacune pouvant évoquer un nu. Pourquoi pas, mais cette perception ne s'est pas imposée à mon esprit à l'audition des oeuvres, elle ne me paraît pas essentielle en dépit de l'intention affichée par le compositeur. Un compositeur américain du 20e siècle (dont j'ai oublié le nom) avait tenté une telle approche "érotique", qui m'avait paru également de la musique tout court, si l'on peut dire. CD Supraphon, avec Marian Lapsansky, que je conseillerais tout de même pour quelques pièces très bienvenues.

VOLKMANN NOVAK FIBICH
Morceau de consistance de cette remise à jour: Volkmann Ouverture Richard III, Sytmphonie 1 : CPO Nordwestdeutsche Philarmonic Werner Andreas Albert. Si quelqu'un peut ne pas apprécier ces pages d'un lyrisme intense, j'aimerais assez le savoir. Là, j'abdique. Reste Novak : Suite slovaque, Sérénade in F Major, Prague Chamber Philarmonic Orchestra Jiri Belohlavek. Là, je suis plus dubitatif. Je ne sais pourquoi cette oeuvre m'évoque assez la suite Soleriana de Rodrigo, même rhapsodisme extrêmement timide, indéfinissable, même symphonisme clair où le compositeur semble ne pas vouloir trop s'affirmer, même classicisme un peu compassé. Quoique la suite de Rodrigo me paraisse d'un contenu thématique plus affirmé. La Sérénade de Novak vaut tout de même à mon avis par son second mouvement, mais la Suite slovaque, une vraie catastrophe. Non, je ne conseille pas ce CD, bien qu'il s'agisse d'un compositeur que j'admire beaucoup par ailleurs, notamment pour son Concerto pour piano.

BACH CONCERTOS POUR VIOLON
Les concertos pour violon BWV 1052 et BWV 1056 de Bach sont des reconstructions à partir de concertos pour clavecin à l'évidence écrits initialement pour violon (d'après les experts). L'attribution à Bach de ces oeuvres, d'après le commentaire de Christiane Krautscheid, est remise en cause actuellement. De fait, quasiment rien n'y rappelle le style de Bach et on pourrait interpréter ces oeuvres comme un pastiche de Vivaldi. Il est asssez aisé d'y reconnaître divers tours thématiques présents dans les concertos du maître vénitien. Ces diverses caractéristiques expliquent sans doute que les amateurs de Bach - à juste raison -n'ont guère accordé d'importance primordiale à ces oeuvres, si ce n'est qu'une reconstruction a tout de même été réalisée. Le commentaire du CD (Thomas Zehetmair avec Amsterdamse Solisten), relatif essentiellement aux autres concertos pour violon de Bach, non reconstruits, sinon authentitiques, ne se départit pas de la critique hbituelle: par rapport à ses modèles italiens, Bach a évidemment transcendé le genre, il a "assoupli" le conerto vivaldien, terme déjà employé par Pirro il y a 80 ans. Bref, on veut dire qu'il a fait mieux que Vivaldi sur son propre terrain de violoniste-compositeur. Un refrain connu. Nous en revenons au sempiternel parallélisme. Ce qui me frappe par rapport aux modèles vivaldiens dans ces oeuvres, c'est, outre l'absence de dimension symphonique, surtout la quasi-absence de dimension harmonique. En revanche, le concerto pour hautbois, violon, et orchestre porte bien la marque bachienne: un contrepoint serré dans lequel les "solistes" n'émergent guère, une conception musicale bizarre, largement déclassée à l'époque de Bach, mais dont les thuriféraires de la musique archaïque ancienne se font les champions. Je doute cependant que le public accepte longtemps de s'ennuyer en écoutant ces "chefs-d'oeuvre", sauf si le concert est purement un acte d'affirmation sociale pour un public bourgeois avide d'acquérir un certain vernis culturel. Quant au commentaire du CD (Hilary Hahn et Los Angeles Chamber Orchestra avec Jeffrey Kahane) sous la plume de James Keller, on y trouve également le refrain habituel. Le contrepoint de Bach est jugé "dramatique et lyrique". En revanche, les poèmes symphoniques de Saint-Saêns et le concerto n°1 de Tchaïkovsky sont certainement des oeuvres académiques. Cela compense. Faire prendre au gens des vessies pour des lanternes devient le credo de la critique musicale. Quand deviendra-t-on un peu sérieux sur la planète de la musique où on marche la tête à l'envers.

