SOMMAIRE



MESSAGES DE LISTES 2002

RÉPERTOIRE POUR VIOLON
J'ai vu le site de la violoniste Hilary Hahn, certainement talentueuse, mais j'avoue ne pas comprendre comment elle n'a jamais pu enregistrer la moindre oeuvre des grands génies qui ont élaboré le langage violonistique et du concerto de soliste: Vivaldi, Locatelli, Paganini, Viotti, Wieniawski, Vieuxtemps... Son répertoire est le plus pur produit du laminage des grands violonistes-compositeurs et le laminage de ceux qui ont créé le langage musical lui-même propre au solisme, le concerto de solisme, la virtuosité transcendante. Pour moi c'est la parfaite représentation de la décadence musicale du répertoire. C'est comme si un pianiste n'avait jamais enregistré ou joué en concert ni Chopin, ni Liszt, ni Tchaïkovski. Serait-il vraiment crédible. Cette tendance, malheureusement, est bien générale en ce qui concerne le répertoire pour violon. Je viens de voir chez mon disquaire un coffret de Philips intitulé "Grands concertos pour violon". là -dedans il y a uniquement 3 noms : Beethoven, Tchaïkovski, Mozart. J'adore le concerto de Tchaïkovski, mais soyons sérieux, présenter ces trois compositeurs en laissant dans l'ombre le créateur du concerto de soliste et le créateur de la virtuosité transcendante pour violon, est-ce bien sérieux. Pour moi, le répertoire pour violon subit aujourd'hui une détérioration considérable au profit de l'esprit minimaliste d'une certaine intelligensia musicale.

RÉPERTOIRE DES PIANISTE SET VIOLONISTES
Pour un pianiste, trouver son individualité avec le "Concerto n°1" de Tchaïkovsky, ce n'est sans doute pas une entreprise évidente. Je pense cependant que, même si un pianiste ne peut pas trouver son individualité en jouant ce concerto ou un concerto de Chopin ou certaines oeuvres de Liszt, il doit être capable de prouver qu'il peut aborder à  l'aise le domaine de la virtuosité transcendante. C'est comme un examen de passage. On ne peut pas, me semble-t-il, obtenir ses titres en jouant uniquement du Mozart et du Haydn, ce serait tout de même trop facile. Il est cependant vrai que l'on pourrait remplacer le "Concerto n°1" de Tchaïkovski par un concerto de Scharwenka ou de Melcer, performance à  mon avis tout aussi probante. il est évident qu'on n'en est pas encore là . A propos du "3" de Rachmaninov, je remarque que les 140 enregistrements que vous évoquez n'ont pas permis à  ce concerto d'acquérir une notoriété comparable à  celle du "2" (lequel l'an dernier a été sacré meilleure oeuvre du 20e siècle par les lecteurs d'une revue anglaise). Dans le domaine violonistique, je ne pense pas qu'un soliste puisse être crédible s'il se contente du Cocnerto de Brahms ou de Beethoven. Il doit montrer à  mon avis qu'il est capable de jouer Paganini ou Vieuxtemps. L'anomalie, c'est justement que l'"examen de passage" se fait avec Mendelssohn, Beethoven ou Brahms, ce qui me paraît une bizarrerie incompréhensible. Je me souviens, sur une notice de 33 tours je crois, un commentateur s'était étonné que Yehudi Menuhin joue un concerto de Paganini. Le grand maître ne devait naturellement jouer, selon lui, que des oeuvres de compositeurs supérieurs (selon lui). Cet étonnement n'est-il pas magnifique?

INTERVIEW DE JEAN CASSIGNOL, "RECONSTRUCTEUR D'UN CONCERTO DE VIVALDI
Je vous transmets l'interview que j'ai faite par internet de Jean Cassignol, auteur d'une transcription reconnue d'un concerto de Vivaldi pour violon, initialement prévu pour flûte par le compositeur. Le "nouveau" concerto pour flûte RV 312R d'Antonio Vivaldi - Jean Cassignol, qu'est-ce qui a attiré votre attention sur le concerto RV 312 ? L'avez-vous consulté dans l'édition Ricordi (s'il existe) ou avez-vous eu accès au manuscrit? Comment avez-vous pu savoir que l'original était écrit au départ pour la flûte? - J'étais en relation épistolaire depuis quelques années avec Roger-Claude Travers, le critique de la revue Diapason. Il avait suivi de près mes transcriptions des "Saisons" de Vivaldi pour ensembles de flûtes (à  bec ou traversière) et cela l'avait intéressé, voire même convaincu. En juin 1997, il m'a signalé le problème pendant du RV 312 (esquissé dans la revue Diapason et dans le guide paru il y a dix ans dans la collection "Bouquins"). J'ai consulté le manuscrit de Turin du RV 312 (pour violon) qui contient, dans le premier mouvement, des esquisses pour la flûte à  bec (barrées par Vivaldi). Ryom n'accordant un numéro RV qu'aux oeuvres terminées par Vivaldi, j'ai donc attribué au concerto reconstitué / reconstruit le n° RV 312R. Le RV 312 pour violon a été édité par Ricordi en 1956 : il est toujours inédit au disque, car sans doute bigrement difficile au violon! J'ai parlé seulement du premier mouvement. Les autres mouvements marchent superbement à  la flûte (à  bec ou traversière), une fois modifiés les arpèges typiquement violonistiques. Le troisième et dernier mouvement est proprement ahurissant à  la flûte! J'ai un enregistrement de Il Giardino Armonico (concert de Potsdam - soliste : Giovanni Antonini) et des Berliner Barock Solisten (soliste : Michala Petri, création à  Copenhague où j'étais présent). - Avez-vous rajouté des agréments dans la partie soliste ou avez-vous laissé la partie originale? - J'ai reconstruit certains passages dans le style de Vivaldi (les critiques n'y ont vu que du feu là  où les programmes ne mentionnent pas le nom du "reconstructeur" : au début, cela m'a flatté, mais désormais j'eng... les organisateurs et les flûtistes quand je les prend sur le fait !). Les agréments et les cadences sont rajoutés par les solistes. - Savez-vous si cette pratique est courante dans les arrangements des manuscrits de Vivaldi? - Je ne connais pas d'autre exemple. - Avez-vous ajouté une cadence de votre cru (car je suppose qu'il n'y en avait pas dans l'autographe)? - Le flûtiste à  bec Manfred Stilz en a écrit une jolie pour le concert de Cannes en juillet 2000 (mais le concert n'a pas été enregistré). Comme il a un projet d'enregistrement, nous patienterons... J'ai simplement modifié une cadence originale de Vivaldi. - Dans le RV 312R, avez-vous réalisé la basse continue ou avez-vous utilisé celle d'une révision préexistante? - J'ai eu la "flemme" de faire le chiffrage... Nous l'avons fait pour quelques exemples de l'article écrit avec Anne Napolitano-Dardenne pour les "Informazioni e studi vivaldiani" (revue de l'Institut Vivaldi à  Venise). J'ai laissé "vide" la ligne main droite du claviériste. Actuellement, les continuistes sont de véritables "pros" et préfèrent noter leur propre réalisation, quand ils ne l'improvisent pas à  chaque concert. - De quelle époque de la production du prete Rosso dateriez-vous le RV312 (d'après le degré de maturité de l'oeuvre) car je suppose qu'il n'y a aucune date sur le manuscrit? - Le musicologue Paul Everett a daté les papiers utilisés par Vivaldi. C'est environ 1727, époque de maturité, "pré-classique". - Le RV312 contient-il des passages de "mélodie récitative" préfigurant le style galant comme cela est dans certains concertos pour violon de l'opus 11 ou 12 et aussi dans certains concertos pour flûte de l'opus 10? - Il y en a. Certains flûtistes pensent déjà  que c'est le plus beau (ou l'un des plus beaux) concerto pour flûte, surtout dans le dernier mouvement qui "électrise" les publics. Je n'y suis pas pour grand-chose et Vivaldi aurait pu nous laisser un "navet" (il y en a quelques-uns, qui devaient plutôt être des exercices accompagnés pour ses élèves : de nos jours, on écrit des études pour un instrument donné, pas des concertos!). - Avez-vous été dans l'obligation de supprimer ou modifier certains traits plus proprement violonistiques? - Oui, cher Claude Fernandez, mais uniquement dans le cadre fixé plus haut. - Qui sera le premier flûtiste à  graver le RV 312R ? - C'est Dorothee Oberlinger, une Allemande, qui vient de l'enregistrer avec l'ensemble Ornamente 99 pour le compte du label Marc Aurel Edition de Cologne. Le CD devrait être présenté lors du MIDEM de Cannes (20-24 janvier 2002). - Et où pourra-t-on se procurer le disque? - En France ? Je ne sais pas encore ce qu'il en est du distributeur français de ce jeune label allemand. Les lecteurs intéressés peuvent me contacter dès à  présent. - Merci et bonne continuation ! Jean Cassignol B.P.80 F-95472 Survilliers Cedex France jeancassignol@laposte.net Voilà  qui pourrait nourrir un débat sur les problèmes de transcriptions. A-t-on le droit d'interpréter ainsi la pensée du compositeur en vue d'une transcription, jusqu'à  quel point?. Les transcriptions "non autorisées" (n'ayant pas l'aval du compositeur) sont-elles acceptables... on sait ce qu'il advint de la transcription de la "Suite lyrique" de Grieg par Seidl, transcription qu'il jugea inappropriée et révisa.

LES TRANSCRIPTIONS D'OEUVRES
De multiples raisons expliquent sans doute ces moeurs au 18e, les disponibilités d'instrumentation que vous évoquez, mais aussi peut-être une moindre sensibilité à  la couleur instrumentale spécifique de chaque instrument. De ce point de vue, Bach était, on le conçoit, assez peu sensible à  la couleur instrumentale, à  tel point que certaines partitions comme l'art de a fugue semblent n'avoir été destinées à  aucun instrument précis. Il en va sans doute différemment de Vivaldi qui a honoré un très grand nombre d'instruments solistes et qui est à  l'origine du langage symphonique. Il est notamment le premier compositeur à  avoir écrit des concertos pour mandoline. Le fait d'ailleurs qu'il écrive par exemple "per violino o per obeo" indique justement que l'on ne doit pas utiliser n'importe quel instrument, mais ceux qu'il a spécifiés (le plus souvent un seul). A moins que cette indication n'ait qu'une justification technique eu égard aux particularités des instruments par rapport à  la partition, ce qui, je dois l'avouer, est aussi probable. Quoi qu'il en soit, on doit observer que les transcriptions non autorisées (et autorisées) se sont multipliées au cours du 19e et du 20e. Personnellement, je n'ai pas la même position que la vôtre, je considère que la couleur instrumentale de l'oeuvre prévue par le compositeur est une caractéristique propre de l'oeuvre que l'on a pas le droit de modifier sans son accord sous peine de trahison. Et puis vous savez "traduttore tradittore" Je remarque de ce point de vue qu'il n'existe aucune loi protégeant les oeuvres musicales, même les plus illustres, pas uniquement en ce qui concerne les modifications de couleur instrumentale, mais aussi des altérations du texte musical lui-même. Mais peut-être ai-je l'esprit trop muséographique et conservateur.

RELATIVITÉ DE LA NOTORIÉTÉ
Je viens de découvrir que la Berceuse Rêverie de Sgambati avait été orchestrée par Massenet, ce qui semblerait montrer que Sgambati jouissait d'une certaine notoriété à  l'époque. C'est le cas fréquent. On croit souvent à  tort que les compositeurs peu connus que l'on redécouvre étaient des inconnus à  leur époque, et on se rend compte par hasard que des oeuvres de compositeurs très connus leur sont dédicacés. Par exemple de nombreuses oeuvres pour violon de Saint-Saëns sont dédicacées à  Sarasate, le "Concerto n°2" de Liszt est dédicacé à  Bronsart von Schenllendorf et le "1" à  Henry Litolff. Le "Concerto n°1" de Chopin est dédicacé à  Kalkbrenner... Il nous faut apprendre à  relativiser l'électisme de notre époque. Soyons humble et prudent quant à  l'importance réelle des compositeurs que notre époque a consacrés. Apprenons à  respecter le jugement de nos prédecesseurs si nous voulons que nos suiveurs manifestent quelque égard au nôtre.

WAGNER PLUS PROFOND QUE TCHAÏKOVSKY... OU L'INVERSE
Pour tout avouer, je dois dire qu'à  la période de l'adolescence, je considérais Wagner comme plus profond que Tchaïkovski. C'était ma crise d'intellectualisme. En réalité, j'appréciais certaines oeuvres de Tchaïkovski beaucoup plus, seulement je ne l'aurais jamais avoué. J'ai développé un jugement plus conforme à  la réalité de ce que je ressentais réellement. Peut-être certains pourraient-ils tirer profit de nos confidences et de nos aveux. La réflexion sur ses propres impressions est-elle si répandue chez les mélomanes?

FARRENC, GIULIANI, GRIEG, GRIEG/SEIDL, TORROBA, SOR, ROUSSEL
De temps en temps, j'ai honte, moi qui suis un grand partisan des répertoires instrumentaux spécifiques, de mon ignorance quasi-totale du répertoire de la guitare. S'il est un répertoire spécifique par ses compositeurs, son style instrumental, c'est bien celui-ci. Mes incursions hasardeuses dans ce répertoire ont été rarement couronnées de succès. Mises à  part le fameux "Concerto de Aranjuez", celui de "Castelnuovo-Tedesco", quelques pièces isolées pour guitare seule. Sor, je désespère vraiment de trouver chez ce compositeur des composittions originales, les quelques pièces que je viens de découvrir (op 36, 37, 40) ne me paraissent pas moins insipides et limitées que ses études (opinion personnelle). Pourquoi Sor a-t-il une telle importance pour les guitaristes? Torroba, là  c'est différent, une découverte je dois l'avouer, même si, après avoir longtemps hésité, je n'ai finalement pas accepté sa "Sonatina" pour guitare et orchestre parmi la liste de mes oeuvres considérées comme excellentes. Paradoxalement, c'est l'orchestration, d'un style impressionniste accompli, à  mon avis, qui me séduit le plus chez ce compositeur. Encore une fois se confirme, à  ce qu'il me semble, l'importance de la partie orchestrale dans les genres pour soliste et orchestre et peut-être son rôle historique. Mais là -dessus,je connais trop peu d'oeuvres symphoniques pour affirmer quoi que ce soit. Le style de la partie de guitare de cette "Sonatina", enfin, reflète, malgré contenu thématique à mon goût un peu limité, une originalité qui exploite bien le timbre spécial de cet instrument. Alors, Torroba, certainement un cmpositeur à  découvrir. Cela contraste à  Giuliani qui, décidément, pour moi et par rapport à  ce que je connais de lui, s'affirme plus dans le style violonistique que dans celui de la guitare. Son Concerto op 30 me paraît franchement d'un classicisme compassé et surtout la partie de guitare ne me paraît animé d'aucune spécificité "guitaristique". Il semble qu'on pourrait l'interchanger avec de la flûte, du piano, de la clarinette... tout ce que l'on veut. Bien sûr, nous sommes au tout début du 19e ou peut-être à  la fin du 18e siècle. Grieg: la suite lyrique, un chef-d'oeuvre à  mon avis, qui pose cependant un problème d'attribution. D'après la notice succincte que j'ai sur le CD, voici ce qui est dit : "Seule l'orchestration du premier mouvement est entièrement de la main de Grieg, pour les 3 autres mouvements, Grieg a révisé une orchestration de Seidl qu'il trouvait à  son goût "trop pesante et wagnérienne". Or, à  ce qu'il me semble, et pas uniquement à  moi, le troisième mouvement "Notturno" renferme des particularités symphoniques qui placerait l'auteur de ce mouvement comme précurseur du style impressionniste debuusséen. Je pense même que l'essentiel de l'orchestration de ce compositeur se trouve là . Il s'agirait donc d'une nouveauté considérable. Qui est alors à  l'origine de ces effets orchestraux, Seidl ou Grieg. Probablement Grieg, mais la notice n'est pas assez précise pour me le signifier. Dans le doute, j'ai choisi de faire figurer les trois derniers mouvements sous la "vedette auteur" Grieg/Seidl. Nous voici à  Louise Farrenc. La fraicheur de cette oeuvre m'évoque le renouveau de la musique française au milieu du 19e siècle. Rien ne subsiste ici des pesanteurs trop classiques qui, à  mon goût, caractérisent certaines oeuvres de musique de chambre du début du 19e siècle (quoique je dois avouer en connaître assez peu). Les quintettes de Louisse Farrenc sont certainement représentatives de ces oeuvres inspirées qui ont été oubliées injustement. Le "Quintette n°1" eut un tel succès, écrit Michael Stegeman, que Louise Farrenc en écrivit un second. Ce dernier me paraît moins inspiré, mais tout de même de valeur appréciable. Le premier, une très belle oeuvre à  mon avis que je n'ai pas hésité à  classer dans ma sélection d'"oeuvres excellentes".

VÉRITÉ OU ERREUR CHEZ LES MUSICOGRAPHES ET MUSICOLOGUES
Je voudrais effectuer ici une mise au point concernant quelques idées discutées par un mélomane que vous connaissez. Mon contradicteur reprend chroniquement quelques arguments, quoique j'aie pu lui répondre sempiternellement la même contrargumentation, usant même parfois du copie-collé pour mes réponses. C'est un cas de rémanence psychique et de récurrence dialectique assez remarquable. Voici le premier de ces arguments:
-J'allèguerais (selon ce mélomane) les arguments des Intellectuels de la musique lorsque je les approuve (la paternité de la symphonie par exemple) et je les contesterais lorque je les désapprouve (la valeur des grands classiques). Bref, j'userais de leur discours selon que cela m'arrange ou non. Voici ma réponse. Je pense qu'il faut considérer deux aspect dans le discours d'un "Intellectuel de la musique": -d'une part l'analyse des faits objectivables par nature: expertise des oeuvres pour déterminer leur authenticité, étude de l'évolution d'un genre, détermination des caractéristiques stylistiques... -d'autre part les jugements de valeur porté sur une oeuvre ou un compositeur Par exemple, lorsqu'un expert affirme que tel motif d'une oeuvre d'un compositeur X se trouvait dans une oeuvre antérieure Y, quand il pense que tel procédé stylistique a été inventé par le compositeur Z..., j'ai toutes les raisons de penser que son apport est honnête et objectif (tout en considérant qu'en matière musicale, il n'existe aucune proposition qui n'ait une valeur apodictique). En revanche, lorsque le même expert dit: le compositeur X est supérieur au compositeur Y, je suis enclin à  considérer qu'il s'agit d'un jugement subjectif pour lequel cet expert n'est pas plus qualifié que d'autres personnes pour juger. Je pense que la détermination des caractéritiques d'ordre objectif doit être dévolue fondamentalement aux musicologues experts et le jugement sur les oeuvres fondamentalement au public et aux critiques (sans préjuger de la valeur de leur arrêts). Ce mélomane distingué se range à  mon avis, mais ne semble pas appliquer ce principe puisqu'il continue à  considérer Haydn comme le père de la symphonie, ce qui est contredit à  ma connaissance par les ouvrages modernes d'historiographie musicale. C'est donc, à  ce qu'il me semble, qu'il les considère comme incompétents. Un second argument m'incline à  faire confiance aux experts qui jugent l'apport de Haydn quasi- inexistant dans l'avènement de la symphonie. On peut d'autant plus penser que ces auteurs jugent objectivement l'apport de haydn dans l'avènement de la symphonie qu'ils fournissent cette conclusion à l'encontre de leur inclination. En effet, ils continuent toujours à  accorder une valeur musicale beaucoup plus importante aux oeuvres de Haydn qu'aux compostieurs considérés par eux comme les véritables pères de la symphonie (Vivaldi et Stamic notamment). Une question peut se poser : pourquoi continuent-ils à  considérer les oeuvres de Haydn supérieures? Je pense qu'il suivent simplement la tradition véhiculée par leurs prédécesseurs. D'autre part, un autre type d'argument me permet de considérer avec prudence les jugements de valeur esthétique affirmés par les musicologues (ce qu'il font du reste assez rarement), c'est le fait qu'un esprit rigoureux essentiellement tourné vers l'examen scrupuleux d'archives s'évère rarement être en même temps un esprit touché par l'émotion musicale. Sans doute est-ce la raison pour laquelle ils préfèrent les compositeurs "dits intellectuels" plutôt que ceux qui apparaissent les plus lyriques et passionnés. Il n'est nullement nécessaire que je fournisse des exemples. De ce point de vue, la condamnation du romantisme par les historiographes se révèle représentative de cette orientation psychique. Du reste, le fait que Haydn ne soit pas le "père de la symphonie" n'est nullement une preuve, ni même un argument pour montrer que ses oeuvres n'ont pas un intérêt musical supérieur. Tout au plus peut-on considérer avec circonspection le discours des musicographes du 19e et début du 20e siècle qui nous vantaient la valeur musicale de Haydn, car, s'ils n'ont pas été objectifs pour juger son apport réel dans la symphonie, on peut suspecter une même inobjectivité quant à  leur jugement sur la valeur de ses oeuvres. mais cela ne peut, à  mon avis, en aucun cas constituer une preuve, pas même un argument décisif. Mais j'arrête là car ce message est déjà très indigeste.

ATTITUDE ANTI-ROMANTIQUE DES MUSICOGRAPHES
Vous ne croyez pas à l'attitude anti-romantique des musicographes et critiques au 19e siècle. On décèle très souvent des petites pointes bien significatives de la part des auteurs. Voyez par exemple la hargne de Vuillermoz contre Berlioz. Elle ne me paraît pas sans relation avec le romantisme exacerbé affirmé par l'auteur de Harold. Tout un courant anti-romantique s'est développé sous la bannnière de Hanslick pendant le 19e siècle et qui survécut au 20e : En voici quelques témoins:

Edmond Buchet - Connaissance de la musique - Editions Correa Paris 1942 (255 p)
"Le musicien romantique s'inspire d'un idéal plus littéraire que musical ; privée du soutin de la forme-stricte, son inspiration s'étend souvent exagérément, et l'on trouve des pages de remplissages." "Le manque de rigueur, l'abandon de la recherche inlassable et difficile de la perfection technique, le manque de science en un mot, ont été les rapides conséquences de cet art qui voulait saisir une essence musicale indépendant du mouvement..." p 178
"Le romantisme a intoxiqueé la musique comme la littérature" p 223

Histoire de la musique de Vuillermoz - Fayard 1973 (première édition 1949) 590 p Car le romantisme pondéré a peu de prestige sur la foule. La perfection aisée, la maîtrise élégante ne la séduisent pas autant que la gestation spectaculaire et haletante d'une oeuvre médiocre. p 201

Musique et vie intérieure - Joseph Sanson Editions du vieux colombier Paris 1951
"Romantisme : singulier mélange d'utopie et d'ambition. La musique prémédite de dire avec les sons des choses que les mots disent aisément. Il croit élargir les pouvoirs de la musique, il la ravale.

INFLUENCE DE MUSICOGRAPHES OUBLIÉS
Ces musicographes sont obscurs aujourd'hui, mais ils ont exercé à  leur époque une grande influence sans doute, en tous cas ils étaient le témoin d'un état d'esprit général dans l'intelligentia musicale. Percy Sholes a exercé une influence en formant de nombreux étudiants en Angleterre Quant à  Rapin, son ouvrage "Histoire du piano et des pianistes" représente tout de même un grand classique de la littérature musicale.

HAYDN ET LA SYMPHONIE
Aucun des auteurs n'accorde une place à  Haydn dans l'élaboration de la forme symphonique. Inutile de vous débattre inutilement, Simon, vous êtes cette fois dans la nasse. Une prise qui me réjouit car, je dois l'avouer, vous ne faites pas partie du menu fretin. Et Haydn a-t-il été le seul à  porter un intérêt constant à  la symphonie (puisque c'est le dernier argument qu'il vous reste pour sauver la face), c'est possible, ce n'était pas le sujet du débat. Je viens de lire cependant (d'après Larousse La musique) que l'on doit à  GB Sammartini plusisuers centaines de symphonies. La célébrité des oeuvres, quant à elle, est une notion relative. Existe-t-il une symphonie de Haydn qui ait atteint la célébrité de la 40e de Mozart, qui n'a pourtant aucun sous-titre? Je me demande même si parmi les oeuvres très célèbres existe une ouevre de Haydn, tous genres confondus. Quelle que soit la réponse à  ces questions, cela ne préjuge pas de la valeur de ces oeuvres, c'est un indicateur du jugement global donné par le public. Parmi les compositeurs très connus, Haydn n'est-il pas aujourd'hui en perte de vitesse?

REMPLACER LES "GRANDS NOMS" PAR D'AUTRES "GRANDS NOMS"
Comme je vous l'avais dit dans mon courriel privé, je ne considère pas que la place de Tchaïkovski est insuffisante. D'autres compositeurs peu connus ont à  mon avis droit de cité et ce n'est pas en augmentant la place des compositeurs déjà  connus comme Tchaïkovsky, même si je l'estime déconsidérés, que l'on va augmenter celle des compositeurs très peu connus. Je pense que la solution est de se prononcer pour une place raisonnable des compositeurs qui évite tout excès, c'est-à -dire diminuer l'importance de ceux qui occupent une place à  mon avis inconsidérée. Si, après cela, il faut diminuer encore la palce de Tchaïkovski et de quelques autres compositeurs que j'apprécie, pourquoi pas. Il faut parallèlement, et d'ailleurs en premier lieu, développer l'intérêt pour les oeuvres peu connus, mais on doit être conscient, à  mon avis, que l'on ne parviendra pas à  augmenter la considération des compositeurs peu cotés actuellement tant qu'existera le culte de la personnalité liées aux "grands classiques". Remplacer des noms dominants par d'autres ou en ajouter quelques-uns comme Mahler ou Bruckner à  mon avis ne servirait à  rien. En tous cas, ce n'est pas mon optique.

PAGANINI SUPERFICIEL BACH PROFOND
Je suis abonné à  une lsite de diffusion sur le thème de la littéraire. Cette liste converse essentiellement sur la littérature, mais aussi parfois sur les arts plastiques et la musique. Les personnes participant sont sans doute des mélomanes plus occasionnels que sur les listes dédiées à  la musique classique. Voici ce qui dit l'un d'eux a écrit à  propos de Bach et Paganini (reçu la semaine dernière).

"La création musicale chez Paganini était davantage lié a une démonstration de prouesses techniques dans l'utilisation du violon ..un peu comme un bon prof. Démonstration intéressante mais sans réel intérêt musical..et je pense aux prouesses violonistiques du Concerto pour violon no 2 en si mineur op. 7 "La Campanella" et aux 24 Caprices pour violon seul interprétés par Itzhak Perlman. Tandis que J.S. Bach ..hum... du grand art... de la "musique" avant toute chose..quelque chose qui finit par vous habiter....et je pense aux Variations Goldberg - interprétés par Glenn Gould..Toujours et toujours..."

Ce jugement est-il le pur produit d'une sensibilité musicale indépendante ou bien le résultat de l'idéologie véhiculée par la pensée dominante? On peut s'interroger. Chacun pensera ce qu'il veut. En tous cas, ce membre n'est pas le fantôme d'un mélomane du 19e siècle qui serait venu hanter le clavier d'un ordinateur. Pourtant ce mélomane n'a jamais lu probablement ni Robert Bernard, encore moins Edmond Buchet ou Louis Aguettant. En conséquence, je pense que les idées reçues persistent avec force aujourd'hui contrairement à  ce que pense un certain mélomane distingué et que je ne me bats pas contre des moulins à  vent. J'ajouterai la tendance à  inverser les caractéristiques à  mon avis réelles des compositeurs. Pour un peu, c'est Paganini que l'on ferait passer pour un compositeur académique et Bach pour un grand lyrique. C'est exactement la démarche d'André Pirro (que notre grand mélomane évidemment n'a jamais lu). Cela me rappelle aussi les propos affirmé à  l'égard d'un certain autre compositeur que l'on fait passer commodément pour un compositeur académique. Pour rétablir la vérité musicologique, il faut préciser qu'une très grande partie des oeuvres de Bach est écrite dans un but didactique, pédagogique ou religieux, ce qui est tout de même exceptionnel chez Paganini. Les 24 caprices sont sans doute plus comparable aux Etudes transcendantes de Liszt (et pour cause) et aux études de Chopin. Cet extrait me paraît être un véritable document sociologique.

ANTI-ROMANTISME ET ICONOCLASTIE
Il faut distinguer sans doute dans un ouvrage le sens immédiatement visible et les tendances sous-jacentes, inconscientes qui s'expriment à  demi-mot ou de manière contournée. Ainsi, Hennion pense qu'en tout historien d'art se cache un iconoclaste. Je pense que l'antiromantisme n'est qu'une forme d'expression de l'inonoclastie chez les historiographes, une manière de nier l'âme au profit de l'intellect.

LES MAÎTRES DE BEETHOVEN
Il apparaît à  tous avec évidence que le langage typiquement bééthovénien est considérablement différent de celui de Haydn (même si Beethoven a pu écrire des compositions de style classique ou pseudo-classique), qui d'ailleurs n'a sans doute pas de langage propre. En conséquence, Beethoven a-t-il eu réellement besoin de Haydn poru acquérir son langage? L'importance de Haydn pourrait bien être une déformation de l'historiographie musicale. Beethoven a été l'élève de Haydn, mais il a eu d'autres professeurs et l'art si peu expressif (à  mon avis) de Haydn a-t-il été un élément déterminant de sa vocation romantique? Avouez qu'il y a de quoi en douter fortement. Mozart, déjà , me paraît considérablement plus expressif que Haydn. Il faudrait peut-être plutôt évoquer les autres symphonistes de l'école de Mannheim, Cannabich, Dittersdorf, Kraus (les concurrents de Beethoven) pour expliquer l'évolution de ce compositeur plutôt que ses maîtres Haydn, Albrechtberger et même Salieri. Vous ne croyez pas qu'une histoire de la musique établie en prenant uniquement comme jalon des compositeurs reconnus ne s'apparente pas plus à  l'idéologie qu'à  la réalité historique. Quant à Stamitz, il n'a aucun rapport avec le baroque. L'oubli de nombreux compositeurs perdure autant que la permanence du culte de la personnalité associé aux "grands classiques" et le traditionnalisme lié au meintien de la hiérarchie actuelle, que vous contribuez si bien à  entretenir. L'explication, c'est votre propre attitude qui la fournit.

DÉCONSIDÉRATION DES VIRTUOSES-COMPOSITEURS
Je vous ai pourtant communiqué les rangs de Vivaldi, Saint-Saëns, Paganini dans un dictionnaire datant de janvier 2000. Faut-il que j'y ajoute la place de Vieuxtemps, de Winiawski, Viotti et quelques autres pour que vous soyez convaincus. Ce qui s'est produit, à  mon avis, c'est que nous observons aujourd'hui le résultat de la déconsidération des virtuoses-compositeurs au 19e siècle. L'effritement de leur position persiste, même si, comme vous le remarquez justement le discrédit qui leur est attaché en tant que virtuoses-compositeurs a diminué. En quelque sorte, on a oublié la cause du discrédit, mais celui-ci persiste. Cela se traduit par le fait que dans une histoire de la musique il y a 50 ans on consacrait quelques lignes seulement à  Paganini en lui reprochant d'avoir été un virtuose sans pensée musicale alors qu'aujourdhui on lui consacre toujours aussi peu de place, mais sans lui reprocher quoi que ce soit. Certes, d'autres compositeurs qui n'ont été nullement virtuoses ont été oubliés (Dittersdorf et Stamic par exemple), mais le fait que des compositeurs comme Vivaldi, Paganini, Viotti qui furent de grands novateurs et que l'on peut considérer comme des chefs d'école (par l'influence qu'ils ont eu seulement pour certains) soient très loin des "grands classiques" me paraît significatif. Quant à  la persistance des clichés du 19e siècle sur les mélomanes, vous avez pu en juger par le "document sociologique" que j'ai fourni. Mais c'est vrai, vous avez sans doute déjà  oublié que vous l'avez vu. HAYDN ET MOZART D'après les ouvrages, Mozart n'a jamais obtenu les succès ni la notoriété immense de Haydn. Il n'a jamais étteint une notoriété européenne, surtout pendant la seconde partie de son existence où il fut en défaveur auprès du public. Il obtint une gloire locale uniquement (Autriche-Hongrie). Que sa réputation ait été surfaite, comme tous les "grands classiques", à  mon avis certainement, mais pas plus que les autres. J'avoue pour ma part (mais ce n'est qu'une opinion personnelle) trouver beaucoup plus de sensibilité, d'émotion dans les oeuvres de Mozart que dans celles de Haydn (parmi les oeuvres que je connais). Cela ne va pas dans le sens de ma théorie, mais je n'aliène pas mes goûts personnels à  mes hypothèses théoriques. Mozart possède aujourd'hui beaucoup plus de grands succès que Haydn: la "Mache turque", la "Petite musique de nuit"... Même dans le domaine de la symphonie, la 40e est plus célèbre que n'importe quelle symphonie de Haydn.

HAYDN MENTEUR ET MANIPULATEUR? L'AFFAIRE DE LA JAMBE DE HAYDN
J'avais affirmé péremptoirement comme absurde que Haydn voulût de son vivant se parer de l'invention de la symphonie. Suite à  ce que je viens de lire dans le Grove et dans Fétis, je suis amené au moins à  nuancer cette affirmation :

Grove :
"His possible influence [de Sammartini] on Haydn was first mentioned by Carpati [biographe de Haydn],, who recounted that the Bohemian composer Josef Mystivecek (1737-81) on hearing some symphonies by Sammartini about 1780 exclaimed: "I have found the father of Haydn's style. Though Haydn strongly denied any influence of Sammartini in remarks to his biographer GA Griesinger a stydy of Sammartini's music shows a marked affinity between the composers in rythm, structure and even in the province of musical humour (p 544 notice Sammartini).

Or, contrairement aux dénégations de Haydn, les musicologues modernes considèrent bien Sammartini comme un des pères de la symphonie et non Haydn. Si l'anecdote est vrai (et Fétis de son côté la rapporte), Haydn a au moins voulu oblitérer l'apport qu'il doit à  Sammartini. Voici également une note de Fétis qui pourrait être éclairante après la révélation du Grove:

"C'est ici de réfuter une anecdote que Framery et Le Breton ont donnée sur l'autorité de Pleyel, élève de Haydn, et qui a pour objet de ternir la réputation de Gassman, voici comment Le Breton rapporte cette anecdote: "L'empereur Joseph II eut le désir de se l'attacher [Haydn], en l'adjoignant à  son maître de chapelle Gassmann, compositeur très-médiocre, mais intrigant. L'empereur en parla à  ce Gassmann, qui feignit d'être lié à  Haydn, et affecta d'être bien aise de l'avoir pour adjoint; mais il ajouta, avec le ton de la franchise, qu'il ne devait pas dissimuler à  Sa Majesté qu'Haydn manquait d'imagination, et que sa réputation était fondée sur une extrême habileté à  s'emparer des idées des autres et à  les arranger; qu'il était à  l'affût de toutes les nouveautés pour en faire aussitôt son profit. Il proposé à  l'empereur de l'en convaincre sous peu de jours, en plaçant Haydn dans l'orchestre et sous les yeux de sa Majesté elle-même à  la représentation d'un nouvel opéra qu'on allait donner. En effet, Haydn, invité par Gassmann, fut placé à  côté de lui, et le maître de chapelle, feignant d'avoir oublié son agenda et ses lunettes, pria Haydn, qu'il savait être toujours pourvu des moyens d'écrire les idées que son génie abondant lui fournissait, de tenir note, pour l'empereur qui l'avait demandé, des thèmes de tous les morceaux que Gassmann indiquerait. A chaque motif neuf ou piquant, le genou d'Haydn était pressé, et sa main docile écrivait. l'empereur fut persuadé. Si ce prince eût réfléchi qu'il était plus sûr de s'en rapporter à  la renommée qu'à  un avis qui pouvait être suspect, et qu'il était impossible qu'un plagiaire habituel ne fut dénoncé à  l'opinion publique par les auteurs intéressés à  réclamer contre lui, il n'autait pas été dupe de la fourberie de Gassmann, et, ce qui est plus grave pour un souverain, il n'autait pas sacrifié un homme de génie à  un vil intrigant. Au reste, la modestie de Haydn et l'isolement dans lequel il vivait assuraient l'impunité de Gassmann. Cette anecdote que M. Pleyel tient de son illustre maître, est en quelque sorte garantie par le mépris attaché au nom de Gassmann". Tout est de nature à  causer de l'étonnement dans de récit; tout en démontre la fausseté... A l'égard de Gassmann, représenté comme un vil intrigant et comme un homme généralement méprisé, on peut affirmer au contraire, que jamais le moindre bruit injurieux ne s'est élevé contre lui, et qu'on ne trouve rien de pareil dans les biographies allemandes..."

Cette anecdote invraisemblable est évidemment fausse comme le démontre Fétis, elle montre donc que ce n'est pas Gassman qui est un manipulateur, mais Pleyel, partisan de Haydn. A moins que Haydn, le premier bénéficiaire de ce ragot, lui même n'en soit à  l'origine. On ne peut l'affirmer, cependant l'anecdote précédente rapportée par le Grove induit à  certaines réserves sur la franchise de Haydn.

Plusieurs enseignements sont à  mon avis apportés par ces anecdotes:
-Il existait sans doute un combat impitoyable de concurrence entre les compositeurs permettant probablement aux plus courtisans ou aux plus malins de se faire valoir par rapport aux autres, peut-être même si leur musique était plus médiocre ou au moins de valeur identique.
-La transmission de l'anecdote fausse rapportée par Fétis montre que les partisans de Haydn (sinon Haydn lui-même) tentaient de ternir les mérites de leurs concurents. ceci d'autant plus que Gassman était un compositeur lui aussi réputé et que les travaux récents le montrent comme un des devanceurs de Haydn, et le rôle de Gassman fut important dans l'évènement de la symphonie (travaux de Dominique Patier)
Certes, il faut naturellement ramener à  leur juste proportion ces menues anecdotes. Elles doivent inciter néanmoins à  considérer avec une certaine circonspection l'importance acquise par certains compositeurs (que ce soit de leur vivant ou après leur mort), notamment lorsque l'on constate qu'ils n'ont pas été devanciers, mais suiveurs.

L'ÉCOLE FRANCO-BELGE - COMPOSITEURS DES PETITS PAYS
Je connais "Musique en Wallonie", come vous dites, c'est assez limité. Je pense personnellement qu'il ne faudrait pas concevoir la musique dans l'optique du notionalisme, mas plutôt de l'universalisme. Je m'intéresse personnellement à  l'école franco-belge de violon car il me semble qu'elle est à  l'origine d'une richesse d'oeuvres incomparable et qu'elle a réprésenté une certaine idée du lyrisme et du violonisme au 19e siècle. Sur les traces de Viotti et Paganini, elle a, me semble-t-il, notamment contribué à  opérer la fusion entre le virtuosité transcendante et l'orchestration berliozienne. L'expression romantique y prend également une coloration différente de celle de ses prédécesseurs. Malheureusement, il faut bien constater que la meilleure promotion pour les compositeurs issus de petits pays est constituée par l'effort de promotion national. Si les chefs d'orchestre et solistes nationaux ne participent pas à  une promotion de leur musique nationale, qui le fera à  leur place? Quelle serait aujourd'hui la place de Tchaïkovsky si cet effort n'avait pas été fait? Je signalais déjà  sur cette liste il y a quelques mois le désavantage que subissaient les compositeurs issus de petits pays européens s'ils ne s'expatriaient pas dans les grandes capitales les plus en vue. Voilà  encore un autre facteur qui doit nous inciter à  accorder une confiance très relative à  la hiérarchie des compositeurs établie par l'historiographie.

L'IDÉOLOGIE DÉBUSQUÉE PAR THÉODORE STAWINSKI
Je viens de découvrir en la personne de Théodore Strawinski (collaborateur de l'ouvrage collectif "Les musiciens célèbres" - Ed. Mazenod, [1950]) quelqu'un qui partageait la même maladie mentale que moi. Il croit voir dans notre monde musical parfait certaines attitudes qui naturellement n'exitent pas. Voici son commentaire à  propos de Tchaïkovski:

"Il [Tchaïkovski] offre ceci de particulier, c'est qu'après avoir connu à  l'époque une très grande vogue, sa musique passa ensuite par une période de discrédit auprès de toute une génération de musiciens, discrédit qui se perpétue aujourd'hui [en 1950] encore dans de nombreux milieux. L'opinion courante sur T. demeure embourbée dans une foule de préjugés et cela malgré le revirement en sa faveur depuis 25 ans dans toute une jeune élite" p 209 "Il est vrai, nous l'avons dit, du désaveu des musiciens de toute une génération, donc une élite, mais qui ne devait pas tarder à  gagner tout le public moyen et cela surtout en France" p 209

Un certain modérateur d'une ceraine liste m'avait fait remarquer que l'"élite" ne pouvait influer sur le public car celui-ci ne lisait jamais les ouvrages d'hisoriographie musicale (ou si peu de personnes). Je ne suis donc pas le seul à  soutenir cette idée assurément absurde. C'est au moins réconfortant. Mais Théodore Strawinski va plus loin que moi (il est assurément encore plus atteint). Voici les idées absolument invraisemblables qu'il ose soutenir:

"Or, être pour ou contre Tchaïkovsky dénote aujourd'hui [en 1950] toute une mentalité, toute une attitude devant l'art en général" p 210 "Au fond, il met en cause non seulement l'esthétique de Piotr illitch, mais de toute une famille de musiciens à  laquelle incontestablement il appartient. Ainsi, de nombreux mélomanes croiraient déchoir en prenant plaisir à  la musique d'un Gounod, d'un donizetti, d'un Verdi... C'est que l'idée bien arrêtée, assez étroite, et pour tout dire primaire qu'ils se font de ce qui est noble et de ce qui en l'est pas, de ce qui est ou n'est pas de bon ton, préside à  tous leurs jugements" p 210 "Mais il y a autre chose, croyons-nous, et c'est là  peut-être la clé du problème: on trouve en effet à  la racine de cette mentalité si répandue dans le monde intellectuel d'aujourd'hui [en 1950] un indéracinable préjugé contre une certaine facilité, une certaine légèreté, une certaine élégance spontanée, une certaine qualité de grâce pour tout dire, qui fut pendant des siècles une des constante de leur art. D'où la défiance très marquée chez les représentants de cette mentalité envers ce qu'il est convenu d'appeler l'italianisme. or, tout cela réuni chez un Russe, comme dans le cas de Tchaïkovsky, voilà  qui dépasse les bornes" p 210

Evidemment, cela se situe en 1950 et aujourd'hui, assurément, plus rien ne subsiste de cet état d'esprit, si jamais il a existé un jour. Mais alors, comment se fait-il que le fameux ouvrage de Rebatet, le plus emblématique de cet esprit, vient d'être réédité? Comment se fait-il que s'exprime ici ou là , des "documents sociologiques" qui ne sont pas écrits par des fantômes du 19e siècle revenus hanter les claviers d'ordinateurs. Mais, à  propos, où est donc passsé notre modérateur favori. Nous n'avons pas épuisé la liste des sujets qu'il avait récemment abordés en privé.

PERSISTANCE DES CLICHÈS IDÉOLOGIQUES
Nous sommes sortis, dites-vous, de ces époques obscurantistes où certains compositeurs ne satisfaisant pas aux critères sélectifs des Intellectuels se trouvaient ostracisés. Vous avez raison dans une certaine mesure, mais ces "époques obscurantes" n'ont pas moins permis d'établir une hiérarchie des compositeurs difficilement modifiable. Et, par un hasard extraordinaire, vous qui semblez opposés à cet "obscurantisme" êtes un des plus acharnés à en maintenir le résultat. C'est toute l'histoire de la musique qu'il faudrait réécrire en gommant les distorsions introduites par cette idéologie qui s'est établie depuis 1 siècle et demi. Voici encore quelques chiffres significatifs, quoique j'abandonne tout espoir que vous en reconnaissiez la validité.
L'histoire de la musique de Jacques Lory (1971) consacre 2, 4 fois plus de place à  Bach qu'à  Vivaldi. L'"Histoire de la Musique occidentale" de 1983 (ouvrage de plus de 800 pages écrit par 17 spécialistes) consacre 15,5 pages à  Bach contre 5,5 à  Vivaldi soit un rapport de 3 à  1. L'"Histoire de la Musique de Larousse" (2000) consacre 571 lignes à  Bach contre 80 lignes à  Vivaldi, soit un rapport de 7 à  1. La "Petite encyclopédie de la musique", 1997, consacre dans son histoire de la musique 76 lignes à  Bach contre 5 à  Vivaldi, soit un rapport de plus 15 à  1. Ces ouvrages persistent à  consacrer un chapitre particulier à  Bach, Haendel, voire Telemann alors que Vivaldi est généralement relégué dans les pages traitant de l'évolution du concerto. Dans l'"Histoire de la Musique de Larousse" (2000), ouvrage le plus récent que j'ai, l'importance de Tchaïkovsky (par rapport au compositeur le plus représenté), est 0,11; dans l'ouvrage de Michels Ulrich : 0.25 ; dans celle de Lory (1971) : 0,11. Quand a la place de Vieuxtemps, Paganini, Viotti, grands compositeurs-virtuoses décriés par les musicographes du 19e siècle, elle est quasiment toujours aussi nulle. Rien n'a changé. Tous ces compositeurs (Tchaïkovski, Vivaldi... et même Saint-Saëns) arrivent derrière Boulez, Berg notamment dans la musique de Larousse 2000. Quant à  l'attitude générale des mélomanes, notamment sur les listes de dialogue, chacun a pu se rendre compte que la liberté d'esprit que vous évoquez n'y est pas tourjous présente. J'ai publié plusieurs "réactions" de mélomanes puisés sur des listes, vous pouvez vous reporter aux archives de forum classique. Je suis personna non grata sur une certaine liste qui refuse d'entendre le langage que je vous tiens là. Le changement demeure donc assez relatif.

UNE INTERPRÉTATION DE LA PATHÉTIQUE
Cette valse pourrait être en effet une image de la société aristocratique froide et superficielle. L'interprétation que vous proposez ne me paraît pas impossible. Quoi qu'il en soit, ce mouvement me paraît lancinant en soi, même s'il revêt une signification réelle voulue par le compositeur. Cette valse peut être l'image de la vie même. On pourrait voir aussi dans le mouvement suivant l'épisode de la fuite en train après le mariage raté de Tchaïkovski et aussi un symbole désincarné du destin. Le dernier mouvement, lui, serait l'épisode du suicide, raté lui aussi, dans un lac. Ou bien le troisième mouvement pourrait être l'image du fatum, il faut bien l'introduire quelque part. Certains commentateurs ont pensé, d'ailleurs, que le fatum, était un artifice litéttéraire superficiel de la part de Tchaïkovski. Tout cela ne me convainc pas sur l'intérêt des 2 et 3e mouvements.

RÉÉDITION DU REBATET
La réédition du Rebatet ne serait, selon vous, qu'une démarche épistémologique et naturellement, en aucun cas, le témoin de la persistance d'une idéologie. Voici le résumé de l'ouvrage d'après le libraire électronique www.chapitre.com., probablement la reprise de la 4e de couverture composée par l'éditeur. Cela ne semble pas correspondre à  ce que vous dites!

"L'ouvrage est admirable. L'étendue des connaissances confond chez un simple mélomane. La science séduit, mais aussi l'entrain, la clarté, l'équilibre, une équité remarquable, la constance dans la sûreté et l'autorité du jugement. Cette Histoire s'adresse à  tous ceux qui voient dans la musique autre chose qu'un fond sonore et ne se contentent pas de ce que l'on appelle la musique d'ameublement. Elle s'adresse aussi aux simples amateurs de lecture. C'est l'oeuvre d'un écrivain comme on en voit peu. Quand on a entre les mains un livre de ce genre, on peut difficilement résister au plaisir de l'ouvrir dans tous les sens pour voir ce que l'auteur dit de celui-ci ou de celui-là . Ce n'est pas du tout comme cela qu'il faut lire Une histoire de la musique. Ce vaste et foisonnant récit n'a rien d'un catalogue, ni même d'une galerie de portraits... Aussi ce livre est-il d'un bout à  l'autre le livre du mouvement. On y suit la marche constante de la musique, on y refait ses conquêtes, depuis les flûtes aurignaciennes, 60000 ans avant Jésus-Christ, jusqu'à  Boulez et Xenakis. Sous peine de n'y pas saisir grand-chose, il faut le prendre au départ et suivre son merveilleux courant."

ÉVICTION DE CERTAINS COMPOSITEURS
Il suffit de comparer la place relative accordée à  chaque compositeur dans les ouvrages. Comme l'a dit Robert Bernard lui-même dans sa préface pour justifier ses commentaires critiques, "l'éviction est le plus impitoyable des jugements". Le "culturellement correct", aujourd'hui, et aussi, il faut le reconnaître, la recherche d'un réel esprit scientifique, interdit dans une histoire de la musique de polémiquer comme se plaisait à  le faire Fétis en son temps. Le jugement se traduit par l'importance plus ou moins grande accordée à  un compositeur. Mais là -dessus laissons le Robert Bernard puisque vous semblez penser qu'il est sorti de mon imagination et passons au Honneger puisque vous l'évoquez (édition de 1982) que j'ai entre les mains: Considérons la représentativité du pianiste-compositeur le plus célèbre du 19e siècle et du violoniste-compositeur également le plus célèbre de ce siècle par rapport au compositeur le plus représenté dans l'ouvrage: Bach (en comptant l'espace représenté par texte+gravures+extraits de partitions): Liszt : 0,093 soit 1/11 (11 fois moins représenté que Bach) Paganini : 0,006 soit 1/167 (167 fois moins représenté que Bach) (exactement 7,5 lignes sur Paganini dans un ouvrage de 630 pages format 24cm x18cm) Et si vous voulez Tchaïkovsky : 0,174 soit 1/6 environ Quant à  Vieuxtemps, il n'est même pas cité. Il n'a sans doute jamais existé, pas plus que Khatchturian d'ailleurs. En revanche, Stockausen jouit d'une représentativité 1,5 fois supérieure à  celle de Liszt, 1,3 fois supérieure à  celle de Vivaldi. Bien sûr, tout est correct dans cet ouvrage, pas le moindre mot de déconsidération envers qui que ce soit. Je préfère encore Bernard qui écrivait une diatribe de 2 pages contre Viotti, au moins on savait qu'il existait.