MUSIQUE ANCIENNE
Pourquoi se focaliser sur le 18e siècle? Lorsqu'on évoque les redécouvertes, on pense généralement à la musique ancienne. Vous savez tout le mal que j'en pense, pas une oeuvre sur 5 écoutable et pas une sur dix intéressante ou géniale. On n'ose trop évoquer les oeuvres inconnues du 19e car on aurait peut-être trop de chances d'y trouver des oeuvres géniales? Avec les musiques anciennes, on est tranquille, on sait qu'on ne sera pas dérangé dans son confort intellectuel, des musiques qui ronronnent. Bon, j'arrête, je suis affeux aujourd'hui, de très mauvaise humeur. Et puis, que vouez-vous, il faut bien que je maintienne ma réputation de mélomane infréquentable.

RAFF SYMPHONIES
Assez peu de différence entre mon jugement sur cette oeuvre et celui d'un mélomane de cette liste sur une autre symphonie de Raff (la 2 je crois). Style très intériorisé, c'est vrai. Style wagnérien? Je préfèrerais la formule plus évasive "style pseudo-wagnérien", et encore, plutôt "pseudo-nordique". Ces effets induisant un mystère étonnants, d'une coloration originale, sont-ils réellement wagnériens. Je n'ai rien entendu de tel chez Wagner, sinon, dans l'ensemble, le même "type d'effets", pouvant se rapporter au style de la musique nordique dont on sait qu'il était présent déjà vers le milieu du 19e siècle. Cette oeuvre pourrait bien ne rien devoir à Wagner. Restons prudent cependant et restons-en au style "pseudo-wagnérien" Sur un autre plan, le style de Raff m'est apparu extrêment abouti et "moderne", ce qui contraste avec certains aspects plus archaisants caractérisant les derniers mouvements de cette symphonie. C'est surtout le premier mouvement qui me paraît exceptionnel. Oeuvre intériorisée, certainement, qui ne plaira pas à tout public mélomane, c'est possible, cependant oeuvre colorée par la richesse harmonique. Intériorisé ne signifie pas pour moi austère, dépourvu de lyrisme. Je sais, on se dit (sur certaine liste): "Fernandez, il n'aime pas les oeuvres intériorisées", et hop, comme cela on explique que je n'aime pas Bach. Bien joué, mais trop facile. Désolé, non, pour moi, la musique de Bach, dans l'ensemble, n'a que l'apparence de la concentration et de l'intériorisation. C'est une façade, derrière, il n'y a rien. Mais revenons à Raff. Ce qui m'impressionne le plus chez Raff, c'est, plus même que le pathétique, la gravité du ton, qui est pour moi l'affect fondamental du style symphonique, ce que devrait être une symphonie, ce que je recherche personnellement, et que l'on ne saurait trouver à son degré le plus élevé dans le poème symphonique, plus foncièrement lyrique et démonstratif. Finalement, je suis un esprit morose, et mon idéal musical, c'est la musique funèbre. Il s'agissait d'un commentaire sur Raff, symphonie Lénore, un CD ASV, Philarmonia Orchestra avec Yondani Butt.

GLUCK GRAND SYMPHONISME?
Gluck, dites-vous, n'est pas un grand maître de l'art symphonique, et pourtant il donne 2 chefs-d'oeuvre absolus dans ses ouvertures. C'est un peu contradictoire! Mais alors, qu'est-ce qu'un grand maître de l'art symphonique? Ah, j'ai compris, un grand maître de l'art symphonique n'est pas celui qui compose des chefs-d'oeuvres symphoniques absolus, mais celui qui est encensé comme tel par la tradition. Vous m'en direz tant.

SYMPHONIE 3 TCHAÏKOVSKY
Formulation astucieuse. Il suffit de supprimer le "presque" et vous êtes dans la vérité. Quel que soit la différence de jugement que l'on peut porter sur cette symphonie n°3, il est très juste de remarquer l'importance du style de ballet dans cette oeuvre. Pas dans toute l'oeuvre, mais une partie. Symphonie qui dépare, je ne pense pas car bien d'autres passages tiennent aussi du style de ballet dans l'ensemble des symphonies du maître. Je ne vous préciserais pas exactement où, je ne m'en souviens plus. Donc, il me semble que le domaine du ballet et de la symphonie ne sont pas totalement des compartiments étanches.

OEUVRES POUR FLÛTE ROMANTIQUES
Bizarre, ce coffret Brillant classic. (2 CD sans livret avec Marc Brauwels flûte et 3 orchestre belges: Wallonie, Radio Télévision et Waterloo). Il est intitulé "The romantic flute" et il comporte des transcriptions de Mozart, Gluck. Passe encor pour Gluck, mais Mozart, est la période romantique? La première critique que je formulerais est la présence d'oeuvres transcrites de compositeurs connus alors qu'un grand nombre d'oeuvres authentiquement écrites pour flûte demeurent sans doute oublié. Je ne vois guère l'intérêt d'écouter la marche turque pour flûte de Mozart, le 24e caprice de Paganini, quoique j'apprécie particulièrement ces oeuvres. Malgré ces réserves, je conseillerais ce coffret pour les découvertes qu'il occasionne. Outre les sublimes (à mon avis) Adante et Variations de Rossini, la Sicilienne de Fauré, nous pouvons découvrir des oeuvres plus rares. Tout d'abord, l'Andante et Rondo de Doppler. Quoiqu'il se montre foncièrement romantique dans cette oeuvre qui ne manque pas à mon avis de motifs d'un grand intérêt, je ne pense pas que Doppler, en qui j'avais de grands espoirs, puisse revendiquer le titre de Paganini de la flûte. C'est la seconde fois qu'il échoue (de mon point de vue) après son concerto pour flûte, sans toutefois démériter. Tafanel non plus ne mériterait pas ce titre avec sa Fantaisie sur des thèmes du Freischutz de Weber. C'est la partie Variations de cette oeuvre qui atteint cependant à mon sens le niveau de l'excellence, laquelle exprime aussi bien la virtuosité instrumentale que thématique. Jules Demesseman, lui, pourrait être un bon candidat avec son solo de concert orienté vers la prouesse virtuose au sens le plus positif du terme. Génin aussi est génial avec ses Variations sur le carnaval de Venise. Ce thème est sans doute un des plus exploités sous forme de la variation après le Dies irae et les Folies d'Espagne. Je suppose qu'il est d'origine folklorique. Génin le traite brillamment, mais je pense qu'on peut trouver mieux sans doute. Godard: Pièces pour flûte et orchestre. Bien pâle tout cela, même si ce n'est pas morfondant. Reste Briccialdi que je garde pour la fin. Peut-être le plus génial Briccialdi avec son solo romantique op 72. C'est la première fois que je vois ce nom. Briccialdi s'affirme par une forte empreinte romantique dans cette oeuvre, une virtuosité qui n'est pas orientée vers le brillant contrairement à Génin ou ou Demersseman, mais une force, un souffle que l'on ne s'attend pas à rencontrer dans ce genre instrumental. A l'écoute de cette oeuvre, on a la conviction d'être en présence d'un génie extrêmement sûr, capable d'atteindre le plus haut degré de la transcendance. Donc, cela vaut la peine d'acheter ce coffret et vous n'êtes pas obligé de vous farcir la Marque turque pour flûte et même Schéhérazade de Rimsky pour flûte.