COMPLOT OU IMPRÉGRATION IDÉOLOGIQUE
Le terme de complot me semble impropre à  représenter une imprégnation idéologique caractérisant une époque ou un milieu. En revanche, il est idoine dans le cas d'une cabale dirigée contre un compositeur par des personnes précises dans une circonstance précise, par exemple lors de la première de Pelléas. Un de nos membres, a donné d'autres exemples là -dessus montrant que le "complot" n'avait peut-être pas joué un rôle négligeable. Et nous avons vu à  propos de Haydn, par les "ragots" rapportés par Fétis, cette lutte d'influence psychologique sourde entre les compositeurs et les écoles. Quoi qu'il en soit, il me semble impératif de différentier le "complot" de l'orientation générale souvent diffuse d'une mentalité dans une société ou une intelligentia qui est un autre phénomène. Pour quelles raisons existe cette tendance idéologique qui condamne la virtuosité, le romantisme, l'élégance naturelle, la grâce...? C'est la question que l'on peut se poser. Je n'ai pas de réponse absolue. Je pense que c'est une attitude de l'esprit raisonnant dirigée contre l'art, la beauté, tout ce qui représente une manifestation supérieure de l'âme et que les Intellectuels ne peuvent comprendre. Donc, ils condamnent ce qu'ils ne peuvent comprendre et qui fait concurrence à  leur domaine de connaissance, et surtout ce qui peut nuire à leur prééminence dans la société avec tous les avantages - même financiers - qui en découlent. Cela procèderait du phénomène de la défense du soi d'une manière générale. Ce n'est qu'une hypothèse. Je pense que les mélomanes et les solistes, effectivement, ne peuvent s'affranchir des contraintes idéologiques perpétrées par les Intellectuels. Il y parviennent tout de même parfois. Le discrédit des Intellectuels contre Tchaïkovsky n'a pas réussi à  détourner le public ni les solistes du "Concerto n°1", sauf que la valeur du concerto n'est acceptée qu'avec réticence dans les ouvrages. L'idéologie ne gouverne pas tout heureusement. La pensée philosophique est bien restée pendant 15 siècles sous la tutelle de l'idéologie religieuse du judéo-christianisme avant de s'en affranchir à la Renaissance. Donc, vous voyez que mon hypothèse n'est pas une absurdité. D'ailleurs, je n'en ai sans doute pas la paternité, nous sommes sans doute un certain nombre à  le penser. Beaucoup préfèrent le taire. Au Moyen Age, on croît qu'il n'existait pas d'éthées, il en existait (les esprits "forts"), mais il n'était pas question pour eux de le faire savoir.

LA CÉLÉBRITÉ DU TEMPS D'UN COMPOSITEUR
La célébrité en son temps n'apprend sans doute rien sur la valeur intrinsèque des oeuvres, mais elle témoigne de l'importance "historique" de ce compositeur ou d'un aspect au moins objectif de son importance, ce dont doit à  mon avis tenir compte un ouvrage d'histoire de la musique. En l'occurence, la différence entre la célébrité en leur temps de ces compositeurs et la place qui leur est accordée dans prouve le laminage réalisé par l'historiographe. C'est simplement ce que je m'évertue à  vous démontrer. Peut-être l'historiographe, sur le plan musical, a-t-il raison de laminer Liszt et Paganini? C'est un autre problème. Mais il ne faut pas prétendre qu'il ne les lamine pas, au moins pour Paganini. Liszt est beaucoup mieux représenté dans d'autres ouvrages. J'ajouterai que la notoriété actuelle (et non pas seulement au 19e siècle) de ces deux compositeurs me semble supérieure également à la place qui leur est accordée dans l'ouvrage.

IDÉOLOGIE ET TENDANCES DU PUBLIC
L'idéologie me paraît marquer son empreinte sur la musique classique de manière puissante au point d'avoir engendré une hiérarchie des compositeurs très orientée et ne traduisant pas, sinon une hypothétique "valeur" musicale, tout au moins l'importance historique des compositeurs et les penchants réel du public. Cependant cette emprise idéologique se trouve limitée par des forces antagonistes. A mon avis, la représentativité des compositeurs subissant le désaveu de la classe intellectuelle est maintenue dans une certaine meusure en raison deS facteurs suivants: -la puissance du public (et donc en partie du marché consécutif) qui parvient à  infléchir les choix des Intellectuels en leur imposant certains noms. Les Intellectuels ne peuvent pas totalement passer sous silence les compositeurs qu'ils désapprouvent sous peine de faire apparaître un hiatus trop gênant entre leur notoriété et l'importance du commentaire qu'ils leur accorde. Ainsi, ils "récupèrent" les compositeurs qui leur sont imposés par le public. L'importance de Tchaïkovsky à  cet égard est significative, quoique celui-ci ait bénéficié aussi d'un certain culte nationaliste en Russie qui relève aussi de l'idéologie. -la limite est également atteinte lorsque les choix des Intellectuels, dans leur absence de réalisme et leur irresponsabilité, se portent sur des compositeurs et oeuvres quasiment inaudibles. Il n'est pas nécessaire que je précise. -la rigueur intellectuelle et l'objectivité réelle des musicologues qui rendront compte du rôle des compositeurs dans l'évolution stylistique, l'avènement des nouveaux genres. Or, ce sont souvent les compositeurs méprisés qui sont à  l'origine des nouveautés. Le cas de Vivaldi ici est significatif. L'histoire de la musique Larousse titre (comme le Honneger d'ailleurs) : "Trois grands compositeurs baroque: Bach, Haendel, Telemann". Vivaldi "survit" tout de même grâce à  un paragraphe consacré à  l'évolution du concerto et à  l'évolution de la symphonie d'où Bach, Haendel, Telemann sont absents car ils n'ont rien inventé. -l'importance des oeuvres de vituosité pour les solistes actuels qui doivent faire leur preuve avec les compositions les plus virtuoses ayant acquis depuis le 19e siècle une réputation; la survivance d'un répertoire spécifique lié à  chaque instrument sous la forme souvent de la pédagogie. -l'ouverture d'esprit d'une très petite partie des musicologues qui ne s'inscrivent pas dans la philosophie ambiante de l'antivirtuosité ou de l'approbation systématique à la domination des grands classiques, sans toutefois entrer en conflit ouvert avec leurs confrères. On peut donner l'exemple de Pincherle, ou de Handschin. Les encyclopédies et ouvrages d'historiographie tiennent parfois compte de l'existence de ces travaux ou même produisent des articles de ces musicologues (La musique de la Pléiade, et même le Robert Bernard). Au total, la hiérarchie des compositeurs serait principalement la résultante de deux forces antagonistes: le discours des Intellectuels et les tendances du public.

LE CONCERTO POUR PIANO DE CÉSAR FRANCK
J'insisterais particulièrement pour présenter l'intérêt de ce concerto, -pour moi, c'est un grand -même par rapport aux variations symphoniques. Il est très "chopinien", utilisant le style en demi-teinte, le chromatisme, les gammes rapides évanescentes... si spécial des concertos de Chopin lui-même. Franck l'avait écrit très jeune, je crois et sa date de composition n'est pas si éloignée que cela des concertos de Chopin contrairement à  ce qu'on pourrait croire. Le père Franck, ce compositeur adorablement naïf, ne me paraît pas toujours avoir suivi une évolution positive. Quel dommage pour le jeune virtuose qu'il fut. Il fut un des "ennemis" de Saint-Saëns (qui en avait beaucoup).

COMPOSITEUR SYMBOLE DE LA MUSIQUE CLASSIQUE
Le compositeur qui, habituellement est le symbole de la musique classique, est, je crois, Mozart. Il caractérise plutôt la délicatesse, l'élévation propre à  la musique classique alors que Bach est le symbole plus aride du mélomane passionné (supérieur évidemment). Quant à  Grieg, si vous dites en être passionné (ce qui est mon cas), vous avez plus de chance que votre auditoire vous gausse ou qu'on vous considère avec condescendance. Bien évidemment, un certain mélomane distingué de notre connaissance dira que tout cela est une invention de ma part.

LE CONCERTO POUR HARPE DE GLIERE
Le "Concerto pour harpe" de Gliere est certainement l'oeuvre que j'admire le plus de ce compositeur. A mon avis un chef-d'oeuvre d'impressionnisme, elle me rappelle un peu la "Ballade" de Fauré pour piano et orchestre et les "Variations symphoniques" de Turina pour piano et orchestre également. le concerto pour harpe de Gliere, une oeuvre qui évoque le rêve, des crescendos qui s'enflent insensiblement et se résorbent sans jamais heurter, évoquant le repos de l'âme ou quelque souvenir nostalgique aimable.

THÉORIE SOCIOLOGIQUE ET RESPECT DES MÉLOMANES
Vous essayez de m'expliquer depuis 2 ans que ma théorie ne respecte pas les mélomanes. J'essaie de vous expliquez aussi depuis deux ans que toute théorie d'ordre sociologique aboutit à  considérer l'intervention, sinon la prépondérance, de facteurs extra-musicaux dans notre comportement vis-à -vis de la musique et que l'on ne doit pas assujettir la recherche de la vérité - sans pour autant affirmer qu'on la détient - à  des considérations d'ordre moral. On pourrait en dire de même de la théorie de l'Evolution de Darwin. Doit-on la refuser sous le prétexte qu'elle ne respecte pas notre dignité? D'autre part, je ne prétend pas personnellement être capable d'éliminer tout facteur idéologique de mes jugements sur les oeuvres. Vouloir se croire un esprit pur, réfractaire à  toute influence ne procède-t-il pas d'un sentiment d'orgueil. Soyons plus humble.

CONCERTOS POUR PIANO HÉTÉRODOXES
Pour satisfaire un peu plus la curiosité des amateurs de concertos pour piano, voici quelques compléments sur les oeuvres concertantes pour piano et orchestre dont la composition instrumentale s'écarte de l'orthodoxie (ils ont été établis par mon ami Jean-Michel Perchrancier): Il existe 3 oeuvres pour 3 pianos et orchestre (Arnold, Jacob, Winne),ce qui est pour le moins étonnant contre 17 pour piano à  quatre mains (parmi lesquels Clementi, Czerny, Arnold...). Ces possibilités instrumentales me paraissent difficilement compatibles avec ce qui constitue l'essence de l'oeuvre concertante, la mise en relief du soliste. Je ne vois d'ailleurs aucune oeuvre qui m'est séduite parmi ces genres, cependant bien peu, il faut le reconnaître ont été recréés. Que dire alors des oeuvres pour 4 claviers et orchestre de Bach, Czerny, Gould, Vengazo! En revanche parmi les oeuvres pour 2 piano et orchestre (167 oeuvres), il y a naturellement la célèbre "Fantaisie zoologique" de l'obscur compositeur académique. Ce qui est relativement étonnant, c'est que l'oeuvre à  l'audition ne se différentie guère, à  mon avis, d'une euvre pour piano seul dans le sens où le second soliste n'introduit aucune lourdeur ni aucune complication inesthétique. Il faut vraiment écouter attentivement pour constater qu'il y a effectivement 2 solistes.

LA FOLIE VIVALDI
"La folie Vivaldi", tel est le titre choisi par "Le monde de la musique" pour évoquer le compositeur vénitien, titre qui est une allusion à  la frénésie du public à  l'égard de cette musique. Le contraste entre l'engouement du public et le jugement réservé des élites musicographiques est bien patent, comme je le pensais et quoique en dise(nt) certaine(s) personne(s) :-). "Les quatre saisons sont sans conteste l'oeuvre classique la plus populaire au monde" écrit Olivier Bellamy. On compte 175 versions enregistrées, ce qui n'est sans doute pas le record et ne prouve en rien l'adhésion du public, mais c'est le nombre de ventes qui l'attesterait. De nombreuses versions se sont maintenues en tête des ventes pendant de longs mois assure le même auteur. Les avis sont cependant partagés sur la valeur du compositeur. Si Eric Tanguy le considère comme un grand génie, Fabio Bondi demeure plus réservé. Tanguy dit: "C'est un romantique" "Ce qui est unique chez certains compositeurs comme Vivaldi, Sibelius ou Dutilleux, c'est que la sonorité qu'ils obtiennent est la propriété exclusive de leur auteurs" "il utilise l'art de Corelli et Frescobaldi avec une grande force dramatique" Biondi, lui, affirme: Les moments d'émotion vraie sont rares, puis, au journaliste qui lui pose la question: "Pour vous, Vivaldi est-il un génie ?" (au passage, imaginons le scandale si la même phrase était posée à  propos d'un "grand classique"): "Il y a une écriture d'une évidente uniformité. Vivaldi utilise des formules stéréotypées et les mêle à  une écriture violonistique brillante, mais pas suffisamment développée. La quantité de musique n'est pas proportionnelle à  la densité du matériau." Sur l'uniformité des concertos de Vivaldi, les avis divergent. Tanguy lui, affirme: Quand j'entens dire que Vivaldi utilise toujours le même moule pour ses concertos, je bondis car c'est absolument faux. Une partie de son génie réside dans son invention permanente de la forme. Son langage harmonique est d'une fabuleuse richesse... Marcon, de son côté affirme: La musique de Vivaldi souffre encore aujourd'hui d'une mauvaise réputation on la dit trop facile, complaisante et répétitive. Cela tient à  une connaissance insuffisante de son répertoire." Marcon pense que les meilleures oeuvres de Vivaldi ne sont pas l'opus 3, 4, ni même 8 ou 9 (qu'il semble plus ou moins mépriser), mais les concertos non publiés de la dernière période, (ceux précisément que lui Marcon contribue à  faire connaître). Le langage de Marcon ne serait-il pas un plaidoyer pro domo? Petit rappel historique: c'est Luigi Dallapicola qui a déclaré le premier que Vivaldi avait écrit 600 fois le même concerto. Déjà , les spécialistes disaient du temps de Vivaldi d'après ce que nous rapporte Goldoni: "Les bons connaisseurs disent qu'il était faible en contrepoint et qu'il maltraitait les basses". Vingt-six ans plus tard Goldoni, qui l'admirait, affirme que Vivaldi est "un compositeur médiocre". Sans doute est-il devenu entre temps un "bon connaisseur". Personnellement, je serais tenté de donner raison à  Biondi si on compare Vivaldi aux compositeurs romantiques, mais à  Tanguy si on compare Vivaldi aux autres compositeurs de l'époque baroque. Quelles que soient les avancées de Vivaldi, sa musique demeure baroque par de nombreux aspects, affirmer qu'elle est assujettie à  certains procédés est peut-être exagéré, cependant il me semble que Vivaldi recourt parfois à  des formules thématiques similaires, sauf peut-être dans certains concertos dramatiques comme les "Quatre saisons". La succession tutti-soli systématique me paraît lassante dans un grand nombre de concertos et l'on ne peut masquer le caractère rudimentaire de nombreux tutti. Les possibilités du violon sont insuffisamment développées, vrai aussi dans une certaine mesure. Objectivement, il faut le reconnaître, par rapport à  la technique du 19e siècle. Des "Quatre saisons", Olivier Bellamy dit: "Vivaldi donne une vision dramatique et impressionniste de la nature qui dépasse largement le cadre descriptif. Les quatre saisons sont plus proches de La mer de debussy que du coucou de Daquin.". Je dirais oui et non. Oui dans l'esprit, non dans le type d'écriture utilisée. Personnellement, je pense que l'impressionnisme vivaldien demeure fort différent de l'impressionnisme du début du 20e siècle, mais je pense que le terme d'impressionnisme est approprié. Et le coucou n'a-t-il pas une certaine teinte impressionniste, c'est à  mon avis une pièce remarquable dont on ne doit pas minimiser la valeur et qui n'est pas négligeable comparée aux "Quatre saisons". Les "Quatre saisons" sont peut-être une oeuvre unique dans la mesure où elle représentent une fusion baroque-classique-romantique-impressionniste-moderne originale. On aurait pu penser qu'une telle oeuvre ait été écrite au 20e siècle pour cumuler tous les styles, cependant elle ne me semble en aucun cas résumer les procédés qui furent à  l'oeuvre pendant 2 siècles d'histoire de la musique, souvent fort différent, mais elle induit des affects comparables.

MARCON ET BIONDI À PROPOS DE VIVALDI
Je pense que Marcon a effectivement montré la valeur de certains concertos sans numéro d'opus datant de la période "de maturité" de Vivaldi, le RV 177, mais ces oeuvres ne me paraissent pas supérieures à  celle de l'opus 8 et il ne faut pas oublier le déchet, à  mon avis: des concertos pseudo-classique dans le style galant un peu à la manière de Mozart. Ensuite, Marcon n'a pas fait de découverte fracassante à mon avis, Vitold déjà  avait enregistré des concertos sans numéros d'opus qui me paraissent également appartenir à  la période dite "de maturié". Donc, je donnerai tout de même raison sur ce point en partie à  Biondi, cependant est-il vraiment opportun de se livrer sinon à  une surexploitation (on est loin de ce qui existe pour les "grands classiques"), mais à  une exploitation qui entraîne fatalement la négligence d'autres compositeurs. Marcon nous répète à  l'envi que Vivaldi fut influencé par les Napolitains (mais il ne cite personne). ne s'agirait-il pas plutôt en ce qui concerne l'opéra que la littérature violonistique? Pourquoi Marcon ne nous proposerait-il pas quelques oeuvres de ces Napolitains plutôt que de nous livrer les oeuvres de Vivaldi où leur influence serait perceptible? L'histoire de la musique pour violon, à  mon avis, nous reste inaccessible en grande partie, qu'il s'agisse de l'école italienne du 18e ou de l'école franco-belge, de l'école polonaise ou du reste... à  moins de parcourir les bibliothèques et de lire les partitions.

VIVALDI ET SIBÉLIUS SELON TANGUY
Eric Tanguy cite par trois fois le nom de Sibelius dans son article sur Vivaldi. Il rapproche ces deux compositeurs alors que Bach lui semble appartenir à  une autre planète. Je suis également fervent de Vivaldi et Sibelius, pour autant, le rapprochement que fait Tanguy entre ces deux compositeurs est-il justifié? Oui et non sans doute. Tout d'abord, l'un appartient à  la période baroque, même s'il prétend s'en dégager, l'autre est un compositeur du début du 20e siècle. L'un affectionne le style concertant, le second le style symphonique. En outre, on pourrait plutôt les opposer en considérant que l'un a développé le culte de la vitesse et l'autre de la lenteur. N'est-ce pas aussi un rapprochement car tous deux ont réalisé une approche de la musique dans laquelle le tempo joue un rôle fondamental. Biondi le remarque à  propos de Vivaldi: "La vitesse était pour lui le miroir du génie. C'était à  mon sens l'expression d'une angoisse existentielle". Tous deux ont recherché cette ivresse orgastique du son et ces longues progressions thématiques dont la résolution apparaît incertaine.

VIVALDI ET SIBÉLIUS
Je partage votre avis contre Tanguy à  quelques nuances près dans le sens où la thématique de ces deux compositeurs me semble sans rapport, ce qui est consécutif du décalage temporel, ils n'appartiennent pas à  la même époque et donc pas à  la même esthétique. C'est tout de même une donnée fondamentale que l'on ne peut raisonnablement oublier. Les correspondances que l'on peut établir à  un niveau philosophique supérieur doivent sans doute être considérées avec précaution. Cependant, si on avait à  regouper les 3 compositeurs Bach, Vivaldi, Sibelius, ne serait-on pas tenté de réunir les deux derniers et les opposer au premier? Vivaldi "ensoleillé", cela ne me paraît pas toujours évident, notamment dans ses concertos dramatiques comme les 2 concertos "La tempesta di mare" ou l'"inquietudine". Et dans les "Quatre saisons", y a-t-il beaucoup de soleil? peut-être plutôt une sorte de tristesse indicible. Dans l'été, la canicule est vécue comme un accablement, non comme une bénédiction d'Apollon. En ce qui concerne la forme, je ne pense pas que la forme-sonate existait du temps de Vivaldi, nous sommes encore à  l'époque baroque, mais il est vrai que Vivaldi utilise très souvent la succession très limitée tutti soli, on est à  des années-lumière de cette liberté totale de la forme qui s'est développée à  l'époque impressionnisme. Sibelius pessimiste, oui, cela me paraît être le mot juste, pessimiste, mais non désespéré, cependant l'angoisse du pessimisme est peut-être un état plus profond que celui du désespoir.

COMPOSITEURS ESPAGNOLS DU 19E SIÈCLE - EGK, HARTMAN, ZIMMERMANN, FOERSTER
N'est-il pas significatif que les deux meilleurs CD que j'ai écoutés cette année soient le CD (8.554497 DDD) consacré au violon nordique (avec des oeuvres très peu connus de Johan Halvorsen notamment) et celui que je viens de découvrir (Sony GCD 2K0501) sur les oeuvres pour piano romantiques espagnoles (comprenant lui aussi des oeuvres très peu connues (notamment de Martial Adalid). Certains de ces compositeurs du milieu du 19e siècle ne figurent même pas sur le fameux dictionnaire Grove (mais Adalid, le plus connu d'entre, eux y figure). Ces compositeurs nous révèlent à mon avis un style pianistique où la marque rhapsodique est peu sensible, d'une originalité moins marqué que le style nordique (nous ne sommes pas non plus sensiblement à la même époque). C'est sans doute à la génération suivante qu'il appartiendra d'acquérir cette originalité. Sur l'extrait en audio real que je vous invite à écouter, on peut découvrir des effets comparables à ceux rencontrés chez Gottshalk: glissandi ascendants et notes répétées dans l'extrême-aigu. Pour le reste, l'écriture évoque le style contemporain (de l'époque) que ces compositeurs, pour la plupart, allaient puiser à Paris, la capitale la plus proche où l'on pouvait entendre tous les artistes internationaux. Il en est ainsi pour Martin Sanchez Allu, Eduardo Ocon... seul Teobaldo Power Lugo-Vina introduit une touche de rhapsodisme. Que dire des quelques concertos pour violon du 20e siècle réunis dans le CD Koch 3-1075-2 (Egk, Hartman, Zimmermann), seul le premier me paraît devoir être pris en considération, un néo-classique au lyrisme réel à mon avis, qui n'en demeure pas moins rudimentaire du point de vue symphonique. Mieux cependant que la "Symphonie n°4" de Foerster, à mon avis massive et peu lyrique. Harmonie et mélodie, tel est le titre de mon éditorial, emprunté à un ouvrage de Saint-Saëns qui eut un certain retentissement. Si les "harmonistes" et "mélodistes" sont réconciliés, la divergence n'en a pas moins conditionné une certaine attitude envers la musique, à mon avis, toujours perceptible actuellement et que l'on est pas près de faire disparaître. Le regain actuel d'intérêt pour certains symphonistes comme Bruckner et Mahler alors que les grandes oeuvres concertantes, pour violon notamment, du 19e restent dans l'ombre n'est-il pas significatif? C'est curieux, j'ai l'intuition qu'un certain membre me répondra qu'il n'en est rien et que tout cela n'a évidemment existé que dans mon imagination

VISION PARANOÏAQUE DE LA MUSIQUE CONTEMPORAINE?
Je me livrerais à une analyse paranoïaque de la musique contemporaine? Lorsque l'on constate la marginalisation de la musique contemporaine atonale que ne survit que grâce aux "béquilles administratives et publicitaires" de l'Etat, on peut se demander, sauf votre respect, cher mélomane distingué, si ce ne sont pas ses partisans qui sont paranoïaques. Il me semble qu'enfermés dans leur ghetto idéaliste qu'entretient une certaine intelligentsia, ils ont perdu toute lucidité. Ne ressemblez-vous pas aux derniers prêtre sans fidèles d'une religion morte vouant une sempiternelle vénération à leurs idoles désavouées? Cela m'étonne de n'avoir pas encore reçu de missive de votre part à propos de ma chronique. Mais, c'est vrai, vous ne pouvez pas croiser le fer de tous côtés à la fois.

MARGINALISATION DE LA MUSIQUE TONALE
La marginalisation de la musique tonale ne vous émeut pas, c'est vrai qu'il en faudrait bien plus pour émouvoir un mélomane de votre acabit, mais de plus vous associez le succès à la vulgarité en invoquant l'exemple des chansons populaires. Je crois que vous établissez d'abord une première confusion en considérant des publics différents, celui de la musique classique et celui de la chanson. Au cas où vous ne l'auriez pas encore remarqué, forum-classique est une liste dédiée à la musique classique. D'autre part, vous ramenez habilement les différences quantitatives qui existent entre le succès des différentes oeuvres de musique tonale pour faire valoir l'intérêt de la musique atonale. Or vous oubliez que c'est l'ensemble de la musique atonale qui est concernée par l'insuccès, d'autre part, cette musique n'a quasiment aucun public et le peu de public qu'elle a est souvent amené artificiellement alors que les oeuvres tonales, même bénéficiant d'un public restreint pour certaines, sont mieux accueillies. Vous oubliez que les oeuvres dont vous nous faites l'apologie ne sont pas seulement négligées, mais sont vomies par le public, elles sont excécrèes, considérées comme insupportables.

APOGÉE ET DÉCADENCE DE LA MUSIQUE
Si on additionne la musique ancienne et la musique contemporiane qui, à mon avis, participent de la même essence anti-artistique, que reste-t-il à la musique véritable s'adressant à la sensibilité? sans doute bien peu. Je me demande parfois si la musique en tant qu'art ne se manifeste pas uniquement lors de périodes exceptionnelles nés d'une stimulation, d'une floraison intense qu'il faut porter, maintenir pour qu'elle s'affirme. Dès qu'il y a un relâchement vers cet idéal de beauté, on retombe dans l'ornière d'une "musique" sclérosée devenue une dégénérescence qui se maintient et s'autodéveloppe. La vermine, les cirons et les cafards sont toujours là prêt à se repaître du cadavre, ceux qui profitent de la respectabilité que la musique avait atteinte au prix de tant d'efforts lors des périodes fastes et en tirent bénéfice. Mais j'arrête là, c'est sans doute encore une manifestation de ma paranoïa aiguë.

BRUCKNER MOINS CONSIDÉRÉ QUE TCHAÏKOVSKY!
Bruckner moins considéré que Tchaïkovsky à une certaine époque. Un plaisir guère plus avouable que pour Tchaïkovsky, oui, sauf que Mahler était estimé par les mélomanes "supérieurs", les chevaliers aux premières lignes du progrès alors que Tchaïkovski était estimé par la vile piétaille des mélomanes (dont je suis un représentant), honteux eux-mêmes d'avouer leur penchant. Cela dit, comme à propos de Bruckner, je dissocie l'opinion que j'ai de la musique de Mahler des considérations idéologiques sous lesquelles certains l'ont abordée.

PROCÉS DE LA MUSIQUE ATONALE PAR LANDOWSKY
Quelques citations intéressantes du livre de Marcel Landowski "La musique n'adoucit pas les moeurs" que j'ai évoqué il y a quelques jours. (Ne pas confondre avec W.A Landowski qui fut, musicographe du début du siècle).

"Que serait aujourd'hui la musique française depuis la fin du XIXème siècle jusqu'aux années 1980 si des Habeneck, Colonne, Lamoureux, Pierné, Wolff, Gaubert, dervaux, Fournet n'avaient eu les moyen de faire connaître et d'imposer la musique française de leur temps ?"

Et que serait Bach et Haendel aujourd'hui si la musicographie allemande et anglaise n'avaient pas dominé la scène internationale alors que la française et l'italienne étaient inexistantes. Il ne s'agit pas là d'un facteur proprement "idéologique", mais d'une "contrainte" historique à laquelle la connaissance de la musique et l'acquisition des notoriétés sont soumises. C'est en tous cas un autre type de facteur qui a pu être fondamental. Je poursuis plus loin dans l'ouvrage :

"La pensée de Honneger est à l'opposé de la réflexion d'un stravinski voulant épater par des formulation paradoxales du contraire de ce qu'il pensait.... Après les chefs-d'oeuvre fabuleux de la première moitié de sa carrière, il se dessèchera peu à peu dans un quête formelle liée au goût du temps. Ainsi Stravinski aura passé une bonne partie de son existence à côté de lui-même, son génie asséché par certaines côteries

d'un monde occidental qu'il a voulu suivre pour être à la page." Les palinodies de Stravinski sont bien connues... Il y a mieux avec la citation suivante. Là, nous arrivons au vif du sujet, c'était jusque là un hors d'oeuvre.

"A l'Opéra de la Bastille on construit, à l'instigation de Pierre Boulez, une salle dite modulable de médiocre dimension, car on a peur d'affronter directement et courageusement, pour la création d'aujourd'hui, le vrai public, celui qui fit les grands compositeurs. Frileusement, on se réfugie dans les salles pour spécialistes. On évite la vraie vie."

Et encore mieux, plus loin dans l'ouvrage,

"La Dame Bien, Mon amie Suzanne me dit qu'elle raffole de cette musique "contemporaine" là, mais chut... un soir elle m'a confié que, chez elle, elle n'écoute que du Vivaldi ou du Brahms"

Et encore plus loin :

"L'impasse est encore grave en effet. Elle le sera tant que trop de hauts fonctionnaires, de personnalités politiques de tous bords et de dames du monde craindront, sans écouter leur propre jugement, de rater le dernier bateau, et n'auront pas le courage d'affirmer sans complexe qu'ils voient "le roi tout nu" du conte d'Andersen."

"On voit chaque jour la parenté d'esprit qui existe entre le conformisme conservateur et le conformisme d'avant-garde.."

Et encore :

"Quand un art se déconnecte de la vie réelle, quand il ne vit que dans le passé... le sens du service public s'efface et il n'y a plus de public. La pulsion vitale étant tarie, c'est le temps de la gloire des tricheurs de tous bords... Ce sont ou les malins d'avant-garde ou ceux du conservatisme qui tiennent le haut du pavé, mais pavés glissants menant à des voies sans issue."

Je me demande maintenant, cher mélomane distingué, quelle métamorphose, eau, air, feu... vous allez utiliser pour vous échapper et éviter de considérer ces jugements cinglants. Peut-être encore allez-vous vous vaporiser sur place.

COTE DE L'ATONALISME DANS LES OUVRAGES MODERNES
comme je l'avais affirmé, il ne me semble pas que le cote de la musique atonale ait diminuée dans les ouvrages depuis 20 ans. Les chiffres que j'ai pour Schoenberg, Berg et Boulez ne sont sensiblement pas différents. Comment en serait-il autrement alors que les sommités qui donnent le ton sont toujours en place pour la plupart. Je viens de consulter le "Dictionnaire de la musique" sous la direction de Marc Vignal édité en 2001. Dans la présentation, il est affirmé qu'il a été procédé à une mise à jour des rubriques.Ce n'est pas le cas de nombreux ouvrages qui sont réedités sans changement de texte plusieurs dizaines d'années après. Il peut apparaître plusieurs dizaines d'énnées de différence entre le dépôt légal et la date de réimpression. Même si le dépôt légal est récent, cela ne signifie en rien une modification du texte car le renouvellement de dépôt légal a pu se justifier par une simple remise en page. C'est le cas de l'"Histoire de la musique" de Larousse 2001 dont le texte est identique a celui du Honneger il y a 20 ans environ; l'ancien éditeur ayant apparemment vendu ses droits à Larousse. Bref, voici ce que je lis dans cet ouvrage réactualisé sous la direction de Marc Vignal à la notice "sérialisme":

"On peut affirmer que presque tous le grands créateurs nés entre 1920 et 30 ont eu leur période sérielle, (j'ai connais un qui sera content de lire cela), tant il est vrai qu'une certaine tyrannie intellectuelle s'est alors exercée (là, il sera moins content)." Et l'auteur de citer Boulez: "tout compositeur est inutile en dehors des recherches sérielles"

Le terrorisme d'une certaine avant-garde est donc reconnu, ce qui signifie une certaine distanciation à l'égard du mouvement sériel, voire un désaveu de la part du rédacteur, mais voici ce qu'on lit plus loin:

"Preuve en est que la grande variation beethovénienne, n'est guère très éloignée et que la musique sérielle peut ne pas manquer de force, ni de lyrisme [à propos de la mort de Virgile de Hermann Broch]."

L'acharnement à présenter les recherches sérialistes comme de la musique lyrique persiste. D'autre part, voici ce que je lis dans "Les grandes dates de l'histoire de la musique dans la collection "que sais-je" (1995) ouvrages très actualisés comme on sait: "Nous avons été beaucoup plus discrets sur le 20e siècle, estimant à partir de 1940 n'avoir pas un recul suffisant pour juger de la qualité intrinsèque ou de l'importance d'un événement touchant à la vie musicale"

Cela implique que les auteurs pensent avoir réuni ces conditions pour les périodes antérieures, notamment juger de la valeur intrinsèque des oeuvres! Diantre! Si l'on observe les dates retenues pour cette période (après 1940), on remarque qu'elles correspondent toutes à des oeuvres atonales. (Schoenberg, Bartok, Webern, Cage, Varese, Dutilleux, Stockhausen, Roussel, Messiaen, Stravinski, Berio, Schaeffer, Boulez, Nono...) Aucune oeuvre "néoclassique" n'est retenue. Apparemment la "discrétion" annoncée ne concerne que les oeuvres tonales. Rien n'a changé.

OEUVRES ATONALES OU PSEUDO-TONALES
Roussel, sans doute. Il me paraît un peu comparable de ce point de vue à Prokofiev ou Einem, des compositeurs tonaux ou pseudo-tonaux dont le style présente une aridité bien "moderne", tout au moins pour les oeuvres que je connais de ces compostieurs. Concernant Bartok, si je me réfère aux concertos poru piano, je pourrais vous donner raison, bien qu'il y ait une agressivité rythmique, un certain parti-pris anti-mélodique bien moderne. En revanche pour les Mikrokosmos, l'agressivité rythmique domine à un point tel que je qualifierai l'oeuvre de moderne au mauvais sens du terme. Et il semble bien là que ces partitions soient atonales. Je ne saurais vous dire s'il s'agit de polytonalité, de dodécaphonisme ou d'autre chose, vous savez que ces nuances me semblent très secondaires. Cela va peut-être outrer les esprits savants en atonalisme, mais je ne vois pas l'intérêt de ces différentiations théoriques dès lors que (pour moi) il n'y a plus de musique.

LES PLANÈTES DE HOLST
Vous avez merveilleusement évoqué cette oeuvre unique. J'ai un faible pour Vénus. On se croirait réellement transporté dans un monde inconnu. Les thèmes développés au violon, à la flûte (si mes souvenirs sont bons) possèdent une empreinte sonore inimitable. Nous découvrons Vénus dans ses limbes par un miraculeuse ouverture de son enveloppe de nues. Holst évoque une volupté quasi orgastique - mais purement auriculaire - vraiment rare et d'une suprême élévation.

DIATRIBES CONTRE LES INSTRUMENTISTES VIRTUOSES
Je n'ai pas vu cette épithète au sujet de Cziffra, mais elle ne m'étonne guère. En revanche, j'ai lu un auteur qui s'en prenait à tous les solistes (en bloc, comme cela il n'y a pas de jaloux), je vous laisse deviner son nom, vous le connaissez. Voici sa brillante diatribe: "Quand on songe que ce chef-d'ouvre [« Variations sur un thème de Diabelli » de Beethoven] n'apparaît dans aucun programme, que l'on en compte au plus deux enregistrements, on peut se dire que nos innombrables princes du clavier, rois des récitals, sont les parasites de la musique beaucoup plus souvent que ses serviteurs." Et quelle oeuvre particulièrement, jouée par ces princes, pourrait être dans le collimateur, on se le demande. Mais, c'est vrai, on m'a reproché de prétendre lire entre les lignes. Vuillermoz n'est pas mal non plus dans cette veine: "Dans un esprit terriblement routinier, cette usine d'État [le Conservatoire] fabriquait en série des instrumentistes sans culture, uniquement préparés aux succès d'estrade..."

LES ÉTUDES TRANSCENDANTES DE LIAPOUNOV
Je signale parmi les nouveautés d'abeille musique les études transcendantes de Liapounov. Je désespérais de les voir paraître un jour en CD. C'est pour moi une oeuvre-culte, je les recommande vivement, sauf la 12e dédiée à Liszt qui me paraît un exercice de virtuosité un peu vain et laborieux. Les autres pièces, notamment Ronde des sylphes, Harpes éoliennes représentent un aspect du pré-impressionnisme quelque part entre Liszt, Arenski et Albeniz. on retiendra notamment Leshinga dont l'harmonie rappelle d'assez près une pièce d'Albeniz (Zaragoza si mes souvenirs sont bons ou Cordoba). Par rapport à Liszt, le pianisme de liapounov a gagné en souplesse et nuance. Son exploitation des extrême-aigu demeure difficilement surpassable (sinon par Arenski). Le style, par rapport à la période romantique, a gagné en raffinement pour atteindre une éloquence, une virtuosité vaporeuse, évanescente, presque dématérialisés, bien loin des effets quelque peu abrupts de Listz dans ses études transcendantes, plutôt représentatives du pianisme à mon avis encore assez peu dégrossi de la première période romantique. C'est pour moi un chef-d'oeuvre à ne pas manquer, de même que la fameuse Fantaisie sur des thèmes ukhrainiens du même compositeur qui, elle, apparemment, n'est pas encore à l'ordre du jour chez les éditeurs. Mais il faut espérer. Louis Kentner joue Liapounov Douze Etudes d'execution transcendante / Louis Kentner, piano whttp://www.abeillemusique.com

LE "DICTIONNAIRE DES MUSICIENS" DE ROLAND DE CANDÉ 1964 Candé, Roland de - Dictionnaire des musiciens - Editions du Seuil collection Mocrocosme, achevé d'imprimé 1964 J'ai toujours eu un certain faible pour Roland de Candé. Non qu'il se soit détaché d'une vision traditionaliste de l'histoire de la musique, mais il n'a jamais mis, à ma connaissance, de passion acharnée à dénigrer les virtuoses-compositeurs, ce qui est déjà un bienfait. L'introduction de l'ouvrage signale que le nombre de compositeurs aurait pu atteindre 1 million en 10 siècles d'histoire de la musique. Sélection a été réalisée de 3000 compositeurs réduite à 777. Un million, cela me paraît beaucoup. Normalement, c'est le vingtième siècle qui devrait être le plus représenté. D'après le chiffre personnel que j'ai, le nombre de compositeurs d'oeuvres pour piano et orchestre a augmenté exponentionnellement depuis le 18e siècle (de 250 envrion pour le 18e à 1700 environ pour le 20e). Donc un million me paraît important. L'auteur a voulu éviter un déséquilibre en faveur de la musique française et affirme la volonté de diminuer la notice de plus illustres compositeurs pour préserver l'éclectisme. J'aurais plutôt pensé que le déséquilibre ne se trouve généralement pas en faveur de la musique française. La remarque de Candé me donne des sueurs froides. Voci également ce qu'affirme Roland de Candé: "Le souci de favoriser une documentation éclectique en si peu de pages m'obligeait à traiter brièvement les plus illustres compositeurs. S'ils ne sont pas représentés ici en proportion de leur génie, on sait que tout le complément d'information utiles se trouve dans de nombreuses monographies" p 2 Pensée ambiguë à mon avis. Candé veut-il réellement signifier que les illustres compositeurs mériteraient plus de pages qu'ils ne leur en a réservé et surtout ne veut-il signifier que cette allocation proportionnellement à leur célébrité représente une sorte de vérité universelle? Mais quelle célébrité considère-t-il? la célébrité auprès du public ou auprès des musicographes antérieurs? Enfin, une phrase pour moi très réconfortante (j'en rencontre si peu): "Les virtuoses célèbres comme Liszt ou Paganini sont considérés surtout sur le point de vue de la création." Voilà qui est intéressant et me paraît judicieux. Quant aux notices, elles n'apparaissent effectivement pas disproportionnées en faveur des grands classiques. Il existe une nouvelle édition de cet ouvrage en 1974, dont le texte n'a probablement pas changé si j'en juge par d'autres rééditions de Candé comme par exemple La musique (histoire, dictionnaire, discographie).

ARGUMENTAIRE CONTRE L'ATONALISME
Vous ne pouvez refuser d'admettre les arguments d'ordre sociologique concernant l'inauthenticité du public de la musique atonale, la rupture avec le véritable public, le degré d'abstraction des productions sonores atonales les éloignant d'une définition de l'art afférente à la sensibilité musicale, le discours de nature purement idéologique s'y rapportant, les conditions d'assistanat honteuses maintenant artificiellement l'avant-garde atonale... Tout cela ne peut être contesté. Si vous persistez dans votre amour de l'atonalisme après avoir reconnu ces réalités, je vous laisse libre.

PUBLIC DE LA MUSIQUE ATONALE
La musique atonale possède, dites-vous, un véritable public, même s'il est très limité. Ce qui compte le plus n'est pas foncièrement le nombre, mais la nature de ce public et ses motivations réelles. Une "production musicale" peut drainer un public considérable sans que ce public l'apprécie en tant qu'oeuvre d'art. C'est le cas général de la musique dont la fonction est essentiellement. C'est en ce sens que je prétend que la musique atonale n'a pas de "véritable public". religieuse.

AIMER LA MUSIQUE ATONALE? "Aimer" sans doute pas. Selon la théorie de Furtwangler, la musique atonale créé des effets psychiques épiphénoménaux, fortuits qui n'ont aucun rapport avec les émotions "structurées", puissantes qui produit la musique tonale. N'importe qui peut écouter le "Concerto à la mémoire d'un ange" et imaginer des effets sporadiques, dues uniquement à notre capacité à exciter nous-mêmes notre activité corticale. Que veut dire aimer de la part de ceux qui apprécient la musique atonale. La perception correspond-elle à des sensations et sentiments structurés ou bien n'est-elle que le déclenchement aléatoires de "phosphènes psychiques"

SINGULARITÉ DE LA MUSIQUE SÉRIELLE
Selon vous, la musique sérielle serati un phénomène par essence totaleemnt nouveau et vous la trouvez de ce fait "mystérieuse". Rien de mystérieux à mon avis. Jusqu'à la Renaissance, la musique a obéit à des conventions tout aussi absurdes qui ne reposaient que sur des règles ésotériques abstruses et tout aussi gratuites que celles de la musique sérielle.

ABUS ARGUMENTAIRE
Vous critiquez l'abus que je ferai de l'argument du subventionnisme de la musique atonale. Votre manière d'aliéner la valeur d'un argument à la plus ou moins grande fréquence de son énonciation a de quoi surprendre. Et les contre-arguments opposés ne sont-ils pas aussi récurrents? Que l'auditoire en soit lassé, c'est différent, mais peut-être est-il lassé tout simplement de cette nouvelle guerre sur l'atonalisme, et en l'occurence ce n'est pas moi qui l'ai déclenchée. Pour ma part, les guerres contre les grands classiques me suffisent. En l'occurence, je répèterai le même argument jusqu'à ce qu'on veuille bien en tenir compte et chaque fosi que le contexte dialectique le rend nécessaire.

LE PUBLIC DE LA MUSIQUE ATONALE
Il a été prouvé que la quasi-totalité du public de la musique atonale était un public de professionnels. Reportez-vous aux conclusions du sociologue Pierre-Michel Menger "Le paradoxe du musicien". C'est une étude sérieuse, une enquête, et vous disposerez de tous les chiffres, notamment la composition sociologique du "public" de la musique dite contemporaine". Menger y analyse l"'intervention sans cesse élargie de l'Etat". Voici une de ses constatations : " Plus l'engouement pour les oeuvres du passé a grandi plus la création savante contemporaine s'est projetée dans le futur et a paru défier depuis 40 ans mélomanes, interprètes et publics des autres musiques" Voici un extrait de cet ouvrage dans le chapitre: "L'écart entre la construction et la perception des oeuvres modernes". "L'échec du système sériel, restreint ou généralisé, ne saurait être imputé simplement aux excès de la pensée compositionnnelle, victime de sa volonté de systématisation. L'échec se mesure tout autant à l'effet majeur de ces contradictions internes, la distorsion irrémédiable des rapports entre l'invention créatrice et la perception de l'oeuvre par l'auditeur profane. L'impuissance du public à déchiffrer l'oeuvre strictement sérielle dans le temps de son exécution comme après plusieurs auditions répétées n'était pas un élément accidentel qu'auraient pu corriger un derssage des facultés perceptives, une pédagogie de l'accoutumance, mais bien l'expression la plus flagrante de l'abstraction stérile à laquelle était vouée une volonté purement théorique de reconstitution du langage musical." p 216 édition de 1983 Si vous trouvez des sociologues contestant ces conclusions, indiquez-les moi.

CONVENTIONS DANS LA MUSIQUE TONALE
Je ne reprends pas la totalité de vos réponses car globalement j'y souscris. Topute musique, à mon avis, n'est cependant pas convention, notamment la base de la musique occientale, la tonalité, ne repose pas sur la convention, mais sur des lois acoustiques. Ces lois n'ont cependant pas été considérées au départ, c'est l'oreille seule qui a prévalu. Il existe effectivement de nombreuses conventions dans la musique tonale au niveau de la forme, particularité sur laquelle justement s'appesantissent les Intellectuels, mais à mon avis celle-ci ne revêt qu'une importance secondaire. Si vous voulez un exemple de focalisation outrée sur les problèmes de forme, lisez la notice discographique de l'intégrale des symphonies de Sibelius par Bernstein, vous serez servi. Pour les auteurs, c'est le point central de ces oeuvres et srutout le fait de savoir si Sibelius est en retard ou en avance par rapport à son époque.

VALEUR EXCLUSIVE DE LA MUSIQUE ATONALE ET DE LA MUSIQUE TONALE
Si les atonalistes ont raison, je pense que le corollaire est que la musique tonale n'a aucune valeur. En effet, le principe sur lequel s'appuie ces musiques sont totalement divergents. Dans le premier cas, la valeur musicale tiendrait à une analyse raisonnée du matériau musical, dans le second cas à une perception intuitive.

PRÉJUGÉ DU PROGRESSISME
Chez Bourdieu, autant que je sache, je conditionnement social est en rapport avec la classe sociale, ce qu'il nomme l'habitus. Ce que je veux dire n'a aucun rapport avec cette notion. J'évoque un conditionnement lié à un corpus d'engagements idéologiques souvent propres à une époque et même à une civilisation, en l'occurence l'idéologie du progressisme (et de l'avangardisme qui a suivi) sont nés à l'époque des Lumières au 18e siècle. Nous sommes toujours dans cette phase dialectique depuis deux siècles et tous les efforts que l'on peut tenter pour s'en dégager restent vains. C'est ce préjugé positif de progressisme, très puissant, qu'utilisent habilement les compositeurs atonaux et d'une manière générale, toute la microsociété qui gravite autour.

SOCIOLOGIE ET MARXISME
Vous persistez à me "traiter" de marxiste. Alors, allons-y pour une petite leçon de marxisme. Ce qui caractérise le marxisme, c'est l'importance accordée aux classes sociales, et consécutivement une interprétation de l'Histoire en terme de "lutte des classes", or c'est un aspect que je n'ai jamais considéré. Vous confondez, me semble-t-il, la sociologie et le maxisme. Toute la sociologiqe n'est pas maxiste. En second lieu, l'importance des facteurs sociaux n'est pas fondamentale dans ma philosophie de remise en cause des grands classiques, mais au contraire j'insiste sur l'importance de l'idéologie, ce qui est plutôt une critique du marxisme. Vous auriez cité Hegel à mon sujet, cela serait plus juste car on peut interpréter les grands courants idéologiques en termes de d'évolution dialectique. Par exemple, il existe une dialectique vivante de la perception de l'oeuvre de Bach par les commentateurs.

CORRESPONDANCES ENTRE MUSIQUE ET ARTS PLASTIQUES
Van Eyck et Picasso appliquent la même conception de la peinture : le figuratisme ou pseudo-figuratisme. C'est avec la peinture de Kandinski et plus tard de Matthieu par exemple qu'apparaît et se développe une différence de conception majeure. Le même hiatus existe entre la musique tonale et atonale, quoique un certain type de non-figuratisme (Kandinski justement ou Miro par exemple) puisse être rattaché à la conception abstraite "décorative" de l'art à laquelle se rattache l'ornementation architecturale traditionnelle. La correspondance entre arts plastiques et art musical me paraît difficile et arbitraire.

BACH ATONAL?
La musique de Bach est tonale dans l'ensemble bien qu'elle s'appuie sur le plan de la forme sur des principes d'écriture largement dominés par la raison (l'imitation par exemple). Cependant, dans certaines oeuvres de ce compositeur, le tonalisme demeure encore peu affirmé. D'autre part, l'écriture contrapuntique en réalisant des rencontres fortuites de sonorités entre les deux lignes horizontales concourt à une tonalité diffuse, laquelle, précisons-le, n'a aucun rapport avec la dissonance, notion moderne résultant de l'écriture verticale.

LE CONCERTO DE GLASS MODERNE ET TONAL
Pour moi, le concerto pour violon de Glass est moderne tout en demeurant tonal. Il est moderne par une répétitivité accusée à un point insoutenable. L'expressivité me paraît très limitée dans cette oeuvre.

ÉVOLUTION INÉLUCTABLE VERS L'ATONALISME?
J'ai moi-même parallèlement souvent considéré que l'évolution musicale depuis le 19e siècle est loin de se résoudre à ce prétendu magnétisme vers l'atonalité. Par exemple, les nouveautés apportés dans l'instrumentation par Saint-Saëns et Tchaïkovsky (le casse-noisette, La jeunesse d'Hercule...) ne vont nullement dans le sens de l'atonalisme, elles sont neutres de ce point de vue. On pourrait aussi considérer l'évolution de la mélodie au 18e siècle, de la "mélodie" non récitative des concerti baroque à la mélodie ultratonale du style galant. On pourrait aussi ajouter les particularités des expressionnistes russes comme Khatchaturian ou Kabalevski qui ont à mon avis inventé une couleur tonale particulière sans rappport avec une quelconque évolution vers l'atonalisme. Il y a bien d'autres évolutions dans la musique classique qui n'ont aucun rapport avec la prétendue fuite vers l'atonalisme.

"SYMPHONIE DES HÉBRIDES" DE BANTOCK, "RIENZO DU COLA" DE SGAMBATI
Tout d'abord, une oeuvre à mon avis "exceptionnelle" que je considère parmi les meilleures oeuvres impressionnistes et que j'ai classé parmi les chefs-d'oeuvres mémorables. C'est la Symphonie des Hébrides de Granville Bantok datant de 1915. Quand je pense que ce chef-d'oeuvre (à mon avis) est resté totalement négligé! Je la place largement au-dessus de "Jeux" de debussy, oeuvre avec laquelle elle pourrait présenter quelques affinités, mais on va me reprocher naturellement de promouvoir une oeuvre au détriment d'un autre appartenant à un compositeur reconnu. Alors, disons qu'elle est nettement meilleure que la suite de Harrisson. Là, on ne me reprochera rien. Autre grande oeuvre, la très longue ouverture "Rienzo du Cola", oeuvre d'une intériorité assez rare. A bannir pour les amateurs d'oeuvres dynamiques et au lyrisme plus généreux. C'est (peut-être?) une des étapes de l'impressionnisme de la lenteur qui culmine avec Sibelius. Du même compositeur, le premier quintette avec piano, oeuvre d'intérêt variable à mon avis, beaucoup moins marquante (pour moi) que le second quintette que je m'empresse de recommander à ceux qui ne le connaitraient déjà. Tout de même, le second (ou troisième je ne sais plus) mouvement me paraît inoubliable. J'ai appris par la notice du CD que Sgambati avait été élu à l'Institut en France, il avait donc acquis une notoriété internationale. Massenet a orchestré une de ses oeuvres, la plupart de ses oeuvres sont édités en Allemagne. Ce quintette me paraît avoir de nombreuses affinités avec un trio de Saint-Saëns. Sgambati connaissait obligatoirement Saint-Saëns puisque c'était son collègue de l'Institut. Cela dit, je ne sais pas si ce protégé de Wagner et ami de Massenet pouvait être en odeur de sainteté auprès du créateur de la Danse macabre. Quelqu'un (?) sur cette liste parlait d'un échec de Sgambati. Pour un échec, ce n'est pas si mal. Il est vrai qu'il avait l'appui de Wagner et de Liszt. Wagner qui n'était peut-être pas toujours le personnage égocentrique et exécrable que l'on croit. Voici ce qu'il disait:

"Je souhaite du fond de mon coeur vous recommander la publication de deux quintettes du Signor Sgambati.... Je m'attends à d'excellents résultats étant donné l'extrême faiblesse de la musique de chambre allemande (même celle de Brahms)."