OEUVRES POUR FLÛTE BAROQUES ET CLASSIQUES
Ce double CD Brillant classics ne comporte pas plus de livret que le précédent consacré à la flûte. Toutes les oeuvres (Mozart, Salieri, Albinoni, Haendel, Bellini, Bach, Marcello, Rosetti, Lebrun) procèdent du style baroque ou classique, aussi je pense que le terme "romantic" doit être pris dans son acception large. Rien de palpitant dans ce CD, mis à part le concerto de Salieri que j'ai analysé par ailleurs et le mouvement lent du concerto d'Albinoni. Le reste, c'est, à mon avis, du baroque sans imagination, ou du classique avec encore moins d'imagination. Mozart ne brille pas particulièrement, Bach (2 concertos dans ce CD) nous assène une écriture contrapuntique insupportable. Bellini demeure largement en retard sur son époque pour se cantonner dans une écriture pseudo-baroque-classique. Pourquoi pas, mais là, rien ne me paraît convaincant. Rosetti, lebrun, c'est du classique bon teint, de la musique qui passe. Je ne conseille donc pas ce CD, l'auditeur aura intérêt à se procurer séparément le concerto de Salieri, une oeuvre très égale, comme je l'ai déjà dit, d'une grande intensité de la première note à la dernière malgré son esthétique classique, et riche harmoniquement malgré toujours cette esthétique limitative. Le concerto d'Albinoni, la seule découverte de quelque envergure pour moi dans ce CD, présente un mouvement lent très expressif, rappelant fort ceux de son ennemi intime Vivaldi, lequel a produit une série de concertos pour hautbois d'une autre envergure à mon avis que ceux présentés dans ce CD, hormis précisément ce concerto d'Albinoni et celui de Salieri. Les compilations consacrées à un instrument sont l'occasion de découvrir des oeuvres et des compositeurs peu connus (Lebrun par exemple). On n'a donc pas eu tort à mon avis de ne pas inclure de concerto pour hautbois de Vivaldi, mais alors que viennent faire ces deux concertos de Bach, celui de Haendel. Je ne saisis pas vraiment la logique de l'éditeur.

DUOS CONCERTANTS CARULLI
Trois petits duos concertants op 309, Trio op 9 2 et 3, Nocturne op 119 n°3, duo duetti op 137. Tout cela pour violon et guitare ou flûte, violon et guitare pour le Trio n°2. Carulli était un guitariste qui obtint un grand succès au début du 19e siècle. Je suis plutôt avare en données biographiques, mais ceci a une importance pour la suite de ce commentaire comme on le verra. Le sublime, oui, Carulli l'atteint dans certains mouvements, mais il se manifeste aussi dans un style beaucoup plus facile. Facile, mais en aucun cas trivial, facile, mais toujours avec des motifs qui ne peuvent lasser l'auditeur. C'est surtout dans les parties lentes et les transitions courtes que Carulli atteint le maximum de l'expressivité, utilisant des effets très élaborés sur le plan mélodique et harmonique, ce qui contraste avec certaines parties rapides visiblement écrites dans le souci de satisfaire un public moins exigeant. Donc, Carulli, guitariste admiré, mais justement la guitare ne brille guère dans ces oeuvres où s'exprime surtout le violon, l'alto et même la flûte. Dans le Trio op 9 n°3 où la guitare s'apanche en quelques soli, elle n'atteint jamais l'intérêt des parties de flûte ou de violon. La logique instrumentale a-t-elle prévalu pour accorder la prééminence aux autres solistes par rapport à la guitare, c'est probable et Carulli exprime peut-être les possibilités de la guitare dans ses oeuvres de guitare solo, c'est possible, je le saurais bientôt si je parviens à commander quelques-une de ses oeuvres pour cet instrument (si elles existent en CD). J'avais observé le même phénomène à propos de Giuliani, autre guitarisme admiré, auteur d'une oeuvre pour violon de haute tenue à mon sens, mais qui ne m'a pas paru suprêmement génial dans quelques oeuvres pour guitare solo que j'ai pu écouter. Qu'en sera-t-il pour Carulli, réponse peut-être le mois prochain, sauf si certains membres connaissent les oeuvres pour guitare solo de Carulli et peuvent dès maintenant émettre une opinion.

RAFF SYMPHONIE 6
Peu de rapport entre la 6 et la 5 du maître suisse. Raff semble avoir délaissé dans cette symphonie les recherches symphonique subtiles de la 5. Rien que des effets de masse, des effets de puissance, des motifs simples, souvent rudimentaires. Alors, nulle cette symphonie. Non, au contraire je la conseille vivement, en raison du second mouvement. C'est vrai que j'ai un faible pour les effets primaires de timbales (chacun a ses faiblesses), mais comment résister à ces motifs d'un pathétisme vibrant. Un mouvement réussi à mon avis, un de ces mouvements qui s'imposent d'eux-mêmes et dont on pourrait imaginer qu'ils sont célèbres même s'ils sont inconnus. On y trouve purement les qualités qui définissent le symphonisme, la puissance des tutti, l'homogénéité, la gravité. Il est vrai que les subtilités où l'orchestre devient une somme d'instruments solistes intervenant sporadiquement, si elle permettent d'atteindre une élaboration supérieure, diminuent l'effet primordial associé à l'écriture orchestrale: la puissance lyrique des masses instrumentales. On ne peut tout cumuler. Je conseillerais donc cet enregistrement Tudor avec le Bamberger Symphoniker (Hans Stadlmair). En revanche, la suite n°2 me parait de la musique grossière sans intérêt. Mais l'on n'est pas obligé d'aller au bout du CD.

RAFF - BRICCIALDI
Exploration des répertoires pour flûte et pour haubois. Briccialdi, avec son solo romantico, oeuvre incontournable du répertoire, apparaît comme un génie que l'on ne peut ignorer. Mais aussi oeuvres de Génin, Demersseman... En revanche, des tomates pour Bellini, Bach, Albinoni, Mozart, lebrun , Rosetti... Doppler un peu décevant et Godard très moyen... Dans un autre genre instrumental, Raff, avec sa symphonie Lénore, s'affirme bien plus fondamental que Wagner dans l'utilisation des effets de musique nordique au milieu du 19e siècle. Chronique consacrée aux répertoires spécifiques instrumentaux, mais qui les connaît vraiment, qui les a sondés réellement? Certainement pas moi qui n'ai fait que les entr'apercevoir. Mais qui s'en soucie réellement à part quelques instrumentistes érudits? Les oeuvres orchestrales et pianistiques, peut-être à tort, ont écrasé tous les répertoires spécifiques au niveau de l'électisme historique. Le répertoire du violon, lui, a été faussé, défiguré outrageusement, laminé par le rouleau compresseur des "grands classiques"...

RAFF BRICCIALDI - RÉPERTOIRES SPÉCIFIQUES
j'ai déjà présenté les nouveautés de critique-musicale.com sur cette lsite. Je ne saurais insister trop sur la Symphonie n°5 Lénore de Raff et sur quelques chefs-d'oeuvres pour flûte, notamment le Solo romantico de Briccialdi, dont j'ai donné les références discographiques. Finalement, il m'apparaît que le répertoire pour flûte, au travers des quelques compilations que je me suis procurés depuis quelques années finit par révéler quelques richesses: Doppler, Briccialdi, Génin, Demermessan et bien d'autres. D'après un site que j'ai consulté, Briccialdi aurait été considéré comme le "Paganini" de la flûte. Rien d'autre sur lui que cette page (en italien d'ailleurs). Donc, un répertoire pour flûte qui m'incite à poursuivre dans cette voie. C'est beaucoup mieux que les compilations pour orgue ou pour guitare où j'avoue n'avoir quasiment rien trouvé. Concernant la guitare solo, personne, même parmi les spécialistes, ne m'a cité d'oeuvres convaincantes. Mais, j'y crois toujours, même si je n'ai rencontré que des échecs, notamment dans le domaine de la guitare espagnole, sans oublier le répertoire viennois du 18e siècle. Concernant l'orgue, le 19e siècle est peut-être le plus grand siècle de l'orgue contrairement à l'idée reçue. A explorer.

ÉMERGENCE DES GRANDS CLASSIQUES?
Vous accusez les musicologues d'être responsables de l'émergence des "grands classiques". Etant donné que l'émergence des grands classiques (notamment ceux du 18e siècle) s'est réalisée essentiellement pendant le 19e siècle et que, d'autre part, la musicologie n'existait guère avant la première guerre mondiale, voire la seconde, on ne voit pas comment les musicologues auraient pu être responsable de ce dont vous les incriminez. Ils ont au contraire contibué à la résurrection de nombreux compositeurs oubliés, notamment des virtuoses-compositeurs comme Vivaldi. L'émergence de Wagner doit certainement plus à Louis II de Bavière (assez peu musicologue) qu'aux musicologues qui n'existaient pas encore à l'époque de son émergence.

FIN MESSAGES 2004

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