La musicologue italienne (qui a eu le don de m'énerver prodigieusement) rapportant ces propos s'offusque que Wagner considère la musique de chambre de Sgambati supérieure à celle de Brahms. A l'époque les musicographes n'étaient pas encore passé par là pour encenser qui bon leur semblait. Parmi les chef-d'oeuvre également le "Concerto n°5" de Litolff. J'apprends par la notice qu'il n'a pas atteint la notoriété du "Concerto n°3", oeuvre qui me paraît effectivement la plus attrayante, la plus "irradiante". De Vivaldi des oeuvres pour flûte que l'on est allé chercher je ne sais trop où et que l'on aurait à mon avis mieux fait de laisser où elles étaient. Cela fait partie de l'intégrale opus 101. Ce genre de production avait jusqu'à présent épargné le "prêtre Roux", voilà qu'il est atteint lui aussi. J'en profite pour recommander à ceux qui ne les connaitraient les magnifiques concerti pour flûte de l'opus X de ce compositeur. Cela permet de ne pas finir avec une note aussi triste. J'allais oublier: un second CD de musique espagnole pour piano, assez proche de Scarlatti, de la bonne musique à mon avis qui cependant n'atteint pas l'intérêt du CD précédent consacré au 19e siècle.

SUR L'ARTICLE DE DUTEURTRE ET CELUI DE TAM THAN-LE
l'article de Duteurtre, très bel article qui n'est pas écrit sur le ton d'une diatribe, mais avec un certain esprit désabusé, ce qui lui communique plus de portée. Ce qui me frappe, c'est le caractère scientiste de ces pseudo-créateurs que Duteurtre a bien mis en lumière. Quel hiatus entre un Liszt, un Paganini et ces prétendus artistes ne parlant que de fonctions et de systèmes. Cela m'apparaît également dans l'article de Tam. Si l'on avait quelque vélléité d'écouter de la musique atonale, l'article de Tam nous en dissuaderait bien vite. C'est ébouriffant, ennuyeux, sérieux au possible. Cela révèle l'esprit anti-artistique d'un ingénieur ou d'un mathématicien imperméable au charme et au lyrisme. J'ai beaucoup d'estime pour Tam, mais je pense qu'il se fourvoie.

MUSIQUE EN TANT QU'ART
Je crois qu'il ne faut pas confondre la musique en tant qu'art et ce qu'on nomme (improprement "musique d'une manière générale. La musique en tant qu'art est un phénomène restreint qui s'est développé en Europe du 17e siècle au 20e et elle s'indentifie à mon avis à la manifestation de la tonalité. En revanche, la "musique" au sens général du terme est, comme vous le dites, indépendante de la tonalité, c'est elle qui a dominé dans le monde pendant de longs siècle, mais elle ne représente pas la musique en tant qu'art, c'est-à-dire qu'elle ne véhicule pas une expressivité.

ARTICLE DE TAM THAN-LE J'ai eu quelques remords et je me suis attaché à considérer plus attentivement le pensum de ttle. Voici son premier argument à la critique d'artificialité adressée à l'atonalisme: "Il ne l'est pas forcément, dans la mesure où il sert de moyen d'expression à des créations artistiques et sert les tempéraments particuliers des compositeurs qui l'utilisent. à mon avis, on peut difficilement affirmer que les premiers atonalistes s'évadaient de la tonalité à titre purement expérimental ; la musique post-romantique allemande, en particulier celle de Wagner, avait déjà considérablement assoupli les relations tonales, et si certains ont préféré s'en tenir là, d'autres ont désiré franchir l'étape suivante, probablement pour des motifs tant expressifs que techniques ou théoriques." ttle justifie le caractère selon lui naturel de l'atonalisme par le fait qu'il "sert d'expression à des créations artistiques". C'est, je crois, utiliser comme argument ce que l'on veut démontrer (et qui ne l'est donc pas encore). La capacité à véhiculer de l'expression est justement contesté par les anti-atonalistes en prenant pour argument, en particulier, que le langage atonal est artificiel. On ne peut répondre que le langage atonal n'est pas artificiel car il véhicule une expression artistique. A propos de la musique post-roamntique allemande et de Wagner, ttle ne confond-il pas souvent la dissonance et l'atonalisme. La dissonance, me semble-t-il, n'a de sens et ne s'interprète que par rapport à la tonalité (par définition même), elle ne représente en aucun cas un pas vers l'atonalisme. Dans une oeuvre atonale, les dissonances n'existent pas. Une autre considération toujours à propos du pensum de ttle (ne croyez cependant pas que j'y trouve goût, ce serait inquiétant), voici une citation répondant à la critique: "les musiques atonales sont purement intellectuelles":

"Si l'on entend par "purement intellectuelles" que les musiques atonales ne peuvent susciter l'attachement qu'après une analyse formelle préalable, détachée de toute intuition, de toute émotion immédiate, non musicale, alors je dirais que c'est une généralisation très excessive. Je n'approche pas une oeuvre atonale d'une manière foncièrement différente, et le plaisir que je prends éventuellement à la jouer ou à l'écouter fait, sinon passer la satisfaction intellectuelle au second plan, du moins totalement intégrer celle-ci à la conception musicale, comme pour toute autre partition."

ttle avoue là l'intervention d'une composante intelelctuelle à l'écoute de la musique tonale, ce que personnellement, je ne puis comprendre. S'il y a une composante intellectuelle, cela signifie qu'elle peut être formulée, expliquée avec le langage de la raison, alors j'attends que ttle m'explique pourquoi il trouve un intérêt à une oeuvre tonale précise, par exemple la "Symphonie n°5" de Beethoven qu'il apprécie sans doute. Je crois plutôt que nous ne pouvons percevoir la musique que par l'intuition et que toute explication (très hypothétique d'ailleurs) ne peut être formulée qu'a posteriori. A l'assertion: "on ne peut apprécier la musique atonale qu'avec un bagage technique élaboré", ttle répond: non. Voici cependant la suite du discours:

"Et, comme pour toute musique, des indications techniques peuvent aider à affiner une perception, à l'approfondir, à la saisir avec plus de force et d'acuité, à fournir de nouveaux éclairages."

C'est donc un nouvel aveu de l'intervention selon ttle d'une composante intellectuelle - d'ordre "technique" même dans la "compréhension de la musique tonale. Je ne vois pas en quoi des indications sur la technique d'un instrument, sur la théorie tonale... peuvent aider un auditeur à apprécier une oeuvre. Etrange conception de la musique. Je crois au contraire que l'aspect technique ne saurait que briser la parcelle de rêve et de magie à laquelle l'oeuvre essaie de nous faire accéder. Le meilleur interprète, le meilleur compositeur n'est-il pas celui qui nous fait oublier la technique. Ainsi la virtuosité lyrique nous fait oublier la difficulté instrumentale. En revanche, que les circonstances de composition, le sujet de l'oeuvre (pour une oeuvre à programme) interviennent dans sa compréhension, on peut le penser raisonnablement, mais ce n'est pas ce qu'a voulu signifier ttle apparemment. Pour terminer, comme ultime citation, je rapporterai la profession de foi conciliante de ttle à l'égard de la musique néo-classique sous la rubrique:

"La musique contemporaine ne peut être qu'atonale": "Non. énormément de partitions splendides sont composées de nos jours avec des références tonales plus ou moins marquées. Certaines ouvriront-elles des perspectives neuves et durables, inspirant d'autres personnalités créatrices, il est un peu tôt pour le dire ; mais il est impossible de réduire la création vivante d'aujourd'hui aux langages atonaux." Certes, cette prise de position manifeste une incontestable ouverture d'esprit dont on doit se féliciter, mais n'a-t-elle pas pour but de renforcer l'idée selon laquelle la musique atonale est "une musique comme une autre"? N'est-ce pas une manière de gommer l'argument gênant de sa singularité fondamentale dont elle s'enorgeuillissait pourtant autrefois? L'ensemble de l'article, qui ne se présente pas, bien loin de là, comme un pladoyer virulent en faveur de la musique atonale semble s'incrite dans cet état d'esprit conciliant visant à intégrer la musique atonale harmonieusement et logiquement dans le contexte de la musique tonale, en douceur comme s'il s'agissait de la chose du monde la plus naturelle. Et cette pondération conciliante n'est-elle pas une habileté suprême pendant que d'autres dévaluent leurs propos par leurs violentes diatribes contre l'atonalisme? Mais ne croyez surtout pas cette interprétation, due certainement à mon mauvais esprit, prompt à déceler ches mes contradicteurs des manoeuvres imaginaires alors qu'ils sont toujurs d'une irréprochable candeur. Considérons donc ces propos sous l'angle positif, j'aimerais néanmoins que ce principe fût appliqué dans les ouvrages d'histoire de la musique pour lesquels la "vraie musique" de la seconde moitié du 20e siècle ne peut être qu'atonale, à tel point que le terme de "musique contemporaine" a fini par devenir synonyme de "musique atonale", ce qui constitue une contre-vérité inacceptable. Je suppose donc que ttle s'accordera avec moi pour admettre que les ouvrages ne reflètent pas la réalité historique et qu'ils sont fortement tendancieux. J'ai produit sur ce forum de nombreuses citations sur des compositeurs "néo-classiques" dépréciés parce qu'ils ne satisfaisaient pas au critère atonaliste - quand les auteurs avaient bien voulu au minimum leur concéder une place pour les dénigrer. J'ai même rencontré plusieurs ouvrages d'histoire de la musique où la place accordée à Boulez était supérieure à celle de Vivaldi. Est-ce raisonnable? N'est-ce pas plutôt le résultat d'un aveuglement idéologique? PERCEPTION D'UNE OEUVRE ATONALE?
Je n'ai jamais fait le procès des créations humaines, dont l'Art notamment. Je répète que si la musique atonale peut être comprise, il faut qu'elle le soit par une médiation qui passe par une connaissance des lois sur lesquelles elles s'appuie, étant donné que ces lois ne peuvent être perçues intuitivement. Le langage est un code artificiel. nous pouvons cependant le comprendre car nous connaissons le code, c'est-à-dire la signification de chaque mot. En revanche, nous ne pourrons jamais déchiffrer une langue étrangère si nous n'avons pas la "Pierre de Rosette" qui nous en dévoile l'alphabet. Ce que les atonalistes soutiennent, c'est que l'on peut comprendre intuitivement un langage qui n'a aucune assise dans la nature. C'est à mon avis impossible.On apprend sa langue maternelle ou une langue étrangère parce qu'on établit progressivement le code par correspondance entre les objects, les actions et les mots qui les désignent, me semble-t-il. Il est indubitable que le langage que nous employons est un code. Si les atonalistes refusent de faire appel à l'intuition, dans ce cas ils sont cohérents. mais alors il faut apprendre ce code complexe. Personnellement je n'ai pas les capacités de le faire

ATONALISME - SÉRIALISME
Effectivement, l'argument de l'artificialité ou de l'arbitraire du système n'est valide que pour les oeuvres sérielles. Mais pourquoi les sérialistes se sont-ils avisés de créer un système? A mon avis, parce qu'ils ont perçu la faiblesse d'un atonalisme dans lequel aucune hiérarchie des sons ne subsistait, c'est-à-dire dans lequel l'oreille ne pouvait plus percevoir de signification. Cela dit, on peut toujours prétendre que l'absence de système est capable d'engendrer des effets musicaux perçus intuitivement. Personne ne pourrra jamais vous prouver l'inverse sinon l'échec patent de l'atonalisme au niveau historique et sa marginalisation.

ATONALISME ET MYTHE DU COMPOSITEUR INCOMPRIS DE SON VIVANT
Il faut distinguer la popularité ou l'impopularité d'une oeuvre particulière, qui peut être due au hasard dans une certaine mesure et le fait que pas une seule oeuvre parmi des milliers appartenant à une conception musicale n'obtient le moindre succès. Là, il y a de quoi s'interroger sur la validité des principes sur lesquels s'appuie cette conception. Vous revenez au mythe du créateur îgnoré de son vivant et qui devient célèbre après sa mort. Les peintres impressionnistes, que je sache, pour certains, sont devenus célèbres de leur vivant. Le Salon des Indépendant a-t-il été boudé par le public? Qui a décrié ces toiles? qui a mené une campagne contre les Impressionnistes? En musique, les grands créateurs qui ont modifié le langage musical comme Vivaldi ou Beethoven ont acquis une célébrité européenne de leur vivant.

RESPECT DU GOÛT D'AUTRUI ET CONTESTATION DE L'ATONALISME
Je n'ai jamais eu l'intention de ne pas respecter le goût des autres. En revanche, j'aimerais que l'ensemble des intervenants du système cessent leurs menées monopolistiques en faveur uniquement de la musique contemporaine atonale. N'oubliez pas que la motivation de mes propos est essentiellement l'inéquité dont font preuve les courants atonalistes dominants alors qu'ils sont très largement minoritaires au niveau du public. On peut y ajouter le travestissement de l'histoire réalisée par les Intellectuels à leur solde, une historiographie musicale dans laquelle seul la musique atonale est présentée comme la "vraie" musique de la seconde moitié du 20e siècle.

CE QU'ÉVOQUE LA MUSIQUE ATONALE
Votre expérience est sans doute intéressante. Vous faites allusion au cinéma. On peut imaginer que la musique atonale y occupe une fonction comparable à celle d'un bruitage. Il reste à savoir si les "émotions" dont vous parlez ont réellement la puissance de celles engendrées par les productions tonales. Personnellement, je n'ai ressenti que des "émotions indéterminées et très faibles que j'interprète comem de simples épiphénomènes cérébraux alors que pour une oeuvre tonale que j'apprécie je ressens toujours les mêmes effets liés à chaque thème précis.

SUR LES "CHANTS D'OISEAUX" DE MESSIAEN
Je vous avouerais que pour moi, les oeuvres de Messian s'inspirant du chant des oiseaux ne valent pas celles de ces charmants volatiles.

CE QU'ÉVOQUENT LES OEUVRES ATONALES
Vous le reconnaissez. Je crois qu'il y a souvent, dans les oeuvres atonales, une volonté de créer de la laideur, de la froideur. Quand je pense que certain(s) partisan(s) (je ne le(s ) nomme pas pour ne pas le(s) froisser car il(s) ont une susceptibilité extrême) ont le toupet de nous dire que ces oeuvres sont lyriques et qu'elles parlent à l'âme!

MÉLODIE ET THÉMATIQUE
Concernant toujours la Suite hébridienne de Bartok (qu'il serait peut-être plus correct d'appeler Suite des Hébrides) il me viens à l'esprit que le terme de mélodie est sans doute beaucoup trop ambigu pour décrire un certain aspect d'une oeuvre musicale. Personnellement, j'évite de l'employer, en revanche, j'utilise volontiers celui de thématique. Le terme mélodie sous-entend souvent "mélodie récitative", par exemple (souvent, mais pas toujours) la mélodie des oeuvres classiques (Mozart pour prendre un exemple commode). En revanche, ce type de mélodie me semble beaucoup moins présent dans la musique baroque ou romantique, notamment dans les soli virtuose de concerto dans les mouvements rapides. D'une manière générale, une pièce de virtuosité est-elle "mélodique" dans ce sens. Prenons un exemple connu de tous, la fameuse étude "Tristesse" de Chopin. La première partie est manifestement une mélodie récitative. Mais peut-on appliquer exactement ce terme de mélodie (même sans son qualificatif de récitatif) à propos de la seconde partie. Il y a cependant une "ligne mélodique" incontestablement, mais cette partie est-elle "mélodique"? En revanche, le terme de thématique s'applique à l'ensemble de l'oeuvre.

BUREAU DES AFFAIRES TONALES ET BUREAU DES AFFAIRES ATONALES Savez-vous, très cher mélomane, la différence entre le Bureau des Affaires Tonales et le Bureau des Affaires Atonales? Le verdict du Bureau des Affaires Atonales est imprimé et distribué à des milliers d'exemplaires sous forme d'ouvrages officiels alors que le prétendu "Bureau des Affaires Tonales" (selon vous) ne jouit que de quelques lecteurs. S'il était vrai que nous faisions du mal à la musique, nous n'en ferions pas beaucoup. Quant au "Bureau des Affaires Atonales, je crains qu'il n'ait déjà fait beaucoup de mal à la musique par l'entremise de vos amis. Je sais que l'allusion à "vos amis" vous met en rage, par hasard auriez-vous honte de vous sentir acoquinés avec eux?

CRITIQUE MUSICALE
C'est tout le problème de la critique que vous soulevez. Les jugements portés par les critiques ont sans doute peu de valeur et ne servent probablement à rien. Pour ma part, j'en fais car cela me fait plaisir et je considère égoistement que c'est une raison valable. Quant à l'organisation objective de la musique, vous savez, je ne vois pas qui pourrait prétendre y voir clair là-dedans. En tous cas pas moi.

SUITE DES HÉBRIDES DE BANTOCK - JEUX DE DEBUSSY
Toujours suite à mon message concernant la "suite des Hébrides" de Bantock, je voudrais poursuivre la comparaison commencée avec "Jeux" de Debussy, au risque de scandaliser l'un de nos membres qui semble vouloir proscrire ce type d'exercice critique. Mais au point où j'en suis! Ce que Debussy semble avoir tenté avec "Jeux", c'est d'atteindre la limite extrême de la déstructuration des cellules thématiques et l'expérimentation, à son extrême limite aussi du procédé de l'allusion ou la suggestion cher aux impressionnistes. Dès qu'un effet commence à être perceptible, aussitôt il est happé, englouti par un autre. L'ensemble de la partition progresse dans une instabilité thématique traduisant un certain esprit de refus de simplicité, un esprit d'évitement de tout lieux commun de la musique ou de toute formule déjà éprouvée. Dans un mode plus dynamique, Chabrier dans l'"Ouverture de Gwendoline" avait atteint ce type d'effets. Le reproche que je ferais subséquemment à Debussy, c'est de nous priver de la plénitude des effets musicaux, de nous restreindre à ce sentiment, certes parfois intense, mais fugitif de la naissance de l'effet, d'exploiter l'ambiguité mitivique jusqu'à ce qu'elle perde sa signification. Je ne retrouve pas chez Bantock ces effets d'évitements qui frisent à mon avis un certain snobisme de la nouveauté et de l'originalité. Je pense que l'inspiration de Bantock, peut-être aussi sa culture musicale variée, lui a permis d'intégrer des modes d'expression beaucoup plus vastes que Debussy dans "Jeux" et même dans "La mer", à l'intérieur même de l'esthétique "impressionniste". Ainsi, il intègre aussi des thèmes plus mélodiques, il créé des ruptures étonnantes tout en maintenant une unité d'ensemble qui m'a vraiment ébloui. S'il est une oeuvre qui forme un tout de la première note à la dernière c'est bien celle-ci. Les mouvements, d'ailleurs, si je ne me trompe, s'enchaînent sans interruption. Cette constatation va pourtant à l'encontre de ma théorie de l'indépendance des mouvements. Je dois dire cependant que rares sont à mon avis les oeuvres où l'on ne saurait ôter l'une des parties, ni retrancher une parcelle à l'intérieur d'un mouvement. La logique évolutive des effets me paraît également remarquable, même lorsqu'il s'agit de thèmes très éloignés. C'est, je crois, à Rossini que l'on a reconnu aussi ce don particulier de rendre le caractère absolument inévitable, nécessaire de l'enchaînement des thèmes. L'arrivée de chaque note semble prédéterminée , naturelle, indispensable.

SYMPHONIE DES HÉBRIDES DE BANTOCK ET JEUX DE DEBUSSY
Afin de poursuivre la comparaison entre la "Suite des Hébrides" de Bantock et "Jeux" de Debussy, j'ajouterai l'existence d'une mode d'expression présent chez Bantock et absent ou souvent plus limité dans les principales oeuvres de Debussy que je connaisse: l'accès à un déploiement lyrique de grande ampleur aussi bien sur le plan instrumpental que sur le plan de l'intensité expressive. Cet aspect culmine dans les second et troisième mouvement de la Suite des Hébrides, atteignant une coloration quasi-expressionniste. Comme référence de ce lyrisme sauvage et véhément, je citerai la célèbre "Nuit sur le mont chauve" de Moussorgski, le concerto "L'été" de Vivaldi ou le RV177, le 1er mouvement du "Concerto n°3" de Scharwenka, le second mouvement de la "Symphonie n°3" de Kabalevski, les premiers mouvements des concertos 1, 2 et 3 de Paganini... et pour le déploiement orchestral naturellement le dernier mouvement de "Schéhérazade" de Rimski ou encore le drenier mouvement de la "Fantastique". Chez Debussy, on rencontre certains passages assez véhéments, notamment la pièce pour piano "Ce qu'a vu le vent d'ouest", mais c'est assez rare et le lyrisme de ce compositeur n'est jamais échevelé. Il a d'ailleurs sévèrement critiqué les romantiques Saint-Saëns, Tchaïkovsky et Beethoven. Il est d'ailleurs rare que dans le style impressionniste, un compositeur atteingne ce type d'état lyrique plus propre au romantisme. Je pense que lors de ces moments suprêmement inspirés les compositeurs peuvent se surpasser, atteindre un état de grâce presque magique. Toujours à propos des effets impressionnistes, je crois qu'il est intéressant de rappeler certains spropos de Debussy (vous savez que j'allègue les propos de compositeurs uniquement lorsque cela m'arrange). En substance le créateur de La mer dit (je ne me souviens plus exactement la citation) que l'essence de ses recherches ne se trouve pas dans l'harmonie, mais dans la mise en évidence d'une couleur sonore propre à ses thèmes. En effet, je prendrai comme exemple l'introduction du "Petit berger" à la main droite seule. L'originalité particulière de l'impressionnisme debusséen apparaît ici pleinement alors qu'aucune harmonie n'intervient. N'évoquons pas non plus la mélodie. Plus j'y réfléchis, plus pour moi ce terme apparaît dépourvu d'intérêt, sinon de signification. L'aspect, sinon secondaire, tout au moins non primordial de l'harmonie dans l'impressionnisme debusséen (qui influa sur de nombreux compositeurs), montre à mon avis l'indépendance de l'évolution de la musique avec la tendance aux accords de plus en plus dissonants. Voilà ma conclusion très orientée pour mieux appuyer ma réputation (méritée j'espère) de tonaliste stalinien.

DÉBOULONNAGE DES IDOLES
Selon certains observateurs, les nouveautés musicales sont dues essentiellement à la nécessité de renouveler un répertoire limité, ce qui est un phénomène positif. La reconnaissance des nouvelles oeuvres demeure cependant difficile et, à mon avis, ne se réalisera sans doute jamais (sauf rares exceptions) si on ne déboulonne pas les idoles. Cette dernière entreprise, vosu l'imaginez, se heurte à de nombreux opposants. Cela me paraît compréhensible pour deux raisons essentiellement, tout d'abord cela heurte l'esprit traditionaliste, en second lieu, si vous expliquez à certaines personnes que les oeuvres qu'ils ont vénérées jusqu'à présent peuvent être moins géniales que celles qu'ils ont jusque là considérées comme inférieures, cela remet en cause ipso facto leur capacité de jugement musical. Ils ne veulent pas admettre, on le conçoit, qu'ils sont été victime dans une certaine mesure d'une illusion. Généralement, lee variations de goût se réalisent lorsque l'on passe d'une génération à l'autre, un peu comme les écoles artistiques, il y a le nouveau goût et l'ancien goût.

DÉFINITION BIOLOGIQUE DE L'OEUVRE D'ART
Ma définition de l'oeuvre d'art devrait assez bien convenir à un historien ou à un biologiste. Quand les biologistes rencontres des hormones à des taux sanguins extrêmement faibles défiant toutes les méthodes d'analyse, leur seul recours est le test biologique: injecter une quantité d'hormone sur un cobaye et mesurer l'action observée. Donc, mour moi, une oeuvre d'art mérite ce nom lorsqu'elle parvient à émouvoir au moins une certaine partie du public. Naturellement, il faut apprécier si cet engouement est bien d'ordre artistique et non pas idéologique, c'est là que l'historien intervient.

MESURE OBJECTIVE DE L'EMPREINTE IDÉOLOGIQUE
Pas nécessairement, il existe des "symptomes" d'un phénomène qui traduisent au niveau historique sa nature idéologique. Pour la musique, par exemple, la différence entre les succès de concert d'un compositeur et l'importance des écrits développés par les intellectuels pour le soutenir. Cela peut se mesurer.

LA SYMPHONIE DES HÉBRIDES DE BANCTOCK SE PLACE PAR RAPPORT À SON ÉPOQUE?
Comment la Symphonie des Hébrides peut-elle être placée par rapport à son époque? C'est là un exercice difficile qui nécessiterait de bien connaître la musique symphonique du début du 20e, ce qui n'est pas mon cas. Néanmoins, je tenterais une comparaison avec quelques oeuvres. Nous avons vu que par rapport à "Jeux" de Debussy", la symphonie des Hébrides comportait une partie importante de déploiement orchestral de nature très lyrique, ce qui pourrait amener à situer l'oeuvre stylistiquement comme une oeuvre romantico-impressionnismte, donc plutôt tournée vers le passé. Cependant la nature de ce lyrisme m'amènerait plutôt à la placer au-délà comme une oeuvre impressionniste-expressionniste dans la mouvance des Russes Kabalevski, Khatchaturian..., de Sibelius ou Nielsen. Elle est contemporaine de la "Symphonie n° 5" de Sibelius, contemporaine à peu près aussi de "Pan et Syrinx" de Nielsen, mais aussi des "Planètes" de Holst, de "Ma mère l'Oye" de Ravel, de la "Symphonie n°3" d'Enesco, de la "10" de Mahler et même de la dernière symphonie de Magnard. Mise à part cette dernière oeuvre radicalement en dehors de son époque, la symphonie de Bantock me paraît aussi radicalement différente des "Planètes" que de la "10"de Mahler ou même de "Ma mère l'Oye" pour montrer au contraire des éléments plus proches de "Pan et Syrinx" ou la "4" de Sibelius. Au total, elle me paraît celle qui a le plus intégré les éléments impressionnismes à un expressionnisme naissant, si bien qu'elle ne me paraît en aucun cas composite comme bien des oeuvres de l'époque, malgré les éléments d'origine probablement disparates qu'elle contient. A mon avis, la "Symphonie des Hébrides" est en même temps plus colorée et plus lyrique que toutes ces oeuvres, surtout par rapport à Enesco ou Ravel. L'intensité atteinte par cette oeuvre, par rapport aux chefs-d'oeuvres russes expressionnistes, m'apparaît d'autant plus remarquable qu'elle n'a pas le support du rhapsodisme. Si intégré soit-il, celui-ci joue tout de même à mon avis un rôle important chez Kabalevski ou Khatchaturian. Sans doute faudrait-il faire appel à bien d'autres oeuvres qu je ne connais pas pour situer et comprendre la genese de cette oeuvre.

CONNAÎTRE LA MUSIQUE CLASSIQUE DE JEAN-MICHEL GLIKSOHN
Je propose à votre réflexion quelques extraits de l'ouvrage de Jean-Michel Gliksohn "Connaître la musique classique", aux Editions Slatkine. C'est un ouvrage qui vient de paraître. Je ne connais pas l'auteur, c'est un universitaire spécialiste de littérature. L'ouvrage traduit bien l'état actuel de la hiérarchie des compositeurs dans les milieux cultivés, à ce qu'il me semble. La partie concernant la période moderne est conséquente. Voici quelques extraits permettant d'en juger. Sur les sérialistes de l'école de Vienne:

"A travers toutes les transformations du langage musical, ils [les sérialistes] y étaient restés fidèles. En outre, les auteurs de cette révolution musicale s'étaient tenus à l'écart des formes parisiennes de la modernité: ils constituaient ainsi un autre pôle dont les innovations allaient se révéler pour plusieurs décennies d'une singulière fécondité"

Citation de Schoenberg: "Ce que j'ai trouvé assurera la suprématie de la musique allemande pour cent ans"

"Ces polémiques [sur la musique moderne atonale] laissent perplexes, et plus souvent indifférents, la majeure partie des mélomanes, que satisfait pleinement l'écoute et la pratique des musiques d'autrefois."

"D'où, depuis un demi-siècle, la coexistence, inédite dans l'histoire de la musique de la musique savante, de deux domaines, le domaine "classique" et le domaine "contemporain", inégaux quant à leur audience et largement étrangers l'un à l'autre." "Le relatif isolement de la musique contemporaine explique qu'elle dépende du mécénat privé et, plus encore, public."

"L'oeuvre [Pierrot lunaire] démontre que le travail sériel n'est pas incompatible avec la séduction sonore" p 284

On ne peut mieux montrer la persistance de la considération dont jouit l'atonalisme dans les nouveaux ouvrages.

CRITIQUE DE VIVALDI
La critique que vous me rapportez sur Vivaldi me laisse assez rêveur. Rappelons-la:

"He is popular for the busy brightness of his music - but this quality is also grist for his detractors. He's been accused of writing the very same concerto 500 times; almost every work follows the same fast-slow-fast pattern, with the fast movements chugging along in a repetitious manner that has been described as "sewing machine music"." Je vois une contradiction dans la citation critique ci-dessus. Si Vivaldi est jugé "brillant", cela ne s'accorde pas avec l'idée de répétition et le "chugging". Comme pour les critiques adressées à Saint-saëns, il faut choisir et demeurer cohérent. En l'espèce, on ne peut en même temps accuser Saint-Saëns d'avoir développé de la virtuosité superficielle et d'être un compositeur académique. Pour Vivaldi, ou bien on l'accuse d'être répétitif, terne et "chugging" ou bien on l'accuse d'être brillant et superficiel. On ne peut trouver tous les défauts à un compositeur car certains sont incompatibles. Et puis, on ne sort pas du jugement d'un compositeur et non pas d'un jugement topique sur une oeuvre qui eût été plus intéressant et où les auteurs auraient moins risqué de se contredire.

INFLUENCE DU PUBLIC ET DES INTELLECTUELS
Généralement, l'influence du public et celle des Intellectuels (pardonnez-moi pour le terme, mais je n'en ai pas trouvé d'autres) ne sont pas du même ordre. Le public peut "imposer" certaines oeuvres qui ne plaisent pas aux Intellectuels, mais dans ce cas elles ne sont jamais "reconnues" comme oeuvre musicale importante. Le meilleur exemple que l'on puisse donner est encore l'Adagio d'Albinoni. D'une manière générale, c'est le sort des oeuvres tonales néo-classiques contemporaines. Je n'ai pas non plus trouvé un seul ouvrage d'histoire de la musique qui évoque "Les quatre saisons" en termes élogieux (cela doit exister, je pense, mais c'est sans doute assez rare). En revanche, de nombreux ouvrages évoquent avec beaucoup d'éloges l'"Art de la fugue", tout de même moins écouté que les "Quatre saisons". C'est ce type de phénomène qui m'intéresse beaucoup sur le plan sociologique.

Vous me citiez un "prétendu" éloge des "Quatre saisons". J'en rappelle le contenu:

"Vivaldi sut concilier les données descriptives de l'ouvrage avec ses exigences de pur musicien, d'inventeur du concerto classique. [...] L'Allegro du "Printemps" est un modèle de construction et d'élargissement des principes du concerto, avec ses refrais (tutti) au nombre de six [...], encadrant cinq couplet (soli). [...] Pour parvenir à ses fins, Vivaldi utilise dans "Les Quatre saisons" les instruments à cordes avec une invention et une ingéniosité sans limites. [...] A noter aussi les recherches harmoniques". Etc, etc...

Après analyse plus approfondie, je m'aperçois que c'est un éloge assez tiède. Il se borne à reconnaître surtout l'ingéniosité de Vivaldi sur le plan de la forme, mais aucunement qu'il y ait du génie dans cette oeuvre. Je vous ai préparé un petit dossier avec ici de véritables éloges sur Bach et vous mesurerez toute la différence. Ces citations sont tirées d'histoires de la musique, dictionnaires, parfois ouvrages d'auteur, mais jamais d'ouvrages consacrés à Bach où, on le conçoit, il serait facile de trouver des éloges. Les ouvrages vont de 1914 à 1998.

Larousse du XXème siècle 1928
"La puissance de la production n'a d'égale chez lui que la beauté et la richesse de l'inspiration et une science incomparable." "les hardiesses de son inspiration... devant lesquelles on n'a pas cessé de s'émerveiller sont comme des prolégomènes à toute musique future".

Nouveau Larousse universel Larousse 1948
"...toutes pages de caractère polyphonique, chefs-d'oeuvre de clarté et d'équilibre qui témoignent d'une maîtrise et d'une facture non dépassée.

Vuillermoz Histoire de al musique
"Mais ce qui fait sa supériorité écrasante sur tous les compositeurs de son temps, c'est le caractère profondément sensible qui transfigure ses partitions les plus formalistes.

Edmond Buchet - Connaissance de la musique
"Son art... est un perpétuel tour de force, et s'il a parfois cherché à commenter des textes - davantage par respect de ceux-ci que par besoin d'y chercher une inspiration, car il ne semble jamais à court, il compose à longueur de vie, et seul le temps pose une limite à son oeuvre inépuisable...

Paul Landormy - histoire de la musique 1914 "... il prépare déjà l'art chargé, un peu lourd, mais si profond et puissant d'un Beethoven veillissant ou d'un richard Wagner"

"il faut bien reconnaître que l'art de Bach possède non seulement ces trois choses au suprême degré, mais que la confusion même du fond et de la forme, l'équilibre merveilleux de l'inspiration la plus mystique et de la raison la plus logique, font qu'il présente l'exemple le meilleur de grand style que nous puissions trouver dans toute la musique."

Lory, Jacques - Guide des disques classiques
Bach apparaît bien par contraste comme un compositeur qui se livre constamment dans ses oeuvres, le plus grands des "musiciens de l'âme".

Aguettant, Louis - La musique de piano des origines à Ravel
"j'aborderai Bach sans préambule. Aujourd'hui, tout le monde sait que ce nom est celui d'un musicien que nul ne dépasse, que probablement nul n'égale."

Bernard, Robert
- Histoire de la musique Nathan 1974 Tout est extraordinaire, unique et merveilleux chez Bach

Bach, tout en étant le premier compositeur qui ait traité chaque instrument en le différentiant nettement, en lui destinant une musique qui en utilise toutes les ressources et les fasse servir à des fins hautement significatives, est aussi, de tous les musiciens, celui qui a pensé musicalement de la façon la plus transcendante, le plus dégagée et toute contingence sonore. Comme Bach, Saint-Saëns possède une mémoire immense, invasive, parfois encombrante, plus souvent féconde. Elle est sans doute plus éclectique chez l'auteur de Sansom,; mais - ce qui est regrettable - cet éclectisme est d'une nature et, on ne peut le dissimuler, entaché de médiocrité. Il ne la contrôle pas, ne la filtre pas avec cette rigueur qui unifie toutes choses et les porte à leur plus haute expression chez Bach p 713

Encyclopédia universalis Dictionnaire de la musique Les compositeurs - Albin michel 1998
"Quoi qu'il ait entrepris, il n'échouera en rien et, hormis certaines pages de jeunesse, un peu irrégulières, il porta son art à un point de maturité et d'équilibre sans équivalent. De surcroît, toute son oeuvre est préservée comme par miracle, de toute scholastique p 35"

Bach respire aisément à haute altitude. Tant il est habitué au don permanent de l'expression de soi qu'il n'y prend pas garde.

Direction de l'institut de musicologie de l'Université de Strasbourg Dictionnaire de la musique science de la musique - Bordas copyright 1976 à la rubrique violon: sur les concertos de Bach: "Leur écriture très polyphonique fait de ces ouvres non seulement un sommet musical, mais une performance technique."

Sur Vivaldi: "La contribution d'Antonio Vivaldi à la littérature de violon s'effectue à travers ses concertos, auxquels il communique un lyrisme où transparaît l'influence de l'opéra.

BACH SUPÉRIEUR DANS TOUS LES GENRES À TOUS SES CONTEMPORAINS
Je n'ai jamais dit que Bach était dépourvu d'expressivité.Je pense simplement que l'expressivité chez ce compositeur tourné préférentiellement vers le choral et l'écriture contrapuntique est beaucoup plus limitée que chez nombre de ses contemporains. Je pense que cela tombe sous le sens. Certaine oeuvres de la période de Weimar et de Cothen, notamment, présentent une certaine expressivité. Je pense que l'on a beaucoup exagéré cet aspect de manière à asseoir la précellence de Bach dans tous les domaines. on le considère comme meilleur que Palestrina dans le domaine du contrepoint, meilleur que Vivaldi dans le domaine violonistique, meilleur que Scarlatti dans le domaine de la musique pour clavier... Il n'y a que dans le domaine de la musique dramatique où il est difficile de le considérer comme le meilleur, et pour cause. Mais s'il avait abordé ce domaine, comme l'a dit un musicographe, nul doute qu'il aurait surpassé tous les autres. J'ai cité des ouvrages de 1914 à 1989 pour avoir un bilan sur le 20e siècle, bien plus significatif qu'un instantané sur la période strictement contemporaine, qui pourrait traduire une mode très passagère. Ce qui frappe, c'est au contraire la constance de la considération supérieure dont jouit Bach tout au long du siècle. Ceci permet également de voir que les progrès de rigueur, lorsqu'il s'agit de Bach, sont relatifs, à moins que vous ne considériez que cette apologétique n'est nullement excessive et qu'elle procède de la rigueur musicologique. Cela dit, la rigueur a progressé dans certains domaine à mon avis, mais pas suffisamment pour remettre en cause le culte de Bach. Pardonnez-moi, j'avais oublié de citer l'ouvrage que "j'avais sous la main" (le Glinckson). Cet ouvrage est avare d'éloges pour quelque compositeur que ce soit, voici néanmoins sur Bach:

"Le génie contrapuntique de Bach parvient à faire chanter, sans confusion, les voix du contrepoint. Cette écriture, souvent dense, est animée, harmonisée, dramatisée par de longues et ondoyantes mélodies dont la beauté plastique est comme entretenue par l'infinie diversité des procédés"

sur Vivaldi, voici le passage le plus élogieux:

Vivaldi publie ses célèbrissimes quatre saisons qui, à l'état de manuscrit, ont déjà fait le tour de l'Europe. Chaque partie de violon principal y est précédée d'un sonnet explicatif. pourtant le pittoresque ne brise pas la forme musicale: les scènes chez Vivaldi coincident avec l'alternance des mouvements du concerto. Ainsi est préservée l'économie purement musicale de l'oeuvre, l'imitation du monde naturel n'étant qu'une concession à l'imitation du monde matériel. Aussi bien la plus grande partie de la musique instrumentale baroque est vierge de tout argument littéraire"

Au-delà de toute polémique, il me paraît intéressant de rapprocher l'éloge que vous avez présenté (ouvrage de Fayard) et de comparer aux éloges sur Bach. On reconnaît à Vivaldi des qualités "techniques", notamment à propos des "Quatre saisons" l'ingéniosité à faire correspondre l'épisode narratif avec la forme du concerto, mais on ne reconnaît en aucun cas de la "beauté" ou du "génie" comme dans les citations sur Bach, qu'il s'agisse de critiques sur une oeuvre précise ou sur l'ensemble de l'oeuvre des compositeurs. D'autre part, les "Quatre saisons" sont considérées comme relevant du pittoresque alors que certaines oeuvres de Bach procèdent du "dramatique", on est à un niveau supérieur. Le Larousse sous la direction de Marc Vignal comporte effectivement un "éloge" de Vivaldi plus appuyé que celui-ci, mais dans le même esprit. Il sera intéressant de le considérer dans un message ultérieur.

CRITIQUES COMPARÉES DE BACH ET VIVALDI DANS L'OUVRAGE DE MARC VIGNAL
Cher mélomane, comme promis et pour vous être agréable, je vous présente un extrait d'une notice "élogieuse" de Vivaldi - où il y a même une critique de Bach - tirée du "Dictionnaire de la musique" sous la direction de Marc Vignal édité en 2001. J'espère que vous apprécierez cette délicate attention envers vous.

"Ces dons d'invention et les côtés descriptifs de sa musique (dans le "Chardonneret", "la tempête", "les saisons") placent Vivaldi à l'origine du concept moderne d'orchestration. personne avant lui, en effet, ne s'était soucié à ce point de la couleur et de la spécificité mélodique de chaque instrument et donc de leur disposition à la fois dans le déroulement de l'oeuvre et dans l''espace au moment de l'éxécution, d'où par exemple des effets de masque ou d'écho sciemment mis en oeuvre (peu soucieux de spécificité, ne songeant qu'à la riche neutralité polyphonique et n'ayAnt comme souci que d'enrichir l'harmonie, Bach commit dans ses transcriptions le contresens de modifier l'instrumentation. Seul avant le romantisme, l'oeuvre de Haydn devait manifester des intentions analogues. or Haydn fut vers 1760 le musicien des Morzin avec lesquels Vivaldi avait été très lié. il semble dés lors probable que le jeune musicien autrichien ait étudié les oeuvres du vénitien alors que ce dernier était déjà tombé dans l'oubli. ce qui est sûr, c'est que Haydn put trouver "Les quatre saisons" dans la bibliothèque du prince esthérazy" p 887

Vous remarquerez cependant que l'auteur se livre à un commentaire (objective ou non ?) d'ordre analytique ou établit des hypothèses. Il n'y a aucun réel "éloge" (par le biais de jugements de valeur sinon le terme de "dons d'invention") dans le sens où il ne nous dit pas que telle oeuvre est un sommet de la littérature ou telle oeuvre est superbe... Si nous nous reportons à la notice Bach du même ouvrage, nous trouvons notamment en sous-titre et en caractère gras:

"Une synthèse géniale", on peut mesurer toute la nuance qu'il y a entre le "don d'invention" et le génie. Mais allons plus loin. Le dictionnaire de Marc Vignal a été écrit par plus de 100 rédacteurs dont Marie-Claire Beltrando-Pattier, Boucoureliev, Bourniquel, Candé, Cantagrel, Chailley, Chion, Goléa... On imagine que le présent article n'a pas été écrit par un des plus fervents admirateurs de Bach et de Haydn et plutôt par un admirateur de Vivaldi. Pour avoir un avis plus significatif et peut-être moins partial, reportons-nous à une notice générale qui n'est pas afférente à un seul compositeur et pas obligatoirement signé par un admirateur d'un compositeur particulier, par exemple la notice générale "concerto" Dans cette notice se trouve une analyse d'un concerto de Vivaldi et d'un concerto pour clavecin de Bach. Pour l'auteur, dans le "Printemps" de Vivaldi, les solis sont réservés à une "virtuosité athématique et impersonnelle" (gammes, arpèges, marches harmoniques modulantes). Puis l'auteur analyse le concerto en ré mineur BWV 1052 de clavecin et orchestre de Bach. Il pense que le soliste se trouve dans la même situation (mais lui applique-t-il le terme dépréciatif d'impersonnel?), cependant, on remarquera, contrastant avec le caractère neutre voir dépréciatif de l'analyse du "Printemps" le caractère laudatif (où apparaît un jugement de valeur) de l'analyse du concerto de Bach à propos duquel il est dIT qu'il comporte "un superbe fondu enchaîné, où l'orchestre s'efface à pas de loup" p 203 Aucun jugement de valeur de ce type dans l'analyse du "Printemps". Prenons un autre exemple intéressant. Dans la notice sur Viotti, nous trouvons le commentaire relativement "laudateur":

"Les 10 derniers concerti témoignent des mêmes qualités dramatiques que les précédents, mais aussi d'une orchestration plus fournie et d'un lyrisme jusqu'alors inhabituel" p 886"

mais, lorsque nous passons à l'article précédent sur le concerto (article très important quantitativement: plusieurs pages grand format) , nous constatons tout simplement que Viotti n'y figure pas! L'éviction étant, comme l'a dit Robert Bernard "le plus impitoyable des jugements", notamment lorsqu'il s'agit en l'occurence du chef reconnu de l'école moderne de violon dont l'importance "historique" ne peut être contestée. En conclusion,je dirais que les discours élogieux envers Bach me paraissent procéder chez les auteurs du réflexe pavlovien, comme s'il était nécessaire à chaque fois de sacrifier à un culte. Tout d'un coup, ils perdent le ton de commentaire objectif qui devrait être celui d'un dictionnnaire ou d'une histoire de la musique pour affirmer un jugement de valeur. L'anomalie ne me paraît pas être l'absence d'éloge pour Vivaldi ou d'autres, mais leur introduction dans le cas des grands classiques et plus particulièrement de Bach. Ceci n'exclut pas parfois des critiques envers ces classiques et - quoique rarement - aussi sur Bach (j'ai relevé aussi une liste). Phénomène curieux, j'ai fréquemment observé que les critiques et les éloges se trouvaient souvent chez un même commentateur formulés souvent de manière contradictoire.

SATIE ET L'ÉCOLE D'ARCUEIL
Je ne suis pas sûr que Satie représentait un mouvement (l'école d'Arcueil) important à son époque, mais je me trompe peut-être. Ce mouvement dépassait-il le périmètre du microscosme parisien? Ce n'est que quelques décennies plus tard, me semble-t-il, que l'on a vu se gonfler considérablement les notices sur son nom dans les ouvrages, phénomène à mon avis absurde, s'appuyant en grande partie sur l'amitié qui liait Debussy à Satie. Sans cela, qui aurait accordé une importance à ces partitions. Franchement, j'ai généralement vu Satie apprécié par des personnes très peu mélomanes qui voulaient montrer des goûts originaux. Naturellement, Simon, je ne me permettrais pas de vous ravaler à ce type de mélomanes :-) Je crois qu'il faut vraiment être masoschiste pour écouter les "4 ogives" du début à la fin.

LES SYMPHONIES DE SIBÉLIUS PAR BERNSTEIN
Je viens de commencer d'écouter l'intégrale des symphonies de Sibelius par Bernstein, en commençant par les symphonies que je connais déjà. Si l'interprétation me convainc pour la 2, en revanche je suis plus sceptique pour la 1 par rapport à plusieurs interprétations que je connais. Il me semble que la tendance de Bernstein a été de précipiter un peu le tempo. Cet effet dynamisant ne met pas en valeur à mon avis une oeuvre s'appuyant sur l'exploitation de la lenteur. Je me demande si Bernstein a bien senti la spécificité de Sibelius. Pour moi, il est passé totalement à côté. Certes, l'oeuvre rete compréhensible, mais on ne se sent pas imprégrer par la magie de cette suspension infinie qui, à mon avis, constitue la sève de cette symphonie, poru moi une des meilleures qui aient jamais été écrites.

L'INTELLECT ET LA MUSIQUE
Voici la philosophie générale de Glicksohn sur les rapports entre l'intellect et la musique, tirée de l'avant-propos de l'ouvrage (Connaissance d ela musique):

"Pour créer cette faminiarité, nous voudrions présenter, de manière aussi claire que possible, ce que l'histoire et la science de la musique - débarrassées de l'érudition et de la technique réservées au spécialiste - peuvent apporter à l'auditeur dans sa compréhension des ouvres." "La musique de variété est, par essence, éphémère" p 8 "elle n'en reste pas moins [la musique], commes les arts plastiques et la littérature, le domaine d'une certaine élite et ne se livre pleinement qu'à ceux qui partagent la culture dette élite" "De même que l'amateur de peinture sait dire les qualités d'une toile sans être lui-même un artiste, de même le mélomane peut discerner , sans en avoir la pratique, les qualités musicales d'une ouvre... Il n'est pas de meilleure - ni de plus facle - éducation de la sensibilité musicale."

Une philosophie qui n'est pas partagée par tous les "Intellectuels" cependant. Depuis la fin du 19e siècle, me semble-t-il, la nature intuitive de la "compréhension de la musique" a été de plus en plus reconnue, même si les musique prétendues "intellectuelles" sont toujours favorisées. Le caractère éphémère de la musique de variété me paraît beaucoup plus une observation de son développement historique plus qu'une caractéristique sui generis de cette musique. N'en a-t-il pas été de même de la musique classique jusqu'à l'aube du 20e siècle. On pourrait d'ailleurs considérer ce fait comme une caractéristique qui pourrait signer la musique "vivante" par opposition à la musique "morte" considérée sous l'angle de la muséographie.

OUVRAGE DE GLINCKSON: QUELQUES JUGEMENTS GÉNÉRAUX

"Le compositeur baroque ne se veut ni personnel ni original. Il cherche à plaire, à émouvoir, parfois à éblouir" p 85

Là, j'aimerais que l'on m'expliquât!

"Il serait erroné, cependant, d'imaginer une rivalité permanente entre les artiste italiens, habiles à flatter le goût superficiel des Viennois, et des maîtres germanique dont le style, plus sérieux, aurait peune à s'imposer." P 124

Glicksohn justifie cette phrase et indiquant qu'il y a eu une certaine fusion. Guère d'évolution par rapport à laphilosophie de Forkel considérant que l'esprit "welch" avait perverti la musique. Ce sont les Viennois qui vont être heureux de lire l'ouvrage de Glicksohn.

"A ceux qui reprochent à Haydn son manque de passion, Goethe, en admirateur fervent, répond: "L'éternel passionnel en musique, comme dans tous lesa rts, a d'autant moins d'importance que c'est celui qui est le plus facilement perceptible." "p 128

Ici, une citation intéressante de Goethe. Les défenseurs de Haydn ne tiendraient sans doute pas le même langage aujourd'hui. Le code des valeurs a sans doute changé.

"Le thème baroque était, on s'en souvient, une longue phrase, une sorte de discours sans parole dont les inflexions faisaient à la fois l'éloquence et le charme. Désormais, le rôle du thème est d'incarner une identité, de se fixer dans la mémoire de l'auditeur qui le reconnaîtra à travers les transformations qu'il subit." P 131

Donc, apparemment, il n'y aurait pas de thèmes reconnaissable dans la musique baroque! Et pas de thèmes courts.

"Certes, ni Haydn, ni Mozart ni Beethoven n'ignorent l'émotion mélodique, mais l'élan de leurs compositions provient de motifs très simples, parfois quelques notes extraites d'une phrase très longue et qui aquièrent, dans leurs réapparitions et leurs métamorphoses une forte personnalité dramatique" p 131

Que disais-je à propos de Haydn!

Beaucoup de comositeurs se ménagent un succès facile en sacrifiant au pittoresque ou à l'anecdote. Carl Ditters von Dittersdorf fait entendre à Vienne, en 1786, des symphonies inspirées par les métamorphoses d'ovide..."

p 141 Voilà une formule bien frappée. Se non e vero e bene trovato.

Sur les musiciens romantiques en général: "mais peu d'entre eux parviennent à créer sereinement des oeuvres sublimes" p 153

INFLUENCE DU NOM
On n'apprécie pas mieux une oeuvre d'un compositeur s'il est connu au lieu d'être inconnu, dites-vous? Même si cela peut vous paraître choquant, je répondrais, oui, dans une certiane mesure, cela influe. Si on sait que le compositeur dont on n'écoute l'oeuvre n'est pas un inconnu, mais un compositeur considéré comme génial par l'intelligensia, on sera sans doute plus porté à le trouver effectivement comme tel (cf Durkheim). c'est inconsciemment pour nous une manière de nous considérer comme intégrés à la collectivité à laquelle nous appartenons en en approuvant les codes et les valeurs. En second lieu, si on ne le trouve pas génial, cela pourrait signifier que nous ne sommes pas capables de percevoir le génie que les personnes autorisés ont vu. Deux raisons qui nous poussent inconsciemment à amplifier l'intérêt des effets réels que nous trouvons dans ses oeuvres et à biaiser notre jugement. Bien sûr, vous allez me dire, moi, le compositeur X, je ne l'aime pas, pourtant il est connu. Tout de même, globalement, les compositeurs qu'un individu déclare apprécier sont ceux qui sont les plus considérés par le système et la société. Egalement, les compositeurs connus qui sont désavoués sont souvent ceux qui sont plus ou moins ouvertement désavoués par l'intelligensia pensante. C'est ainsi que vous trouverez beaucoup plus de contestataires de Grieg, Tchaïkovsky ou Vivaldi que de Bach ou Haendel. Les hommes sont comme les animaux, lorsqu'ils sentent qu'un individu est désavoué par la collectivité, ils aboient avec la meute. J'ai peut-être un vision pessimiste de la nature humaine, mais les sociologues en viennent souvent à ce type de conclusion. Nous sommes des animaux grégaires et nous en adoptons les attitudes, souvent issues d'un atavisme lointain

Bien sûr, chacun se dira: oui, mais moi, je ne suis pas influencé par les grands noms..." Tout le monde prétend toujours avoir un jugement indépendant. Personnellement, je ne prétends pas que mon jugement soit totalement indépendant.Vous pouvez le penser pour vous. Je pense cependant que nous devons nous interroger sur la part inconsciente qui intervient dans nos jugements. Aucun individu ne peut se prétendre indépendant des codes de valeur de la civilisaiton dans la quelle il baigne. Bien sûr, personne n'empêche personne d'aller à la découverte... mais vous savez dans notre société il y a des pressions considérables, souvent inconsciemment ressenties. Laisser les individus libre et responsables de leurs actes supposerait que l'on cessât l'hégémonie à mon avis exercée par l'intelligensia qui favorise certains compositeurs.

LE CONCERTO ET LA VIRTUOSITÉ D'APRÈS GLIICKSHON
Voici quelques extraits commentés du Glickshon sur le concerto et la virtuosité:

"Les aspects du concerto semblent passablement étrangers aux premiers romantiques. Schubert n'en écrit aucun. Le concerto pour piano de Schuman éloigné de toute virtuosité et de tout dramatisme, est une sorte de poème musical. on pourrait en dire autant des deux concertos de Chopin."

Evidemment, si Schubert et Schumann ne pratiquent pas la virtuosité, on peut en déduire que c'est une particularité qui signe tous les premiers romantiques. Pour Glicksohn, quels sont les premiers romantiques: Schubert,schumann et Chopin, point final. Essayons plus sérieusement de discuter le problème de la virtuosité chez les premiers romantiques, quoique je ne sois pas vraiment qualifié, mais il est toujours permis d'essayer. Dans le domaine du piano, l'affirmation de Glickshon peut être discutée. Il est vrai que les oeuvres de Hummel (même dans le 6) témoignent d'un romantisme et d'une virtuostié très tempérées constituée généralement de gammes rapides évanescentes, d'accords parallèles développées généralement avec une certaine régularité rythmique. Il en est déjà différemment chez Moscheles (le 2 date de 1825) et surtout chez Ries (non daté, mais que je situerait dans la première moitié du 19e siècle) et même dans les concertos d'Alkan. Ce n'est sans doute pas vrai également pour les concertos de Litolff écrits pour l'essentiel dans la première moitié du 19e siècle. On pourrait plus simplement citer comme concerto romantique présentant à mon avis une virtuosité certaine: le "5" de Beethoven, notamment l'entrée du soliste dans le premier mouvement. Pour ce qui est des concertos de Chopin, je ne partage pas du tout l'opinion de Glicksohn, notamment pour les deux concertos, une virtuosité à mon avis impressionnante qui s'exprime aussi bien dans les mouvements rapides que lents, notamment dans le mouvement lent du "Concerto n°2". Néanmoins, le jugement global de Glicksohn resterait vrai dans une certaine mesure si on compare les oeuvres du début du siècle avec celle, plus tardive des Gottschalk, Liszt, Saint-Saëns, Tchaïkovsky, Scharwenka... mais là où je ne suis pas du tout Glickshon, c'est qu'il oublie totalement les oeuvres pour violon. La virtuosité transcendante s'est développée avec Paganini vers 1810 et je ne m'explique pas que Glickshon ne le cite pas, à moins qu'il ne le considère pas comme un romantique, et peut-être pas Beethoven non plus! Là dessus, il pourrait être intéressant de savoir si la virtuosité depuis Locatelli (disparu vers 1760 environ) a subi une écipse à l'époque classique avant de s'imposer à nouveau avec Viotti. Les oeuvres de Viotti témoignent d'une virtuosité conséquente, mais les oeuvres un peu antérieures, de Nardini, Fiorillo, plutôt dans le style galant, recèlent effectivement assez peu de virtuosité. Spohr, plus tard, est un peu plus virtuose, mais il a suivi l'exemple de Paganini. En revanche, Rolla né en 1757 me paraît témoigner d'une certaine continuité de la virtuosité dans le sillage du 18e siècle. Une oeuvre de Giuliani m'inciterait à penser que certains astecps de la virtuosité transcendante dans l'esprit romantique étaient à l'oeuvre vers 1800 et peut-être avant. Je ne puis en dire plus et, sauf pour quelques-uns, je connais assez peu les compositeurs que j'ai cités. Existe-t-il un lien de continuité entre la virtuosité baroque et les premiers violonistes de l'école de violon "moderne"(Viotti puis Paganini)? Bien difficile de répondre à cette question qui nécessiterait d'avoir accès à de nombreuses recréations d'oeuvres entre le 18e siècle.

COÏNCIDENCE BIZARRE
Vous pensez d'abord par vos oreilles et non pas par celles des autres, dites-vous. Me voilà rassuré. J'avais eu peur que vous n'ourdissiez un nouveau stratagème machiavélique. Vous vous interdisez donc toute théorie globale puisque vous ne considérez que votre propre jugement... empirique. Ce qui est bizarre, c'est que vos oreilles, apparemment, sont exactement paramétrées selon les jugements formulés par le système de la société musicale, pourtant souvent très marginaux. Bien évidemment, ce ne saurait être qu'une coïncidence.

PRUDENCE DIALECTIQUE
Pourquoi répétè-je souvent "à mon avis" ou par des formules dubitatives? Je vous répondrais: Sapiens nihil affirmat quod non probet. Une certaine expérience des conversations au sein des listes et ailleurs m'a obligé à demeurer très prudent. Il est évident que si l'on écrit: "Bach est le plus grand compositeur", nul besoin d'ajouter "à mon avis" ou "peut-être", personne ne s'offusquera de cette affirmation pourtant péremptoire. En revanche, si l'on émet le moindre doute sur les "vérités reconnues", même en prenant toutes les précautions, on risque d'être insulté, de passer pour un fanatique dangereux. Merci de votre remarque, elle fait bien apparaître l'absence d'objectivité qui, à mon avis règne dans la société musicale.

LA MUSIQUE ATONALE "INTRINSÈQUEMENT DÉTESTABLE"
Personnellement, je pense que les oeuvres atonales ont été ressenties par l'immense majorité des mélomanes comme "intrinsèquement détestables" (pour reprendre à mon compte une formulation d'un de nos membres), étrangères au phénomène musical. Je pense qu'évoquer le concept de "musique atonale" (que nous utilisons par simplification) n'a pas de sens. La liberté d'opinion que vous alléguez constamment (et à laquelle je souscris) contraste curieusement avec la pression médiatique considérable exercée par le système officiel de la société musicale pour déconsidérer et enterrer la musique tonale de notre époque. Je suppose qu'il est inutile que je vous resseve la litanie de mes statistiques pour vous montrer l'intolérance de cette intelligentia à l'égard de la musique tonale de la seconde moitié du 20e sicèle qui se traduit par l'éviction pure et simple de ses représentants ayant écrit les oeuvres les plus appréciées par l'écrasante majorité du public. Il s'agit pour moi d'une manipulation délirante de l'histoire témoignant d'une esprit partisan et d'une irresponsabilité peu communes.

SUITES POUR CLAVECIN DE BACH
Me voici au terme des 6 suites pour clavecin de Bach et même de l'ouverture dans le style français. Oui, on peut survivre à cette musique. Ces suites font apparaitre le caractère assez paradoxal des oeuvres de Bach, tout au moins pendant cette période compositionnelle. Quelle date? Je n'ai pas eu le loisir encore d'aller voir sur le Grove à la bibliothèque. Je situerais ces oeuvres juste après le séjour à Cothen (?) Il m'apparaît qu'environ 60 % (en temps) de ces suites est composé dans le style contrapuntique, le reste en style monodique accompagné conformément au style de l'époque (peut-être aux alentours de 1725). Ce qui est frappant, c'est le hiatus considérable entre les pièces de contrepoint et celles écrites dans le style monodique. Certaines, parmi ces dernières, rappellent le style expressif du "Concerto italien". Quelques-unes pourraient passer pour des sonates de Scarlatti. Il s'avère donc que Bach peut écrire parfaitement dans le style de l'époque et abandonner les contraintes sévères qu'il s'impose. Toutefois, quelle que soit la liberté d'écriture très réelle de certaines pièces, je pense qu'elles n'atteingnent pas les étonnantes audaces de l'oeuvre pour clavecin de Rameau (écrites peut-être un peu plus tard (?)) ni celle de D. Scarlatti, ni celles d'A. Scarlatti (écrites probablement beaucoup plus tôt), Balbastre ou Royer. Je manque naturellement de connaissances sur les oeuvres de l'époque pour situer véritablement les suites de Bach. A part cela, je n'en connais guère plus. Les Noëls de Daquin, à mon avis, ne sont pas meilleurs que les pièces de ces suites et sont écrites dans un style plus simpliste et moins moderne. Donc, je dirais, en considérant ces oeuvres, que Bach est archaïque par l'utilisation de l'écriture contrapuntique, mais en aucun cas dans ses pièces monodiques par rapport à celles de l'époque. L'écriture harmonique paraît comporter très peu de passages modulants comme c'est le cas dans les oeuvres violonistiques de Vivaldi et aucune marche d'harmonie. Je ne vois guère d'ailleurs que dans la "Grande Toccata BWV 565" des passages modulants, cependant je demeurerais prudent là-dessus. Toutes ces pièces ne m'ont pas franchement marqué, même celles écrites dans le style de l'époque. J'excepterais la 6e et la 7e pièce de la "Suite n°5", celles dont la thématique est le plus nette. ce sont pour moi deux belles pièces, mais cela ne va pas au-delà.

APPRÉCIER RIMSKI-KORSAKOV AUSSI BIEN QUE BERG
Vous êtes capable d'apprécier aussi bien les opéras de Rimski-Korsakov que de Berg. Bien sûr, on connaît maintenant la nouvelle philosophie: l'atonalisme est un mouvement comme un autre. Bravo, cher mélomane, c'est très très fort. Ah mille excuses, c'est vrai, j'oubliai, vous n'écoutez que vos oreilles.

RIMSKY
Comme je vous sais gré de nous fournir cette citation de Rimski présentant son "Cappriccio espagnol":

"Les changements de timbre, le choix des dessins mélodiques et des figurations correspondant à chaque genre instrumental, les petites cadences de virtuosité pour instruments solos constituent l'essence même de l'ouvre et non son vêtement"

Je n'aime pas beaucoup faire de la personnalisation, mais je dois avouer que pour moi Rimski, c'est quelqu'un. Je retrouve, à l'écoute de ses meilleurs chefs-d'oeuvre, une impression difficiment communicable (ineffable dirait Jankélévitch) que je ne peux nullement retrouver dans les oeuvres de Brahms, Bruckner... dont j'admire pourtant certaines oeuvres. Pour moi, chez ces derniers compositeurs il manquera toujours ce "quelque chose" supplémentaire qui me permet vraiment de rencontrer une manière, une mentalité qui me corresponde. Peut-être ont-ils trop de patine classique, je ne sais, je ne comprendrais jamais leur tempérance, cette espèce de sobliété, d'austérité qui restreint leurs pages les plus passionnées. Pour moi le génie, c'est l'excès, la découverte d'un univers musical qui n'est pas le fruit d'une tradition, mais qui est plutôt une apparition de novo, qui est un dépassement. Je crois que dans cette citation, Rimski a bien défini l'art contre ceux qui veulent rechercher son essence hypothétique en dehors de ce qu'il est dans une "profondeur" chimérique. C'est toute une conception de la musique que défend ici Rimski. Rimski "Il professore", pour moi, c'est vraiment le guide. Quelle autorité admirable pour affirmer cette conception contre le courant traditionnaliste de l'intellectualisme qui ne veut voir en lui qu'un prestidigitateur superficiel. Naturellement, il en fera les frais. Une oeuvre de l'envergure de "Schéhérazade" aurait certainement asquis une plus grande place aujourd'hui si des spécialistes n'avaient contribué à la déprécier en ne voulant y voir que du clinquant.

CONCERTOS POUR FLÛTE VIVALDI
Quelques mots sur le CD d'Ornamente 99 avec Dorothee Oberlinger (Marc Aurel Edition) : 6 concertos pour flûte de Vivaldi et une sonate (un des concertos est le fameux concerto RV312R reconstruit par Jean Cassignol). Tout d'abord, Dorothee Oberlinger est une superbe fille brune aux yeux noirs, ce qui est déjà un premier point très engageant. Ensuite, je dois dire que son jeu m'a séduit notamment par ses accélérations fulgurantes dans les passage les plus virtuoses. L'orchestre fait également preuve d'une légéreté aérienne en particulier dans le concerto "Il gardellino". On peut seulement regretter que la sonorité des violons ne soit pas la meilleure qui se puisse trouver. Sans doute un complot contre la musique baroque! Ce CD a obtenu récemment un prix (dont j'ai oublié le nom), je vous le conseille vivement. Je voudrais louer le RV441 qui me paraît dans la lignée des concertos de la maturité de Vivaldi, présentant certains aspects de la musique galante naissante sans brader l'essentiel du bagage baroque sur le plan des effets thématiques et de la virtuosité. Quant au concerto reconstruit, je reconnais que certains soli sont particulièrements impressionnants (rejoingnant par leur style le RV444), malheureusement les tutti me semblent d'un contenu thématique moins soutenu. Peut-être est-ce ici l'occasion d'une petite synthèse sur l'oeuvre pour flûte et orchestre de Vivaldi. Ce compositeur a confié à cet instrument des oeuvres témoignant de ses avancées les plus pectaculaires. Il s'agit d'abord du Concerto "la notte", concerto "dramatique" qui se présente comme un véritable poème symphonique, de même le concerto "La tempesta di mare". Le concerto il gardellino, un des premiers rejoués, je crois, témoigne, quant à lui, des effets symphoniques atteints par le prete rosso. On y admirera les effets d'accompagnements du soliste. N'est-ce pas à propos de rappeler la philosophie esthétique de Rimski, tous ces "effets" sont le fond de l'oeuvre, le témoignage de sa transcendance. Ne cherchons pas le génie d'une oeuvre où il n'est pas pour refuser de le voir où il est. Quant aux concerti joués habituellement pour piccolo RV443, RV444, RV445, ils représentent pour moi un des sommets du lyrisme virtuose, tous instruments confondus. On ne saurit oublier également la poésie particulièrement intense du mouvement lent du RV444. Pour ceux qui ne connaitraient pas les oeuvres pour flûte et orchestre de Vivaldi, je conseillerais en premier lieu le Concerto La notte, il gardellino et le RV 444. Ces oeuvres, au-delà de toute tradition musicale, vous transporteront dans un univers vierge, inconnu comme une expansion délirante dépassant les classifications chronologiques et engendrant une euphorisation des sens inouïe. Mais ces oeuvres, malgré leurs qualités, sauraient-elles agréer aux oreilles savamment paramétrées d'un certain membre. Rien n'est moins sûr.

TCHAÏKOVSKY ET SIBÉLIUS
j'avais assez péremptoirement affirmé l'incompétence de Robert Bernard sur l'assertion de ce dernier selon laquelle le style de Sibelius s'apparentait à celui de Tchaïkovski. Pour moi, il existe une telle opposition entre la 1 de Sibelius (à mon avis la symphonie la plus caractéristique et la plus achevée de ce compositeur), d'un style pseudo-impressionniste diluant tout mélodisme au sens classique du terme et le style tchaïkovskien mélodique, voire d'une mélodisme souvent très récitatif, que la remarque de Robert Bernard m'était apparu d'une suprême absurdité. C'était sans doute sans compter avec la Symphonie n°2 de Sibelius que je viens de réécouter. J'y vois en effet après réflexion des effets très tchaikovskiens, et qui plus est, des effets que l'on retrovue dans d'autres symphonies de Sibelius. De plus, j'avais noté à propos de la 3 de Tchaïkovski des effets sibéliens (il faut comprendre repris et développés par Sibelius), le style tchaikovskien, lui non plus ne peut être réduit au mélodisme romantique. Je procède donc à mon mea culpa. Comment les contraires (le pseudo-impressionnisme supprimant toute mélodie en tant que tel et le mélodisme purement récitatif peuvent-ils coexister? Là, je ne parviens pas vraiment à comprendre.

BACH A UN STYLE
"Bach a un style". C'est ce qu'écrivit un jour, un de nos membres dans un ancien courriel: Depuis 2 ans environ, je repense encore à cette phrase pourtant simple, mais qui me paraît mémorable. Chacun en effet peut reconnaître sans difficulté le style spécifique de Bach, notamment dans ses "Suites pour orchestre". Ce style, ce serait notamment un certain rythme (un certain rythme "bachien" régulier, inexorable) et même une certaine thématique, ce qui nous fait dire indubitablement "C'est du Bach". Cette assertion semble évidente. J'avais répondu, je me souviens: "C'est possible, mais pas certain"... Heureuse prudence. J'avais également invoqué les oeuvres de la seconde moitié du 17e qui pouvaient (sans doute?) évoquer bien des aspects du style bachien, bien que je n'en connût aucune. Depuis, j'ai découvert de nombreuses références faisant état notamment d'oeuvres rappelant d'assez près les "Suites pour orchestre" et aussi du "Clavecin bien tempéré" (qui n'est d'ailleurs pas la première suite de pièces écrites dans l'histoire sur tous les tons et demi-tons de la gamme tempérée). Je n'ai naturellement jamais entendu ces oeuvres très peu connues que seuls connaissent certains spécialistes et je ne puis dire jusqu'à quel point on peut y retrouver notamment ce tempo "bachien" si particulier. En revanche, la découverte de la Sonate A m RV 86 (qui est un trio pour flûte basson) de Vivaldi m'a peut-être fourni la clé du mystère concernant ce fameux tempo bachien. Son 3e mouvement présente en effet ce tempo si caractéristique ainsi que les particularités thématiques qui l'accompagnent. Comme Vivaldi n'a sans doute même pas connu l'existence de Bach et jamais entendu ses oeuvres, je suppose que le compositeur vénitien est l'origine de ces effets, à moins qu'il ne les ai repris chez un autre compositeur. L'hypothèse la plus probable est que Bach ait développé dans ses oeuvres ce fameux style à partir de cette oeuvre de Vivaldi, puisqu'il avait de même transcrit plus d'une dizaine de concertos pour violon de ce compositeur. En outre, Candé a mis en évidence plus d'une dizaine d'emprunts précis de Vivaldi dans diverses oeuvres de Bach (voir Bach par Roland de Candé). Ce n'est sans doute d'ailleurs qu'un échantillon. Voilà pour une des réflexions consécutive des oeuvres de cd CD d'Ornamente 99 que je vous ai déjà présenté.

SUR UN EXTRAIT DU CONCERTO N°1 DE PAGANINI
Quelle bonne idée d'avoir réuni ces deux grands concertos romantiques qui présentent une certaine affinité, le Concerto n°1 de Paganini et le Concerto de Tchaîkovsky. Quand je vous disais que les artistes russes avaient une prédilection pour les grandes oeuvres de virtuosité! Je pense que c'est une conséqeunce du développement de la musique russe en dehors de la tradition des conservatoires occidentaux à l'époque du Groupe des Cinq. Même si Tchaïkovski a été accusé de véhiculer en partie cette tradition, je pense que cela se vérifie plutôt pour certains aspects de sa musique symphonique. Et encore, il faudrait y regarder de près. Oui, superbe, cet extrait, je l'entends maintenant en ce moment même. Il commence juste après l'ouverture orchestrale. Il présente le premier thème legato una corda, puis le second thème staccato dubbia corda e enfin la reprise du premier thème. Je rappelle que les concertos de Paganini présentent tous cette particularité de structure avec inversion dans le dernier mouvement, c'est-à-dire thème staccato una corda et thème legato dubbia corda. Merci particulièrement, ce n'est pas si souvent que les grands virtuoses-compositeurs sont à l'honneur. Certains préfèrent ronronner avec les concertos de Schumann, Brahms ou Beethoven. Ils ont leurs qualités, je ne nie pas, est-ce une raison pour occulter les oeuvres de ceux qui ont créé la virtuosité transcendante et la thématique violonistique. Voilà une idée que contesterait certainement notre cher mélomane aux oreilles savamment paramétrées.

CONCERTO POUR VIOLON DE SIBELIUS
En fait, je n'apprécie pas extraordinairement ce concerto, contrairement au Glazounov. Boursouflé, convenu, à mon avis non. Froid, non. Sans âme, parfois certainement, comme de très nombreuses oeuvres écrites avec une inspiration parfois défaillante, par exemple à mon avis le concerto de Beethoven. Les effets sont extérieurement très lyriques, mais tombent souvent à plat, faute d'une thématique suffisamment marquante. De ce point de vue, et du point de vue style, je le comparerais au Prokofiev. Ce dernier imite à la perfection une oeuvre expressionniste russe, sauf qu'il n'est ni expressionniste ni russe. A propos de cette dernière oeuvre, je dirais qu'elle est effectivement froide. Le premier mouvement du Sibelius recèle cependant à mon avis bien plus de matière musicale que de nombreux concertos de grands classiques (ce qui n'est d'ailleurs pas un exploit). Je dirai tout de même que c'est un bon mouvement. Les autres mouvement me paraissent quasiment sans intérêt, mais cela c'est bien le lot de nombreux concertos et symphonies. S'il y a un bon mouvement dans une oeuvre, c'est déjà beaucoup. Sibelius s'est forgé un style symphonique d'une grande originalité. Il éprouve apparemment de grandes difficultés à se mouvoir dans un autre genre instrumental qui implique une thématique nouvelle. De ce point de vue, ses pièces pour piano, qu'il aurait sans doute mieux fait de ne pas écrire, me paraissent caractéristiques. Oeuvre de nature nordique ce Concerto de Sibélius? à mon avis plutôt une symbiose entre le grand concerto romantique virtuose à la Paganini (ce que certains appellent sans doute le côté grandiloquent) et l'expressionnisme post-impressionniste russe à la Glazounov. J'ai tout de même rectifié à propos du 1er mouvement, un grand mouvement. J'ai réécouté le concerto plusieurs fois il y a à peine un mois, il m'a laissé sur la même impression mitigée. Les avis sont très partagés sur ce concerto. Je crois qu'un de nos membre el considère comme un grand chef-d'oeuvre , un autre le trouve nul, je reste dans la moyenne (pour une fois!).

JUGEMENTS SUR LE CONCERTO POUR VIOLON DE BEETHOVEN
Le Beethove, oui, je considère qu'il est le fruit raté d'une inspiration défaillante. Pincherle est d'accord avec moi pour le trouver médiocre, et vous savez que J'allègue le jugement (que je considère indu) des musicologues uniquement lorsque cela m'arrange. les 2 concertos pour violn de Prokofiev, je les mets tous els deux dans le même sac sans plus de détail. Jankélévitch a voulu faire passer la froideur de Ravel pour une extrême pudeur. C'est un argument... admirable. J'applique ce terme de froideur à ces concertos de Prokofiev sans prendre la peine d'user d'une telle précaution rhétorique.

STYLE DE RAVEL ET DEBUSSY
Que voulez-vous dire à propos de cette dame, je crains le pire. le Boléro aurait-il de telles vertus? Le thème du Boléro ne me paraît pas froid en lui-même, mais son traitement en une inexorable progression symphonique laisse une impression d'inflexibilité impitoyable. On ne sens jamais chez Ravel cette palpitation si chalereuse qui imprègne les pages de Debussy. Il y a toujours un aspect acéré, anguleux chez Ravel contrastant avec le modelé ondoyant de la phrase volutueuse debussyste. Comparer ces deux compositeurs est vraiment la tarte à la crème, c'est vrai, mais pourquoi s'en priver.

BUSONI
Busoni est célèbre pour sa perpétuelle indécision entre la musique tonale et atonale. Son style me paraît extrêmement variable selon les oeuvres, même à l'intérieur de ses oeuvres concertantes et même d'un mouvement à l'autre. J'y verrai comme point commun celui d'un esprit assez touffu qui ne cherche jamais à discipliner son inspiration, et son manque d'inspiration. Sa Fantaisie (pour moi sa meilleure oeuvre) avec le 3ème mouvement de son concerto pour violon, témoigne d'une grande richesse inventive qui n'est jamais assujettie à l'exploitation d'un thème ou d'une cellule motivique. Tout est sans cesse renouvelé, chez Busoni, pour le meilleur et pour le pire. Touffues aussi, voire indéchiffrables (pour l'oreille) ses pièces pour 2 pianos, dont certaines sont inspirées de Bach. Son concerto, immense composition (le plus grand concerto jamais écrit, je crois, en dimension, précisons) est noyé dans un déferlement orgiaque qui ne me paraît pas toujours convaincant. Et parfois, on ne sait trop par quel mystère, de tout ce fatras musical sans queue ni tête (à mon avis), surgit un mouvement génial accumulant les inventions avec une prodigalité insouciante. Je conseillerais vraiment d'écouter sa "Fantaisie pour piano et orchestre", qui atteint une forme d'impressionnisme assez rare et le 3e mouvement de son concerto pour violon, oeuvre tonale, moderne par ses effets, pour laquelle il serait difficile de chercher une référence ou une oeuvre de style similaire.

SINGULARITÉ DES OEUVRES POUR VIOLON
Il est certain que le violon, instrument mélodique par nature, implique des compositions de nature en grande partie mélodique, même si on peut exécuter (très exceptionnellement) des quatruples cordes. Un jeu en perpétuelle doubles cordes comme souvent les "Sonates" de Ysaie me paraît très fatigant et pauvre sur le plan musical. Je ne pense pas que l'on puisse concevoir d'oeuvre purement harmonique, même pour un instrument comme le piano et même pour l'orchestre. Mais, ne sommes-nous pas entraînés dans un faux débat avec les notions de mélodie et d'harmonie. Je pense qu'il n'existe que des thèmes et des motifs plus ou moins récitatifs et ce caractère est plus accentué dans un concerto pour violon. Dans tous les cas, il me semble que l'on ne peut faire l'économie de la thématique, qu'elle utilise des thèmes très caractérisés et répétés ou qu'elle s'exprime par de courtes cellules imbriquées ou encore par une suite de figurations difficilement analysables comme dans le solo instrumental de concerto. De ce dernier point de vue, je ne vois guère de différence entre une séquence de solo virtuose dans un concerto pour piano ou pour violon. Donc, en définitive, la différence sur le plan harmonique entre un concerto pour piano et un concerto pour violon ne me paraît pas enssentielle, le type de discours ne change pas. Quant à un concerto atonaliste, pour l'un ou l'autre des instruments, je ne vois pas la nécessi SYMPHONIES DE SIBÉLIUS
Voici quelques réflexions générales sur la série des symphonies de Sibelius que je viens de finir d'écouter. Cette série, partie de la sublime "n°1", me paraît une déchéance progressive au bout de laquelle, in fine, on ne reconnaît plus le compositeur. Quel rapport y a-t-il entre le génial inventeur d'un impressionnisme de la lenteur presque figée et le compositeur à bout de souffle de la "Symphonie n°6" accouchant laborieusement d'une courte oeuvrette à mon avis d'un romantisme sans grande personnalité. Montionnons cependant un très beau mouvement dans la "2" et un autre dans la "3" qui surpasseraient le meilleur de bien des "grands classiques", mais qu'est-ce par rapport à la sublimité native de la "Symphonie n°1"? Les symphonies de Sibelius, hors la "1", n'ont sans doute pas plus d'importance que celles de Rimski par rapport à ses poèmes symphoniques. Pour ceux qui ne connaitraient pas la "1" de Sibelius. (c'est une symphonie connue, mais tous ne la connaissent pas obligatoirement), je ne saurais trop la conseiller. C'est pour moi une de ces oeuvres sans équivalent dans laquelle le génie humain semble s'être surpassé. Sibelius est souvent exécuté en quelques lignes dans les ouvrages, mais j'aimerais savoir s'il existe beaucoup de symphonies écrites par les fameux grands classiques qui atteignent la noblesse de cette oeuvre, dont l'intensité (à mon avis) ne fléchit pas un seul instant de la première note du premier mouvement à la dernière note du dernier. Quelle oeuvre atteint cette "couleur orchestrale" si spécifique, quelle oeuvre atteint cette puissance d'évocation, quelle oeuvre contient ce parfum rhapsodique si spécial. Cette musique nordique que certains se plaisent à mépriser a tout de même produit cette synthèse. J'attends qu'on m'indique un tel chef-d'oeuvre dans la tradition laborieuse et affadissante des grands classiques par rapport à cette véritable "génération spontanée" générant un lyrisme inconnu. Pour revenir sur l'ensemble des oeuvres symphoniques de Sibelius, je dirais que c'est à mon avis l'absence de dimension "nordique" dans les symphonies postérieures à la "3" qui me paraît marquer un apauvrissement. Il est un fait que le rhapsodisme est beaucoup plus marqué dans les poémes symphoniques, lesquels illustrent les fameuses légendes du Kalevala. Outre que Sibelius me paraît plus inspiré dans ses poèmes symphoniques, j'y ressens personnellement, la magie de ces légendes de la Carélie lointaine. C'est peut-être uniquement une impression très personnelle car j'ai été beaucoup marqué par les récits recueillis par Elias Lonrott. Je les conseille d'ailleurs même si leur authenticité me paraît parfois douteuse. ce qui semble hors de doute pour moi, c'est que Lonrott est un génie. Peut-être s'est-il produit le même phénomène qu'avec Ossian de Macpershon. Pour revenir à Sibelius et fermer cette parenthèse littéraire, sa volonté de marquer une empreinte profondément finlandaise par l'évocation de ces sagas me semble certaine. On peut imaginer qu'il a tenté a contrario d'atteindre une écriture moins assujettie au style nordique dans ses symphonies. C'est normalement la vocation d'une symphonie par rapport à un poème symphopnique.

STYLE PROPRE D'UN COMPOSITEUR
Il est très rare ç mon avis qu'un compositeur possède un style propre, en général il s'agit du style d'une époque ou d'une école. Par exemple, on peut trouver des centaines de compositeurs qui ont le même style de Mozart, mais aucun n'aura composé une oeuvre qui comporte le thème bien caractéristique de sa Fantaisie en ré. Je peux vous trouver de même des dizaines de compositeurs qui ont le même style que Scarlatti. Vous ne différentierez pas non plus certaines oeuvres de Moschelès, Ries de Chopin... On avait reproché à Saint-Saêns ne n'avoir aucun style propre. Il a répondu: "mais Mozart non plus n'avait aucun style propre". Ce qui fait la valeur d'une oeuvre pour moi n'est pas le style, mais la thématique. Distinguer des compositeurs par leur style est pour moi une illusion, sinon une erreur.

SINGULARITÉ DE LA FLÛTE
Alors que le violon est l'expression la plus élevée de l'âme, le chant pur, la flûte est l'instrument trouble par excellence qui exprime les pulsions organiques, la sensualité, l'érotisme, la volupté. Il émane beaucoup plus du souffle issu de nos entrailles. Il évoque Pan, la nature, la profondeur des sylves. C'est ainsi que l'utilise magnifiquement Debussy dans le "Prélude à l'après-midi d'un faune". J'avoue avoir un faible pour cet instrument dont le son a plus de corps que le violon. Cela signifie peut-être que je ne suis pas un esprit pur. Mozart détestait cet instrument, dites-vous, il a tout de même écrit un très beau concerto pour flûte et harpe! Il m'apparaît, sur un ensemble de concertos poru flûte du 20e siècle, que des compositeurs habituellement modernes, comme Hindemith et Martinu par exemple, se révèlent dans ces oeuvres pour flûte et orchestre très mélodiques. Je pense que la flûte convient mal à l'esthétique moderne et implique un style plus mélodique. En revanche, une certaine dureté du piano convient bien au style moderne, de même le violon, notamment dans les effets de doubles cordes.

DÉSENCHANTEMENT DES VIEILLES BARBES ATONALISTES
Je crois qu'aujourd'hui ce sont les vieilles barbes qui veulent mêler la musique à la non-musique (comprenez: la musique atonale), pour essayer de la sauver. On ne peut refuser d'admettre aujourd'hui que s'est produit de la part des compositeurs un certain désenchantement suite à l'insuccès de l'atonalisme. J'espère que vous ne faites pas partie de ces vieilles barbes qui pourraient avoir jusqu'à 80 ans aujourd'hui (mais il en est de plus jeunes).

L'INSTRUMENT À CLAVIER BIEN TEMPÉRÉ
C'est ce que m'avait dit tout simplement un germaniste: "Klavier" ne signifie en aucun cas clavier, mais bien comme vous le dites : "instrument à clavier", de sorte que toutes les appellations, qu'il s'agisse de la traditionnelle: "clavecin bien tempéré" ou de la nouvelle appellation "Clavier bien tempéré" sont fausses. Un membre suisse avait proposé très justement de conserver l'appellation d'origine "Wohl temperierter Klavier" dont la traduction rigoureuse est "L'instrument à clavier bien tempéré". Cela dit, tout cela n'a aucune importance, j'ajouterais même que l'on se préoccupe beaucoup trop de cette oeuvre (AMHA) qui n'est d'ailleurs pas, comme je l'ai déjà précisé) la première oeuvre écrite sur les tons et demi-tons de la gamme tempérée et qui n'a eu aucun retentissement à son époque.

LE PÈRE FRANCK
Je préfère cette oeuvre, même si la veine lyrique de Franck me paraît ici un peu émoussée. Sérieux, oui, mais le père Franck est toujours sérieux et si candidement sympatique. On peut lui pardonner. Il lui arrive même parfois d'avoir du génie, sans doute par inadvertance. Sa "Grande pièce symphonique pour orgue", une pièce très lyrique, grandiose, aurait pu être un des plus grands chef-d'oeuvre de l'orgue (pour moi) s'il n'y avait pas quelques intermèdes à mon avis inutiles. Et puis, la fantaisie en la pour orgue, au charme si insidieux, une pièce qui passe presque inaperçue, si peu contrastée. Comment peut-on faire autant avec si peu d'"effets extérieurs". De ce point de vue, cette pièce m'a toujours fascinée.

LE BOLÉRO DE RAVEL
Vous prenez un risque, là, en admirant cette oeuvre. Les mélomanes supérieurs vont fustiger vos propos. Comme je n'ai pas l'honneur d'appartenir à cette catégorie très fermée, je vous approuve. Finalement, c'est encore l'oeuvre que j'aurais préférée, et peut-être la meilleure de Ravel. Le thème est excellent, la progression produit son effet. Cela prouve, pour moi, l'impact de la thématique en elle-même. Si un thème est bon, son intérêt se sera pas amoindrie par de multiples réexpositions. Certains esprits chagrins vous dire "oui, mais c'est l'art de varier qui importe, Ravel a magnifiquement varié cette mélodie d'intérêt secondaire..." Ce discours-là, je le connais, je l'ai maintes fois entendu. Non, je pense que si le thème en lui-même est bon, on prend plaisir à l'écouter, s'il est mauvais, aucun art de la variation ne l'embellira. Vous savez ce qu'on dit de certaines "choses" bien apprêtées, elles restent ce qu'elles sont. Bien sûr, Ravel est un peu froid comme à son habitude. il a bénéficié aussi du rhapsodisme, qui rend service à de nombreux compositeurs. Mais pourquoi pas. Personnellement, je suis partisan de l'abus des bonnes recettes.

MASSENET
Le futur créateur de Thaïs a été le plus jeune membre de l'Institut, me dites-vous. Je ne peux pas résister de vous citer ce qu'écrit Roland de Candé à propos de Massenet avec la sûreté infaillible du musicographe:

"Mais si l'on connaît Manon et Werther on a fait le tour du génie de Massenet. Il ne se renouvelle guère et n'a pas assez d'envergure pour éviter le conventionnel."

On pourrait conseiller à Candé de faire un petit tour vers l'oeuvre pour piano de Massenet. Je ne suis pas étonné de l'influence de Massenet. Je pense que c'est un compositeur que l'on a beaucoup méprisé, par conséquent il valait mieux ne pas se réclamer de lui. Cela dit, as-t-on véritablement pris conscience de la valeur spécifique de son oeuvre pour piano, ce n'est pas sûr. Le Concerto demeure une partition relativement oubliée, comme les pièces pour piano. Massenet a développé une virtuosité du langage pianistique stupéfiante. Rien n'égale la fluidité de son style, ni Saint-Saëns ni Debussy à mon avis. Ne tombons pas dans le travers de considérer que Massenet doit être reconsidéré car il a eu une influence sur Debussy. C'est toujours rapporter l'attention sur des compositeurs consacrés. Pour ma part, l'oeuvre pour piano de Massenet vaut pour elle-même, indépendamment de toute influence sur X ou Y. Je recommande le "Saltarello", "Nocturne" et "Papillons blancs". N'oublions pas le domaine symphonique où le rafinnement n'est pas moindre. Je recommande le "Nocturne" de la "Suite n°1" et le "Mélodrame" de la "Suite n°3".

LIAPOUNOV
J'ai personnellement qualifié le 2 de Liapounov (avec ou sans y) de confus et sans imagination. La parenté avec Liszt ne me paraît pas évidente. S'il est vrai que Liapounov, d'une manière générale, s'est beaucoup inspiré de Liszt, je pense là que Liszt apparaît beaucoup plus clair dans ses concertos, dont je ne suis d'ailleurs pas un grand amateur. Il est urgent de découvrir Liapounov au travers de ses études transcendantes récemment parues, et bien sûr de sa sublimissime (pour moi) Fantaisie sur des thèmes ukrainiens. On uy découvrira un compositeur qui a intégré les prémisses de l'impressionnisme à la virtuosité transcendante avec un rafinennement rare. Nous parlions des pièces pour piano de Massenent, on peut ici le citer, dans la même lignée, aussi avec Arenski.

OEUVRES POUR FLÛTE - DOPPLER
Sans doute me faudrait-il écouter un nombre d'oeuvre beaucoup plus considérable pour sélectionner un corpus minimum représentant les chefs-d'oeuvre d'un genre, en l'occurence les oeuvres pour flûte. Passons pour les oeuvres de Prokofiev, Ibert, Martinu, Hindemith et autres Poulenc que j'ai déjà évoquées. Quelques oeuvres du 18e, la critique sera rapide pour moi. Devienne : nul, Cimarosa : nul, Viotti : à peu près nul. Reste Doppler (début 19e). Il se distingue dans une oeuvre fort bienvenue dans laquelle il ose considérer la flûte dans le même esprit que le violon ou le piano à cette époque, avec panache. Voici la critique que j'ai découverte sur cette oeuvre sur la notice du CD Erato 2292-45836-2: "... on assiste à une pure démonstration de virtuosité, dans la grande tradition des concertos pour violon de Paganini. On en vient néanmoins, après la réapparition de l'orchestre à la toute fin de l'oeuvre, à regretter que ces manifestations techniques ne soient pas davantage, comme chez un Vivaldi, au service de la musique." Voilà bien la lâcheté de certains critiques! Ne pouvant s'en prendre à Vivaldi, maintenant assez considéré par son rôle de pionnier du concerto et de la symphonie, ils s'en prennent à ce pauvre Doppler. Cette critique vient juste au moment où je m'interrogeais et où j'avais presque fini par me laisser convaincre que finalement j'exagérais, qu'il n'y avait plus aujourd'hui de discrédit à l'encontre des virtuoses-compositeurs. Hasard vraiment malencontreux. Quel dommage.

ETUDES TRANSCENDANTES DE LIAPOUNOV
Vous définissez bien ce que j'ai ressenti à l'écoute de ce concerto de liapounov (le 2): une inspiration qui se cherche sans aboutir, pas de thème mémorable. J'ai la même impression en écoutant sa "12e étude transcendante", la plus longue. Il semble, dans cette étude, que le compositeur, sentant le propre vide de son inspiration, poursuit vainement sa composition en espérant la rencontrer. Cette étude est une élégie à la mémoire de Liszt. Donc, là, pour répondre à votre question, Liapounov (ou Lyapounov) cherchait bien parfois à imiter un compositeur. Aucun rapport, il faut s'empresser d'ajouter, entre cet essai à mon avis navrant et les autres études, dont certaines comptent à mon avis parmi les meilleures oeuvres pour piano, et le recueil lui-même mérite de figurer parmi les meilleurs. On pourra admirer "Carillon", la "Ronde des fantômes", d'une légèreté, d'une évanescence digne de son sujet et l'obsédante "Leshinga" dont on ne pourrait dire si elle s'appuie sur le rhapsodisme russe ou hispanique. Le compositeur ne le savait peut-être pas lui-même. Elle me fait penser à "Zambra granadina" d'Albeniz. Le similitude est frappante.

BORODINE ET ROUSSEL
La "2" de Borodine que vous évoquez est finement ciselée. A mon goût, elle est un peu froide, mais quel travail des cuivres. Elle devrait plaire à notre ami critique musical, grand amateur (si je ne me trompe) des oeuvres "d'une perfection froide". Vous le savez, ce genre d'oeuvres: très peu pour moi, mais dans cette symphonie, il y a tout de même une caractéristique qui réchauffe l'atmosphère (contrairement au "Festin de l'araignée" de Roussel), le rhapsodisme.

BEETHOVEN CÔTÉ COEUR
On pourra y trouver notamment un document curieux : une lettre écrite à Teplitz (l'immortelle bien-aimée) qui pourrait évoquer la "Lettre à Elise". Beethoven côté coeur. Lettre stéréotypée de séducteur ou confidence touchante d'un amant? Par prudence, je ne me prononcerais pas sur le document. En revanche, l'authenticité sentimentale de la "Lettre à Elise" ne fait pour moi aucun doute. Bagatelle facile, diront d'autres évidemment. On a beaucoup phantasmé sur la vie amoureuse de Beethoven, dont on ne sait à peu près rien. Certains imaginent qu'il ne connut que des amours platoniques, d'autres qu'il s'adonnait à des débauches sexuelles... ou les deux. Ecoutons plutôt la "Lettre à Elise" et oublions cela. Mozart, lui, écrivait des lettres érotiques à sa cousine.

GAROFALO
Carlo Giorgio Garofalo (1886-1962) (CD Marco Polo 8.225183 avec le new Moscow Symphony Orchestra dirigé par Serguéi Stadler). Sa symphonie romantique est quasiment un hommage à Tchaïkovski, tant la marque de ce compositeur y est présente. Son concerto pour violon laisse percer l'influence de Glazounonv (ou d'un compositeur affectant le même style violonistique). De premier abord, Garofalo m'était apparu comme un néo-classique mou, je veux dire ultra-néoclassique chez lequel on ne pouvait même pas déceler les minimes crispations qui caractérisent les contemporains les plus néo-classiques. De ce point de vue, je le plaçais avec Addinsell. Au fil des auditions, je reconnais que Garofalo a réalisé un véritable travail d'approfondissement du style de ballet tchaïkovskien, non en le "modernisant" comme Glazounov dans "Les saisons", mais en poussant à l'extrême le mélodisme tchaïkovski. Une fois de plus, cela montre l'influence que peut exercer un maître original (Tchaïkovski) sans qu'il soit nullement question d'évolution vers l'atonalisme, même pas vers un langage plus dissonant à l'intérieur de la tonalité. Peut-être autant de compositeurs sont tributaires de Tchaïkovski que de Wagner (peut-être?). Les médias musicales ont pu occulter les successeurs de Tchaïkovski et mis en exergue les néowagnériens. Saura-t-on un jour rechercher l'histoire réelle, objective, derrière ces gesticulations idéologiques?

DES COMPLOTS PARTOUT - GAROFALO ET RESPIGHI
Je ne puis passer sous silence une curieuse remarque de la notice du CD sur Garofalo (par Lex Ginsburg): "Selon la rumeur, Ottorino Respighi aurait été en partie responsable du destin malheureux de Garofalo, car il voyait dans ce dernier un dangereux concurrent pouvant mettre en péril sa réputation de premier compositeur italien non opératique"

Ne voyez surtout aucune relation entre les critiques très négatives que j'ai fournies sur les oeuvres les plus connues de Respighi et cette remarque, ce ne peut être, comme on dit, qu'une pure coïncidence.

Il y a vraiment des gens qui voient des complots partout!

RÉPERTOIRE PÉDAGOGIQUE POUR PIANO
J'ai observé un phénomène dans l'enseignement musical d'aujourd'hui. Alors qu'autrefois on jouait volontiers au piano tout un répertoire dit "de salon", certes plus facile à jouer mais aussi à écouter, aujourd'hui on concentre les efforts sur les "grands" classiques : Bach, Chopin, Liszt... Ce n'est d'ailleurs qu'un des aspects de l'apauvrissement du répertoire dû à la focalisation sur les "prétendus" grands classiques. J'ai souvent évoqué en comparaison le répertoire encyclopédique d'Hortense Parent, une des plus grandes pédagogues du début du 20e. Il n'y a pas que le répertoire des pièces légères qui est sacrifié au culte desséchant des "grands classiques".Quoi qu'on ait voulu absolument me prouver le contraire, je pense qu'on est très loin de jouer autant Scarlatti ou Rameau que Bach et que l'on est également très loin de jouer Saint-Saëns, Tchaïkovski autant que Beethoven ou même Schubert dans le répertoire pédagogique. Les choix sont très orientés, à ce qu'il me semble.

DEBUSSY PROFONDÉMENT ÉMOUVANT?
Le quatuor, un genre bien sévère par rapport à son tempérament, néanmoins je pense qu'il a su introduire une certaine substance, au moins dans un des quatre mouvements. Le quatuor de Debussy n'est cependant pas de ceux qui nous remue profondément en nous-mêmes, me semble-t-il. On pourrait poser une question plus générale. Debussy est-il le genre de compositeur qui peut nous émouvoir jusqu'aux entrailles dans le sens où on l'entend pour la "Pathétique" de Tchaïkovski par exemple. Eût-il d'ailleurs apprécié cette référence? Son tempérament est plutôt celui d'un coloriste, d'un peintre qui peut nous suggérer des émotions d'une subtilité supérieure, mais qui n'est jamais l'expression d'une âme torturée. Son quatuor, de ce point de vue, me paraît à l'unisson de ses autres oeuvres. On y discerne peut-être plus d'effets rythmiques compensant une certaine pauvreté de la couleur instrumentale imposée par le genre. En second lieu, le piano me paraît mieux lui convenir que les cordes qui impliquent plutôt la mélodie récitative à laquelle Debussy était particulièrement allergique. J'apprécie ce quatuor (en partie), mais je n'y ai jamais senti les accents douloureux qui ont pu m'être suggérées par d'autres oeuvres de musique de chambre comme les trios de saint-Saëns, les quintettes de Sgambati ou le "Quatuor de ma vie" de Smetana.

RICHARD STRAUSS
Ce double CD que j'ai acquis présente quelques oeuvres maîtresses de Richard Strauss. "Ainsi parlait Zarathoustra" est connu surtout pour son premier mouvement d'introduction: "Le lever du soleil". Page saisissante, grandiose, sublime, qui contraste avec les 5 mouvements suivants à mon avis très peu marquants. Les 7e et 8e mouvements sont représentatifs de l'orchestration particulièrement rutilante de Strauss mêlant des sections où dominent les cuivres avec des motifs solo au violon. Ces derniers, très expressifs sont irrésistibles. Strauss présente un style caractérisé par un épanouissement dynamique en opposition avec le statisme "wagnérien" (que d'ailleurs Wagner n'a pas du tout inventé), mais aucun élément de ce style "straussien" n'apparaît original par rapport aux oeuvres d'Augusta Holmes, par rapport à laquelle il se trouve en retrait. Une belle partition à mon avis, mais très inégale et un peu décousue dans son ensemble. Certains glissandi un peu curieux préfigurent Mahler. Don Juan et Till l'Espiègle: je ne vois pas une once de musique intéressante dans les 2 poèmes symphoniques de Straus (dom Juan et Till l'espiègle) que j'ai écouté et réécoutés désespérément, de peur de "passer à côté". Strauss, à mon avis, n'a pas renouvelé l'exploit d'"Ainsi parlait Zarathousta", réussite d'ailleurs très relative, moins de la moitié de l'oeuvre me semble digne d'être retenue. Je poursuis avec "Une vie de héros" dont on dit que Strauss l'a écrit pour sa propre apothéose. Pour l'instant, je pense qu'il ne le mérite pas.

INFLUENCE SUR GAROFALO
C'est bien certain qu'il n'y a aucun rapport avec les sérialistes, mais ce que je connais de Malipiero, notamment, me paraît très confus. Le critère d'athématisme constitue pur moi une caractéristique de "modernité" autant que le critère de "tonalisme". En tous cas, je ne vois aucun rapport avec le style très mélodique de Garofalo, notamment dans sa symphonie avec un quelconque de ces compositeurs. Comme je l'ai déjà dit, l'influence de Tchaïkovski dans cette oeuvre (la symphonie) me paraît si évidente que je la considèrerais comme un hommage à ce compositeur. Un des motifs notamment est proche du "lac des cygnes". Qu'un commentateur veuille voir du Bruckner là-dedans, voilà qui me dépasse. Mais que voulez-vous : "quot capita, tot sensus".

VOLTAIRE
Voltaire, encore un intellectuel. Ce qu'il a fait de bien, à mon avis, c'est de ne pas s'occuper de musique. Si tous les Intellectuels prenaient modèle sur lui, tout irait sans doute mieux dans la société musicale.

MÉPRIS DE L'ART PROFÉRÉ PAR LES INTELLECTUELS
Je viens de trouver absolument par hasard dans un livre de littérature un passage qui fera plaisir aux amateurs de Gounod, s'il en est. L'auteur de l'ouvrage est Pierre Bayrou et le titre "Solitude d'Anglard - Journal d'un promeneur. "Figaro littéraire d'hier mardi: article de Reynaldo Hahn: "Un centenaire. Propos sur massenet:

"C'est la première fois que je vois un critique d'art parler de Gounod sans mépris." L'ouvrage est paru en 1981, je situerai l'article du Figaro vers 1950 ou 60.

L'auteur continue:

"Les critiques, les raffinés, les esthètes, ceux qui imposent leurs verdicts aux badauds, font, hélas, beaucoup de mal: quel poète, quel génie, quel dieu n'ont-ils pas méprisé, raillé, couvert d'ordures? Quelle grandeur n'ont-ils pas niée, quel amour ou quelle foi n'ont-ils pas réussi à rendre ridicules? A tant de condamnations péremptoires prononcées au nom de l'Intelligence, que pourrait proposer notre pauvre coeur? Et que reste-t-il, quand cette intelligence elle-même, après avoir tout flétri, souillé, détruit, fait à son tour l'aveu de son incertitude?" Je poursuis le Journal d'un promeneur de Pierre Bayrou. J'y trouve des réflexions à ma convenance."

Et plus loin:

"Déssechement, extinction, stérilité de tout art par excès d'intellectualisme. Alexandrie après Athènes. En littérature, en peinture, le goût de l'abstraction naît quand meurt la force créatrice."

Voyons, n'y aurait-il pas une école musicale à laquelle on pourrait appliquer cette réflexion.

HIÉRARCHIE DANS L'ORCHESTRE
Oui, en plus, les cordes représentent la noblesse de l'orchestre alors que les bois ne représentent que la valétaille. Quant aux cuivres, je n'en parle même pas. Une étude sociologique très sérieuse a montré que lorsque l'on passe des cordes aux bois, puis aux cuivres dans un orchestre, les instrumentistes concernés appartiennent à des catégories sociales moins élevées. Il y a parfois des tensions internes dans un orchestre en raison de ces différences.

RELATIVISATION CONCERNANT LES OEUVRES SYMPHONIQUES DE STRAUSS
J'ai pourtant écouté ces deux oeuvres de très nombreuses fois ("Till l'espiègle" et "Dom Juan", eu égard à leur notoriété (relative tout de même, en fait seule l'Introduction d'Ainsi parlait Zarathoustra est très connue). Je suis désolé. Je ne puis rien ajouter de plus. En ce qui concerne la virtuosité orchestrale, elle ne fait aucun doute. Dans "Une vie de héros", l'orchestration m'apparaît encore plus subtile, plus raffinée, mais je n'y vois pas plus de matière musicale. Pour moi, c'est un très brillant exercice symphonique, mais rien qu'un exercice. Je voudrais tout de même apporter une correction par rapport à mon jugement global sur ces 4 poèmes symphoniques de Strauss. J'ai jugé Strauss sévèrement, pourtant il y a à mon avis 3 mouvements absolument géniaux (selon moi) dans Ainsi parlait Zarathoustra. Si je fais un bilan des symphonies de Dvorak, Sibelius, des poèmes symphoniques de Liszt ou de bien d'autres compositeurs , y a-t-il beaucoup plus de mouvements excellents au total chez eux (pour moi)? Il faut donc relativiser. De même, je porte aux nues certains compositeurs qui n'ont écrit qu'un concerto excellent sur une série de 5 ou 6. C'est vrai aussi que la comparaison avec les poèmes symphoniques d'Augusta Holmes, à l'avantage de cette dernière, pour moi, sur le plan de la valeur comme sur celui de l'innovation, m'apparaît assez cruelle à l'égard de Strauss. De ce point de vue, je ne suis peut-être pas objectif.

ATONALISME VARIABLE
ces oeuvres sont-elles atonales? C'est une différence d'évaluation que nous avons fréquemment concernant les compositeurs modernes. Un certain mélomane sarcartique nous dirait sans doute qu'il y a des dissensions au sein du Bureau des Affaires Tonales. Disons que Chtchédrine est un moderne dissonant. Mossolov, me paraît plus franchement atonal, d'après son "Concerto pour piano". Tcherepnine (Alexandre), oui, 2 concertos et les 10 bagatelles. Inutile de vous dire que je n'en pense pas du bien.

MUSIQUE ESPAGNOLE
Très heureux de pouvoir à nouveau discourir avec toi. Tu n'as pas encore renié Bach. C'est pour bientôt, j'espère. Comment un mélomane tel que toi peut-il donner dans ce culte ringard Aujourd'hui, Vivaldi est à la mode, sois opportuniste! A propos de Goyescas, parles-tu de difficulté instrumentale ou de virtuosité? Tout le problème est là. C'est le praticien qui juge de la difficulté instrumentale, mais c'est le mélomane qui juge de la virtuosité. Les oeuvres ibériques que tu apprécies me semblent de faible intérêt: la plupart des oeuvres pour piano de Falla (sauf la "Serenata andaluza" et la célèbre "Danse du feu"), "Iberia" d'Albeniz, "Mompou" (indigeste pour moi). Comment peut-on aimer ces insignifiants sons de cloche dont nous afflige ce compositeur? Je tiens à affirmer cependant que je suis un grand amateur de musique espagnole, tout en reconnaissant ne pas être un connaisseur dans ce domaine. Je pourrais cependant citer de nombreuses oeuvres de musique espagnole du plus haut intérêt (à mon avis) : une grande partie de l'oeuvre pour piano solo de Rodrigo, les "Cantos de Espana" d'Albeniz, de nombreux compositeurs de l'époque romantique que j'ai découvert par hasard cette année: des oeuves de Adalid, Power Lugo-Vina, Sanchez Allu... Et n'oublions pas Sarasate dans le domaine violonistique. Quant à Arriaga, ses quintettes me paraissent assurément des oeuvres géniales, mais est-ce de la musique "espagnole"?. L'inspiration la plus élevée me semble être détenue par Rodrigo, pour moi le compositeur espagnol le plus marquant. Naturellement, n'oublions pas la musique espagnole des Russes, célèbre, celle de Glinka, Rimski, Glazounov et même de Tchaïkovski. N'oublions pas non plus Grieg, Saint-Saëns, Lalo, Chaminade, Liszt dans ce domaine...

MAHLER
C'est la symphonie de Mahler que je préfère, mais la seule... pour l'instant. Certains procédés qui m'avaient paru très artificiels et dépourvus d'efficience dans certaines de ses symphonies antérieures me sont apparus là chargés d'un sens et d'une affectivité étonnants. Alors que le "fameux" Adagietto de la 5e me laisse froid, cette symphonie me transporte. Mais un mahlérien sur ce forum m'avait répondu que je n'avais pas écouté les symphonies de Mahler qu'il fallait, alors tous les espoirs sont permis.

INFLUENCE DE BACH - INFLUENCE DE PAGANINI
La reprise de procédés thématiques, notamment d'un compositeur par ses contemporains et directs successeurs témoigne souvent de son importance sur le plan de l'évolution du langage musical. Or, cette reprise chez les contemporains et successeurs directs est nulle dans le cas de Bach pour la raison historique que la figure du Cantor n'émergea réellement qu'au début du 19e siècle. Bach n'a donc de ce point de vue eu aucune importance dans l'istoire de la musique (j'ai dit : de ce point de vue). Et la reprise de certains thèmes de Bach dans des variations à partir du 19e n'implique nullement que Bach ait eu une quelconque influence dans la genèse du romantisme. De même, la reprise du 14e caprice par Rachmaninov n'a rien apporté au langage musical du début du 20e. De ce point de vue, vous avez raison. C'est la diffusion du style paganinien chez presque tous les violonistes compositeurs, et autre compositeurs du 19e siècle qui montre à mon avis l'importance de Paganini. Le cas de Vieuxtemps (qui écrivit notamment un "Hommage à paganini") me paraît évident. Naturellement, si on considère Vieuxtemps comme un petit compositeur (ce que vous ne manquerez pas de faire), on en déduira mathématiquement que l'influence de Paganini n'a pas d'importance. C'est un raisonnement très subtil. On pourrrait tout de même ajouter aussi toute l'école franco-belge, que, j'espère, vous n'écartez pas comme étant insignifiante. Une nuance peut cependant être apportée à l'importance représentée par Paganini. Certains concertos de Spohr (le 8 notamment) contiennent des exemples de "chromatisme paganinien" peut-être avant la date à partir de laquelle était connu les premiers concertos de Paganini (perdus actuellement). Une oeuvre de Giuliani témoigne aussi d'une certaine exubérance du jeu violonistique à son époque selon une thématique déjà "paganinienne". Je n'en sais pas plus. Cela me paraît tout de même assez léger par rapport aux grandes innovations thématiques qui apparaitront dans les concertos de Paganini à partir du "1". La connaissance d'autres oeuvres de l'époque permettraient d'éclaircir nos idées la-dessus. Pour revenir aux thème repris d'après Bach, le problème est aussi que ces thèmes risquent de ne pas avoir été du Bach! ou de traduire l'influence des autres compositeurs de l'époque Vivaldi, Albinoni, Marcello, Scarlatti... et ces thèmes ont été repris bien souvent à une époque où ces compositeurs pour la plupart étaient encore occultés (ou une grande partie de leur oeuvre). Scarlatti n'était pas un inconnu au début du 19e, c'est vrai, mais il est loin d'avoir joui de la médiatisation de Bach, savamment orchestrée par les milieux intellectuels. En troisième lieu, de nombreux compositeurs, si je ne me trompe, ont repris souvent des thèmes de Bach dans le cadre d'exercices de contrepoint, très en marge du style caractéristique de l'époque.

LA SYMPHONIE HÉROÏQUE DE BEETHOVEN
Pardonnez-moi, jm, nous étions bien sur forum_classique, je croyais qu'il s'agissait d'un message personnel. J'en profite pour ajouter que votre déception initiale à propos de la 3 ne m'étonne pas entièrement. Le thème principal du premier mouvement en effet fait preuve d'une grande économie de moyen. Je pense qu'il est volontairement très "squelettique", fortement scandé, car l'intérêt se trouve reporté dans le traitement symphonique et harmonique, lequel traitement n'est pas un procédé de "variation", mais fait partie intégrante du thème. Enfin, c'est une interprétation ou plutôt la manière dont je le perçois. Certains mauvais esprit (mais y en a-t-il sur cette liste?) ne manqueront pas de dire que je sais mieux que le compositeur ce qu'il a voulu dire. Je précise que cette hypothèse n'intervient nullement sur l'émotion esthétique que je ressens. En revanche, je dois dire que le dernier mouvement me paraît un des plus nuls que Beethoven ait écrit (opinion personnelle). Je lui ai tout de même concédé une étoile, mais en y réfléchissant, je me demande si je n'ai pas été trop généreux.

CERCLE VICIEUX
En considérant qu'Haydn a eu plus d'importance que Stamic dans la genèse de la symphonie classique du fait que Haydn fut le précepteur de Beethoven, vous prenez comme postulat que les compositeurs célèbres sont ceux qui ont joué un rôle historique effectif. L'importance de Haydn est assujettie à l'importance de Beethoven. Ce résonnement récurrent tourne au cercle vicieux. On pourrait affirmer de même que Christian Neefe (qui fut le premier maître de Beethoven) est un compositeur d'une importance historique essentielle et lui attrubuer le mérite d'avoir inventé les procédés qu'il a simplement transmis à Beethoven. Vous confondez la transmission et l'invention. A ce compte-là, n'importe qui peut être inventeur. A contrario, je pourrais par le même raisonnement considérer que Bériot est un compositeur fondamental dans l'histoire musicale puisqu'il fit le maître de Vieuxtemps, que je considère comme un compositeur majeur du 19e siècle... Tout cela ne repose sur aucune base solide. Cher mélomane, je crois que vous êtes enferré jusqu'à la gorge à vouloir continuer de considérer Haydn comme le Père de la symphonie. Libre à vous de contester les données de base fournies par tous les musicologues qui ont étudié la genèse de la symphonie. Errare humanum est, perserverare diabolicum.

ORCHESTRATION DES CONCERTOS DE CHOPIN
Franchement, l'orchestration des concertos de Chopin ne me paraît pas plus négligée que celle des autres concertos de l'époque, qu'il s'agisse de ceux de Hummel, de Moscheles ou celui de Kullak. Je crois que c'est le style de l'époque et cela correspond à un choix esthétique: de longs tutti aux cordes entrecoupés de petits motifs timides aux bois. C'est vrai qu'elle est moins fournie, moins colorée que celle de beethoven dans l'Empereur (écrit pourtant avant) et plus pauvre que celle du concerto de Ries de style lui aussi plutôt beethovénien.

MENDELSSOHN INFLUENCÉ PAR BACH
Ne faites pas le naïf, vous comprenez très bien. Je vous ai dit que Bach n'a pas eu d'influence sur le langage musical caractérisant la période romantique. Les oeuvres romantiques de Mendelssohn procèdent des enrichissement du langage apportées successivement par Vivaldi, Sammartini, Stamic, Dittersdorf, Beethoven, Paganini... qui ont abouti de proche en proche au concerto et à la symphonie romantiques. Le "Concerto n°2" de Mendelssohn procède plus de Torelli et Vivaldi du fait simplement qu'il s'agit d'un concerto de soliste, et brillant en plus, donc, dans l'esprit vivaldien d'une manière générale, même si sa virtuosité est très moyenne. Vous ne ferez jamais croire à quelqu'un de normalement constituué que la fugue appartient au langage musical romantique. Tout au plus, peut-on la rencontrer sporadiquement dans certianes compositions. Si cela peut vous faire plaisir, on pourrait y ajouter certaines oeuvres de Reger, Bruckner et de bien d'autres. Ces passages - très limités - n'ont justement joué aucun rôle dans l'élaboration de l'esthétique romantique ou moderne puisque par définition ils se réfèrent à une esthétique archaïque appartenant au 17e siècle (et avant). Je connais les deux oeuvres de Saint-Saëns que vous avez citées, j'y ai vu personnellement l'influence de Berlioz, Liszt, mais pas du tout de Bach. Quoi qu'il en soit, le style de la fugue n'appartient pas en propre à Bach puisque la fugue existait un siècle au moins avant Bach.

INVERSION DES VALEURS
Si on veut considérer que la technique contrapuntique est une caractéristique moderne par raport à l'évolution de la musique du 17e au 20e siècle, moi je veux bien. J'ai toujours appris que la fin du 17e siècle inaugurait la fin de l'ére polyphonique et l'avènement de la monodie accompagnée et avec elle le règne de l'harmonie et de la mélodie. Il faudrait s'entendre alors sur les rudiments et les bases de l'histoire de la musique. Si vous voulez les contester, d'accord; pour ma part, je ne fais pas partie des contestataires sur ce point-là. Il me paraît visible que par une telle prise de position, on s'oriente vers une conception de la musique qui élimine le lyrisme et l'expressivité, ce que les "modernes" de la fin du 18e et au début du 19e reprochaient aux traditionnalistes. Pour aller jusqu'au bout, on pourra prétendre qu'il y a beaucoup plus d'expressivité dans l'Art de la fugue que dans le Concerto n°1 de Tchaïkovski,. tant qu'on y est, pourquoi pas. Dans le même esprit, on pourra aussi affirmer qu'il y a plus d'expressivité dans le Concerto à la mémoire d'un age de Berg que dans le Concerto n°1 de Paganini. Et on peut continuer comme cela de considérer que les plus grandes oeuvres musicales sont des exercices rhétoriques qui ennuient le public... je vois mal comment on pourrait considérer l'influence de Bach seul comme supérieure à la succession tout à fait normale dans le temps de nombreux autres compositeurs qui orientent réellement la musique vers les formes modernes (le concerto, le symphonisme...). Il est tout de même évident que l'utilisation de la fugue est un phénomène marginal au 18e et 19e siècle ou alors il faut revoir toutes nos bases musicales les plus élémentaires. Par définition même, l'écriture polyphonique, même si elle a pu se maintenir sporadiquement par suite de l'importance de la scholastique et du traditionalisme, n'a pu concerner l'évolution de la musique. La seule explication à cette vision, à mon avis, absurde de l'évolution de la musique, que quelques membres sur ce forum sont les seuls à entretenir contre les évidentes notions de base de la musicologie est l'idéologie. Sauver coûte que coûte Bach, lui garantir sa position de compositeur supérieur, ne cherchez nulle part ailleurs d'explication. L'influence d'un compositeur seul est rarement considérable dans l'histoire. L'évolution est plutôt la conjonction d'un grand nombre d'oeuvres de compositeurs différents permettant une modification très progressive. Il y a également un hiatus entre le discours et la réalité. De nombreux compositeurs ont eux-mêmes participé aux culte Bach, il n'empêche que leurs oeuvres sont influencées par les effets nouveaux créés par leurs contemporains et non par l'ancien style hérité de Bach. Par exemple l'influence visible dans les concertos de Chopin est celle de Hummel et Moschelès. La parenté entre le "Concerto n°3" de Moscheles (2e mouvement) et le 2e mouvement du "Concerto n°2" de Chopin est évidente. de Nombreuses autres oeuvres de l'époque sont dans le même style pianistique et symphonique et forment une lignée, celles de Field, Kullak...

POURQUOI LA POLÉMIQUE SUR BACH INNOVATEUR?
Malgré l'indifférence affichée par certains membres sur l'importance de Bach dans l'évolution du langage, l'enjeu est réel. Cette polémique dure entre nous depuis plus de deux ans. Au niveau historique, elle s'étend sur plusieurs siècles. Il est évident que si Bach n'apparaît plus comme un grand novateur à la mesure du culte qu'on lui voue, son prestige se trouve grandement diminué. Si l'intérêt intrinsèque de ses oeuvres était suffisant pour le maintenir, cela n'aurait peut-être pas d'impact majeur. Peut-être est-ce le signe qu'on lui a trop donné d'importance par rapport à l'intérêt réel de ses oeuvres? Le cas de Mozart est différent, il est intéressant de le considérer à titre de comparaison. Mozart a été déifié aussi, et il a même encore plus symbolisé la musique. On remarquera que Mozart "supporte" mieux la révélation qu'il n'ait pas été un novateur car sa musique vaut par son expressivité, son caractère "touchant" (l'innocence mozartienne) et on comprend que c'est parfaitement suffisant. Mais Bach a été caractérisé comme un "cérébral". Comment pourrait-on admettre qu'un cérébral , un "gros cerveau" n'ait pas révolutionné la musique de son époque. Il faut ajouter à cela notre philosophie progressiste (depuis la philosophie des Lumières) qui nous permet d'admettre difficilement qu'un compositeur majeur n'ait pas été un grand novateur. Voilà comment on peut expliquer à mon avis historiquement la volonté des musicographes de présenter Bach en avance sur son temps.

BACH INSPIRATEUR DE L'ÉVOLUTION MUSICALE AU 20e SIÈCLE?
Dans la mesure où certains modernes se sont dégagés du romantisme et aussi de l'expressivité et du lyrisme. Et je vous rappelle que Bach n'avait pas le monopole de la fugue. La fugue, procédé qui remonte au 16e siècle et dont la genèse fut sans doute très progressive est certainement la "res nullius" par excellence et la chose de tout le monde. Faire de Bach un inspirateur dans l'évolution de la musique au 20e siècle est peut-être un peu exagéré, ne croyez-vous pas? Je pense que l'évolution de la musique au 20e siècle est moins monolithique, moins unidirectionnelle qu'elle l'a été au 18e et au 19e siècle. Je différentierais de nombreux courants. Il y a sans doute une plus grande dispersion dans le temps et l'espace. J'ai tenté une évolution des oeuvres pour piano et orchestre au 20e, mais en toute prudence, c'est un essai.

IMPORTANCE HISTORIQUE DE L'INNOVATION IMPORTANTE OU NÉGLIGEABLE
Si le fait que Bach ait été ou non un innovateur n'a aucune importance comme vous vous plaisez à l'affirmer, pourquoi 2 générations et plus de musicographes se sont évertuées à présenter ce compositeur comme un novateur. Bien sûr, maintenant qu'on est obligé d'admettre qu'il n'en a pas étés un, cela n'a plus d'importance. Cela aurait eu de l'importance si cet élément musicologique avait permis de mettre Bach en vedette, mais comme cela met plutôt Vivaldi ou Scarlatti en vedette, il vaut mieux oublier l'importance historique.

IMAGE DU GÉNIE CHEZ MOZART ET CHEZ BACH
Il est vrai que la précocité de Mozart a certainement beaucoup contribué à son émergence et à asseoir son exceptionalité. On pourrait citer pourtant parmi les compositeurs les plus précoces Saint-Saëns, Vieuxtemps, Prokofiev et certainement bien d'autres. La précocité renforce l'idée que Mozart est "touché par la grâce" ou qu'il tire directement ses capacités de son génie propre sans approche progressive. En revanche, à propos de Bach, l'austérité de l'étude apparaît un préalable pour que s'épanouisse son génie. Le génie ne lui viendrait pas spontanément, mais par l'exercice d'une cogitation (supérieure naturellement). Dans un cas comme dans l'autre, nous sommes dans le mythe.

APOLOGIES DÉLIRANTES DE BACH
Je me souviens d'apologismes encore plus délirants de Bach s'exprimant dans des propos généraux. Mais lorsque Candé, en musicologue rigoureux, en vient à l'analyse des faits, il reconnaît lui-même que Bach est un compositeur tourné vers le passé, vers le chant choral et la polyphonie. Et c'est lui qui considère Vivaldi comme le "père de la symphonie". Il y a donc 2 types de discours selon qu'il est question de propos de philosophie générale ou bien que l'on considère la réalité musicologique. Voici ce qu'il écrit dans son histoire de la musique:

"Les éléments fondamentaux qui garantissent à l'oeuvre de Bach son universalité sont, d'une part, le caractère essentiellement polyphonique du génie créateur, d'autre part l'omniprésence du choral luthérien. Choral et polyphonie sont les dimensions provilégiées de son oeuvre qui constitue le plus formidable travail de synthèse de l'histoire d ela musique. On s'est plu à peindre Bach comme un musicien révolutionnaire : c'est méconnaître la véritable vocation de son génie. Bach se méfie des formes nouvelles qui n'ont pas été longtemps éprouvées."

Un euphémisme pour expliquer que Bach est en retard sur son temps. Et l'on trouve quelques lignes plus bas:

"A la fois aboutissement et point de départ d'une culture prodigieuse, l'oeuvre de Bach forme la clef de voûte de notre histoire musicale."

Candé qui reproche à certains d'avoir présenté Bach comme un moderne et le premier à le faire. Il utilise le terme équivoque "culture" comme certains utilisent le terme de "référence". Ainsi se trouve presque toujours à propos de Bach ces hyperboles grandiloquantes, mais creuses, que vous chercheriez en vain dans les notices sur Vivaldi par exemple.

CONVERGENCE ENTRE ÉCRITURE POLYPHONIQUE ET SÉRIALISME
Un inspirateur pour les adorateurs de systèmes qui orientent la musique vers l'absence de sensibilité, si vous voulez. Les partisans de systèmes, qu'ils soient archaîque ou modernistes se soutiennent. Le point commun entre le sérialisme et l'écriture polyphonique, c'est que ce sont 2 systèmes artificiels qui évacuent la sensibilité musicale.

INFLUENCE DE BACH SUR SAINT-SAËNS, RACHMANINOV...
L'influence de bach (je dirais plutôt de l'écriture fuguée) perceptible dans les deux Préludes et Fugues pour orgue op. 99 et 109 de Saint-Saëns, oui, mais qu'en concluez-vous?. Il s'agit de compositions qui se réfèrent au style contrapuntique et au style des préludes de Bach, ne serait-ce que par leur dénomination. Il est bien évident que cette composition de Saint-Saëns n'apporte rien à la genèse du romantisme, ni ne participe de ce style, par définition même et n'apporte rien à la genèse de l'impressionnisme musical. Rappelons que Saint-Saëns a participé à cette genèse de l'impressionnisme dans certaines parties du "Carnaval des animaux", (le fameux "Aquarium" par exemple) une partition qui a reçu un accueil autrement plus extraordinaire que son "Prélude et fugue op 99 et 109" que quasiment personne ne connaît et dont l'importance dans l'histoire de la musique est nulle. On pourrait aussi se poser la question de savoir quelles oeuvres polyphoniques du 19e ou du 20e siècle sont devenues célèbres. Parmi les oeuvres marquantes du 19e et 20e, lesquelles relèvent de la polyphonie? si ces questions n'étaient pas en elles-même aussi absurdes. De même pour Rachmaninov avec ses Préludes en ce sens ne participait pas à la genèse du style romantique et encore moins impressionniste ou expressionniste. Il faut voir la participation de Rachmaninov aux nouveautés stylistiques du 20e dans les style pré-expressionniste du 2e mouvement de son concerto n°2, qui eut d'ailleurs un immense retentissement. Les effets du culte Bach ont entraîné une myriade de compositions imitatives dans le style archaïsant, mais n' en aucun cas orienté l'évolution de la musique.

BACH RÉFÉRENCE
Platzer débute son chapitre sur Bach par la phrase suivante:

"Jean-Sébastien Bach est sans conteste un des piliers de toute la musique savante occidentale car son oeuvre, par sa monumentalité et sa solidité, est devenue le point de repère incontournable pour pratiquement tous les compositeurs qui ont travaillé après lui."

Un autre paragraphe de Platzer s'intitule "Bach, une référence". Tout cela me semble bien traduire le paradoxe. Il est vrai que Bach fut une "référence" très importante pour ses successeurs... Je me permets cependant de remarquer que l'on choisit les compositeurs auxquels on fait allusion pour affirmer que Bach est la référence incontournable. Certainement Platzer considère comme négligeable l'univers des virtuoses compositeurs (pourtant très important historiquement au 19e siècle) pour lesquels Bach n'est pas une référence (sauf exceptions) car il considère sans doute ces compositeurs comme secondaireS. On reste donc dans le cercle vicieux: "Bach est important parce qu'il a influencé Mozart et Beethoven..." à quoi on peut répondre Paganini est une référence aussi importante car il a influencé Léonard et Lipinski... Toujours dans l'ouvrage de Platzer, il est remarqué à propos de Vivaldi:

"La très riche et parfois curieuse harmonie vivaldienne y est présente (dans les Quatre saisons) avec l'alternance de passages très stables tonalement et d'autres construits sur des chromatismes émaillés d'accords de tritons ou de septième diminuées enchaînés, tels qu'au plus tôt les romantiques (un siècle plus tard) les utiliseront. Dans le chapitre sur le concerto, platzer remarque sur Vivaldi:

"la plénitude de son langage harmonique très moderne pour l'époque, restera pratiquement inchangé au moins jusqu'à Robert Schumann."

Ce qui n'empêche que pour présenter Vivaldi, on ne trouve pas la phrase ronflante utilisée à propos de Bach "pilier de la musique occidentale...", mais plus prosaïquement il est précisé que Vivaldi est un des compositeur dont le nom est parfaitement connu du grand public grâce à 4 concertos qui connaissent un très grand nombre d'enregistrements. Et l'auteur ajoute "faut-il s'en réjouir ou s'en plaindre". Cela dit, Vivaldi est reconnu aussi comme un génie (plutôt en raison de son rôle de novateur que de l'intérêt intrinsèque de ses oeuvres, semble-t-il), mais sans que l'on emploie les dithyrambes de rigueur pour Bach. Le déphasage entre les propos généraux et les faits musicologiques apparaît assez étonnant. Je l'ai vérifié maintes fois dans de nombreux ouvrages.

CERCLE VICIEUX DES "GRANDS NOMS"
Vous raisonnez toujours à partir des "personnalités musicales" en un cercle vicieux dont vous ne sortez jamais. Qu'est-ce qui vous prouve qu'ils étaient de plus grands compositeurs que Bériot, Lipinski ou Léonard? On retombe toujours sur les "jugements" de compositeurs. Comme l'a dit Pestelli à propos de Clementi "Sur lui pèse le désaveu de Mozart". Et tous les musicographes comme un seul homme vont admirer une certaine oeuvre (Iberia) parce qu'un jour le grand Debussy a dit que c'était génial sans se soucier de considérer par eux-mêmes s'ils étaient ou non sensible à cette oeuvre.

LA NATURE DES CHOSES
Vous avez aussi raison d'être dubitatif. C'est vrai qu'il peut y avoir un décalage entre les ouvrages (souvent de vieux ouvrages réédités) et la réalité de la considération des compositeurs par l'intelligensia actuelle. D'autre part, il peut y avoir un déphasage important entre les idées nouvelles et leur introduction dans ces ouvrages assez "officiels" que sont les histories de la musique dirigées souvent par des sommités de la vieille génération. Cependant, si on compare le nombre de sites internet (données très modernes), le même hiatus apparaît (sites plus souvent édités par des mélomanes zélés que par des organismes officiels ou musicologues, mais il y en a aussi). Les mélomanes supérieurs qui se piquent d'être des Intellectuels préfèreront toujours Bach à un violoniste-compositeur comme Vivaldi, c'est dans la nature des choses. Et le public de la musique classique aura toujours tendance à préférer plutôt Vivaldi à Bach, c'est aussi dans la nature des choses.

LE CONCERTO POUR PIANO DE MASSENET
Ah, le Massenet, une oeuvre phare à mon avis empreinte de ce délicat préimpressionnisme à la recherche de la nuance la plus exquise... une virtuosité toute feutrée, évanescente, qui se nie presque elle-même malgré sa suprême complication et sa souplesse féline, ce qui rapproche cette oeuvre du Novak. Et le Konzertstûck de Cécile Chaminade: dans le même esprit, mais avec en plus une passion sourde mêlant des motifs d'inspiration hispanique et russe. Tout cela pour 5 euros!!

IS BACH THE BEST?
Le document suivant où l'on a demandé à un certian nombre de personnalité musicales ce qu'elles pensaient de Bach me paraît significatif. http://www.gramophone.co.uk/profiles_detail.asp?id=383 La question posée: "Is Bach the best" montre déjà l'existence d'un culte. A propos de quels autres musiciens oserait-on la poser? Beethoven et Mozart, je ne vois que ces deux. Ce document est une pièce à conviction supplémentaire. A mon avis, apologétique idéaliste téléguidée, poursuite du mouvement enclenché au 19e siècle par Forkel. Belle unanimité, on croirait un hymne de foi à l'égard du Grand Libérateur de la Musique.

CONCERTO POUR VIOLON DE BERWALD, STENNHAMMAR, AULIN
Le CD Naxos 8.554287 concertos romantiques suédois tient ses promesses dans la lignée d'un extraordinaire CD de violon nordique qu'il m'avait été donné d'écouter avec des oeuvres de Halvorsen, Svendsen, Grieg... Ici, Berwald, Stenhammar, Aulin (le 3) Le grand style romantique flamboyant et virtuose dans toute sa splendeur dans la lignée de Paganini et Wieniawski. Les compositeurs nordiques sus-mentionnés ont adopté la tessiture extrême-aiguë plutôt que le medium adopté (un peu plus tard) par l'école franco-belge. Les paganinismes foisonnent dans le Berwald, une oeuvre qui me semble très inspirée. le thème du 3e mouvement se rapproche quelque peu de celui d'un des mouvements du 4 de Vieuxtemps (datant de 1850) alors que le Berwald date de de 1820. Il a été écrit à 24 ans. Décidément on retrouve des traits propres à Berwald dans certaines oeuvres postérieures, certains "wagnérismes" notamment. Comme l'a dit un membre de notre liste, ce sont peut-être les oubliés qui ont fait l'histoire. Stenhammar. Deux romances peut-être moins saisissantes, mais le compositeur a choisi la difficulté. Le tempo lent nécessite souvent une invention mélodique supérieure pour compenser l'intérêt produit par un rythme plus incisif. Je pense qu'il n'a pas démérité sans atteindre cependant à mon avis la fameuse romance de Sendsen. Aulin, le 3 : du grand violon aussi atteignant la transcendance. un concerto dont le premier mouvement, superbe, s'inscrit selon une structure curieuse: une longue introduction à la manière d'une cadence. Une orchestration originale préfigurant certains aspects de Sibelius... Des oeuvres dépassant à mon avis de nombreuses oeuvres pour violon plus connues des Brahms, Mendelssohn, Beethoven dont on nous rebat les oreilles.

INFLUENCE DE BRAHMS SUR AULIN?
Pourquoi absolument invoquer le Brahms à propos du concerto n°3 d'Aulin? Ceui-ci atteint dans cette oeuvre la virtuosité transcendante que Brahms n'a jamais atteinte (dans l'esprit), même si sa thématique est beaucoup moins franchement paganinienne que celle de Berwald. Le concerto de Brahms ne donne pas, me semble-t-il, une telle importance au soliste dans le premier mouvement. Je remarquerais néanmoins que c'est simplement l'existence de la virtuosité transcendante qui me fait placer Aulin dans la lignée de Paganini, mais il est vrai qu'il n'y a pas de manière caractéristique des éléments de thématique paganiniens. Je verrai un rapprochement plus net avec Wieniawski qui a développé la virtuosité transcendante selon des formules thématiques déjà différentes. Aulin aussi, de ce point de vue, a trouvé, je pense, sa propre originalité. En tous cas, c'est vraiment impressionnant. Quant au symphonisme d'Aulin, il me semble d'une puissante originalité et sans rapport à celui de Brahms, lequel est vraiment très classique. Personnellement, je vois une marque nordique sensible chez ces compositeurs, même s'il n'y a pas comme chez les Norvégiens ou les Finlandais de rhapsodisme caractérisé à cette génération (peut-être après y en a-t-il, je n'en sais rien). Je pense qu'il n'ont jamais été à la remorque des grands classiques, même s'il les ont obligatoirement cotoyés et même admirés (je pense à Gades par rapport à Mendelssohn) et même Berwald qui a fait une partie de sa carrière en Allemagne. L'originalité de la musique nordique est généralement reconnue par les ouvrages, et même son opposition avec le classicisme allemand. Ce que j'aimerais c'est que l'on reconnût également la valeur de ces compositeurs et là il y a encore du travail.

DUEL MARCON BIONDI POUR DE NOUVEAUX CONCERTOS DE VIVALDI
Je me suis enfin décidé à écouter le fameux CD op 111d'Europa galante avec Biondi bien que je n'en approuve pas les principes, mais faute de mieux. Il aurait été fort dommage de ne pas écouter ces oeuvres. Biondi et Marcon semblent rivaliser pour trouver des concertos nouveaux de Vivaldi dans les oeuvres de maturité du Prete rosso. Ils ne réussisent pas à tous les coups dans leurs choix à mon avis (je dirais :1 sur 2 pour chacun , ce qui n'est déjà pas si mal). Léger avantage à Marcon qui nous a dévoilé un concerto à mon avis exceptionnel (de style dramatique) le RV 275. Les 4 concerti RV 761, 517, 547, 202 du CD d'Europa Galante sont à mon avis d'un très haut niveau, mais je ne comprends pas pourquoi Biondi a inclus dans ce CD le Concerto Madrigaslesco et les 2 sinfonie Al santo sepulcro à mon avis sans aucun intérêt. Peut-être les impératifs de l'intégrale le veulent ainsi (le CD fait partie de l'intégrale op 111) Le RV 202 me paraît intéressant à plus d'un titre. Sans s'inscrire dans la lignée des concertos dramatiques de Vivaldi, il en a la structure ou plutôt il manifeste la détstructuration de la succession tutti-soli caractéristique en principe du concerto vivaldien. Le "tutti" est composé de 4 cellules mélodiques différentes, sans compter leurs variantes qui apparaissent au cours de l'eouvre. On trouve dans cette oeuvre des bizarreries harmoniques telles, probablement, celles remarquées par Platzer. En outre, ce qui me frappe, ce sont des mouvements de progression thématiques, assimilables en partie à des crescendos ou pseudo-crescendos qui fleuriront beaucoup au 19e siècle. C'était l'objet d'une de mes chroniques où j'en remarquais une dans le concerto pour violon de Tchaïkovski notamment. Le concerto pour violon et violoncelle RV 547 me donne un exemple de soli pour violoncelle d'une remarquable efficacité (à mon avis), ce qui contraste avec les nombreux concertos pour cet instruments que ne m'ont jamais séduit (y compris ceux de Vivaldi). En outre, le rapprochement avec les soli de violon leur communique des accents de nostalgie assez pénétrants. Le RV 761, d'une virtuosité moyenne, se présente comme un assemblage de micro-effets qui rapproche l'écriture de la musique de chambre. J'avoue que son écriture d'un rafinnement très poussé m'a fasciné. Ce CD est resté longtemps sur ma platine, de même que celui des concertos suédois pour violon.

LE CONCERTO DES PAPILLONS IPPOLITOV-IVANOV OUVERTURES DE VIVALDI - PICH - PUGNANI - QUATUORS DE BEETHOVEN OP 18
Quelques mots sur les pièces accompagnant le fameux concerto "Les papillons amoureux" sur le CD Naxos 8.554334 (de Zhu et Yan notamment). Des oeuvres beaucoup moins percutantes exploitant le rhapsodisme chinois avec parfois, à mon avis, une certaine facilité. Je ne présenterai pas de nouveau le concerto pour violon de He Zhan-hao. Je l'avais acquis il y a une vingtaine d'années grâce à un professeur de chinois de ma connaissance revenu de Chine. Je ne sais pas si ledit concerto était disponible en Europe à cette époque. Peut-être, car il date tout de même de 1958. En tous cas il était quasiment inconnu, il est devenu aujourd'hui un grand succès. J'ai tout de suite été frappé par cette oeuvre que j'ai immédiatement considérée comme une oeuvre majeure du répertoire (avec 4 étoiles, le maximum, sur mon échelle de valeur). Je ne le connaissais d'ailleurs que sous le nom chinois "Liang Shan-bo et Zhu Ying-tai", qui sont les deux héros métamorphosés en papillons. J'ai découvert sur le CD que l'oeuvre était attribuée à He Zhan-ho et Chen Gang alors qu'elle n'était attribuée qu'au premier dans l'enregistrement que j'avais primitivement. Tout cela ne change rien et je conseille vivement à ceux qui ne connaîtraient pas cette oeuvre magnifique de se la procurer. Ippilitov-Ivanov, première esquisse caucassienne (Naxos 8.553405), une oeuvre aussi qui aurait pu, si elle avait eu la chance, connaître le sort heureux de ce concerto et celui de "Sur un marché persan" de Ketelbey, à laquelle elle s'apparente. Certainement, cette esquisse d'Ippolitov est une des oeuvres les plus orientalistes que je connaisse tout en demeurant parfaitement classique par son instrumentation. Quelques mots d'un CD curieux sur des ouvertures d'opéra de Vivaldi. l'impresario impénitent qu'était le Prêtre roux ne s'embarrassait pas, apparemment, pour satisfaire le public de l'opéra. Le troisième mouvement de l'ouverture "la Dorilla" est tout simplement une reprsie du thème principal du concerto "Le printemps", alors grand tube dans toute l'Europe, une manière de dire "C'est moi le plus célèbre, le plus génial". On veut bien le croire, mais là, c'est tout de même se moquer du monde. De la musique très sommaire, très vite écrite, bâclée sans scrupule, pour faire sensation. Néanmoins, ceux qui voudraient avoir un parfum de la Venise du 18e côté opéra, peuvent se procurer cet enregistrement. Je ne dirais rien d'un concerto de Pich et d'un autre de Pugnani: du style galant tout venant. C'est guère mieux à mon avis pour les quatuors opus 18 de Beethoven. Une écriture, certes soignée, assez "moderne", en revanche l'inspiration ne me semble guère présente.

INFLUENCE IDÉOLOGIQUE ET "COMPLOTS"
Nous revoici avec les complots. En fait, je crois qu'il faut distinguer plusieurs facteurs susceptibles d'être intervenu dans l'émergence des compositeurs les uns par rapport aux autres:
-un climat idéologique véhiculé par l'intelligentsia musicale, qui intervient durant et surtout après la mort du compositeur. Il englobe les modes, les courants culturels, les caractéristiques de civilisation...
-une lutte d'intérêt personnel entre les compositeurs ou groupes d'intérêt les soutenant. Le Fétis rapporte bien des faits divers qui traduisent ce climat de luttes intestines, lequel existe, au fond, partout dans la société. Les cabales (telle celle dirigée contre la première de Pelléas et Mélisande) sont sans doute d'origine mixte.

LE BACH DE FAUQUET ET HENNION
compte-rendu sur l'ouvrage de Hennion et Fauquet paru aux Editions Fayard en 2000 Cet ouvrage est écrit par un musicologue et un sociologue s'appuie sur un travail de recherche apparemment considérable dont nous ne voyons qu'une partie. Les auteurs ont étudié le développement de ce qu'on peut nommer sans ambiguïté le "culte de Bach" en France (quoique les auteurs aient pris la précaution, on les comprned, d'éviter cette expression). Ce culte s'est propagé selon les auteurs grâce à l'ensemble de la société musicale. Sont considérés les compositeurs qui y ont adhéré avec le plus de foi : Boely, Lammens, Baillot, Hiller, en premier lieu, mais aussi Saint-Saëns, Chopin... Et bien sûr, les "savants", les musicographes comme particulièrement Fétis (en étendant aux Belges), qualifié de "croisé de Bach", les organisateurs de concerts, les critiques... Les auteurs ont conçu cet ouvrage comme une analyse impartiale qui ne vise nullement à "contester Bach", néanmoins il apparaît objectivement (à ce qu'il me semble) que le culte de Bach s'est développé à la manière d'une religion, Bach représentant le "père de la musique". Ce culte a été téléguidé par l'intelligentsia musicale. C'est Bach qui a tout inventé, incarné la perfection, constitue l'alpha et l'oméga de la musique... Rares sont les voix s'élevant au milieu de l'encensement général, c'est toutefois le cas de Berlioz.

Ernest David cité par Hennion p 35 "Ses compositions par leur contexture compliquée, sont d'une exécution tellement difficile, que, pour en apprécier les innombrables beautés, il faut les étudier, les examiner de près. C'est impossible à un musicien ordinaire, et plus encore à la masse du public. Rien d'étrange donc à ce que ces oeuvres soient peu connues et n'aient pas encore conquis la popularité" Ernest David 1882

Comme pour la musique moderne, apparemment il faut "expliquer Bach". "Si sa réputation de musicien savant est précoce, la légende même de Bach mal compris (par les autres) parce qu'on le croyait pédant est d'ailleurs plus tardive, et de façon cohérente elle va non pas décliner, mais se renforcer avec le temps, c'est-à-dire à mesure qu'elle sert de faire-valoir à une injonction nouvelle, celle d'"aimer" Bach, qui se fait de plus en plus impérieuse. p 37" "Dès le début du 19e siècle, Bach est célèbre sans être connu" p 54" "Ceci ressort clairement du témoignage autorisé de l'abbé Ply qui, rappelant l'incompréhension dont Hesse fut l'objet dans les fugues de Bach qu'il joue sur l'orgue de Saint-Eustache en 1844, ajoute qu'on lui préféra le jeu des Fessy, de Lefébure, des Séjan, des Boély, dont le genre mi-religieux, mi-mondain convenait mieux à la légèreté française" p 66

On remarquera que, dans les commentaires, si Bach n'est pas apprécié, ce n'est jamais parce que ses oeuvres sont mauvaises, mais parce que le public est mauvais! Remarque personnelle.

"L'union de plusieurs talents tels que ceux de Baillot, de son fils René, de son gendre Eugène Sauzay, de Boëly, forma une sorte d'"union sacrée", un cercle agissant en faveur de Bach, par l'esprit plus que par la lettre. Au sein de ce groupe, Alexandre Boëly incarne véritablement l'anti-virtuose avec tout ce que cela peut signifier à l'époque du point de vue de l'attitude sociale. La persévérance que Boély aura de jouer Bach lui vaudra d'être chassé des claviers de Saint-Germain l'Auxerroix en 1851, tout juste avant que Lemmens ne prenne le relais tendu par Hesse..." p 68

Berlioz (un des rares compositeurs à contester Bach)cité par Hennion p 70:
"Dans "Le rénovateur" du 29 décembre 1933, Berlioz parle du trio pour trois pianos de Sébastien Bach" en ces termes: c'était navrant, je vous jure, de voir trois talents admirables pleins de sève, brillants de jeunesse et de vie, réunis en faisceau pour reproduire cette sotte et ridicule psalmodie.""

Reicha cité par Hennion p 72 "Le genre fugué est et sera toujours celui que les connaisseurs et les véritables amateurs estimeront le plus , non seulement parce qu'il est le plus difficile, mais parce qu'il n'est point assujetti au caprice d'un goût frivole et passager, comme tant d'autres productions musicales qui passent de mode et ne résistent point au temps."

"L'intérêt n'est pas tant pour nous de démêler le faux du vrai, c'est que cette tradition aussi illusoire qu'elle soit et résultant d'une manipulation de Fétis pour faciliter la nomination de Lemmens au conservatoire de Bruxelle ait, dès avant 1885, contribué à façonner Bach. p 90 [Lemmens qui est un des bachomanes les plus acharnés]"

Tiens, comme c'est bizarre, cela ressemblerait-il à un complot?

"Il est des dizaines d'ouvrages ou d'articles de ce genre. ils font Bach au 19e siècle avec autant d'"efficacité, voire plus , que les ouvrage de Fétis" p 102"

"Fétis ajoute au texte de 1833 la lente procession des redécouvreurs, Doles, Fash, Selter, et l'effet du motet joué devant Mozart. La sacralisation du génie immortel" est en route et, comme la bonne parole, l'enthousiasme n'a plus qu'à se répandre de révélation en révélation. le texte met lui-même en partie en route le mouvement que tout à la fois, il appelle de ses voeux, il décrit, et auquel il participe. p 105"

"Le propos est de résoudre la difficulté propre aux biographes de Bach. Et, en effet, au bout de peu de temps, la solution est toute trouvée. Elle va consister à retourner en avantage moral la banalité de la vie de Bach... C'est l'absence d'héroïsme romantique que le héros-Bach tire sa force: plus on en ôte à la vie, plus on peut en donner à l'oeuvre. p 106"

"La figure de bach est là, et bien là, précédant l'écoute que chacun en aura" p 108"

Gigout estime "qu'on ne saurait faire entendre trop souvent la superbe Toccata en fa". Il montre l'exemple en la jouant et Goyon qui la trouve inimitable considère que la manière dont le public a pu l'apprécier "prouve bien qu'il n'y a qu'à lui montrer la bonne route pour qu'il la suive" p 144

"Bientôt il ne va plus suffire de faire ainsi globalement allégeance au grand Bach, père de la musique, tout en rectifiant ici ou là ce qui mérite de l'être. Au terme du siècle, et plus encore au 20e siècle, chaque note de sa musique portera témoitnage de sa perfection, l'idée même d'y trouver à redire devenant sotte insolence - et là encore, ce n'est pas seulement affaire de respect, mais bien de perception: Bach ne choque plus. la grandeur de l'homme est descendu sur la moindre de ses oeuvres. p 157"

"Il faut toujours avoir en tête que chez Bach la réputation précède le succès" p 160"

Ce sera tout pour aujourd'hui, il ne faut pas abuser de telles bonnes chose. Prochain message, les condition exactes de la résurrection de la "Passion selon Saint-Matthieu" à Paris, le succès de Bach.

SYMPHONIES DE DVORAK
Que faudrait-il pour secouer l'apathie de la liste en ce début de semaine. Que je déclare sans doute que la symphonie n°9 du nouveau Monde est nulle. Mais non, elle est à mon avis géniale, unique, sublime, grandiose, puissamment lyrique, délirante, de la première à la dernière note... Le problème est que c'est à mon avis la seule parmi les symphonies du maître thèque. Le symphonisme de Dvorak me paraît assez archaïque de la 1 à la 7, dans le style post-viennois. Je pense qu'il y a une rupture très sensible pour la 8 qui présente un style beaucoup plus subtil, nuancé, raffiné, totalement renouvelé. A quoi cela pourrait-il tenir? L'évolution des compositeurs dépend de leur inspiration intérieure, mais aussi des ouvrages qu'ils peuvent entendre. L'article accompagnant le CD ne jure pour expliquer Dvorak que par Beethoven, Schubert, Wagner, Mahler, tous les "grands" comme s'ils étaient les seuls compositeurs dont on pouvait entendu les oeuvres et qui avaient pu apporter des novueautés. Les programmes de concert au 19e siècle, étaient tout de même plus variés. De quelles oeuvres a pu s'inspirer Dvorak pour manifester une variation de style dont l'importance semble interdire qu'elle soit le résultat de l'évolution normale vers sa maturité? Je n'en ai aucune idée. Wagner, je ne le vois quasiment nulle part, Mahler pas plus. Je ne sais d'ailleurs pas si chronologiquement c'est concevable, je n'ai pas vérifié. Pour autant cette 8e ne me semble pas meilleure que les précédentes. Son style est parfait, je ne parviens pas à comprendre pourquoi je ne l'aime pas. Peut-être lui manque-t-il ce "presque rien" qui tient à l'inspiration. Seule la 9e m'agréé. J'ajouterais peut-être le début du 1er mouvement de la 1 et le 1er mouvement de la 3 (et encore, en forçant beaucoup). Gardons-nous de juger le compositeur uniquement à ses symphonies, il reste les "Danses slaves", remarquables à mon avis et quelques poèmes symphoniques que je ne connais pas encore.

LA RECRÉATION DE LA PASSION SELON SAINT-MATTHIEU À PARIS
Suite du compte-rendu sur l'ouvrage de Fauquet et Hennion sur Bach: les circonstances de la recréation de la Passion selon Saint-Matthieu, avec uniquement des extraits de l'ouvrage, suivies de quelques considérations des auteurs en guise de conclusion. Ils ne prennent pas parti, décrivent simplement les conditions de l'ascension de Bach au 19e siècle en France. Est-ce moi qui exagérais lorsque j'évoquais les causes de cette ascension. Il semble que les révélations des archives consultées par les auteurs dépassent ce que je n'avais même pas osé imaginer.

"Le 12 janvier 1840, Bach entre au répertoire de la Société des concerto du conservatoire avec un récit et air avec choeur de la passion et l'Andante du concerto BWV 1041 par Habeneck. le succès est médiocre." p 179

"Le public a applaudi par convenance plus que par véritable émotion" (citation de Hennion d'un critique du moniteur universel de la première de la passion Saint-matthieu. (extraits)

Sur la première grande exécution le 14 mai 1868 au Panthéon: critique cité par Hennion p 187

"De Monter (un critique) donne en revanche des éléments plus précis sur la solennité de l'exécution et la nature sociale de ce qui est un énévement politico-mondain: présence de notabilités artistiques et littéraires, plusieurs députés, le chambellan de l'empereur, le Préfet de la Seine "qui est resté jusqu'à la fin" - le dit préfet n'est autre qu'Haussmann qui est musicien. Les critiques de l'art, et, aux portes, quêtaient mme la princesse de Meztternich, de Grandval, Jules Simon..."

"1874: le succès est là, pour une oeuvre qui épouvante toujours p 187

la critique (celle de Fétis sur la passion selon Saint Matthieu) "La critique se termine explicitement par un appel mobilisateur "performatif", à une re-formation du goût musical. C'est ce que nous appellerons l'"inversion de la preuve": devant la difficulté qu'il y a à jouer et à entendre Bach, ce n'est pas Bach qu'il faut amender, mais nous qui devons travailler pour atteindre ses hauteurs. p 186

"La formulation des compte-rendus dans la tonalité d'un programme pédagogique, voire d'une réforme du goût et de l'esthétique, semble être une règle" (à propos de l'article de De Monter) p 186

Prise dans une perspective historique et militante, la Passion est l'aboutissement suprême du mouvement musical, plus rêvé que réel, qu'on espère voir se mettre en route, jusqu'à ce qu'il ait à ce point transformé le goût qu'on soit enfin en mesure de l'apprécier! p 194

"C'est là un moment décisif pour le goût, l'inversion de la preuve, en quelque sorte: si cela ne plaît pas, ce n'est pas l'oeuvre qui a quelque défaut, c'est l'amateur qui n'est pas à la hauteur." Et c'est à lui de faire un effort supplémentaire pour se hisser au niveau exigé de lui par l'oeuvre p 205

"L'amateur est désormais un disciple volontaire, doublé d'un expert. Il se prépare avant l'audition. il cultive sa compétence à jouir des oeuvres, à la suite d'un long apprentissage individuel et collectif. p 206

"citation de Hennion d'après Camille Benoît p 209: "On peut affirmer sans crainte que les progrès d'un peuple en musique et en art sont en raison des progrès de l'oeuvre de Bach chez ce peuple."

Je n'aurais qu'un seul commentaire concernant cette première de la Saint-Matthieu où il y avait tout le gratin politico-mondain, je me demande si, à Paris, pour la première des "Quatre qaisons" qui est pourtant devenu comme on sait l'oeuvre la plus enregistrée dans le monde entier, il y avait autant d'officiels et de sommités.

POÈMES SYMPHONIQUES FRANÇAIS
Quelques poèmes symphoniques français de la fin du 19e siècle avec le CD Emi classics (Plasson et l'orchestre du Capitole de Toulouse). Je dois dire que pour moi le principal intérêt de cet enregistrement est de montrer l'identité de style qui régnait à l'époque. Je vois surtout le style pré-impressionniste aux accents mystérieux de "Saint-Saëns", celui de "La jeunesse d'hercule" et du "Rouet d'Omphale" qui est le plus caractéristique. Je pense que Saint-Saëns a été le moteur de ce nouveau style car les caractéristiques me semblent plus accusés dans ses oeuvres que dans celles de Lazarri, , Duparc, Franck ou Dukas, mais c'est une simple supposition. Dans l'ensemble, ce CD présente des compositeurs au style symphonique remarquable, mais le plus subtil n'est peut-être pas sur ce CD, à mon avis c'est Massenet. A part cela, "Effet de nuit" de Lazzari me laisse totalement froid comme "Aux étoiles" de Duparc. De la musique "parfaite" peut-être bonne pour certains, mais pas pour moi. Je suis admiratif, mais c'est tout."Lénore " de Duparc, utilisant des motifs vaguement ibériques me paraît meilleur. "Le Chasseur maudit" du père Franck, rien qui me porte aux nues, mais son style me semble à l'unisson des autres. On a tellement dit de Franck qu'il était wagnérien, on a tout de même beaucoup exagéré, cela ne me paraît pas sensible dans toutes ses oeuvres, loin de là. En tous cas, pas de wagnérisme dans cette oeuvre. "L'apprenti sorcier", c'est à mon avis le grand chef-d'oeuvre. Je soupçonne Debussy d'avoir été influencé par cette oeuvre dans "Jeux", malgré la différence de style (j'espère que pour les dates cela est compatible, cela devrait) Et bien sûr, il y a la "Danse macabre" d'un certain Saint-Saëns. Tout de même, permettez-moi de le dire, quel chef-d'oeuvre aussi. Qui avait dit que Saint-Saëns était froid et académique? Finalement, je m'aperçois que je viens de faire l'éloge des oeuvres connues sur ce CD. pour les découvertes, ce sera sans doute pour une autre fois.

FEMMES COMPOSITRICES FRANÇAISES
Il y en a eu d'autres, je pense, mais cela ne me vient pas à l'esprit, mais peut-être plutôt vers la fin du siècle. Au moins Trauttmann Marie, apparemment elle s'est bien débrouillée sans le Conservatoire (née en 1846). Ses concertos ne sont pas recréés, mais il y a, je crois, plusieurs CD sur sa musique pour piano. Son style me paraît peu mélodique, pour ne pas dire peu mélodieux. Un style très viril. J'avoue ne pas beaucoup l'apprécier. Elle a eu des éloges de Liszt, Saint-Saëns, mais cela est-il significatif. Apparemment, Saint-Saëns était prodigue d'éloges pour ces dames compostrices, on dit pourtant qu'il était mysogyne. Mais que n'a-t-on pas dit sur lui? Et aussi n'oublions pas Cécile Chaminade qui est née tout de même, je crois, en 1857, auteuse du fameux "Konzertstück", mais aussi d'oeuvres symphoniques Je suis sûr qu'il y en a bien d'autres. Judith Gauthier a composé au moins une pièce pour piano, mérite-t-elle le titre de compositrice? Et il ne faut pas oublier, bien sûr, Augusta Holmes, peut-être la plus marquante, celle qui a développé un style autonome (peut-être). Elle furent surtout des pianistes car cela faisait partie du statut social de la jeune fille bien élevée que de jouer de cet instrument. Enfin, je suppose que c'est l'origine. Cécile Chaminade a composé la symphonie "Les amazones", non recréée à ma connaissance.

VIRILITÉ ET FÉMINITÉ DANS LA MUSIQUE
C'est vrai que bizarrement, ces compositrices sont plutôt "viriles" par leur style, notamment Marie-Jaëll-Trautmann, Augusta Holmes. Je ne sais pourquoi. Cette discussion pourrait nous amener très loin. L'artiste est tout de même un être particulier qui, par sa sensibilité, tient peut-être de l'androgyne. On a coutume de distinguer des compositeurs plutôt virils, Beethoven par exemple en raison probablement de son volontarisme, des effets de puissance sonore qu'il affectionne, d'autres plus féminins, (dans ce cas c'est généralement considéré comme une insulte), Massenet par exemple. Le cas de Chopin est particulier. On l'a d'abord qualifié de féminin en raison de son sentimentalisme, mais peut-être dans un sens plus positif que pour Massenet. Ensuite, on a considéré, somme toute, qu'il manifestait des élans de virilité. Palinodies un peu risibles à mon avis. Nous réglons nos comptes, exprimons nos obsessions au travers des compositeurs qui ne sont plus que des archétypes ou des symboles. Tout cela nous éloigne de la réalité musicale. Sur un autre plan, et pour rejoindre plus précisément votre remarque, on a considéré que l'harmonie était un domaine plus viril que la mélodie, dans la mesure où l'harmonie pouvait être ramenée à des notions intellectuelles (c'est en tous cas ce que l'on croyait), or l'intellectualisme signe plutôt le caractère viril (dans ce qui est convenu tout au moins).

KREISLER
Justement, je voudrais évoquer un EMI classics qui est probablement une réédition car il s'agit d'oeuvres de Kreisler interprétées par le compositeur lui-même à l'instrument soliste (il est mort en 1962). On y trouve les classiques liberslied, liberfreunde..., d'autres compositions originales "dans le style de" à mon avis beaucoup moins remarquables. Et aussi naturellement de nombreuses transcriptions. Tout le monde possède dans sa discothèque un ou plusieurs de ces Kreisler. Oeuvrettes inévitables qu'il faut subir dirons certains, notamment les gros cerveaux qui apprécient Boulez. Pour ma part, je pense que Kreisler a inventé d'excellentes mélodies d'un haut niveau de musicalité ("Liberslied" et "Shön Rosmarin" sont peut-être les meilleures) même s'il ne vise jamais la haute virtuosité. Qu'importe d'ailleurs. La haute virtuosité n'est pas un critère. Kreisler utilise admirablement le matériau rhapsodique, avec "la gitana", que l'on retrouve moins couramment sur les enregistrements et aussi "Caprice viennois", composition bizarre qui contient plutôt des airs tziganes. Dans les arrangements, on trouvera des airs moins couramment présentés, par exemple la Sérénade espagnole op 20 n°2 de Glazounov, The old refrain de Brandt, la "Poupée valsante" de Poldini... La notice me paraît particulièrement claire sur l'intitulé des oeuvres, distinguant bien les compositions originales, et parmi elles, celles écrites dans le style d'un autre compositeurs, d'autre part les arrangements. Les arrangements, je suis contre, on le sait, je ne les commenterais donc pas. POMPIÉRISME
Oui. La dénonciation du pompiérisme a certainement à ses début stigmatisé un type de musique assez primaire et superficiel. Cette accusation est utilisée aujourd'hui pour dénigrer bien des chefs-d'oeuvre. Dès qu'une oeuvre est lyrique, on dit que c'est du pompiérisme. C'est pour moi un exemple de récupération dialectique de la part de ceux que scandalise tout effort vers la beauté.

OEUVRES POUR ORGUE
C'est ce qu'on trouve effectivement dans les anthologies, mais cela reflète-t-il le développement de l'orgue au 19e siècle. Que connaissons-nous réellement de ce répertoire? Pour ne citer que Saint-saëns, il y a, je crois, une intégrale de plusieurs cD sur son oeuvre d'orgue. J'en connais quelques pièces, d'une bonne facture à mon avis (pour employer l'expression consacrée) Et Lefébure-Wéli, que je viens justement de citer dans ma prochaine chronique, qu'est-ce que vous en faites? Négligeable sans doute! Sa gloire fut immense, sans doute plus que celle de Gigout, Vierne ou Boely. J'avoue que ces 3 là ne m'ont jamais enthousiasmés, mais c'est vrai qu'on peut difficilement juger sur les quelques pièces présentées dans les anthologies.

COLLECTION D'OEUVRES POUR PIANO ET ORCHESTRE
Oui, j'ai vu cette collection Brilliant Classics. C'est pour moi l'exemple de mauvaise collection qui n'a aucun intérêt, même si Saint-Saëns y est inclus car on ne sort pratiquement pas des classiques reconnus. Toutes ces oeuvres sont déjà éditées ailleurs. Aucun rapport avec la collection "The romantic piano" d'Hypérion collection à mon avis admirable qui était consacrée aux pianistes-compositeurs. Les éditeurs avaient osé éditer des concertos rares de Sauer, Scharwenka, Litolff.... Deux philosophies radicalement opposées, l'une inspirée de la vieille hiérarchie traditionnaliste des anciens musicographes soutenant une fausse histoire de la musique, bourrée d'erreurs et biaisée, l'autre s'appuyant sur les apports de la musicologie moderne et tentant de restituer la vérité historique débarrassée de sa gangue idéologique. Pardonnez cette diatribe. Je dois être excité ce soir. Peut-être à cause de ce CD de pièces pour piano de Schubert que je viens d'écouter et qui n'en finissait pas.

JUGEMENT BIAISÉ
Il peut exister un hiatus important entre l'intérêt réel que l'on éprouve en écoutant une oeuvre et le jugement que l'on émet. C'est un fait psychologique bien connu. Le jugement passe par le filtre de l'intellect. Il peut être biaisé inconsciemment en fonction de la philosophie et des préjugés que l'on a. En second lieu, l'audition elle-même peut être modifiée en fonction de l'a priori que l'on a, de sorte que des effets musicaux mineurs peuvent éveiller des évocations psychiques stokastiques d'intensité mineure, mais qui peuvent être inconsciemment (et faussement) interprétés comme de réels effets émotionnels de niveau élevé. Le même phénomène en sens inverse peut se produire à l'écoute d'une oeuvre ou dun compositeur dont on n'a pas a priori de jugement positif.

MUSIQUE LACRYMOGÈNE
Vous ne croyez pas que vous en rajoutez un peu en évoquant les frissons, les larmes aux yeux en écoutant la musique de Lulu. Une émotion qui s'affiche aussi impudiquement est-elle réelle? Pour ma part, des oeuvres excellentes qui m'émeuvent profondément ne produisent pas sur moi une telle révolution physiologique. Nous n'avons peut-être pas la même complexion. Mais parlez-vous de la musique ou des effets scèniques. Avec l'opéra qui est un genre hybride, on ne peut savoir dans l'absolu. Pour être rigoureux, on ne peut juger de la musique atonale qu'au travers d'une composition purement instrumentale. Si vous me citez une telle oeuvre qui produise en vous de tels effets, moi je veux bien, mais je ne peux m'empêche de trouver cela extrêmement bizarre.

LA MUSIQUE ATONALE INTRINSÈQUEMENT DÉTESTABLE
Ce qui déconsidère un mouvement ou un compositeur, ce n'est pas l'existence d'une promotion, si appuyée soit-elle, pour le soutenir, c'est que le résultat de celle-ci s'avère un échec. Echec total et définitif dans le cas du prétendu courant atonaliste et plein succès dans le cas notamment de Beethoven. Que pas une seule oeuvre atonale n'ait pu constituer un "grand succès" du 20e (qui sont tous constitués d'oeuvres néoclassiques) en dépit d'un engagement de toutes les forces du système et de l'autorité qu'elles exercent (contre une déconsidération des oeuvres contemporaines néoclassiques), voilà qui constitue, autant que ce soit possible, une preuve de l'invalidité de ce mouvement. D'autre part, l'existence générale, jamais démentie, d'un même effet de révulsion du public mélomane sous toutes les latitudes constitue, autant que ce soit possible, une preuve suffisante que la "musique" atonale est non seulement dépourvue de qualité musicale, mais "intrinsèquement détestable" selon l'expression appropriée de François Juteau. Ce que je voudrais vous faire comprendre, c'est la notion d'"existence sur le plan de l'histoire de la musique".C'est la constatation d'un écho auprès du public mélomane qui signe historiquement l'existence d'un courant sur ce plan et non la gesticulation d'un microcosme partisan et sa capacité de produire des partitions exécrées du public.

INSTRUMENTS ANCIENS
C'est vrai que, finalement, les instruments anciens tels qu'ils sont révisés finissent par sonner assez peu différemment des modernes et j'ai fini moi-même par m'habituer aux enregistrement de Biondi et Carmignola. Mais attention, peut-être faut-il différentier les instruments de l'époque prébaroque (environ 1700 de ceux de l'époque baroque tardive (1740 environ). Peut-être aussi a-t-on été amené à tricher légèrement pour que le son soit un peu plus décent et fournir au mélomane des oeuvres dignes d'être écoutées. C'est naturellement une simple hypothèse, voire une divagation. Vous savez bien que j'ai mauvais esprit. Je crois qu'une des différences importantes reste l'intensité sonore, mais la technique d'enregistrement ne supplée-t-elle pas à cette insuffisance pour la gommer en partie? En partie car sur le dernnier Carmignola, dans le RV 273, il y a tout de même quelques passages assez peu audibles. Faute du violoniste, de l'instrument ou du technicien. Je ne saurais le dire.

SCHARWENKA: PIÈCES POUR PIANO
Un CD qui répond bien à ce que l'on en attendait, cela arrive, oui. Scharwenka - 1 Pièces pour piano par Seta Tanyel. Royal Scharwenda, magistral, impérial Scharwenka. Comme d'habitude. L'écoute de ses chefs-d'oeuvre m'a toujours procuré de pleines bouffées de lyrisme. Il n'a pas la manière coulante, souple de son compatriote Kullak, c'est qu'il se place plutôt dans la lignée de Litolff et Schumann, avec des accords un peu rudes, mais des sections mélodiques d'une grande limpidité. Les fameuses "Cinq Danses nationales polonaises", un des plus grand succès d'édition du siècle selon la notice du CD, marquent incontestablement par la fulgurance de leurs motifs alliés à une nostalgie très prenante. La Sonate se présente comme un morceau de bravoure démonstratif, trahissant sa vocation pédagogique. Elle exerce cependant une séduction grâce à son second mouvement qui rappelle d'assez près les sonorités gottschalkiennes. C'est un pan de l'univers musical de la seconde moitié du 19e siècle qui nous est révélée ici. La musique qui a marqué réellement ce siècle, l'événement historique à l'état pur que le filtre des idéologues avait occulté. A mon avis un CD indispensable.

PROBLÈME DE L'INSTRUMENTAITON ANCIENNE
Le problème des instruments anciens ne se complique-t-il pas lorsque l'on veut jouer un répertoire qui s'étend sur plus d'un demi-siècle (le baroque et prébaroque). Peut-on considérer qu'il y a authenticité si on joue une oeuvre de 1740 sur un instrument d'époque datant de 1700. Pour jouer une oeuvre de jeunesse d'un compositeur, puis une de ses oeuvres tardives dans un même concert, il faudrait pendant l'entr'acte changer d'instruments! Les instruments étaient-ils d'ailleurs renouvelés dès qu'il y avait une avancée technique? D'autre part, il faudrait aussi considérer les différences géographiques qui pouvaient sans doute être considérables. Une amélioration intervenue en un lieu n'allait pas diffuser dans tout l'Europe à la vitesse d'un message électronique. Je me demande si un compositeur baroque en fin de carrière exigeait, pour l'exécution d'une de ses premières oeuvres écrites quelque 30 ou 40 ans avant, que les musiciens changeassent tous leurs instruments pour en reprendre d'autres contemporains de l'oeuvre. C'est sans doute une question très sérieuse à creuser. Ignorant toutes ces éléments, n'est-il pas vain de vouloir restituer une prétendue authenticité. Et comme vous dites, où tracer une limite pour temporelle passer aux instruments modernes. A part la découverte de l'archer droit pour les cordes, y a-t-il vraiment des dates historiques qui ont bouleversé l'instrumentation?

LE SYSTÈME PRÉCÈDE L'INSPIRATION? ARTICLE DE DESJARDINS
Ce qui me frappe dans cet article, c'est que l'on demeure dans une optique intellectualiste et analytique. Nulle part, il n'est question d'"inspiration", de "mouvement de l'âme", d'émotion, d'affectivité. Tout se passe comme si la musique avait été confisquée par des clercs qui n'y sont pas sensibles. Je serais tenté de dire come le fit Bohours dans les "Entretiens d'Ariste et d'Eugène":

"Je suis bien aise, dit Ariste en riant, que vous preniez le parti, et que vous vous contentiez d'admirer ce que d'abord vous vouliez comprendre."

Mais voilà, nos Intellectuels veulent créer en "comprenant". Même si l'auteur émet de sérieux doute sur la perception d'une musique à l'"opacité cognitive" évidente, il n'abandonne pas l'idée selon laquelle c'est la recherche intellectuelle d'un nouveau langage musical qui permettra de créer des chef-d'oeuvres et non pas l'abandon à une inspiration nouvelle. Pour lui le système précède l'inspiration. Ne peut-on dire plutôt que c'est l'inspiration qui doit précèder le système comme il en fut durant toute l'histoire de la musique. D'autre part, la musique est toujours, presque par postulat, assimilée à un langage, or j'aimerais qu'on m'expliquât la syntaxe et la signification des termes dans le langage musical tonal. Jamais personne n'a pu l'expliquer. N'y a-t-il pas en conséquence dans cette affirmation dont on peut douter toujours la même philosophie: la création doit partir du langage au lieu d'y aboutir. Je suis également frappé par le manque d'ambition affirmé par l'auteur. Ne se contente-t-il pas de rechercher un langage musical qui évite le "rejet du public". C'est à mon avis un peu faible, la musique doit pouvoir prétendre à exprimer le sublime ou tout au moins fournir un plaisir appréciable au public.

BANTOCK OEUVRES ORCHESTRALES
Bantock Symphonie païenne, Fifine à la foire, deux balaldes héroïques CD hypérion Si aucun de ces poèmes symphoniques ne forment à mon avis un ensemble qui atteint le sublime dans son développement, je relèverais cependant, épars, des éclairs de génie fulgurants. La première partie de chacun de ces 2 poèmes symphoniques obéit à un style d'écriture d'une suprême élaboration qui atteint à mon avis les plus subtiles créations de l'impresisonnisme. Debussy est dépassé (sur le plan symphonique), je n'hésite pas à l'affirmer. Rien que pour ces parties, je vous conseille d'acquérir ces oeuvres, cela vaut la peine. Curieusement, Bantock, comme Sibelius dans certaines de ses symphonies hésite entre un sytle purement impressionnisme et un style d'un classicisme récitatif très mélodique, voir romantique. Il réussit même parfois à marier les deux expressions. D'autres parties s'apparentent plutôt à une écriture dynamique un peu lassante, parfois assez cuivrée. La seconde ballade héroïque, elle, parvient à une expression grandiose d'une grande souplesse et d'une grande subtilité, traduisant plutôt, avec de rutilants appels de trombone, Anton Dvorak. "Et ego in Arcadia vixit" avait écrit Bantock au frontispice de sa "Symphonie païenne". Je n'ai pas toujours atteint l'Arcadie en écoutant cette oeuvre, mais parfois par quelques déchirures sonores j'ai réellement entrevu le monde féerique où Dyonisos enseigne les mystères de la sainte ivresse à son cortège de ménades.

MESSIAEN PAR MESSIAEN - TCHAÏKOVSKY DANS LE HONNEGER
S'agit-il de la version de 1976 (copyright) ou bien d'une édition antérieure? Que Messiaen ait lui-même écrit l'article qui le concerne, c'est, me semble-t-il, une abérration sur le plan de l'éthique lexicographique, un manquement inqualifiable au principe, au moins formel, de l'objectivité. J'avoue ne pas comprendre cela de la part du Honegger considéré comme un usuel sérieux. Je soupçonne le "copinage" de ces gens qui finissent par perdre le sens le plus élémentaire de la responsabilité vis-à-vis des lecteurs. J'ajoute que c'était une ancienne version du Honneger (l'histoire de la musique et non le dictionnaire je crois) qui présentait Tchaïkovski de manière particulièrement méprisante en reprenant à son sujet la formule de "vieux pleurnichard", la notice se terminait, si je me souviens bien, par l'apostrophe "Vieux sentimental", mais cela vous n'en trouverez pas trace dans la dernière version du Honegger où la notice a été remise à jour d'une manière plus favorable. Mais si Tchaïkovski avait été encore vivant, sans doute lui aurait-on demandé d'écrire lui-même sa propre notice, sait-on jamais.

ARRIAGA QUATUORS - LEKEU
C'est la série des confirmations. Abeillemusique proposait 3 quatuors d'Arriaga par le Rasoumovski quartet (ENY-cd-9737). Je m'attendais à ne trouver dans ces oeuvres que des prémisses. Celui qui fut unanimement considéré comme un génie, trop tôt disparu, me paraît avoir produit là des pièces exceptionnelles, notamment l'un des 3 quatuors. Un style qui n'est pas à l'avant-garde de l'écriture romantique de ce début de siècle, loin s'en faut. L'on y trouve de nombreux aspects rappelant le style galant. Mais quelle expressivité, quelle richesse thématique, surtout dans le mouvement lent du premier quatuor. Qu'aurait pu devenir ce compositeur? Un aimable Mendelsshon? Beaucoup plus, je pense (quoique je suis loin de mépriser l'auteur du "Songe d'une nuit d'été"), mais certainement pas un romantique échevelé comme Berlioz. La musique de chambre semble lui convenir parfaitement et il manifeste une conformation à l'éthique du genre étonnante, bien que l'on ne puisse alléguer d'influence précise. Son destin rappelle celui d'un autre compositeur fauché avant d'avoir donné sa mesure: Lekeu (un demi-siècle plus tard). J'avoue moins avoir discerné de prémisses prometteurs chez ce dernier compositeur. Lekeu, m'a paru cependant plus volontaire, plus soucieux de renouveler le langage, plus empreint d'idéalisme. Un CD à mon avis indispensable.

IMPORTANCE DE GLASS?
Il ne faut peut-être pas exagérer l'importance de Glass. Remarquez, j'avoue (honteusement) avoir écouté quelques-une de ses oeuvres sans trop m'ennuyer. C'est tout de même un peu simpliste comme musique.

TAKEMITSU ET SES COMPARSES
La série des confirmations continue, mais dans l'autre sens, avec Takemitsu. Des oeuvres "dignes" de lui, dépourvues de toute musicalité. Je suis sans doute naïf car j'avais imaginé que ce CD pût représenter une image de la musique japonaise contemporaine. En fait, les comparses de Takemitsu! Miyoshi, Matsumura et quelques autres dont je vous épargne le nom, ne représentent que la musique atonale. Mais où est passée la musique japonaise tonale du 20e dont je ne doute pas quelle existe?

OEUVRES INAUTHENTIQUES ET EMPRUNTS CHEZ BACH
L'oeuvre considérée comme la plus moderne de Bach, qui transcende son temps et la plus transcrite qui s'avère inauthentique, vous trouvez cela mince. Avouez que c'est une bombe. Et lorsque c'est la seconde oeuvre la plus connue dans le genre où ce compositeur est considéré comme supérieur (l'orgue) qui s'avère ne pas être une production entièrement de lui, c'est déjà trop. Des explications sont nécessaires. C'est moi qui les attend de la part de ceux qui soutiennent Bach et non pas à moi d'en fournir de supplémentaires. Il y a aussi la bagatelle de dix concertos de Vivaldi transcrits par Bach (sans compter ceux de Sach-Weimar et de bien d'autres...) qui sont passés pendant longtemps pour être du meilleur Bach... on est dès lors en droit de s'interroger sur l'authenticité de nombreuses oeuvres dont on ne possède ni le manuscrit ni aucune édition d'époque. Il y a aussi les concertos pour violon dont l'authenticité est douteuse, le "Concerto italien", la "Fantaisie chromatique" qui ne sont pas entièrement de Bach... Et il y a la multitude d'emprunts dont vous trouverez la référence dans l'ouvrage de Pirro (pourtant un de splus grands défenseurs de bach) et dans l'ouvrage de Candé: "Bach". Si cela ne vous est pas suffisant, je ne sais ce qu'il vous faut. Dès lors, le problème qui se pose, c'est de savoir quelles sont les oeuvres dont l'authenticité est avérée. Certainement, oui, les oeuvres contrapuntiques comme le "Clavecin bien tempéré", l'"Art de la fugue", l'"Offrande musicale"... mais s'il n'y avait eu que ces oeuvres, Bach aurait-il pu s'imposer auprès du public? Hennion et Fauquet montrent que l'"Aria de Gounod" a permis en France au 19e la popularisation du nom de Bach car cette oeuvre était présentée sous le nom de Bach (alors que seul l'accompagnement est repris d'après Bach). Tout cela, (et bien d'autres méthodes douteuses de la part des partisans de Bach pour ériger leur héros en Père de la Musique) interdit de prendre à la légère la contestation de Bach.

AMITIÉS ET INIMITIÉS DE TCHAÏKOVSKY
Tchaïkovsky orchestrant un concerto pour piano de Liszt sans le savoir, qui lui fut présenté anonymement par une de ses élèves car le créateur du Casse-noisette" n'aimait pas Liszt. Oui, le "Concerto à la mode hongroise". C'est d'ailleurs une oeuvre excellente à mon avis et que je recommande particulièrement. La fusion du style tchaïkovskien avec celui de son ennemi fait merveille. Mais vous savez, Tchaïkovski considérait aussi Chopin comme son "ennemi intime". Il ressentait de l'affection pour lui, mais le haissait - sans doute parce qu'il était Polonais. Faut-il accorder beaucoup d'importance aux amitiés et inimités de Tchaïkovski?

DÉFORMATION OU ENRICHISSEMENT DES OEUVRES
Concernant l'aspect légal, on remarquera qu'aujourd'hui, n'importe qui peut déformer comme il veut un chef-d'oeuvre classique, par exemple le transcrire à la mode rock ou rap, sans qu'aucune loi ne s'y oppose. C'est tout de même ahurissant. Certes, si une telle loi prohibant les réutilisations avait été appliquée dès le 18e siècle, bien des chefs-d'oeuvre n'auraient pas été créés. Il est toujours difficile de tracer une frontière entre la réutilisation justifiée d'un fonds musical commun et une exploitation regrettable des chefs-d'oeuvre de l'Humanité.

INAUTHENTICITÉ DES OEUVRES LES PLUS CONNUES DE BACH
Je n'ai pas cité qu'une seule oeuvre. En ce qui concerne les Passions, la passion selon Saint Marc était considérée il y a quelques décennies comme inauthentique parce qu'elle était indigne de Bach. Cela n'a fait aucun remue-ménage. Au contraire on n'avait pas envie qu'elle soit auhtentique, il semble bien pourtant qu'elle le soit. En ce qui concerne la Passion selon saint Matthieu, je sais simplement qu'on ne possède que les 10 premiers feuillets autographes et aucun document édité d'époque. Je n'en sais pas plus. En général, on établit une authentification soit sur un manuscrit, soit sur l'existence d'un document d'impression édité à l'époque. Si on ne dispose d'aucun des deux, c'est sans doute recevable dans certains cas, mais certainement beaucoup plus délicat. Une oeuvre comme la "Fantaisie chromatique" a beaucoup d'importance car elle a été utilisée pour montrer que Bach pouvait être en avance sur son temps. Pas étonnant, évidemment, puisqu'on pense aujourd'hui qu'une partie de cette oeuvre a été surajoutée par son fils beaucoup plus tard. C'est la même chose pour la BWV 565 qui révélait un Bach visionnaire, quasiment romantique. Evidemment, depuis que la BWV 565 est suspectée, on préfère lui accorder moins d'importance, comme vous le faites vous-même. Certains, comme par hasard, la considèrent maintenant comme secondaire. Il arrive peut-être un moment où il faut voir les chose en face plutôt que toujours s'en tirer par des pirouettes dialectiques. Les preuves, en ce qui concerne la multitude d'emprunts avérés, vous les avez dans les travaux des experts En général, il s'agit d'une partition retrouvée dans une autre bibliothèque portant une date antérieure. Etant avéré que Bach s'est souvent comporté en compilateur, il est maintenant à la charge des partisans de Bach de fournir la preuve de l'authenticité des oeuvres. Lisez l'ouvrage d'andré Pirro qui est une référence et aussi celui de Candé. Pirro a été un des plus grands partisans de Bach, il défend la thèse selon laquelle Bach a empreint de génie en les arrangeant les pâles productions des compositeurs de son époque. En quelque sorte, Bach est le génie supérieur qui corrige ses élèves.

VALEUR DE BACH ET DE SES OEUVRES
En fait, cela n'influe pas sur l'opinion que l'on a sur les oeuvres, mais sur celle que l'on a du compositeur. Personnellement, avant de savoir que la BWV 565 était très douteuse, je l'admirais comme une grande oeuvre. Dans mon site, je l'avais notée 4 étoiles (oeuvre exceptionnelle). Je pense donc avoir manifesté une certaine indépendance du jugement. D'ailleurs je n'ai rien modifié dans la critique qui était très élogieuse, sinon pour signaler l'authenticité douteuse de l'eouvre. Peu importe qu'une oeuvre ait été écrite par X ou Y. Je continue de penser que Bach est un grand compositeur, mais qu'il est loin d'avoir été le compositeur exceptionnel que l'on a voulu voir en lui, surtout par rapport à ses contemporains. C'est surtout la hiérarchie de valeur par rapport à ses contemporains que je remets en cause. Faire de lui le plus grand compositeur baroque bien au-dessus de Scarlatti, Rameau, Vivaldi, Telemann... ne me paraît pas recevable.Je crois que Bach avait de grandes possibilités musicales, mais qu'il s'est enfermé rapidement dans une attitude idéaliste et minimaliste stérilisante. Il n'est sans doute pas el seul. Il a surtout été utilisé par une intelligentsia intellectuelle qui voulait revalosiser les "oeuvres de l'esprit" (les oeuvres contrapuntiques) par rapport au développement envahissant de la conception purement "expressive" de la musique à la fin du 18e et au 19e siècle.

LANGUE NATIONALE DANS L'OPÉRA
Voilà une excellente mise au point. On retient que l'utilisation de la langue nationale demeure une préoccupation secondaire, au moins jusqu'à l'époque où le nationalisme musical se développe, notamment Glinka, l'opéra russe, espagnol... Toujours d'après l'ouvrage de Belinda Cannone sur l'évolution du goût en France au 18e siècle, la préoccupation de la langue nationale existe, mais elle n'a conduit nullement à revendiquer son utilisation absolue et c'est un phénomène assez spécifiquement français. Les charges contre la musique italienne portent plutôt sur son style, son importance envahissante par rapport à l'action, l'indigence des livrets dans l'opéra plutôt que sur la langue.

RECONSIDÉRER LA VALEUR DES OEUVRES DE BACH
Bien sûr, Bach était beaucoup plus qu'un arrangeur, mais il a eu, d'après ses biographes, une activité de compilateur très importante. Celle-ci est attestée par le grand nombre d'oeuvres dont on n'a retrouvé les originaux écrits à une date antérieure par d'autres compositeurs. La découverte de ces éléments exige que l'on reconsidère l'importance de Bach, mais elle ne saurait effectivement réduire la part qu'on doit lui accorder. Il est temps, après avoir reconnu le caractère infondé de sa supériorité automatique sur les autres compositeurs baroques, de se pencher positivement sur son apport véritable et d'apprécier ses réelles qualités. Je pense notamment aux partitas pour violon qui, si elles ne m'apparaissent pas d'une inspiration supérieure (opinion personnelle) représentent objectivement un apport important sur le plan didactique. C'est une assimilation remarquable de la technique violonistique de l'époque à son plus haut niveau. Cette conception d'une oeuvre didactique volonistique est peut-être une des rares avant les Caprices de Paganini.

TUBIN
Jugement mitigé de ma part pour cette première rencontre avec Eduard Tubin. Tout d'abord un vrai plaisir de découvrir un autre compositeur dans la lignée des russes et nordiques qui ont composé dans le style expressionniste de l'époque dont l'image la plus caractérisée se trouve à mon avis chez Khatchaturian et kabalevski, mais aussi certaines oeuvres de Chostakovitch. Déception dans la mesure où Tubin, subissant à mon avis la pression d'esthétiques modernistes négatives, le symphonisme rudimentaire issu du "Groupe des Six" en France, déprécie largement ses qualités. il s'ensuit des oeuvres dontenant des moments sublimes voisinant avec une orchestration grossière, disgracieuse tirant vers l'exhibitionnisme et le grotesque chostakoviens. Dommage surtout pour le "Concerto pour contrebasse". Presque toute la partie de contrebasse est géniale, mais la plupart des parties orchestrales, non, inacceptable. Tubin passe vraiment près du chef-d'oeuvre, c'est fou de constater un tel gâchis par suite de l'adhésion à une conception esthétique que pour ma part je considère comme profondément négative. Passons à la Symphonie n°7", je n'en dirais qu'un mot:, nul, nul et archinul, bien pire que les symphonies de Nielsen "5" et "7". Quant à la "Suite estonienne", la "Sinfonietta sur des motifs estoniens", Tubin nous amuse avec avec du folklorisme primaire de bazar. Il vaut mieux oublier cela. Il reste la "Valse triste", une pleine réussite à mon avis malgré la brièveté de l'oeuvre, le sentiment d'angoisse et de mélancolie suggéré par le style expressionniste à son niveau le plus élevé dans un symphonisme qui renonce enfin aux facilités tapageuses et disgracieuses du "Groupe des Six". Enfin. la marque de Sibelius y est également présente, et d'une manière transcendante, ce dont témoigne peut-être le titre. Dans la même lignée, mais moins inspiré à mon avis, nous trouvons la "Ballade pour violon et orchestre" et le "Concerto pour violon". J'oubliais le "Concerto pour piano", il est bien dans la lignée de celui de Galynine, de Constantinescu, de Khatchaturian, dont il à mon avis n'a pas les qualités. Mais quelle pauvreté dans cette oeuvre, Tubin ne sort guère d'une pulsion rythmique incessante et fatigante. Tubin, vraiment, quel gâchis, des éclairs de génie, des moments bouleversants, des thèmes sublimes se heurtant à des laideurs des incohérences uniquement dus à une conception négative de la musique et le désir de paraître "moderne".

APPALUDISSEMENT
Vous savez, c'est bien à peu près partout que l'on connaît la salve automatique des applaudissements, surtout quand il s'agit de certains grands noms. Que voulez-vous, aujourd'hui, le public est "éduqué" selon le coeu constant des musicographes du 19e siècle. Vous imaginez, un public qui aurait l'outrecouidance de juger par lui-même indépendamment de tout contrôle par les bien-pensants musicaux, l'horreur...

CONTESTATION DE LA HIÉRARCHIE ACTUELLE DES COMPOSITEURS
Vous n'allez pas prétendre que nous, contemporains, pouvons mieux comprendre l'art egyptien du 1er millénaire avant Jésus Christ que ceux qui l'ont créé et ceux pour qui il était destiné. Mais, soit, dans une certiane mesure, l'art est universel et intemporel. Vous oubliez que s'il y avait sans doute des conditionnements à l'époque d'une création, les périodes suivantes n'en sont pas exemptes. Mais je voudrais ajouter surtout que l'art du passé, notamment celui né au 18e siècle, a été reconsidéré non plus directement par le public, mais par d'abord par la médiation obligée des Intellectuels qui ont prétendu "éduquer le public", selon leurs propres termes. Croyez-vous que cette prétention soit admissible et que, conséquemment on puisse admettre la hiérarchie des compositeurs qu'ils ont imposée.

CONCERTO IN DUE CORI DE VIVALDI
Une amie m'a généreusement envoyé un CD des 4 concerti in due cori de Vivalldi, oeuvres que je ne possédais que sur un vieux vynil difficilement audible. J'ai donc réentendus ces oeuvres que je n'avais pas pratiquées depuis maintes années. Elles s'imposent à mon avis parmi les oeuvres les plus accomplies et les plus lyriques du compositeur. Datant de la période de maturité, probablement 1830 environ, elles ont la particularité de présenter un approfondissement du style baroque vialdien qui n'est entaché par ancune facilité appartenant au style galant comme on pourra en rencontrer dans certains concertos de l'op 9 ou 11. Les mouvements lents, en particulier, présentent un développement dans le sens d'un épanchement de l'âme qui ne peut plus être limité au champ de la musique baroque. Quant aux mouvements rapides, ils comportent des variations de tempo particulièrement saisissants, brisant le tempo régulier de la musique baroque et la haussant à un niveau qui l'apparente à un nouveau style, ni baroque ni romantique, ni impressionniste, ni moderne et surtout pas classique. Vivaldi pénètre ici en une "terra incongita" qu'il semble le seul à avoir exploré au 18e siècle. En les écoutant, on oublie véritablement ce que l'on sait sur l'histoire de la musique. La virtuosité se transfigure pour atteindre une expressivité totale. Une musique qui semble ne plus être composée de notes, mais qui est entièrement mouvement de l'âme. Une musique qui n'expose pas des thèmes, des motifs, mais qui parle et qui décourage tout essai d'analyse, toute réduction à une quelconque esthétique musicale. La prestation de Fantini, dirigé par Eprikian avec I solisti di Milano - qui m'avait parue supérieure autrefois - m'a, après ces années, semblé relativement "classique". Je crois qu'un champ est ouvert encore dans le domaine des interprétations vivaldiennes, qui permette de mieux rendre compte des singularités propres à la musique du Prete Rosso, même en ce qui concerne des effets typiquement baroques comme les notes redoublées (à mon avis trop souuent jouées comme des notes piquées). Des oeuvres que je recommande particulièrement. Malheureusement, elles ne sont guère disponibles (la discographie de Vivaldi n'est pas celle de Bach). Vous pouvez espérer trouver séparément l'un ou l'autre de ces concertos, mais non pas les 4, me semble-t-il, sur la même gravure. On pourrait ajouter aussi que de véritables crescendos sont rendus assez timidement par "I solisti di milano". Une référence pourtant car ces interprètes ont réalisé un travail de recherche esthétique et émotionnel indépendant de tout pédantisme muséographique. Est-ce que Carmignola et le Venice baroque Orchestra font mieux sur ce plan? Sur celui de la prestation violonistique, peut-être, mais sur le plan orchestral, je penserais plutôt l'inverse.

"SUCCÈS" DU "SACRE"
Rien de particulier, sinon un essai de musique atonale comme il y en a eu des milliers depuis Schoenberg, tout aussi vain que les autres. Il se trouve que l'oeuvre a fait scandale, c'est tout, et que la personnalité de Stravinski a puissamment contribué à la fausse (à mon avis) notoriété de l'oeuvre. On ne peut en tous cas comparer le succès du "Sacre" à celui d'oeuvres comme l'"Adagio" d'Albinoni-Giazotto ou le "Concerto n°2" de Rachmaninov. Si le Sacre avait été une véritable grande oeuvre moderne, il serait écouté mille fois plus que l'Adagio car le Sacre représente son époque et il a joui d'un effet médiatique considérable, or c'est plutôt l'inverse. Le Sacre réprésente el symbole d'une rupture, uniquement le symbole d'ailleurs, il est à mon avis plutôt le symbole réel du scandale. Il représente la force d'attraction du scandale, un des éléments fondamentaux de la notoriété à l'époque moderne surpassant celle communiquée par l'intérêt musical de l'oeuvre. Et peut-être méconnu en France aussi, mais certaines de ses oeuvres ne sont-elles pas mondialement connues? Le Sacre dissonant, cela signifierait qu'il est tonal. Personnellement, je ne trouve pas dans le Sacre une bribe de motif tonal. J'y vois des tentatives d'effets de rythme, de couleur instrumentale, une sorte d'orgie sonore, mais pas musicale. Des effets qui ne me paraissent pas s'adresser à la sensibilité musicale, mais qui créent une sorte de divertissement superficiel, que n'est rien d'autre que ce qu'il paraît extérieurement. il n'a pas de "signigication incompréhensible" comme la musique tonale. Si cette oeuvre avait été produite en 1960 environ avec tout ce qu'il y a eu avant, elle serait passée à mon avis totalement inaperçue. Il ne faut oublier que le "Sacre", c'est une musique de ballet, et, de ce point de vue, on peut considérer qu'il est capable d'accompagner efficacement et de mettre en valeur la prestation chorégraphique. Pourquoi pas. Et même on peut remarquer que si la musique en elle-même possède moins d'intérêt, cela contribue à poolariser mieux l'attention sur la chorégraphie. Le "sacre jouerait simplement le rôle suggestif de musique de film, voire de bruitage. Pourquoi pas. C'est peut-être plus le jugement sur l'oeuvre autonome proféré par certains que l'oeuvre en elle-même qui peut être attaquée. Mais le "Sacre" comme musique autonome, pour moi, non, inconcevable. il y a donc une ambiguïté au départ qu'utilisent les partisans de l'atonalisme. on utilise superbticement le fait que le "Sacre" soit une musique de ballet pour la faire passer. Le sacre scandaleux, oui, dans la mesure où on a organisé et entretenu son scandale, qui est la seule raison d'être des oeuvres modernes et la seule raison capable d'attirer l'attention sur elles. Pour ma part, le "Sacre", rétrospectivement, n'est pas du tout scandaleux en soi. Je l'ai écouté très sérieusement, je n'y vois rien. Une oeuvre géniale est une oeuvre dont les thèmes m'accompagnent. Par exemple, en ce moment, je réécoute la "Symphonie n°2" de Gliere, il y a un thème magnifique, celui de l'ouverture au trombone qui apparaît ensuite avec quelques variantes, je n'ai cessé de me le rémémorer toute la matinée (je précise que hors cela, la symphonie me paraît de faible intérêt). J'aimerais que l'on me citât un thème intéressant, un seul dans le "Sacre". Où est ce thème? Quelqu'un sur ce forum a-t-il été charmé par un thème du "Sacre" au point de se le rémémorer pendant plusieurs jours? Je puis me souvenir (comme vous tous) à l'instant de plusieurs motifs inoubliables de l'"Adagio d'Albononi-Giazotto, mas le "Sacre"! Alors, dites-moi où sont les motifs les plus percutants, les plsu marquants. Une oeuvre aussi connue devrait avoir imposé un thème que tout le monde reconnaît comme l'air de "Carmen" ou le fameux thème de la "Symphonie du Nouveau Monde". De la part de l'oeuvre du 20e siècle prétenduement la plus connue, c'est le moins que l'on pourrait attendre. Si je parle à n'importe quel mélomane des "Quatre saisons", il pourra à la seconde se souvenir du motif du printemps; si je lui parle du "Sacre", qu'est-ce qui va venir à son esprit: l'idée de scandale, mais aucun motif caractéristique de l'oeuvre. Du moins, c'est ce que je présume... Peut-être le scandale est-il propre à fasciner certaines personnes?

NOUVELLE APPROCHE DES CONCERTOS IN DUE CORI DE VIVALDI
J'avais cru transmettre mon enthousiasme pour ces concertos. je m'aperçois que je n'ai dit que des banalités, c'était nul. Alors, on efface tout et on recommence. Qu'est-ce qui apparaît le plus impressionnant dans ces oeuvres? Certainement lA concentration des effets, leur succession, voire leur interpénétration. Alors que souvent dans une oeuvre musicale, le motif génial apparaît comme une exception, un surpassement obtenu par le créateur au prix d'une effort quasi surhumain, nous somme ici en présence d'une déploiement incessant, amplifié encore par la rapidité du fameux tempo vivaldien et dont le terme ne peut survenir que par une contrainte imposée par la forme. Qu'est-ce qui exalte ainsi l'âme à ce point où elle semble se mouvoir dans un univers de transcendance et de beauté absolues? Peut-être la fusion d'une ondoyance "féminine" avec une puissance lyrique s'affirmant par un pathétisme parfois angoissant. Sur le plan technique, cette dernière particularité apparaît grâce à l'irruption de motifs orchestraux, inhabituels dans les concertos antérieurs du maître (où tutti et soli se succèdaient de manière plus systématique). Lorsqu'on dit qu'une musique fait vibrer l'âme, on l'entend au sens figuré. On pourrait le dire ici à tous les sens du terme. Le jeu violonistique rejoint l'essence vibratoire du son et s'épanouit au niveau de la ligne mélodique. C'est une électrisation aveuglante traversé d'éclairs fugaces, de brisures inattendues, de chutes, de rétablissement qui évoquent le mouvement d'un oiseau voltigeant dans l'éther en une perpétuelle instabilité. Que pourrait-on dire encore pour suggérer cette musique? C'elle un éblouissement, une effusion discursive apparaissant comme la métamorphose incessante d'un matériau d'une souplesse inouïe qui épouse ou évoque tous les modes indéfinis de la sensibilité. C'est aussi une fuite, presque la fuite d'une expression si subtile, si ténue qu'à peine l'esprit peut la saisir, la concevoir en un instant alors qu'elle s'est déjà dépassée elle-même. Elle abolit les trois modes temporels de l'existence, passé, présent, futur par le nécessaire accomplissement de leur succession. A quoi comparer cette effervescence, cette énergie vitale, d'une tension invraisemblable mêlant souffrance et volupté? On a dit de la musique de Debussy qu'elle représentait l'eau, de celle de Vivaldi on a pu dire qu'elle représentait la voix, que ce compositeur traitait le violon et la voix identiquement. Oui, mais le chant du violon c'est une voix désubstatialisée, désincarnée. Alors que la voix humaine évoque désagréablement les tares inhérentes à notre état d'êtres "fondamentalement haïssables", foncièrement et honteusement vulgaires, la chanterelle, c'est une rigueur, une pureté débarrassée de toutes les bassesses. Une voix qui chante, crie, murmure en inflexions plaintives, persuasives, en modulations extrême-aigu comme si cette tessiture représentait l'élévation de l'âme elle-même. Elle parle cette langue de la musique que l'esprit ne peut comprendre, mais que l'âme ressent. On a l'impression que l'homme à l'origine d'une telle oeuvre ne s'appartenait plus lui-même, qu'il ne l'a pas composé avec son esprit, mais par la puissance de forces qui le dépassaient. Ainsi en est-il des grands chefs-d'oeuvre dont le créateur n'est qu'un intercesseur, oeuvres qui sont la manifestations de potentialités inconnues de notre cerveau. Revenons au niveau plus technique pour préciser que les concerti in due cori de Vivaldi se caractérisent par la maturité exceptionnelle des thèmes orchestraux (ou tutti) dont la valeur thématique approche à mon avis celle des motifs solistiques, ce qui n'est malheureusement pas le cas de nombreux concerti des opus 3, 4, 7 et même 9 ou 10. Bien qu'il s'agisse d'orchestre à cordes, ils sont conçus dans un esprit symphonique. D'autre part, ils ne se limitent pas à un unique thème ou en une suite de motifs successifs, mais s'épanchent en sections autonomes dont le contenu lyrique apparaît souvent d'une teneur exceptionnelle. Ai-je pu évoquer un peu mieux ces oeuvres? Peut-être, comme à propes de la "Symphonie des Hébrides" de Bantock, la succession des messages que j'envoie ainsi sur une même oeuvre n'est-elle que le témoin de mon impuissance à les évoquer.

CONTESTATION DE L'ARGUMENT DU "THÈME SIFFLOTABLE"
Vous croyez que le mélomane de base qui sifflote un thème dans la rue a une approche analytique? C'est ce que je veux dire. Bien sûr, comme tous les partisans de l'atonalisme, vous contestez le fameux argument du "thème sifflotable". Mais en cela, c'est vous qui avez une approche plus intellectuelle, donc plus analytique alors que la mienne est plus immédiate et plus intuitive.

ARGUMENT DU THÈME SIFFLOTABLE - LE "SACRE"
J'avais transformé l'argument du "thème sifflotable" en celui, plus général du thème "mentalement mémorisable et reproductible", on pourrait l'étendre aussi au principe du "thème reconnaissable", le thème étant une "unité organique significative" du texte musical. De même vous auriez beaucoup de difficultés à retenir une suite d'onomatopées alors qu'un texte significatif est plus facilement mémorisable. Naturellement, si vous faites des efforts et si vous êtes masochiste, vous pouvez aussi retenir une suite d'onomatopées. Le concerto de Saint-Saëns possède justement des thèmes très caractéristiques et très percutants, notamment le thème du premier mouvement, d'ailleurs réexposé avec des variantes. Je puis vous assurer qu'en ce moment même je l'ai en tête, et pourtant je n'ai pas beaucoup de mémoire. Il est vrai que certains passages d'une oeuvre sont plus difficilement reconstituables mentalement, moins mémorisables. L'argument du "thème sifflotable", même étendu, n'est pas un absolu. Par exemple un motif d'une cadence dans un concerto de Scharwenka est d'une complexité qui le rend difficilement reproductible mentalement, il l'est pourtant. D'autres facteurs interviennent: le degré d'élaboration et l'autonomie. Il y a dans une oeuvre des passages de transition, des développements dérivés qui se rapportent à des unités motivites ou thématiques dont l'autonomie est moins évidente. Lorsqu'ils ne sont pas reliés à leur contexte, la signification de certains passages apparaît moins évidente. Même en admettant que le Sacre comporterait une grande partie de "développements", motifs dérivés, il me paraît assez grave, pour une oeuvre prétendue la plus connue parmi les modernes, qu'uncun thème vraiment caractéristique n'en ressorte, de ces thèmes que la publicité aime exploiter. De ce point de vue, le "Sacre" n'est pas une oeuvre connue, c'est une fausse oeuvre connue, son nom est connue, mais la musique elle-même ne l'est pas. On a une vague idée de son contenu, mais pas de thème précis qui s'impose. Même avec l'avantage médiatique considérable que le lui a donné l'effet de scandale, elle n'a pas su s'imposer. Le thème du début, dites-vous. Bien sûr, il est au moins facile de retenir l'incipit d'une oeuvre, mais est-ce bien significatif? Est-ce vraiment un thème, et même un motif? On le retient parce qu'il fait l'ouverture, mais noyé dans la masse, le reconnaitrait-on?

LE SILENCE DOIT PRÉCÉDER LA MUSIQUE
J'ai vu des cas très différents suivant les types de concert. Depuis les concerts "pédagogiques" où un présentateur esquisse une analyse de l'oeuvre ou même le soliste lui-même jusqu'au concert classique où un très long silence (rituel) suit les essais d'accordage. Ce silence, d'une grande importance psychologique, est traversé par une tension très perceptible. En effet, le maintien dans le silence d'une salle de plusieurs centaines de personnes témoigne de la puissance acquise par la musique. C'est toujours un silence impressionnant, presque sublime en lui-même et qui peut atteindre une dimension pathétique. A mon avis, la pédagogie détruit un peu l'essence du concert en faisant apparaître l'artiste sous l'espèce dévalorisante d'un camelot qui vante sa marchandise. Il doit être au-dessus de cela, apparaître comme un démiurge tellement préoccupé par son art qu'il ne peut s'en extraire. L'argumenteur dans ce domaine risque d'être assimilé au bonimenteur. Seul le silence est digne de précéder la musique. En général, plus un concert est important, plus le rituel est marqué, plus la solennité est grande, l'intervention d'un commentateur ou les facéties d'un soliste qui se permet d'intervenir verbalement caractérise les comités plus restreints. Comme je suis un esprit spartiate, aristocratique et rigide, je n'admets que les concerts solennels et ne tolère aucune familiarité. Pour ma part, je vais assez peu au concert et je peux reconstituer grâce à mes enregistrements l'atmosphère qui m'agrée.

PERCEPTION MUSICALE ET "SACRE"
Dans la perception musicale, l'analyse des parties ne m'intéresse pas plus que vous puisque je refuse toute perception intellectuelle, qu'elle soit analytique ou synthétique, à moins que vous n'évoquiez une "analyse intuitive" du cerveau, inaccessible à l'esprit raisonnant. Ce que je pratique, comme tous les mélomanes, je pense, c'est la perception des effets au fur et à meusure que se déroule la musique. L'impact global d'une oeuvre n'est pour moi qu'une appréciation d'ensemble, un jugement extérieur a la fonction perceptive immédiate et à son intégration par les fonctions supérieures interprétatives de l'encéphale. Quant au "sens" global, je ne vois pas ce qu'il peut signifier. Comment dans ce cas pourriez-vous apprécier et "comprendre musicalement" un extrait d'une minute, à moins qu'il ne constituât pour vous qu'une synecdoque du tout. Difficilement crédible. D'autre part, le sens global est aliéné à une donnée extérieure, celle que le compositeur a indiquée s'il s'agit d'une oeuvre à programme ou celle qu'il a été convenu de voir par la critique d'après des données d'ordre biographiques. Comment donnez-vous un sens particulier à chaque sonate d'un Scarlatti ou d'un Mozart ou encore à un concerto quand vous ne savez que le nom du compositeur. Votre perception synthétique risque de n'être qu'une perception littéraire. Vous pouvez, certes, développer une interprétation personnelle, mais dans ce cas ne sombrez-vous pas dans le solipsisme musical, et où est l'universalité de la musique? Je n'oublie pas que vous développez cette théorie pour défendre le "Sacre", vous avez raison dans un sens car le "Sacre", à mon avis, ne produit pas d'"effets" comme une oeuvre tonale de qualité (sinon des effets superficiels convenables pour accompagner une prestation chorégraphique). On ne peut que mettre en relation cette oeuvre avec une idée générale d'ordre intellectuelle, par exemple l'idée d'un épanchement dyonisiaque primitif. Ce qui au contraire rend à mon avis le "Sacre" relativement "écoutable", c'est l'effet anecdotique des changements de rythme et de couleur, l'évocation d'une sorte d'énergie sauvage très superficielle car n'étant pas entée sur ce phénomène aux possibilités expressives supérieures qu'est la tonalité.

UNITÉ DE SIGNIFICATION DANS UNE OEUVRE
Entendons-nous, la "minute" pour moi ou une quelconque durée ne représente pas "l'unité de signification" de la musique. Celle-ci à mon avis ne saurait être que le thème. Dans le cas de longues progressions thématiques comme dans certaines oeuvres de Paganini ou Sibelius, l'unité de signification peut atteindre plusieurs minutes. Il peut exister aussi, je l'admet, une logique dans la succession des thèmes qui accroit leur efficacité. Le fait que vous n'ayez pas de compréhension d'un extrait correspndant à un thème me paraît en totale opposition aux observations générales. De nombreux compositeurs ont utilisé des thèmes d'une oeuvre à l'autre pour les intégrer dans un autre contexte, l'utilisation de thèmes isolées dans la publicité notamment, dans diverses occasions semble bien montrer la puissance signifiante du thème isolé. On a jamais vu quelqu'un siffloter un thème à moitié, mais on peut siffloter ou chanter un thème unique sans se sentir, heureusement obligé de chanter tout un mouvement, et pourquoi pas toute une symphonie. Si je peux me permettre pour une fois un argument d'analyse harmonique et mélodique (simple d'ailleurs), je dirais qu'un thème montre une "conclusion" (une cadence) qui semble bien prouver qu'il possède une fin. Toutes ces observations vont à l'encontre de votre insensibilité à un thème isolé et j'ai beaucoup de doute à penser que la musique fonctionne comme vous la ressentez, ou plutôt comme vous croyez la ressentir. J'ai l'impression pour ma part de me trouver à l'unisson de la très grande majorité du public de la musique classique.

JUGEMENT BIAISÉ
Tiens! vous remettez Sgambati sur le tapis. Quel hasard extraordinaire! On ne vous conteste aucun droit d'aimer ou non telle ou telle oeuvre, Tremblay, Järvlepp si cela vous fait plaisir, mais vous voulez nous faire croire qu'on puisse écouter sereinement et objectivement ces oeuvres après toute la médiatisation outrancière réalisée par les tenants de l'atonalisme, leur exploitation du préjugé de progressisme, la déconsidération qu'ils ont entretenue à l'égard des "néo-classiques". Après cela, comment voulez-vous que quelqu'un puisse écouter objectivement et émettre un vrai jugement spontané en comparant le "Sacre" et la "Symphonie des Hébrides" par exemple. Personnellement, je pense que les oeuvres atonales sont "intrinsèquement détestables" relativement à la quasi-totalité du public. Les rares exceptions de quelques gros cerveaux (dont vous êtes avec quelques acharnés d'une certaine liste) ne comptent pas statistiquement. D'autre part, de nombreux éléments d'ordre musicologique et sociologique (que nous avons maintes fois développés), même s'ils ne peuvent pas constituer une preuve absolue, représentent une somme d'arguments concordants difficilement contournables et récusables, sauf si l'on est aveuglé par l'idéologie.

JUGEMENT RÉEL ET JUGEMENT ÉMIS
Une impression fournie par un auditeur peut être hautement contestable sans que son honnêteté soit en cause. De nombreux facteurs peuvent créer un hiatus entre l'impression réellement ressentie et le jugement exprimé. D'autre part, l'idée préconçue peut elle-même modifier la perception. Ce sont des phénomènes psychologiques et sociologiques bien connus. Les facteurs concernés peuvent être le type de musique (tonale ou atonale), mais aussi surtout la notoriété du compositeur et, d'une manière générale, l'idéologie du récepteur, sa perméabilité aux codes de valeur de la société dans laquelle il se trouve ou tout simplement les relations d'amitié ou d'opposition que l'on peut avoir avec l'interlocuteur qui formule un jugement sur une oeuvre. Afin de prévenir toute confusion de bonne ou mauvaise foi, je rappelle qu'il s'agit là d'un élément de la théorie durkhémienne. Certain(s) se croient permis tous les amalgames faciles pour discréditer leur interlocuteur dès qu'ils voient écrit le mot de société ou de sociologie.

SÉLECTION D'OEUVRES
Cela me paraît toujours curieux. Pour moi, réaliser une sélection est une entreprise qui tient de la critique musicale. Si vous faites abstraction de vos impressions personnelles, quels seront vos critères de sélection? Vous considèrerez sans doute la notoriété des oeuvres ou des compositeurs. Mais alors, le terme de sélection me paraît quelque peu impropre ou du moins imprécis et prête à confusion. Parlons plutôt en ce cas d'une image objective de la notoriété des oeuvres.

TOURNEMIRE PSEUDO-TONAL
Vous contestez l'épithète de pseudo-tonal appliqué à Tournemire. Là-dessus, j'essaie de prendre un peu de recul par rapport à notre microscosme d'amateurs passionnés qui sont amenés à écouter assez souvent ou parfois de la musique "moderne" (tonale pour vous, atonale pour moi). Ce n'est pas le cas du mélomane courant, qui, à mon avis, n'est pas moins bon juge de la musique que nous. Pour ce mélomane, il me semble (opinion hypothétique bien sûr) qu'il serait comme moi plus porté à considérer comme atonale certaines oeuvres que vous considérez comme tonale. Je crois que le contact avec certaines "horreurs" d'un atonalisme plus qu'intégral nous fait un peu oublier les limites réelles de l'atonalisme. La notion de tonalisme devient relative par rapport à des extrêmes très distendus, en particulier du côté de l'atonalisme. Vous savez que j'ai souvent le souci d'essayer d'oublier notre "déformation" de mélomanes trop "passionnés". Je crois qu'il faut essayer de porter ce regard vierge qui est celui du grand public de la musique classique.

TONALISME ET ATONALISME SONT-ILS EXCLUSIFS DANS UNE MÊME OEUVRE?
Une oeuvre est tonale ou atonale comme un eporte est ouverte et fermée, et ne saurait être les deux en même temps. C'est une question très difficile. Je vous donne raison en théorie, mais non en pratique. Une porte est ouverte ou fermée (une porte logique entendons-nous), oui, mais au cours d'une oeuvre ou d'un même mouvement, la porte pourra être tantôt ouverte, tantôt fermée. Que conclure sur l'ensemble du mouvement? C'est un premier point important, mais sans doute pas le seul. J'évoquais Tournemire précisément car, en l'écoutant, j'ai souvent eu l'impression qu'il se rapprochait de la tonalité et, au moment où l'impression tonale s'affermissait, une dissonance sans résolution au bon endroit (ou au mauvais comme on voudra) contribuait à créer l'ambiguité et à détruire transitoirement le sentiment tonal. Y a-t-il chez lui un motif ou un thème caractérisé qui maintienne du début à la fin le sentiment tonal et où les dissonances transitoires soient résolues? Peut-on y trouver des cadences mélodiques(?) harmoniques(?) pour l'ensemble des motifs dans une de ses eouvres. C'est une question que je pose. En terme d'analyse mélodique, il est peut-être possible de trouver des motifs au bord de la tonalité(?). Vous savez que l'analyse mélodique est beaucoup plus complexe que l'analyse harmonique, que nous en connaissons mal les règles (s'il y en a), c'est pourtant à elle qu'il faut faire appel pour déterminer si une oeuvre est tonale ou non si l'on veut aborder l'angle théorique. Je pense que l'on ne peut plus asseoir aujourd'hui le sentiment tonal sur l'harmonie. Et même sur l'harmonie, est-ce toujours possible? De ce point de vue, l'oeuvre pseudo-tonale est pour moi une oeuvre ambiguë, une chimère théorique impossible, mais bien réelle en pratique. Pour aller plus loin, je dirais que l'analyse mélodique aborde la structure même de la mélodie et donc, dans une certaine mesure la cohérence intra-thématique. Nous pouvons nous rejoindre peut-être dans la mesure où vous considérez les oeuvres pseudo-tonales comme tonales alors que je les considère plutôt comme atonales. D'autre part, vous remarquerez que j'emploi aussi le terme d'ultratonalisme pour caractériser les oeuvres mannheimiennes ou de style galante. On peut effectivement contester ce terme de la même manière et le défendre par la même argumentation.

ANTI-IDÉOLOGIE
Mes goûts seraient édictés par une anti-idéologie. Merci tout de même de reconnaître qu'il existe une idéologie car sinon comment aurais-je pu développer une anti-idéologie. Mais je voudrais rappeler cependant les circonstances qui m'ont poussé à défendre, comme vous le dites, cette anti-idéologie m'amenant à accoder plus de crédit aux oeuvres de Sgambati que de Järvlepp. Vers 1985, je rencontrai Jean-Michel Percherancier, (auteur plus tard avec moi de notre ouvrage "Les oeuvres pour piano et orchestre"). Il "collectionnait" les oeuvres pour piano et orchestre. A cette époque, connaissant très peu d'oeuvres et uniquement des oeuvres connues (moins de 10 concertos pour piano), je ne pensais pas sérieusement que des oeuvres de compositeurs peu connus pussent posséder une valeur musicale. Mon opinion était qu'un compositeur était célèbre en raison de sa valeur musicale et qu'un compositeur inconnu ne pouvait être qu'un "petit compositeur". Néanmoins, j'acceptai par curiosité d'écouter quelques-unes de ces oeuvres, la première que j'écoutai fut la "Fantaisie sue des thèmes ukhrainiens" de Liapounov. J'ai été subjugué. C'était suffisant pour que je révisasse mon opinion. Je n'ai donc jamais soutenu d'anti-idéologie comme vous dites. Mon souci a été depuis de faire reconnaître toutes les oeuvres dans lesquelles, pour moi, le génie musical s'exprimait. Par la suite, la découverte des jugement à mon avis très orientés dans les ouvrages m'a amené à une réaction d'opposition aux "grands classique", mais cette réaction ne se trouve pas à l'origine de mon revirement d'opinion. Quand à mon jugement sur les oeuvres atonales, c'est beaucoup plus simple. Le peu que j'ai pu en écouter dans ma jeunesse m'a horrifié à tel point que je me suis désinterressé totalement de cette musique. Comme je n'avais jamais rencontré de mélomanes pro-atonalistes (ils sont tout de même très rare), je n'y mêlais aucune réaction polémique.

COMPOSITEURS SECONDAIRES
Vous ne vous contentez pas de Bach, Mozart et beethoven et on vous le reproche sur une certaine liste. Ah, mais il faudra mettre de l'ordre du côté de vos ouailles. Cela ne va plus du tout. N'êtes-vous pas le brillant modérateur de cette liste? Vous avez toujours pensé qu'il fallait défendre la hiérarchie traditionnelle, ce que vous faites avec un acharnement peu commun. Votre considération pour les compositeurs et oeuvres peu connus est-elle alors crédible? N'est-ce pas pour satisfaire un certaine goût de l'érudition et du snobisme? Vous soutenez les compositeurs peu connus, mais à condition qu'ils restent sagement à leur place de compositeurs secondaires. On ne sait jamais... s'ils pouvaient faire de l'ombre aux "grands", quel scandale. Si pour vous il n'y a pas de hiérarchie comme vous le prétendez si bien, pourquoi mettez-vous autant d'charnement à défendre celle qui existe. C'est tout de même bizarre. Adoptez une attitude conforme à votre credo en faveur des compositeurs peu connus et vous verrez que je ne vous ferai plus aucun procès, non pas d'intention d'ailleurs, mais pour les positions réelles que vous adoptez régulièrement pour défendre coûte que coûte toute remise en cause de la hiérarchie traditionnelle ainsi que toute remise en cause de l'atonalisme. Vous avez également manifesté beaucoup de verve, contre les preuves les plus évidentes, pour défendre les usurpateurs, ceux qui prétendent (ou à qui on a prêté?) la naissance du genre symphonique.

ÉRUDITION
Vous savez bien que je n'ai pas de goût pour l'érudition. Je n'ai jamais joué à ce jeu que vos ouailles apprécient tant et qui consiste à rechercher tous les compositeurs ayant écrit sur tel ou tel thème. Récemment, j'ai vu que le jeu proposé était de chercher toutes les oeuvres qui avaient utilisé le Dies irae. Immédiatement, tous les membres de votre liste se sont jetés sur cette pature comme la misère sur le pauvre monde. Pour ma part, j'en citerai à peine quatre ou cinq. Et je n'ai aucune propension à me livrer à ces jeux infantiles, eussè-je l'érudition pour y briller. Vous savez bien que je ne suis pas érudit et ne cherche pas à l'être.

SYMPPHONIE N°2 GLIERE
Si je puis affirmer une indépendance de mon jugement par rapport aux préjugés relatifs aux polémiques (la notation maximale que j'avais accordée à la Toccata BWV 565 de Bach avant que je susse qu'elle pouvait être inauthentique en est, je pense une preuve recevable), en revanche, je dois avouer des variations de jugements dues à une insuffisance d'audition pour certaines oeuvres. C'est ce qui s'est produit avec la "Symphonie n°2" de Gliere. Je l'avais écoutée il y a quelques années, très insuffisamment je l'avoue, et j'avais noté une étoile seulement pour le premier mouvement. J'avais observé cependant un thème conducteur très lyrique, très frappant, mais je n'avais pas perçu l'intérêt des sections intermédiaires. Je reconnais aujourd'hui que ce mouvement est sublime (à mon avis) et je lui mets la mention excellent. Son audition exige une concentration difficile à atteindre, surtout lorsqu'on est sollicité par diverses tâches ou occupations. De ce point de vue, cette oeuvre me rappelle l'ouverture "Cola di Rienzo" de Sgambati. Il est très facile de "passer à côté" d'une oeuvre, et je ne suis sans doute pas le seul. En revanche, j'ai la quasi-certitude maintenant que le 2e et le 4e mouvement (surtout le 2e) de cette symphonie de Gliere représentent plus une divagation de faible intérêt (par rapport à ma propre perception). Pour revenir à ce fameux premier mouvement, je crois qu'il atteint les caractéristiques idéales que l'on peut exiger d'une symphonie, l'ethos exact du genre par sa recherche de grandeur, de lyrisme, de puissance, de pathétisme, de dramatisme. Par rapport à la "5" de Beethoven, autre exemple de symphonie "idéale" (pour moi), il me semble que celle de Gliere, par sa complexité symphonique, perd un peu de l'impact qu'obtenait Beethoven par des thèmes plus simples (relativement). Les intermèdes sont moins saisissants, mais quel déploiement orchestral prodigieux. Nous sommes ici au point extrême de l'esthétique romantique, l'aboutissement d'un siècle de musique, voire une somme de toute la musique savante occidentale depuis le 17e siècle.

CODE D'APPRÉCIATION
Jeu infantile pour vous que d'attribuer des étoiles à chaque mouvement d'une oeuvres comme dans le guide Michelin. Ce "jeu infantile" est dû, de manière simplifiée, à Hortense Parent, peut-être la plus grande pédagogue et technicienne du début du siècle, avant, me semble-t-il, que le guide Michelin s'emparât de cette méthode d'appréciation élliptique très générale. Si vous n'en avez pour moi, ayez au moins de la considération pour cette pianiste qui a considéré plus d'un millier de pièces musicales pour piano en les jouant toutes elle-même afin de fournir une appréciation.

CONCERTO POUR VIOLON GLIERE/LYATOCHINSKY
Bravo Lyatochinski pour cette orchestration du concerto pour violon de Gliere. Plus vrai que nature. Une conception héritée sans doute de Glazounov. Discrète, par petits motifs à la flûte ou à la clarinette. Une ochestration originale à laquelle on ne prête pas attention au premier abord car elle est d'une subtilité qui se laisse aisément oublier. Et pas seulement originale, elle contient une âme, cette orchestration. J'en suis ému aussi parce que je la reconnais. C'est celle d'un post-romantisme russe auquel pas un seul commentateur d'histoire de la musique n'accorde de l'importance. Pourtant la nouveauté, elle est là. Pas dans les élucubrations de ces modernistes qui s'éreintent pour désespérmément nous faire croire qu'ils sont des inventeurs d'une conception nouvelle de la musique. Mais comment faire reconnaître cela. La musique classique a trop bien réussie. Elle est maintenant colonisée par des profiteurs insensibles à ses véritables productions, des professionnels du détournement philosophique, des récupérateurs et autres chiffoniers dialecticiens. Et n'oublions pas Gliere. Là aussi, la lignée post-romantique dans des terres inexplorées par l'Occident. Glazounov toujours. Un concerto infiniment mélodique, sans le moindre heurt qui risque de briser ce sentiment si délicat d'une ineffable nostalgie. Là encore, une nouvelle coloration mélodique qui ne sera jamais reconnue comme nouveauté. Nos idéologues progressistes sont bien loin. Où sont-ils? En dehors du téménos sacré où se meuvent les véritables artistes transcendés par la lumière immatérielle de la beauté. J'ose à peine le conseiller ce concerto car il risque d'apparaître lancinant à certains d'entre vous. Des longueurs, me direz-vous. On ne peut pas admettre ce genre de musique aujourd'hui. Il nous faut les ingrédients du rythme, des dissonances, des dysharmonies. Je le comprends aussi. Peut-être l'intérêt que j'y trouve reflète-t-il en partie mon goût personnel. Bravo Lyatochinsky, vous nous avez permis de pénétrer dans ce temple de l'ineffable où la fascination provient de la discrétion, bien loin des tonitruances modernistes."

CONCERTOS POUR PIANO DE SAINT-SAËNS
Mon ordre de préférence: 2, 5, 1, 3, 4. Concernant leur notorité: le 2 puis le 4, c'est l'ordre "communément admis", mais ensuite viendrait plutôt le 5, je pense. Quant au 3 et au 1, ce sont les moins connus. Bien à tort à mon avis, ai-je besoin de le préciser. Je n'ai toujours pas digéré d'avoir lu de la part d'un critique que le 1 était une "oeuvre de jeunesse", ce qui ne veut pas dire "une oeuvre écrite par le compositeur pendant son jeune âge", ne confondons pas. Toutes ces connotations obligées liées aux "oeuvres de jeunesse" et aux oeuvres de maturité" me laissent sceptiques. Si on ignorait la date de composition des oeuvres, que de commentaires oiseux nous seraient épargnés. Et si on ignorait le nom des compositeurs, là, je n'ose même pas y penser. Certains n'oseraient plus proférer la moindre critique.

CONDOLÉANCES POUR LA MORT DE BACH!
Voici une des réponses reçues suite à mon article "Bach est-il un grand compositeur"

Hallucinant ! simplement déconcertant et laissant sans voix... Voilà ce que m'inspire les lignes que je viens de lire dans votre site... Condoléances Y.R.

Ce à quoi naturellement j'ai répondu que je n'avais rien inventé. Tous les arguments m'ont été fournis par des musicologues, je n'ai fait que les regrouper. Toutes les références peuvent être vérifiées. Si vous comprenez le "Condoléances", faites-moi signe. Peut-être pour la mort de Bach, mais ce n'est pas à moi qu'il faut envoyer les condoléances. J'ai parfois l'impression de revivre la fameuse scène d'"Ainsi parlait Zarathoustra" de Nietzsche lorsque le philosophe rencontre un vieil ermite dans la montagne. Celui-ci lui parle de Dieu. Et Zarathoustra, ne jugeant même pas utile de le contredire, se dit en lui-même: "Tiens, cet ermite ne connaît pas encore la nouvelle. Il ne sait pas... que Dieu est mort."

NIER LA VÉRITÉ DES AUTRES
Une réaction de TTLE "Mais ne nous trompons pas : le but de Claude F est bien de nier à tous ceux qui sont touchés, émus, transportés par certaines oeuvres de Bach comme nulle autre ne le fait, la vérité même de ces sentiments. "

Ne nous y trompons pas, votre but est de nier la vérité des faits, à laquelle vous voulez substituer la vérité d'une illusion, la vérité de chacun, comme si la vérité pouvait être multiple et contradictoire. Mon but est la recherche de la vérité et je revendique le droit à la vérité pour le mélomane. Le mélomane ne doit plus accepter d'être manipulé. La transparence ne doit pas exister uniquement en politique ou en économie, mais aussi en matière de musique.

PROBLÈMES D'AUTHENTICITÉ DANS LES OEUVRES DE COMPOSITEURS: BACH CONNUS
Il faut distinguer plusieurs aspects dans les problèmes d'authenticité. D'une manière générale, plus un compositeur est célèbre, plus le nombre d'oeuvre désattribuées est conséquent. En effet, sa célébrité est utilisée par d'autres compositeurs et surtout par des éditeurs indélicats pour donner facilement une médiatisation importante à des oeuvres nouvelles. Ce phénomène s'est produit pour Vivaldi de son vivant et même lors de sa résurrection. Il s'est produit pour Bach après sa redécouverte. Ceci est un phénomène normal témoignant de la célébrité d'un compositeur et indépendant de son génie (ou de son absence de génie). Ce qui est très spécifique à Bach, je l'ai expliqué dans mon article, c'est que les oeuvres inauthentiques d'une manière générale, comptent parmi les plus célèbres (et comptent même la plus célèbre), et aussi que ces oeuvres sont les plus "modernes" témoignant des "hardiesses" de bach, de sa "modernité" alors que les oeuvres authentiques montrent au contraire son passéisme. Et ces oeuvres inauthentiques ont permis le succès de Bach auprès du public, ce qui a, peut-on penser, permis d'étendre la notoriété à des oeuvres contrapuntiques généralement de faible intérêt pour le public. C'est le phénomène que l'on peut fortement suspecter. En second lieu, un grand nombre d'oeuvres authentiques de Bach (la plupart) ne sont pas des attributions malhonnêtes par des tiers, mais témoignent d'une activité de recopie très importante de la part du Cantor (cas par exemple de la plupart des concertos). Il montre ainsi l'image d'un compilateur plus que d'un créateur. Ceci est corroboré par les données d'ordre biographiques. Troisième point, très important, ce sont les emprunts en nombre considérables qui confortent cette image d'un Bach recherchant peu l'originalité et aliéné aux oeuvres de ses contemporains alors que ces emprunts sont quasiment inexistants chez Vivaldi et les compositeurs baroques. D'une manière plus générale, les multiples manipulations, dont souvent le public n'est pas ou mal averti - cas des chorals dont les thèmes principaux ne sont pas de Bach - doivent être reliées avec les autres manipulations d'ordre historiographiques visant l'établissement du culte Bach. De quelque point de vue que l'on se place (authenticité des oeuvres ou historiographie), c'est l'absence de clarté qui règne et le mélomane (que je suis) a surtout la sensation d'être berné, non pas par un quelconque "complot", mais par le développement d'une idéologie corruptrice de la vérité historique. Plus que les faits d'authenticité eux-mêmes, c'est le fait que Bach apparaît comme une construction idéologique qui incite à la plus grande prudence concernant l'intérêt proprement musical d'un grand nombre de ses oeuvres. Les oeuvres composites ne sont pas l'unique apanage du mythe Bach. On pourrait citer les poèmes homériques, compositions apocryphes dues principalement à un cercle de poètes (les Homérides de Chio) et déformés ou complétés par la suite, et c'est le cas de tous les grandes sagas historiques (le Kalevala par exemple), mais dans ce cas nous n'y voyons pas une volonté idéologique s'opposant au choix électif naturel du public (en l'occurence les compositeurs italiens de l'époque qui s'étaient imposés). Pour moi, le mélomane a droit au respect, il a droit, autant que peut se faire, à la vérité, celle que nous révèlent les experts et les historiens scientifiques. Conclusion, si vous aimez le baroque, écoutez plutôt Vivaldi ou d'autres compositeurs baroques qui ont été injustement liquidés par l'idéologie partisane, Tartini, locatelli... Là, aucun problème, leur découverte est le produit de la musicologie scientifique du 20e siècle et leur notoriété actuelle, s'ils en ont acquise une, n'est due qu'au public. Aucun ouvrage ne tentera de vous manipuler pour vanter leurs mérites outre mesure en contruisant un quelconque mythe. Ils ne sont connus que dans la mesure où leurs oeuvres sont appréciées.

NE PAS HEURTER LA SENSIBILITÉ DES MÉLOMANES
Ne pas heurter la sensibilité de certains. Alors que faut-il faire? Empêcher la publication des experts rejetant l'authenticité de la BWV 565 car elle relève du mépris ou de l'agression, qu'elle nie la sensibilité de certains. De même faut-il brûler tous les ouvrages attestant des recopies de Bach, faut-il intenter un procès aux biographes de Bach pour mépris et agression de la sensibilité d'autrui. Faut-il continuer de manipuler la vérité au nom du respect d'autrui. J'aimerais avoir une réponse claire là-dessus. Dans mon article, j'ai relevé essentiellement des faits observés par des musicologues. Ma seule intervention a été de les regrouper et d'en tirer des conclusions, considérées comme hypothétiques d'ailleurs. N'est-ce pas plutôt protéger un culte qui bafoue outrageusement la vérité et occulte tant d'oeuvres et de génies. Vous affirmez d'excellents principes de discussion. Comment se fait-il alors que je me fasse insulter sur votre liste dès que j'essaie d'y intervenir? Approuvez-vous l'intervention intempestive de cette flicaille de la pensée qui interdit le dialogue et que vous laissez prospérer impunément. J'aimerais comprendre. Et comment se fait-il que se soit créé une liste dissidente?

BACH RECONSIDÉRÉ
D'une manière générale, c'est la concordance des faits musicologiques, historiques, sociologiques, biographiques qui incitent à une très grande réserve concernant l'intérêt effectif de nombreuses oeuvres de bach pour le public mélomane. La mythificatin de Bach est une certitude, mais naturellement, il n'y a pas de preuve absolue que sa musique est sans intérêt. Ce n'est d'ailleurs pas ce que je pense personnellement. Il convient peut-être de considérer Bach comme un compositeur estimable.

INSULTE ENVERS LES MÉLOMANES
Mon article "Bach est-il un grand compositeur?" serait une insulte aux mélomanes. Je m'appuie sur des travaux rigoureux, je le répète. Découvrir que l'on a été manipulé n'est pas agréable, je le conçois, mais n'y aurait-il pas plus de raison pour ceux qui sont bernés de se retourner contre ceux qui les manipulent depuis si longtemps?

SYMPHONIES DE LAJTHA
Grotesque, Lajtha dans ses symphonies 4 et 9. De regrettables exhibitions grandguignolesques. Des oeuvres modernistes malgré leur ultratonalisme - et même en raison de celui-ci. Un ultratonalisme accusant il est vrai, de fâcheux dérapages dissonants. Car l'atonalisme n'est qu'une composante du modernisme, son frère opposé, qui généra au 20e siècle (par esprit de provocation) ces étrons nauséeux insérés dans un cadre formel vénérable. Surenchères absurdes parmi la multitude d'oeuvres délétères foisonnant en cette Cour des Miracles de la musique moderne où chacun ne sait plus quelle laideur imaginer pour scandaliser ou prétenduement inventer. Un modernisme qui s'affiche en interjections comiques éructées par les percussions, xylophone, triangle et celesta. Du Chostakovitch moins bruyant, moins hystérique surajoutant quelques touches de loufoqueries pitoyables dans un ensemble qui se voudrait parfois pathétique. Une allusion évidente au second mouvement du "Concerto pour piano" de Khatchaturian apparaît dans le premier mouvement de la "Symphonie n°9", à moins que ce soit Khatchaturian qui ait copié ce passage. Je n'ai pas vérifié les dates, cela m'étonnerait fortement. On est toujours stupéfait d'observer combien des effets musicaux incohérents et ridicules pour n'importe quel mélomane sensé deviennent naturels, admissibles, et même admirables dés lors qu'ils sont auréolés par le préjugé positif du progressisme et du modernisme. Pour peu qu'un universitaire s'en empare, c'est l'apothéose. Epoque bénite de la musique de cirque considérée comme supérieure aux grands symphonies romantiques, ces ronflantes machines rouillées qu'il fallait envoyer à la feraille (celles de Tchaïkovski en priorité), machines dont un Gliere a l'outrecouidance de prolonger l'existence. A la casse aussi les byzantines subtilités du grand foyer post-impressionnisme s'éteignant, dont un Bantock, seul dans les ténèbres cataclystiques, attise les derniers rougeoiments. A la casse. A la casse. A la casse. Heimdall a fait résonner sa trompe. C'est le grand Crépuscule de la Musique... Mais cette fausse musique de cirque commise par Lajtha, personne n'en voudrait, même pas pour accompagner les pitreries d'un clown. Cette mode du cirque, Kabalevski lui-même y a sacrifié, mais son très court "Galop des Comédiens" d'une minute trente, contient sans doute plus d'authentique inspiration que l'interminable logorrhée sonore d'un Lajtha. Comment un compositeur ne peut-il avoir honte d'avoir produit un poncif aussi primaire et vulgaire, digne de la vitrine d'une cinquaillerie que l'on voudrait faire passer pour une galerie d'art? Arlequinades navrantes qui ne valaient pas que l'on mobilisât pour les exécuter un orchestre entier, et encore moins qu'on les fît subir à un public. A déverser au plus vite dans la fosse à purin du modernisme où ces prétendues oeuvres rejoindront les déjections coproïtales des Takemitsu, Martin, Tournemire et autre Boulez. Et à oublier au plus vite.

CONCERTOS 5 ET 6 DE PAGANINI
Quant au "6" de paganini, c'est en fait le "0", écrit avant le "1". Sans doute le moins achevé de tous (pour une fois, je rentre dans la pensée conforme des oeuvres de jeunesse). Des procédés qui ne permettent pas au lyrisme de s'épanouir toatalement malgré le foisonnement des thèmes et motifs dérivés. Le rythme apparaît parfois systématique. C'est l'inverse du 5, le dernier, inachevé. Tant qu'on y est, rentrons entièrement dans le conformisme. Le "5", à mon avis un approndissement de la pensée du compositeur. Le romantisme y est plus accusé, plus torturé, plus mystérieux. Le pur jaillissemnt lyrique s'ombrage quelque peu d'un sentiment amer. Et le finale "Alla zingarese" redouble de complications thématiques. Je me demande si le "5" n'est pas joué encore plus rarement que le "6". Quel dommage

LES FRÈRES BENDA
Pas évident de différentier le style des deux frères Benda, Frantiçek et Jan Jirik, d'autant plus que la date de composition, en ce qui concerne Jan Jiri est inconnue. 1760 pour les 2 concertos de Franticek. Dans tous les cas, ce qu'on pourrait nommer du baroque tardif, genre dont j'ai peu d'exemple à part celui de Corette et Locatelli. Tentons une synthèse. Le style de Frantisek appraît très vivaldien, usant même de la marche d'harmonie, procédé assez typiquement imputable au Prete rosso, mais son style violonistique semble moins orienté vers le style galant que les concertos de l'opus XII de Vivaldi (datant pourtant seulement de 1730). Comme chez Corette (dasn son "Concerto n°6 pour orgue et orchestre"), aucune caractéristique du mélodisme galant n'apparaît, en particulier les fameuses cadences mélodiques typiques de ce style. Ceci vaut, à mon avis pour le premier mouvement du "Concerto en ré M", d'intérêt à mon avis largement supérieur à bien des mouvements de concertos de l'opus 12 de Vivaldi. Naturellement, aucun rapport avec des concerti beaucoup plus lyriques et virtuoses tels que le sont le Concerto Il favorito de l'opus XI de Vivaldi même ou encore comme le RV 177 ou le RV 273 (si je ne me trompe pas dans les RV, pas évident), concertos "dramatiques" que nous a révélé Marcon. Quand à l'autre concerto de Frantiçek (en ré m), il me paraît uniformément brillant, assez vide thématiquement. Quant au concerto du frère, Jiri Jan, bizarre, le premier mouvement s'apparenterait du point de vue rythmique au style prébaroque (cette rythmique régulière que l'on retrouve chez Bach). En revanche, le second mouvement, à mon avis d'un lyrisme expressif très prononcé ferait songer plutôt au 1er Concerto in due cori de Vivaldi, un autre concerto de la maturité, probablement de la période de 1720-40. Je me suis longtemps interrogé, après l'avoir écouté près d'une dizaine de fois, si j'allais lui mettre la mention excellent ou seulement très bien. Après mûre réflexion, je lui ai collé impitoyablement la mention très bien car il ya, à mon avis, une nette baisse d'intérêt vers la fin du mouvement. Un certain mélomane distingué me dirait qu'il ne sait pas ce que c'est que le prébaroque (comme il refuse d'intervenir, je suis dans l'obligation d'imaginer ses arguments contestataires, mais je le connais tellement bien). A cela, je répondrai, Geminiani, Tibaldi, et même Corelli, (et même Bach pour certaines oeuvres bien qu'il soit plutôt tardif chronologiquement), bref, quasiment tout ce qui relève du concerto grosso, la frontière étant peut-être constituée par Torelli, qui cultiva, d'ailleurs , les deux genres. Tous ceux-là, sauf Torelli (pour certaines oeuvres), je serai tenté de les mettre tous dans le même sac avec la mention nul. Opinion personnelle. Qui aimerait, sauf quelques masoschistes ces objets de musée, ces oeuvres au rythme heurté, compassé, au mélodisme poussif. Naturellement, le caractère vénérable de ces vieilleries leur confère sans doute une "valeur historique" digne d'encensement. Personnellement, je ne considère que mon plaisir égoïste de mélomane en dehors de toute considération. Pour revenir aux frère Benda, très estimables compositeurs que je ne saurais juger ici, je ne saurais conseiller ce CD Naxos, sauf pour les fanatiques du baroque. Dommage pour ces deux mouvement, au lyrisme à mon avis très inspiré. Un CD cependant qui inciterait à en connaître beaucoup plus sur ces compositeurs.

STYLE BAROQUE TARDIF
Le Cramer que j'ai (le 5 op 48) est à mon avis un des rares concertos de l'époque qui ne donne pas dans les facilités (à mon avis) du style galant. Vous pouvez toujours aller voir la critique que j'en ai faite dans mon site. J'affectionne ce petit concerto car il ne brade pas l'acquis des clavecinistes, il donne l'impression de passer directement de Scarlatti à Beethoven ou Chopin sans passer par Mozart ou Clementi. C'est un peu la même chose pour les concertos de Corette et ceux de Benda (dans une moindre mesure) que j'évoquais dans mon message précédent, ils ignorent le style galant. les 2 de Benda dataient de 1760, c'est une date extraordinairement tardive pour un concerto baroque. Pourtant ce ne sont pas des concertos passéiste, bien au contraire. Je dirais qu'ils dépassent le style baroque en court-circuitant le classique. En effet, le style galant peut s'interpréter comme une orientation vers un lyrisme atténué, une virtuosité moins affirmée et une tendance au simplicisme thématique. Le passage par le style galant n'appraît donc pas comme un passage obligé de l'évolution qui aboutit au romantisme. Le concerto Il favorito de l'opus 9 de Vivaldi (comme le RV 273) que j'évoquais aussi rejoint quasiment Viotti sur le plan de l'expressivité, du jeu violonistique avec l'élargissement du staccato et pourtant il ne porte aucune trace du mélodisme galant. Il contient même plus de staccato que dans de nombreux concerti de Viotti. Bien sûr, ce n'est pas le seul aspect qui intervient. Du point de vue de l'expressivité, le RV 273 est même beaucoup "dramatique" (pour éviter d'employer le terme de "romantique") que les concerti de style galant (même ceux de Dittersdorf) La connaissance des autres concertos de Cramer apporterait certianement des éléments pour combler ce "trou" qui subsiste entre le style galant et les premières productions romantiques de Moscheles, Ries, Beethoven, Hummel... Contemporain de Beethoven, vous dites, il me semblait que Cramer était quand même un peu plus âgé.

MUSIQUE TCHÈQUE
Une amie mélomane me signale ce très beau site sur la musique tchèque. On ne risque pas de tomber sur l'apologie des grands classiques dans ce site puisque les Intellectuels jaloux présidant au culte des "grands classiques" n'ont jamais cru bon d'y inclure un compositeur tchèque. Le compositeur tchèque le plus connu reste Dvorak. Malheureusement, on trouve assez peu de traces des virtuoses-compositeurs que cette nation musicale très féconde a engendra et qui se sont éparpillés dans toute l'Europe, notamment l'illustre famille de violonistes Benda, dont j'évoquais quelques concertos il y a quelques jours (Franticek et Jan Jiri). Néanmoins, on trouvera sur ce site quelques compositeurs très peu connus qui mériteraient sans dotue d'être visités. Tout cela nous montre l'immensité du monde musical et nous incite à une certiane humilité, nous qui croyons avec quelques noms en saisir la quintessence. La réalité est sans doute loin de cette simplification. http://perso.wanadoo.fr/alain.cf/index.htm

LA CONTREBASSE DE SÜSKIND
Vous savez combien je suis admirateur de la contrebasse, ce qui m'a amené à lire le fameux ouvrage de Süskind "la contrebasse". Dans ce monologue burlesque, l'auteur introduit de très nombreux éléments historiques qui prennent, on s'en doute, un relief beaucoup plus prononcé que dans un ouvrage historiographique. On peut donc lire "la contrebasse" avantageusement dans ce sens. L'ouvrage est sans doute plus significatif de l'état d'esprit régnant parmi les instrumentistes d'orchestre, la hiérarchie nécessaire entre les instruments, et donc entre les musiciens. Il traduit le ncessaire détachement de l'artiste, considérant son activité comme une besogne ingrate dépourvue de l'attrait qu'y trouve, de l'autre côté de la barrière, le mélomane. Derrière le rideau, nous découvrons les petites haines ordinaires, les vils intérêt, la petitesse humaine du milieu artistique. L'ouvrage n'est cependant pas dépourvu de réflexions sur la musique elle-même. Des contrebassistes-virtuoses sont cités, sans guère d'égard sur leurs intentions artistiques: bien sûr Bottesini (le Paganini de la contrebasse), Dragonetti, aussi Dittersdorf. Je rappellerais à ce propos quelques oeuvres à mon avis essentielles: la Tarentlle pour contrebasse et orchestre, le Duo concertant pour violon, contrebasse et orchestre de Bottesini. A ces oeuvres de référence, à mon avis magistrales, il faut ajouter le Concerto pour 2 contrebasses et orchestre, la Symphonie concertante pour alto, contrebasse et orchestre de Dittersdorf. Je ne sais si Dittersdorf était virtuose de l'instrument, très probablement il l'était. On peut aussi ajouter le Concerto, que j'ai découvert récemment, de Tubin, oeuvre pleine de sève, malheureusement dévalorisée à mon avis par des passages rythmiques modernistes. Voici un extrait qui est une considération générale sur l'histoire de la musique:

"Mais, vous voyez, c'est souvent comme ça. Les meilleures choses sont éliminées, parce que la marche du temps leur est contraire. En l'occurence, ce sont nos classiques [Süskind est Allemand] qui ont liquidé froidement tout ce qui n'allait pas dans leur sens. Pas consciemment. Ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit..."

La révision de l'histoire n'est pas mon invention et je ne suis pas le seul à émettre l'hypothèse d'une décantation négative réalisée par le temps par suite de l'importance, factice à mon avis, donnée aux "grands classiques". Si le texte de Süskind en témoigne, c'est bien que l'idée se trouve dans l'air. D'autre part, Süskind indique bien que cette dérive historique n'est en aucun cas assimilable à un complot ("Pas consciemment", écrit-il).(extrait de "La contrebasse de Patrick Süskind)

"Dans toute la littérature, il existe plus de cinquante concertos pour contrebasse, tous écrits par des compositeurs assez obscurs. A moins que vous ne connaissiez Johan Sperger, Ou Domenico Dragonetti? Ou Bottesini? Ou Simandl ou Koussevitcki ou Holt ou Vanhal ou Geir ou Hoffmeister... Des gens qui, par désespoir pur et simple, se sont mis à composer. Et les concertos sont à l'avenant. Parce que: un compositeur digne de ce nom n'écrit pas pour la contrebasse, il a trop de goût pour ça..." (extrait de "La contrebasse de Patrick Süskind)"

Auto-dérision de l'artiste sur les chefs-d'oeuvre de son instrument auquel je ne crois rien naturellement.

LES LIMITES DE LA CONTREBASSE!
Des limites? Comment, vous osez! Allons donc, vous savez bien que c'est le violoncelle qui a des limites. Je ne vais pas vous développer un monologue comme celui de l'instrumentiste dépeint par Süskind, mais enfin. La contrebasse tire ses qualités de ses défauts, ses sons presque gutturaux, rustiques, rocailleux, la rendent particulièrement aptes à traduire les sentiments les plus viscéraux. Elle possède une sensualité terrienne, elle est sympatique, amicale. Elle pénètre très loin dans les profondeurs animales de notre cerveau dont elle exprime les pulsions inavouables. Toutes qualités dont est évidemment dépourvu le violoncelle, ce faux instrument aristocratique, triste, incolore, insipide coïncé entre l'alto et la contrebasse. Preuve supplémentaire, voyez ce pauvre Pablo Casals s'extasiant sur les Suites d'un certain compositeur que je ne vous nommerai pas. J'espère qu'il n'y a pas de violoncelliste dans le liste.

LA PHÉNOMÉNOLOGIE DE LA MUSIQUE
Il faut l'avoir vu pour le croire. Cela m'évoque l'ouvrage d'Ansermet "une phénoménologie de la musique", un ouvrage qui date d'une période où la notion de phénoménologie s'imposait. Un ouvrage contenant des idées essentielles à mon avis, mais qui oublie un aspect fondamental de la condition d'une oeuvre artistique, c'est qu'elle ne peut guère se concevoir sans le public pour lequel elle est destinée. L'on s'aperçoit vite que le terme de phénoménologie doit sa présence beaucoup plus à un effet d'époque (un certain environnement philososphique) qu'à une nécessité sémantique. De même, on peut parfaitement discourir de musique sans employer le terme d'ontologie. Mais oui, le croiriez-vous, c'st possible. En revanche, des termes beaucoup moins employés sont peut-être plus fondamentaux. par exemple, les terme de "génie", de "sublimité", mais ces termes incongrus choqueraient les oreilles paramétrées de ces esprits chagrins.

OEUVRES POUR ORCHESTRE DE ROCRIGO: SOLERIANA
Saura-t-on jamais chez les compositeurs contemporains jusqu'à quel point l'imitation annoncée est réelle ou ne constitue qu'une excuse d'abonder dans un néo-classicisme que certains considèrent comme honteux? C'est la question qu'on pourrait se poser à propos de Soleriana de Rodrigo, une oeuvre qui se réclame du Padre Soler et du 18e siècles espagnol. Je ne puis en juger faute de connaître la moindre note du fameux Padre Soler, et si peu du 18e siècle espagnol. Je souspçonnerais facilement une fausse référence permettant au créateur du "Concerto de Aranjuez" de trouver un alibi facile afin de s'adonner au style le plus clasisque qui se puisse concevoir. On a vu cela à propos du fameux "Adagio" dit d'Albinoni. Soleriana, une suite pour orchestre à mon avis parfois un peu compassée, flasque, léthargique, au manque de vitalité outrageant. Rodrigo en rajoute même, et en cela devient presque original. En revanche, emprunt bien réel celui-là, un motif dérivé de l'une des "Danses slaves" de Dvorak (reprise d'un thème probablement folklorique de la part de Dvorak). C'est d'ailleurs à peu près la seule marque rhapsodique de Soleriana (sauf le second thème du "Passepied"). Le 3e et le 4e mouvement sont sauvés cependant, à mon avis, par une thématique très caractérisée permettant à ces parties de surnager au milieu de cet affadissement d'autant plus intolérable qu'il semble constituer une recherche volontaire de la part du compositeur. Les "Cinq pièces enfantines", quant à elles, n'ont rien d'enfantin et évoquent plutôt le style des ballets russes. On se serait passé du "Griteria final", bruyant et presque moderniste. Rodrigo moderne, pas croyable! Passons sur cette pièce insignifiante et regrettable pour s'attarder plutôt sur le "Son chicos que pasan", une évocation carnavalesque avec des effets de percussions étonnants. C'est génial, mais très court. On pense à une danse cosaque. Il est intéressant de comparer cette pièce à la fameuse "parade des comédiens" de Kabalevski. Style plus percutant chez le Russe, plus souple et enveloppé chez l'Espagnol. C'était un CD Naxos par Asturias Symphony Orchestra (Maximiano Valdès). Un CD que l'on pourra profitablement acquérir, tout de même. Si un petit nombre de pièces ont un intérêt réel, les autres pièces, d'intérêt à mon avis plus limité, peuvent s'écouter agréablement.

CONCERTO POUR PIANO DE CRAS
J'ajouterai que son concerto pour piano représente à mon avis une somme de l'impressionnisme, un style dessinant des motifs aux contours nets, très raffiné, qui ne sombre jamais dans l'insignifiance propre à certaines manifestations un peu trop radicalistes de l'impressionnisme debusséen. Le CD s'impose déjà pour cette oeuvre.

CATHÉCHISATION
Enseigner dans les petites classes la musique classique. Pourquoi pas si cela permet de découvrir. mais, après cette phase de découverte, pour moi, la vraie noblesse de cet art implique qu'on y vienne de soi-même mû véritablement par l'Amour de l'Art. L'idée qu'on pût inculquer quoi que ce soit sous l'étiquette de musique classique me fait frémir. Je suis également contre l'enseignement de la littérature dans le Secondaire. Et pour cette sensibilisation, vous avez pris l'exemple de mozart et beethoven. pourquoi bien sûr, votre choix aurait pu être pire. Mais croyez-vous vraiment nécessaire de perpétuer le "culte des grands classiques". A t-on vraiment besoin que cette religion soit imposée par une catéchisation aussi précoce? Pour moi, agir en faveur de la musique classique, c'est s'opposer à tous les détourneurs qui se l'accaparent depuis le 20e siècle et même avant, ceux qui ont imposé un faux répertoire, un squelette de répertoire, de telle sorte que le public est amené à fuir des oeuvres qui les ennuient ou, tout au moins, qui ne possèdent pas les valeurs supérieures du génie et du lyrisme. Permettre la découverte de la musique classique, n'est-ce pas souvent un alibi à une catéchisation, non d'intention, mais de fait. Alors, je préfère demeurer dans une attitude prudente à propos de l'enseignement de la musique. L'enseignement technique, oui, mais l'histoire de la musique. il faudrait d'abord la connaître cette histoire, avant de l'enseigner. Qui pourrait y prétendre? Le meilleur moyen d'amener les gens à la musique classique, c'est de leur proposer des oeuvres lyriques qui leur plaisent plutôt que de mettre en exergue des oeuvres prétenduement intellectuelles qui vont les ennuyer.

Et je ne suis pas sûr que les jeunes soient sensibles à cette incitation par l'intermédiaire de cours. La musique qu'ils écoutent, généralement, ne leur a jamais été proposée par ce canal. Je me demande même si le canal pédagogique du cours n'est pas synonyme pour eux de musique ringarde, qu'il ne faut surtout pas écouter sous peine d'être dévalorisé vis-à-vis de leurs camarades. je crois plutôt que ce sont les médias qui peuvent (qui pourraient) influer.

INCITER À ÉCOUTER DE LA MUSIQUE CLASSIQUE
Je demeure assez sceptique sur ce mûrissement et ce conditionnement qui seraient nécessaire pour apprécier la musique classique. Pour moi, la compréhension de la musique exige, certes, des auditions réitérées d'une même oeuvre, mais c'est un autre phénomène. L'oeuvre y pourvoit déjà par la répétition des thèmes et motifs. L'incitation à un choix musical, fût-il général et limité à la "musique classique" m'est assez étranger. Comme je l'ai dit, c'est aux majors et aux solistes de choisir des oeuvres susceptibles de captiver le public et non pas de suivre une quelconque idéologie qui prétendrait élire les oeuvres supérieures, à coup sûr des oeuvres peu enthousiasmantes pour le public, sinon franchement imbuvables pour le répertoire moderne. La musique classique doit être capable de se défendre elle-même par ses oeuvres, non par une incitation artificielle qui dirait: "Ecoutez cela, c'est un chef-d'oeuvre". la plupart du temps, ce ne sera justement pas un chef-d'oeuvre, mais une oeuvre ennuyeuse, sans valeur musicale. On pratique l'embaumement d'oeuvres sèches, élues par le jeu de critères extra-musicaux en prenant bien soin d'éliminer ce gêneur, le mélomane sensible. La musique n'a rien à gagner à cette momification qui la dessert au contraire.

FAUT-IL FAVORISER LES OEUVRES DU 20E SIÈCLE?
Bien que nous soyons au 20e siècle, une très grande partie de la musique classique jouée et écoutée aujourd'hui se réfère aux siècles passés. C'est un fait incontournable. Je ne suis pas opposé à ce que l'on recherche de grandes oeuvres du 20e méconnues. J'en ai même une à vous proposer: La Symphonie des Hébrides de Bantock. Du reste, je ne comprends pas l'importance que vous accordez à la date de parution d'une oeuvre. Personnellement j'écoute une oeuvre sans attacher d'importance à sa date de création. Croyez-vous qu'il soit nécéssaire d'être un homme du 19e siècle pour apprécier les Polonaises de Scharwenka? A mon avis, pas plus que pour apprécier les symphonies de Beethoven qui, sauf si je me trompe appartiennent au 19e siècle. Un concerto dans le même style que ceux de Scharwenka est l'oeuvre pour piano et orchestre le plus joué et la plus vendue sur la planète: le "Concerto n°1" de Tchaïkovski. Alors. Pourquoi voulez-vous nous priver des chef-d'oeuvres du 19e siècle?

DONNANHYI, CLEMENTI, RODRIGO
Des nouveautés sans doute intéressantes. Que peut donner la musique de Donnanhyi pour piano seul. J'avoue en être curieux bien que ses concertos me paraissent un pur épanchement virtuose sans assise thématique. Sibelius, bien sûr, les filles de Pojhola, symphonisme complexe dans une structure presque arythmique, mais qui évolue "par la seule logique thématique". Les 2 autres, je ne les connais pas. Clementi, pourquoi pas ces sonates précoces. Les sonates tardives de l'opus 50, presque romantiques, m'ont beaucoup déçu. elles me paraissent romantiques par leur style mais aucunement par leur esprit et totalement privées d'âme. Le négociant en piano aurait-il tué le créateur? En revanche, de nombreuses sonates très mannheimiennes recèlent à mon avis une grande inventivité, une émotion réelle. Rodrigo, un concerto pour piano constitué d'accords simplistes dont je ne vois pas le sens. Quel contraste avec le style impressionnisme si achevé de son oeuvre pour piano seule.

MUSIQUE POUR PIANO SOLO DE BRAHMS
J'excepte la fameuse Valse n°15 qui est , poUR moi, une très belle oeuvre, et aussi quelques autres valses, du même opus, je crois. Le cas de la musique pour piano de Brahms me paraît refléter un phénomène consécutif du culte des grands compositeurs. On a étendu à d'autres genres musicaux la notoriété qu'ils avaient peut-être acquise à juste titre dans leur genre d'élection, le Genre symphonique pour Brahms. Je crois que c'est la même chose à propos du Concerto poUR violon de Beethoven. Et, en revanche, on va négliger l'oeuvre pour piano d'un compositeur qui a triomphé (au 19e siècle) dans ce genre, Scharwenka justement. Concernant Schumann, je serais plus nuancé, ma critique était un peu sévère. Son influence fut réelle, à cent lieue de cette pseudo-influence de Bach (que l'on nomme sous le nom de "références" à Bach). Il suffit de considérer le style des pièces pour piano seul de Tchaïkovsky, et il n'est pas le seul. Ce ne sont pas les références au nom d'un compositeur qui témoignent de son influence, mais l'existence d'idiomatismes les caractérisant que l'on décèle dans les partitions ou à l'audition.

La musique facile pour moi, c'est celle qui abdique à exprimer le grand lyrisme auquel les vrais mélomanes sont sensibles. Les esprits incapables d'élévation donnent leur préférence à une musique qui n'a pas d'ailes et obéit à des règles abstruses. L'intériorisation n'exclut pas le lyrisme à mon avis, en tous cas une forte charge émotionnelle. Je pourrais vous citer à ce propos le Concerto pour piano de Novak et... l'Ouverture "Rienzo di Cola" de Sgambati, à mon avis un chef-d'oeuvre de lyrisme intérieur.

PIÈCES POUR ALTO ET VIOLON DE VIEUXTEMPS
J'avais plusieurs raisons a priori de m'attendre à ce que ces pièces pour alto et piano de Vieuxtemps soient nulles. D'abord, j'avais observé (à mon avis) une certaine baisse de l'inspiration de Vieuxtemps après le "Concerto n°4", non que les concertos postérieurs ne comportassent pas des parties d'un niveau élevé (la "Sicilienne" du "6 "je crois et le dernier mouvement du "7", il me semble), mais tout de même, par rapport à ces oeuvres à mon avis exceptionnelles, que représentent le "1", le "2" et le "4", c'était assez peu. En second lieu, la décision de Vieuxtemps de ce consacrer à partir d'un certain âge à la musique de chambre et d'abandonner le grand concerto pour violon et orchestre me paraissait un aveu d'impuissance. Il faut considérer l'attaque invalidance qu'avait subie le compositeur, ce qui l'empêchait d'aborder des oeuvres de virtuosité en tant qu'instrumentiste. Et puis, c'est vrai, je suis impitoyable, j'ai toujours tendance à "jeter les compositeurs à la poubelle" à partir d'un certian âge. Peut-être est-ce chez moi une obsession liée à ma hantise de la catagénése, l'impossibilité de maintenir l'acmé d'un état idéal nécessairement voué à la dégradation, à la sénescence et à la résoption. En troisième lieu, j'avoue que l'alto en soliste, me parassait un instrument aux capacités limitées, un pâle substitut du violon pour les compositeurs incapable de déployer une inspiration supérieure sur un instrument plus exigeant. C'était beaucoup d'a priori... et surtout sans compter avec le génie de Vieuxtemps. J'avoue que ce CD Naxos (avec Roberto Diaz alto et Robert Koenig au piano) c'est pour moi, avec la "Symphonie des Hébrides" de Bantock, le meilleur CD que j'ai découvert cette année. Quel génie. Vieuxtemps aborde la musique de chambre et l'ato sans aucune référence à l'éthique du genre. En violoniste-compositeur qu'il est. Il traite l'alto comme un violon et le genre pour alto et piano comme un concerto de soliste. C'est ce qu'avait fait également Paganini avec son quatuor pour 2 violons, alto et contrebasse. La puissance de son inspiration ne me paraît pas avoir été entamée, même dans la "Sonate inachevée", opus posthume. Une passion exacerbée dans son mélodisme chromatique si caractéristique avec des plongées impressionnantes dans le grave, une densité thématique peu commune, un déploiement de motifs qui laisse pantois. Et puis, surtout, cet aspect "magique" comme un appel de l'âme vers les félicités d'un monde supérieur... Vieuxtemps est sans doute un des rares à exprimer un tel lyrisme dans la tessiture du medium, qui est généralement celle de l'alto. C'est une particularité qu'il présentait déjà au violon, comme d'autres compositeurs de l'école franco-belge, et comme saint-Saëns. Un CD à mon avis indispensable et je classe sans hésiter "l'Elégie op 30" parmi les 70 meilleures oeuvres qu'un mélomane doit absolument connaître.

QU'EST-CE QUE L'INTELLECTUALISME?
Pour moi l'intellectualité représente une activité psychique moins profonde que celle qui mobilise l'affectivité. Une imprégnation affective par un événement extérieur est toujours plus profonde et plus puissance qu'une simple opération cognitive. Elle nécessite souvent une imprégnation plus longue et répétitive pour s'établir, mais demeure plus longtemps dans notre psychisme. Ce qui nous émeut et nous meut profondément relève, me semble-t-il, de l'affectivité.

APPROFONDISSEMENT DANS LA PERCEPTION D'UNE OEUVRE?
Je ne suis pas sûr que les schémas motiviques rebattus entraînent une diminution de l'impression par la réitération si importante que cela. Pour ma part, mon impression en écoutant le "casse-noisette" n'a absolument pas varié. C'est vrai que je le connais, et que je préfère écouter des oeuves que je connais moins, mais l'impression que je subis "au moment de l'écoute" me paraît être exactement la même qu'il y a plusieurs dizaines d'années. Cette observation exclut également tout approfondissement de la la connaissance de l'oeuvre. Si je vois des "beautés nouvelles" dans une oeuvre, j'interpète cela au fait que j'ai été inattentif en les écoutant. Le "sens" lui-même de l'oeuvre, d'un motif précis, est à mon avis univoque, il ne peut pas se modifier avec le temps.

MÉMORISATION ET PERCEPTION DE LA MUSIQUE
Je pense que votre hypothèse sur une partie de l'origine du plaisir musical est fondé. La facilité de mémorisation d'un thème intervient très probablement dans l'intérêt qu'il nous procure. Cette mémorisation est sons doute consécutive de l'existence d'une logique interne au discours musical qui nous est inaccessible par l'intuition. L'incohérence de la musique atonale la rend "immémorable" (je n'ai pas pu résister à ce barbarisme.

LES OEUVRES POUR GUITARE
Le problème des compositions pour guitare, comme vous le dites, semble provenir de sa faible puissance sonore. C'est vrai que le genre du concerto pour guitare et orchestre est un peu un contresens, c'est aussi mon avis, notamment au concert. En enregistrement, on peut peut-être pallier au différentiel sonore par la technique. En revanche, la guitare seule, exécutée dans les conditions propices recèle à mon avis une sonorité originale, prenante, à laquelle corespond certainement des tours mélodiques (pour vous épargner l'expression de "formules motiviques" que vosu semblez abbhorer). Vous savez que je suis un grand partisan des répertoires spécifiques et des virtuoses-compositeurs qui les ont illustrés. Malgré des déceptions répétitives pour la guitare, je continue de temps en temps à écouter quelques compositions pour cet instrument. Je réalise la même prospection pour la flûte, un instrument prometteur à mon avis, mais les enregistrements ne m'ont pas non plus apporté ce que j'espérais. J'ai souvenir notamment d'un CD de flûte du 18e siècle avec des oeuvres de Quantz, le "grand" flûtiste-compositeur baroque. L'ensemble m'a paru vraiment ch... au possible.

VIEUXTEMPS, BENDA, RODRIGO, LAJTHA, RHEINBERGER
Vieuxtemps, Benda (Jan Jiri et Frantisek), Rodrigo, Lajtha, Rheinberger, telles sont les compositeurs dont j'ai découvert quelques oeuvres ce mois-ci. Quelques mots encor bien que je me sois largement épanché sur le sujet. Lajtha notamment, c'est à mon avis un regrettable exemple de modernisme ultra-tonal, ce qui semble montrer que le modernisme ne se diéfinit pas uniquement sur le rapport à l'atonalisme. Au sujet des Benda, je crois finalement qu'ils ne sont pas frères contrairement à ce que j'ai pu dire. Je n'y comprends plus rien dans cette famille. On n'en finirait pas de s'étonner à propos de leur baroquisme tardif qui ferait douter de l'universalité réelle du style galant dans les années 1770 environ. Passons à Vieuxtemps, oeuvres pour alto, à mon avis les oeuvres indispensables qu'il faut découvrir absolument. La véhémence fait craquer le cadre naturels de ce genre trop étroit pour le génie de Vieuxtemps. C'est un exemple du lien à mon avis presque indissociable entre affectivité et virtuosité, entre profondeur de l'expression et bravoure instrumentale. Rodrigo, oeuvres symphoniques: Soleriana. Si vous ne vous sentez pas trop un "mélomane supérieur", vous écouterez avec intérêt ce faux pastiche d'oeuvre classique, mais vraie oeuvre néo-classique. Reste Rheinberger. Ma première rencontre musicale avec ce compositeur concernait le Concerto pour piano, une oeuvre à mon avis assez décousue, mais dans laquelle saillissaient quelques thèmes bien caractérisée. C'est un peu le même schèma qui m'apparait dans ces oeuvres pour orgue (volume 2), des thèmes parfois très bienvenus qui ne sont peut-être pas exploités suffisamment.

LES TITRES ET LE CONTENU - SATIE
L'amalgame entre les données extra-musicales (la biographie) et le contenu des oeuvres est une des plus fréquentes déviations constatées dans l'histoire. On pourrait y ajouter la différence entre l'image que le compositeur a tendu à donner de lui-même et le contenu réel de ses oeuvres, voire même le rapport entre le titre affecté à certaines pièces et leur contenu. Le cas de Satie me paraît significatif. L'humour, la loufoquerie des titres de ses pièces pour piano se trouvent-t-ils dans les partitions elles-mêmes? C'est pourtant, me semblet-il, souvent, d'après les caractéristiques extra-artistiques - les plus voyantes - que s'établira ou non la notoriété d'un compositeur. On pourrait évoquer aussi l'exploitation de la biographie pour créer l'image du compositeur.

LES OEUVRES CONCERTANTES
Les modalités d'expression permises par le concerto m'on paru très vastes, d'après plusieurs centaines d'oeuvres qu'il m'a été donné de découvir. De la simple démonstration de virtuosité technique comme ceux de Moszkovski (à mon avis) jusqu'à l'expression pathétique la plus profonde représentée à mon avis par les concertos de Tchaïkovski, on peut passer par tous les intermédiaires et même à des expression tout à fait paradoxalement comme la virtuosité feutrée, mystérieuse dans les concerto de Novak ou Massenet. Le concerto de Sgambati représente par exemple un intermédiaire entre l'expressionnisme-impressionnisme du Concerto n°2 de Rachmaninov et la virtuosité heurtée, passionnée de Tchaïkovski. Le 3 de littolf (et le 2 dan une certiane mesure) représentent, le brillant ostensible, mais ils sont aussi parcourus par une tension lyrique très intense. Et ceux de Paganini me paraissent représenter le sommet de la fulgurance lyrique, de la transcendance. On pourrait citer aussi bien d'autres concertos dans lesquels la partie symphonique apparaît très importante, le 2 de Reinecke notamment que j'évoquais il y a quelques jours. D'un pathétisme moins prononcé, ceux de Macdowell manifestent une coloration rhapsodique à mon avis admirable. On pourrra admirer aussi le summum de la souplesse pianistique alliée à un brillant ostensible dans les variations sur les hymnes nationaux de Gottschalk Et ceux de Melcer sont traversés d'une tension âpre, presque brutale, le Concerto de Kullak atteint peut-être le sommet de la virtuosité nuancée, évanescente... Ce qui est sans doute vrai, à mon avis, et qui va dans le sens de votre discours, c'est que l'on ne conçoit guère de concerto sans virtuosité. Le genre concertant bannit la simplicité, la facilité. Le genre concertant me paraît convenir particulièrement aux artistes qui ont un sens exigeant de ce qu'est l'art et qui sont épris de sublime. D'autre part, la difficulté technique ne tolère pas la faiblesse. En dernier lieu, il me paraît difficile d'écrire un grand concerto quand on n'est pas un grand symphoniste, sauf peut-être certains concertos baroques comme ceux d'Aubert, de Tartini qui obéissent à une autre logique et d'atent d'une époque où le symphonisme était à l'état d'ébauche.

BUSONI - PFITZNER
C'est l'opinion que je formulerais sur un grand nombre de pièces pous piano de Busoni. Dans ses oeuvres concertantes, notamment sa Fantaisie indienne et le dernier mouvement de son concerto pour piano cette complxité semble obéir à une logique thématique soutenue. Ecriture curieuse, d'une labilité motivique assez incroyable, tout de même, mais dans ce cas la mémorisation des motifs ne me paraît pas plus difficile que dans de nombreuses oeuvres de musique concertante. Pfitzner vient à point pour éclairer une idée de mon message précédent. Son style dans ses concertos pour piano et pour violon me paraît inadapté au genre. A la rigueur, il manifesterait, dans son concerto pour violon, un mélodisme captivant (notamment dans le troisième mouvement), mais le manque de contraste, le caractère rudimentaire de la thématique (surtout dans le concerto pour piano) rendent ces oeuvres à mon avis indigestes.

ENQUÊTE SUR UN COMPOSITEUR: DIABELLI
Ma chronique d'octobre traitant des attributions tendancieuses citait l'exemple des Variations d'après une valse de Diabelli par Beethoven, dans lesquelles il était convenu de ne voir que le génie de Beethoven. M'étais-je trompé? Je viens d'en avoir une confirmation dans cet article sur Anton Diabelli lu dans le supplément du monde de la musique décembre 2002:

"Sans Diabelli, la litérature de piano n'aurait pas été tout à fait ce qu'elle est... Les mélomanes les plus exigeants auraient perdu l'un des monuments les plus abrupts et les plus fascinants de toute l'histoire de la musique: les Variations op 120 de Beethoven.... Médiocre musicien, mais habile éditeur, Diabelli eut aussi le mérite d'être l'éditeur de Schubert..."

Consternant culte des "grands classiques" et mépris absolu des autres compositeurs dont le seul mérite est de leur servir de faire-valoir en s'effaçant. Pour ma part, je connais très peu d'oeuvres de Diabelli et je ne me prononce pas sur la valeur de ce compositeur. Ce que je critique dans cette assertion du journaliste, c'est la démarche d'esprit, sur les 4 points suivants:

-il s'agit d'un jugement de valeur que le journaliste fait passer pour une vérité objetive.
-ce jugement de valeur est émis alors que ce journaliste, très probablement, ne connaît pas plus l'oeuvre de Diabelli que vous et moi. Nous retombons dans le même travers consistant à juger un compositeur sans connaître ses oeuvres ou si peu. Cause à mon avis indéfendable.
-le terme de médiocre possède une connotation très péjorative. A la limite, dire qu'un compositeur est nul serait moins péjoratif. Il y a donc pas seulement volonté de montrer que Diabelli est un compositeur secondaire (ce quI n'est pas prouvé), mais volonté de le rabaisser par rapport à Beethoven, et peut-être cela pour appuyer le culte de Beethoven
-le fait que le thème de Diabelli ait été utilisé par Beethoven interdit d'attribuer l'oeuvre à Beethoven uniquement, mais à Beethoven/Diabelli, que cela faisse plaisir ou non. Si les oeuvres concernées étaient moins anciennes que 70 ans, c'est le Droit qui interviendrait pour le signifier. On peut légitimement penser (ce n'est pas certain, mais on peut le penser légitimement) que la valeur du thème intervient dans une certaine mesure dans la valeur des "Variations", d'autant plus qu'il s'agit du thème principal de l'oeuvre. On comprend difficilement comment une oeuvre aussi "sublime" aurait pu naître de l'utilisation d'un compositeur "médiocre". Si l'intérêt d'une oeuvre ne vient que du traitement des thèmes, c'est à désespérer sur la valeur profonde de la musique. Difficile, donc, si Diabelli a concourru à l'élaboration d'une oeuvre "fascinante" de le traiter de "médiocre" Vous faites intervenir, pour votre part, des facteurs extra-artistiques, ce que pense la société de son temps, ce que pense même le compositeur de lui-même. Pour moi, il n'y a qu'un moyen de formuler un jugement (subjectif) sur un compositeur, c'est de connaître ses oeuvres. On confond comme toujours la scientia et la doxa. Qu'on puisse prétendre, au vu de sa faible importance au 18e siècle que Diabelli a été, historiquement, un compositeur secondaire, oui cela me paraît possible, à condition de le prouver à partir de faits historiques et non d'après ce que pensent les uns et les autres, par exemple sur la faible diffusion de ses oeuvres, leur présence ou on dans des bibliothèques éloignées de l'Autriche... C'est d'ailleurs ce que je dis à propos de Bach. En revanche, qu'on affirme péremptoirement que ce compositeur est "médiocre", cela ne me paraît pas possible, et vous remarquerez que je ne l'ai jamais fait à propos de Bach, même pas sous mon propre nom en tant que critique (ce qui serait théoriquement possible). Je viens de consulter plusieurs dictionnaires de musique en distinguant les données factuelles (dont la doxographie) et les opinions émises. C'est un cas d'école très intéressant. Il m'apparaît, si je considère les données factuelles que Diabelli correspond typiquement au cas d'un compositeur dont l'importance historique ne peut être remise en cause. Les critères que j'ai toujours considérés comme relevant de l'importance historique est l'impact des oeuvres d'un compositeur sur le public, objectivable, faute de mieux au 18e siècle, par la notoriété en tant que compositeur, l'existence et le rayonnement des publications. Voici les données factuelles ressortant du New Grove Dictionary:

"He went to Vienna, were he taught the piano and guitar, and soon became known for his arrangements and compositions (six mass by him had been published in Augburg in 1799); many of his works were published in Vienna."

Observons que ces éditions sont toutes antérieures à l'existence de la société de publication dirigée par Diabelli (1818) car il ne faut pas considérer les éditions postérieures à partir du moment où Diabelli a eu les facilités pour s'éditer lui-même. J'en déduis que, du point de vue historique, il s'agit d'un compositeur d'une certiane importance, dont la notoriété cependant paraît à son époque limitée à l'Autriche (cas de Mozart) - sous résrve que d'autres sources indiquent d'autres publications hors Autriche. J'observe qu'il n'existe dans le Grove aucune bibliographie d'oeuvres musicales de Diabelli, seulement trois références de publications d'autres compositeurs par sa maison d'édition. Son oeuvre est-elle relativement mince quantitativement ? J'ai ensuite consulté le Fétis. Voici ce que j'ai trouvé:

"Comme compositeur, Diabelli s'est fait remarquer par sa fécondité, si ce n'est par le mérite de ses ouvrages. Il a écrit dans tous les genres et presque pour tous les instruments..."

Suit une longue énumération des oeuvres de Diabelli par Fétis que je vous épargne. je sais que Fétis n'est pas toujours sûr, mais d'ici qu'il invente toute une page bibliographique, il y a tout de même de la marge. J'en déduis que Diabelli a beaucoup composé, ce qui corrobore l'hypothèse de son importance en tant que compositeur indiquée par le Grove. Je remarque au passage la proposition "si ce n'est par le mérite de ses ouvrages". Termes ambigus qui semblent montrer une certaine désapprobation de la part de Fétis, ou tout au moins un doute. Revenons à la biographie du Grove. Le rédacteur du Grove a cru devoir focaliser sa bibliographie uniquement sur l'activité d'éditeur de Diabelli, activité qui fut effectivement importante et entre dans le cadre des sujets que s'est fixé le Grove. Il me paraît cependant contestable de la part de ce dictionnaire d'avoir oblitéré totalement la bibliographie des oeuvre smusicales de Diabelli, y comprises ses productions qui sont encore exécutées dans le domaine pédagogique. Sans alléguer un quelconque complot (auxquel je n'ai jamais fait allusion), je constate objectivement qu'entre le Fétis et le Grove, on semble avoir perdu la mémoire de la bibliographie musicale de Diabelli, dont l'importance historique est pourtant soulignée, oeuvre qui apparaît quantitativement considérable. Continuons. J'ai consulté le Dictionnaire encyclopédique de la musique de chambre de l'Université d'Oxford. J'y trouve des données d'ordre doxographique très intéressantes:

"On se souvient de lui [Diabelli] principalement pour ses relations avec Beethoven et Schubert. Riemann trouve sa musique de chambre éphémère."

Le désaveu au moins d'un musicographe envers Diabelli apparaît avec évidence. D'autre part, il apparaît qu'on a oublié son oeuvre pour retenir uniquement ses relations avec Beethoven et Schubert, c'est-à-dire deux grands classiques. Qui est ce "on" sinon la suite des musicographes qui ont tendu à éliminer Diabelli en tant que compositeur au profit de Schubert et Beethoven. Diabelli ne vaudrait que comme faire-valoir des grands classiques. Une remarque supplémentaire (de ma part). Le fait que Diabelli ait consacré une grande partie de sa vie à l'édition ne permet, à mon avis, en aucun cas de négliger son activité de compositeur. De nombreux autres compositeurs ont eu une activité professionnelle au cours de leur vie, par exemple Litolff qui fut longtemps négociant en vin. Doit-on pour autant considérer que ses concertos n'ont pas d'importance historique et ne peuvent avoir de valeur? Cas aussi de nombreux compositeurs russes du 19e siècle, notamment parmi les Cinq Ce fut le cas aussi de littérateurs célèbres. Corneille a abandonné le théâtre pour exercer une activité professionnelle. En dernier lieu, d'autres compositeurs ont cessé très tôt leur carrière: Rossini, et plus encore Sibelius, qui n'écrivit plus rien les quarante dernière années de sa vie (lu dans une notice, mais à vérifier). Doit-on pour autant affirmer que les symphonies de Sibelius ne peuvent avoir de valeur. Quand un compositeur ne se sent plus inspiré, n'est-il pas préférable qu'il change d'activité plutôt que d'encombrer le répertoire inutilement?

MYSTICISME ET MATÉRIALISME
Ce langage est assez hermétique pour moi, qui suis plutôt de tendance matérialiste. Je comprends même que certains membres soient un peu choqués de mon matérialiste et de mon peu de considération pour la sphère mystico-religieuse. L'intuition est une capacité qui est reconnue objectivement, elle intervient même pour la résolution de problèmes mathématiques. Aucun rapport avec le mysticisme. Je ne vosi pas où vous voulez en venir avec cette affaire de mysticisme qui ne me concerne absolument pas. Quant au romantisme, remplacez le terme par celui d'expressivité, beaucoup plus large.J'ai peu de goût pour le mélange du littéraire et du musical comme affectionnaient les romantiques. Je ne suis d'ialleurs pas un grand amateur d'opéra. J'aime aussi les oeuvres expressionnistes, impressionnistes autant et même plus que les romantiques, cela fait tout de même beaucoup. Un amateur de musique uniquement romantique aimerait-t-il Debussy qui abhorrait le romantisme? Debussy, un autre matérialiste lui aussi.

COMPARAISON D'OEUVRES DE COMPOSITEURS CONNUS ET INCONNUS
Comment voulez-vous prétendre arriver à une quelconque conclusion en considérant uniquement la comparaison entre les concerti de Field et ceux de Chopin. Vous oubliez, pour considérer quelques compositeurs de l'époque Moscheles, Hummel, Kullak... Pour ma part, je compare tout de même plusieurs centaines de concertos (connus et inconnus) et je suis amené à demeurer prudent sur mes conclusions. Sur le plan du jugement critique (subjectif lié à mon propre jugement), les oeuvres des virtuoses-compositeurs m'ont semblé en général de meilleure qualité que celle des grands classiques. Chopin fut sans doute un pianiste-compositeur plus typique que Field, la comparaison (à mon avis à l'avantage de Chopin) me confirme plutôt dans mon opinion générale. Pour poursuivre sur mes choix subjectifs, les concertos de Scharwenka, Kullak, Litolff (dans l'ensemble) m'on paru de qualité largement supérieure à ceux de Brahms ou Schumann ou Mendelssohn. Les concertos pour violon de Locatelli, Vivaldi, Paganini, Wieniawski (dans l'ensemble) me paraissent largement supérieurs ceux de Mozart, Haydn, Brahms, Beethoven. Tout cela ne repose naturellement que sur mon jugement personnel. Sur un autre plan, ne serait-ce pas somme toute assez peu suprenant que les spécialistes d'un genre qui ont souvent consacré toute leur vie à un instrument soient ceux qui l'ont porté à son plus haut degré. Autre caractéristique plus objective, le caractère innovant de ces oeuvres me paraît à l'avantage des virtuoses-compositeurs, tant sur le plan instrumental que thématique. Je critique justement qu'on ait considéré comme supérieures leurs oeuvres dans un genre instrumental qui n'est pas le leur.

VARIATIONS SUR UN THÈME DE DIABELLI
Objectivement, il s'agit d'une oeuvre de Diabelli/Beethoven, qu'on le veuille ou non. c'est un constTat objectif. En revanche, l'importance supérieure que l'on accorde à la valeur qu'y a communiquée Beethoven plutôt que Diabelli n'est que subjective. L'élément objectif doit primer dans l'attribution de l'oeuvre. Si les oeuvres étaient contemporaines, un tribunal jugerait dans ce sens car pour lui la prééminence de Beethoven en tant que "grand compositeur" est nulle et non avenue sur le plan légal. C'est tout ce que je voulais dire.

LISZT VIRTUOSE-COMPOSITEUR
A mon avis, Liszt n'a pas vraiment les caractéristiques d'un grand classique. Tout d'abord il a accumulé beaucoup de "succès d'estrade" comme on aime dire et s'est foncièrement adonné à la virtuosité transcendante. Même en dévalorisant ses oeuvres virtuoses au profit de ses oeuvres mystiques de sa fin de carrière comme on tend à le faire actuellement, cela reste tout de même difficile de la faire passer pour un grand classique. Inutile de vous dire que Jankélévitch ne se prête pas à ce genre de manipulation visant, selon moi, à la "récupération idéologique" de Liszt. Pour moi, les grandes oeuvres de Liszt sont bien les rhapsodies hongroises, les Etudes transcendantes, le Totentanz et non ses pièces à la gloire de Dieu.

DES ANTHOLOGIES ENNUYEUSES - GUITARE, ORGUE
Décidément, On ne sortira pas de la guitare en ce moment. Garrios Augustin, CD Naxos à 8 euros. Un style à peine romantique pour ces pièces datant de 1910 à 1940 environ. Un CD qui s'écoute, faute de mieux. Des thèmes caractérisés, mais à mon avis d'envergure limitée. Oserai-je dire que de nombreuses oeuvres de guitare me paraissent académiques? Mis à part la signification devenue insultante du terme, c'est bien aussi l'effet que produit, me semble-t-il, de nombreuses anthologies pour guitare. Faute de mieux aussi, on peut écouter sur ce CD "Un sueno en la floresta": un jeu guitarristique proche des trémolos habituel de la mandoline. Et aussi "Vadalita convariaciones", qui bénéficie à mon avis d'un thème principal intéressant, mais est-ce suffisant quand le second thème en détruit les bénéfices? Pour le reste, des gavotte, mazurka et autre madrigal, rien à mon avis qui retienne l'attention. Oserais-je aussi ajouter que les anthologies pour guitare me paraissent compassées avec les inévitables pièces de Tarrega, Sor, Dyens... dont je n'ai toujours pas vu l'intérêt. Oserais-je aussi mettre dans le même sac d'autres anthologies, celles pour orgue avec les inévitables pièces de Vierne, Widor, Clérambault... alors que Lefebure-Wéli a écrit à mon avis des pièces d'une autre trempe. Les chefs-d'oeuvres existent sans doute dans ces genres, mais il faudrait doute les dénicher derrière la poussière du dédain et de l'oubli.

ANTHOLOGIES D'ORGUE - LEFÉBURE-WÉLI
Si, il en existe au moins une: Splendeur des grandes orgues CAJ 035 qui regroupe Widor, Bach, Grigny, Couperin, Lozart, Langlais, Cochereau, Dandrieu... interprétés par une dizaine de solistes dont Guillou, Houbart, Isoir, Lefebvre. Pourquoi Clérambault et Widor seraient-ils incompatibles au point de ne pouvoir figurer dans les mêmes sillons. Votre image de Lefébure-Wéli ne correspond en rien à la réalité. Lefébnure-Wéli fut d'abord un enfant prodige capable de remplacer son père à l'âge de 8 ans dans ses fonctions d'organiste à Saint-Roch. Avant l'âge de 15 ans, il fut nommé titulaire du grand orgue de Saint-Roch. D'après plusieurs dictionnaires, je n'ai aucune mention de la composition de vaudeville par Lefébure-Wély, ce qui n'exclut pas qu'il en ait composé. En revanche, il a écrit 50 études et cent morceaux pour le piano, 3 messes avec orgue et une avec orchestre, un quatuor et un quintette pour cordes, 3 symphonies à grand orchestre, et naturellement une grande quantité de pièces pour orgue. Selon la grande tradition des organistes, Lefébure-Wély improvisait. Vous avez raison, je ne crois pas que l'on puisse considérer sur le même pied d'égalité Lefébure-Wély et Vierne. Sur le plan de l'opinion personnelle, je dirais que les oeuvres de Lefébure-Wély, d'après celles que je connais, témoignent pour moi d'une très grande élévation d'esprit. C'est pour moi un grand compositeurs du 19e siècle.

LEFÉBURE-WÉLI ET BACH
Vous avez peut-être le droit de penser ce que vous voulez de Lefébure-Wély, mais que ce soit au moins après écouté quelques oeuvres de ce compositeur. Colporter des jugements dévalorisants contre des compsoiteurs que l'on n'a jamais écouté, c'est une pratique à mon avis indéfendable contre laquelle je lutte précisément. D'autant plus que les éléments biogrphiques que vous indiquez apportent à mon avis un éclairage plutôt partisan et contestable, même si Lefébure-Wély a écrit (peut-être ?) des vaudevilles. D'autre part, considérer ses talents d'improvisateur pour le déconsidérer ne me paraît pas concevable dans la mesure où l'improvisation est une longue tradition de la pratique organistique, vous le savez d'ailleurs mieux que personne. Bien sûr, j'ai tout compris, c'est très simple. Quand Bach improvise, cela témoigne d'un génie inouï, quand Lefébure-Wéli improvise, ce ne peut être que du racolage. Ne les ayant entendu ni l'un ni l'autre improviser, je ne me prononce pas.

OEUVRE POUR L'ÉXÉCUTANT OU POUR LE PUBLIC
On peut manifester un intérêt pour une oeuvre en tant qu'exécutant, cela je ne le nie pas. Je vous avoue que moi-même je préférais de ce point de vue jouer certaines oeuvres plutôt que d'autres au piano, mais une oeuvre, à mon avis, doit fondamentalement être appréciée par le public qui l'écoute, non par l'exécutant qui la joue, ce serait fausser sa destination. Il est vrai que la conception de la musique comme pratique lié à un enseignement, à une connaissance didactique, est celle qui a prévalu pendant le 16e et même 17e siècle, c'est celle dont se prévaut Bach (d'après ses biographes). Est-ce vraiment une conception de la musique en tant qu'art. Le musicologue Charles Rosen nous explique que "L'art de la fugue" a été conçu comme une oeuvre qui s'étudie en la la jouant.

OEUVRES PRÉFÉRÉES POUR FLÛTE

CRAS Quintette flûte harpe violon violoncelle
DAMASE Sonate flûte harpe
DANZI Quintettes avec flûte op 56 1, 2 et 3
DEBUSSY Sonate alto flûte harpe
FAURÉ Duo flûte harpe
IBERT Duo flûte harpe
KRUMPHOLZ Duo flûte harpe
MOZART Concerto flûte harpe
ROSSINI Duo flûte et harpe introduction et variations
SAINT-SAËNS caprice op 79 sur des airs russes et norvégiens flûte hautbois
clarinette piano
SALIERI Concerto flûte hautbois
TELEMANN Fantaisie n°12 flûte picollo
VIVALDI RV444 flûte picollo La notte op 10; Il gardellino op X

Nous voyons bien dominer comme dans les autres listes fournies le 18e (baroque et classique), en revanche, le 20e n'est guère représenté dans ma liste. Cras, je crois, Damase, sans doute, le Debussy (la dernière oeuvre du compositeur). Et le 19e est tout de même représenté. Je me fournis à moi-même un démenti de mon affirmation précédente. Les 2 oeuvres, celle de Rossini et celle de Saint-Saëns me paraissent réellement d'inspiration romantique, beaucoup plus d'ailleurs pour Rossini que ses ouvertures plutôt d'inspiration classique (sur le plan de l'esprit). L'"Introduction et variations": une oeuvre très lyrique et virtuose. Le "Caprice" de saint-Saêns, une oeuvre romantique et impressionniste puissante, d'un lyrisme âpre, parfois heurté, sauvage, comme souvent les oeuvres de musique de chambre de ce compositeur. Oeuvre très virtuose dans un genre où on ne l'attend pas et oeuvre rhapsodique (dans la volonté au moins car c'est peu sensible). Cet anti-conformisme, par rapport aux canons académiques, se retrouve souvent chez Saint-Saëns. Je ne crois pas à cette époque qu'il y ait eu beaucoup de compositeurs à avoir utilisé le style nordique (à part des nordiques). Lalo fit de même avec une de ses oeuvres symphoniques. Les oeuvres de Krumpholz et Danzi me semblent utiliser typiquement le style galant stéréotypé. Pourtant quelle sensibilité, quel génie (à mon avis). Le conventionnalisme stylistique ne nuit nullement à mon avis à la richesse thématique, c'est, je pense, le cas pour ces oeuvres. Le Salieri, une merveille (à mon avis), montrant justement que le style galant peut aussi présenter des épisodes modulants dans une trame thématique ultra-tonale.

ADAGIO DE BARBER
Je connais enfin l'"Adagio" de Barber et me sens déjà un mélomane un peu plus présentable. Séduit, oui, par cette transcritpion d'après un mouvement de quatuor du compositeur. Notamment par la très grande lenteur et la sérénité qui se dégage de l'oeuvre. Un style sans doute (par cette lenteur) quelque peu d'inspiration nordique ou russe, comme, finalement, bon nombre d'oeuvres tonales qu'il m'a été récemment donné d'entendre, par exemple le concerto de Gliere/Lyatochinski, celui de Garofalo... Je crois que le style nordique, si décrié pourtant, a déteint sur un grand nombre d'oeuvres du 20e siècle. Parmi les oeuvres tonales évidemment, vous ne voudriez pas que de grands esprits tels que Boulez, Schoenberg ou Takemitsu s'abaissâssent à ce type de musique reniée depuis Gade par l'intelligentsia progressiste. La thématique de cette oeuvre me paraît parfois un peu hésitante et répétitive, mais cette lenteur magique rattrappe tout. Alors, je le classe parmi les oeuvres excellentes. Tout comme le premier mouvement du "Concerto pour violon" du même Barber, plus classique. Une oeuvre à la virtuosité feutrée, à l'orchestration très nuancée intervenant par ponctuations ou par des tutti très fluide de cordes. Ce CD Classical Sony vaut à mon avis la peine d'être découvert. En revanche, William Schuman ("The Thee old cause" et "In praise of Shahn"), je ne sais si c'est tonal, atonal ou pseudo-tonal. Je vous promet d'y réfléchir... si j'ai le temps. A bannir.

LA 9e DE BEETHOVEN CLASSÉE PATRIMOINE DE L'UNESCO
Cela prouve à mon avis que la reconnaissance comme patrimoine passe essentiellement par l'importance du symbole sociétal et politique que représente l'oeuvre. On sait la carrière que fit la 9e dans ce sens. L'hymne (de Schiller je crois) y est sans doute pour beaucoup en situant bien l'oeuvre comme hymne humanitaire. Est-ce vraiment sa valeur "artistique" (à mon avis très réel, mais c'est un avis personnel) que l'on reconnaît? Si l'on veut rester avec Beethoven, et pourquoi pas, la 5e à mon avis donne une idée de perfection supérieure. La présence de la voix dans cette symphonie (la 9e) en fera toujours un genre batard, même si cette innovation (?) a eu de nombreux imitateurs. Pour moi, l'ingérance d'un organisme politique (au sens large) dans l'attribution d'un label de valeur artistique me paraît dangereuse. C'est à mon avis le public seul qui peut être juge de la valeur musicale, par définition.

LA MUSIQUE ATONALE "AGRÉABLE"
Tout d'abord, il ne suffit pas que vous affirmiez une impression (l'existence d'une thématique "agréable" compatible avec l'atonalisme) pour que ce soit une vérité absolue. Je vous rappelle que le caractère "agréable" ne saurait être considéré comme objectif. Pour ma part, l'idée contraire que j'ai toujours avancée (l'incompatibilité entre l'atonalisme et une oeuvre d'intérêt réellement musical) est relative est la très grande majorité des mélomanes. Je voudrais revenir sur une autre idée. Il semble que les partisans de l'atonalisme semblent se satisfaire que l'atonalisme puisse ne pas être détestable ou même puisse être "agréable" comme vous le dites, mais la musique classique doit avoir une autre ambition, celle de refléter le génie, de procurer des émotions intenses, atteindre le sublime. Apparemment, ce n'est pas ce que vous avez éprouvé. Vous rentrez dans le bercail des gens qui n'aiment pas l'expressivité (c'est-à-dire pour moi la musique) et cela montre bien l'analogie, la proximité entre musique anté-baroque et atonale moderne. Egalement la relation avec Bach (bien qu'il ait usé du tonalisme). Si Bach était expressif autant qu'on le prétend, l'aimeriez-vous? Ne le mépriseriez-vous pas comme vous le faites ouvertement de Lefébure-Wély. N'est-ce pas l'aspect didactique et intellectuel de Bach qui vous plait? Dans vos commentaire,s on ne sentjamais que vous êtes transporté. le recherche du génie et de la sublimité dans l'oeuvre ne semble pas vous intéresser.

OEUVRES POUR PIANO DE HANSON
L'oeuvre pour piano de Hanson : peut-être pas un choix judicieux pour une première rencontre avec ce compositeur, connu plutôt pour ses oeuvre symphoniques. Ce n'est pas vraiment moi qui ai choisi, mais les majors du disque. Pièces très classico-romantiques jusqu'en 1920 environ avec les "Poèmes érotiques", la "Sonatine op 11". Style à mon avis parfois lourd, surchargé d'accords, parfois d'un mélodisme ultra-simple. Période suivante : avec notamment "For the first time" une succession de pièces figées pseudo-impressionnistes dans le style de certaines pièces de Severac et de pièces étonnamment modernes, mais tonales, très volubiles. Contraste bizarre. Je préfère encore à tout cela "Slumber Song", une pièce de jeunesse, d'un pianisme un peu plus souple et aérien que les autres pièces de la période initiale et très mélodique. Je ne peux pas dire qu'il y ait une absence d'idées musicales, ni que le tout soit totalement ennuyeux dans ce CD. Ces pièces me font l'effet de celles de Sibelius pour piano. Donc, je ne conseillerais pas franchement ce CD Naxos.

SONATES POUR FLÛTE DE BACH
Voici ce que je viens d'apprendre à propos des sonates pour flûte 1030, 1032, 1034, 1035, 1079 Commentaire établi par le magazine "Le monde de la musique" établi probablement à partir du texte de présentation de Henrik Weise:

"Authenticité avérée et attribution douteuse se disputent un corpus d'une dizaine d'oeuvres dont seule la moitié a été accueillie au sein de la Neue Bach-Ausgabe. Les autres sonates sont considérées comem écrites partiellement ou intégralement par Carl Philip Emmanuel Bach. La datation de l'ensemble laisse encore bien des incertitudes et il n'est pas rare de lire des commentaires contradictoires."

Ces oeuvres sont pourtant indiquées comme authentiques (sauf la 10789 qui n'est apparemment mentionée nulle part) par le catalogue de l'université de Montréal. Quant à la mention des oeuvres dans la Neue Bach-Ausgabe, il y a bien longtemps que ce n'est plus un critère absolu. La prudence continue donc de s'imposer chaque fois qu'il est question d'une oeuvre portant le nom de Bach.

ART DE LA FUGUE
Si ma mémoire est bonne, l'Art de la Fugue demeure cependant inachevée, même si ce n'est pas la dernière oeuvre de Bach. Il s'avère que Bach a évolué vers une radicalisation de l'austérité musicale et de la religiosité en refusant l'évolution musicale de son temps. Sur le plan de la syntaxe musicale, il se restreint à la fugue et à l'écriture contrapuntique. Cette évolution, et cette cristallisation sur une oeuvre particulière m'évoque bien d'autres compositeurs, notamment Falla qui passa, je crois, la dernière partie de sa vie sur "L'Atlantide". Je ne connais pas cette oeuvre, mais d'après les commentaires que j'en ai lu, ce serait une oeuvre très austère par rapport à la production antérieure du maître. Oserons-nous dire qu'il pourrait s'agir d'une maladie de l'esprit, voire d'une manifestation de la sénilité chez certains compositeurs? Chez les littérateurs, on pourrait citer Goethe qui passa une partie importante de sa vieillesse à "triturer" la seconde version de son Faust. Personnellement, je préfère le premier Faust, mais bon, j'ai peut-être le goût perverti par mes théories. On peut évoquer également Goethe qui passa une grande partie de sa vie sur la seconde version de son "Faust", une oeuvre à mon sens très hermétique, d'ailleurs injouable. J'avoue préférer le premier Faust.

BACH "ROMANTISÉ"
Le 19e siècle comme l'ont montré Hennion et Fauquet a beaucoup transformé l'image de Bach au travers de sa biographie, mais aussi de ses partitions. La "romantisation" n'a pas atteint uniquement l'image de Bach, mais aussi ses oeuvres qui sont alors transcrites au goût du jour. Une pratique sacrilège pour nous qui sommes hantés par l'idée d'authenticité. La question n'est peut-être pas aussi simple que nous le pensons aujourd'hui.

INTERPRÈTE GÉNIAL
Un fait étrange qu'on observe souvent dans les critiques des interprétations de Bach. Tout se passe comme s'il fallait que l'interprète, par son génie propre, pallie au manque de génie de l'oeuvre, c'est-à-dire qu'il tire de lui-même des prodiges pour rendre agréables des oeuvres rébarbatives par nature. On dit alors, en quelque sorte: "voyez cet artiste, il a été capable de tirer la quintessence de cette oeuvre complexe, surhumaine, ce que seuls les artistes supérieurs peuvent faire". Sous-entendu: "si ce fut un échec auprès du public, c'est que l'interprétation n'était pas à la hauteur d'une oeuvre aussi élevée". Dans cette logique, on aboutit à l'Aria de Gounod qui a beaucoup contribué à rendre Bach populaire au 19e sicèle avec une oeuvre présentée sous le titre "Méditation sur le 1er prélude de Bach", dont seul l'accompagnement était de Bach. Pour que Bach devienne agréable, il faut déformer ses oeuvres, voire les réécrire. On aboutit aussi à la Toccata et Fugue BWV 565 qui a aussi beaucoup contribué à sa gloire, une oeuvre dont le style est totalement opposé à l'idéal esthétique bachien pour la bonne raison qu'elle n'est très probablement pas de lui... A propos de cet enregistrement de Gould, on peut s'étonner de ce que l'on ait dû attendre ce pianiste pour découvrir que les Variations Goldberg étaient géniales. Si elles l'étaient par elle-même sans avoir à utiliser d'artifice d'interprétation pour les rendre agréables, ne se seraient-elles pas déjà imposées. Interprétation jazzé, dites-vous, que fait-on alors du respect de la pensée du compositeur? En ce qui concerne les instruments, paradoxalement, on se montre beaucoup plus rigoureux dans la recherche de l'authenticité. Bizarre. Je vous suis entièrement sur l'importance de l'interprétation et sur le travail de recréation, notamment à propos de Schubert. Si je signale rarement l'interprétation dans une oeuvre, ce n'est pas une déconsidération de son importance, c'est simplement un effet de mon ignorance des différentes versions. J'ai constaté parfois des différences considérables suivant les interprétations, elles ne changent pas, à mon avis, ce que je nommerai le "sens" de tel ou tel effet, tel ou tel motif mélodique, sinon la composition n'aurait plus de valeur intrinsèque. C'est justement ce qui se produit, a contrario, pour les oeuvres d'intérêt discutables où seules sont intéressantes des "inventions interprétatives" apportées par l'interprète. Celles-ci cependant, à mon sens, ne sauraient communiquer à l'oeuvre un génie qui n'y est pas.

VARIATIONS SUIVANT LES INTERPRÉTATIONS
Ce que je nomme le "sens" d'un motif musical se trouve en fait au-delà de l'empreinte affective que je nommerai "supplémentaire" qu'est par exemple le "sentimentalisme sirupeux" ou la "neutralité émotive" que voUS évoquez. Ce sens, il se trouve fondamentalement dans la thématique. Bien sûr, la thématique j'y reviens toujours, c'est la base de a musique. Si un thème est intrinsèquement "sentimental", vous pouvez accentuer son effet ou le diminuer par une interprétation adéquate ou contre-nature, mais, si vous suivez la partition, vous ne pouvez pas le transformer en thème "neutre". Il y aurait donc 2 aspects réduisant le spectre des possibilités interprétatives: le "sens" résultant de la thématique elle-même (la partition) et la logique intuitive interdisant à l'interprète une interprétaion erronée ou "absurde". D'autres limitations existent encore, qui sont sans doute moins fondées: la tradition interprétative qui peut décanter certaines pratiques. Dans l'interprétation de la "1" de Sibelius par Bernstein que je trouve odieusement accélérée, je pense que cet interprète n'est pas entré dans l'intimité profonde de ce compositeur, cependant je reconnais chaque thème dans leur "sens" qui produisent en moi le même effet fondamental, même si je ne ressens pas les même résonnances que dans d'autres enterprétations qui me sont plus chères.

ADAGIO DE BARBER - OEUVRES DE BARRIOS POUR GUITARE
L'Adagio de barber, tout de même avec ce CD Sony, vous pouvez découvrir avec intérêt le 1er mouvement du Concerto pour violon, un jeu extrêmement léger au meilleur sens du terme, une utilisation des percussions dans le sens exactement inverse de ce que font les modernes. Je ne serai pas aussi élogieux envers William Schumann pour 2 oeuvres orchestrales dont j'ai oublié d'ailleurs le nom. Du moderne courant, j'allais dire presque classique, c'est-à-dire imbuvable (pour moi). Je laisse les sectataires de ce langage se pâmer d'aise en écoutant ces stridences et ces cacophonies. Barrios, oeuvres pour guitare 1. J'ai eu l'occasion de regretter à propos de ce compositeur le classicisme "académique" que me paraissent revêtir nombre de compositions pour cet instrument, dont on attendrait au contraire une originalité en rapport avec la spécificité de son timbre et de sa technique. On croirait que les compositeurs pour guitare, niant les capacités de leur instrument, se veulent plus classique que les classiques. Passons à la suite. Cras, oeuvre pour piano, Hanson, oeuvre pour piano. C'est à croire que le hasard réunit les semblables : du classicisme encor, bien martelé par des accords sans saveur, une dose de pseudo-impressionnisme, du simplicisme, mais la sauce néo-classique, cette fois, ne prend pas. On se demande ce que pouvait représenter pour ces auteurs leur oeuvre pour piano : simple essai préalable de formules qui s'épanouiront plus amplement dans le genre symphonique ou véritables oeuvres autonomes. Bref, pour moi, je ne vois rien à en tirer. Le piano, instrument-roi du 19e serait-il devenu simplement un "laboratoire de la pensée" ou, pis encore, un instrument que l'on taquine faute de mieux parce qu'il est pratique, comme le faisait Wagner ou Sibelius. Quelle décadence pour un si merveilleux instrument. Je préfère penser qu'il ne s'agit là que d'un mauvais hasard. Côté chronique: toujours les notices de Haëndel et Bononcini, des "faits" curieux : bizarreries de l'historiographie musicale que mon mauvais esprit (assurément) n'a pas manqué de remarquer dans le Grove et le Fétis.

POÈMES ÉROTIQUES DE HANSON
Si je puis me permettre, je recentrerais la discussion sur la musique par une transition convenable en vous évoquant les "Poèmes érotiques" de Hanson, trois pièces pour piano datant de 1917-18. Des oeuvres assez compassées à mon avis qui ne risquent guère de déclencher chez l'auditeur des pulsions libidineuses. N'ayez crainte, vous pouvez les écouter si cela vous dit en toute sérénité. Le compositeur précise qu'il a voulu écrire des oeuvres "psychologiques". Ce concept est-il compatible avec la musique. Toute oeuvre qui évoque un sentiment peut être qualifiée a priori de "psychologique" au sens large, mais Hanson prêtait sans doute au terme une signification plus profonde. Peut-être voulait-il faire allusion aux phénomènes psychologiques troubles liés à l'analyse freudienne? La musique peut-elle, mieux que les idées métaphysiques, traduire ces sentiments très spéciaux? J'en doute beaucoup.

SYMPHONIES CLASSIQUES?
Ce ne serait que le second après Dittersdorf à fournir des prémisses de Beethoven, mais jusqu'à quel point. J'avais noté des beethovénismes frappants dans quelques-unes de ses symphonies, dans les VB 130, 138, 128, 129, (la période précédente, j'imagine) mais de manière moins marquée que chez Dittersdorf. Dans les deux cas, ces beethovénismes voisinaient avec des archaïsmes, notamment des formules répétitives. L'évolution, chez Beethoven, c'est à mon avis la diversité des effets, ce qui n'est pas spectaculaire, mais sans doute fondamental. Les effets les plus "révolutionnaires" se trouvent déjà dans Dittersdorf et vont même parfois au-delà, presque "trop loin", à tel point que leur efficacité musicale peut être contestable. Enfin, un voile est levé sur la genèse du style romantique beethovénien, il n'y a pas eu que Haydn et Mozart, dans sa formation, loin de là. L'essentiel, qu'il a pu recevoir de la part de concurrents, il ne l'a sans doute pas avoué si facilement, préférant couvrir de louanges des compositeurs un peu plus anciens qui font figure d'ainés et surtout qui ne sont pas des concurrents dangereux sur le plan de la modernité et de la paternité des effets. Et peut-être aussi que les biographes après les observateurs eux-mêmes ont aussi fait un tri "subtil" dans ses déclarations. On découvre aussi un peu plus que Haydn et Mozart étaient des traditionnalistes. On le savait pour Mozart, moins pour Haydn. Les nouvelles recréations font craquer de plus en plus la vielle musicologie et les valeurs qu'elle a consacrées.

FIN MESSAGES 2002

Sommaire des messages

SOMMAIRE


Site optimisé pour norme W3C sous Linux

Valid HTML 4.01 Transitional CSS Valide !