CHRONIQUE n° 67 - 01/08/2006
CE QUE SUGGÈRE LA MUSIQUE ATONALE
La musique atonale (par commodité, nous appellerons ici musique atonale toute musique : dodécaphonique, modale, polymodale... ne s'appuyant pas sur le mode d'ut et ses dérivés) semble traduire une impression d'angoisse hypnotique indéfinissable. Elle rejoint le chant médiéval, autre forme atonale de la musique (modale), qui tend peut-être à exprimer le mystère divin. Évoquant l'Univers, l'Infini, l'énigme de la Création, la musique atonale oscille souvent entre l'uniformité figée et les déchaînements apocalyptiques. On constate une opposition de signification radicale entre le tonalisme, qui communique immédiatement une impression de vie, de chaleur, d'affectivité et l'atonalisme qui évoque froideur et angoisse. Cependant, l'ultratonalisme de l'école de Mannheim ou de Milan ne traduit-il pas plutôt une affectivité parfois superficielle, une gaieté sans âme véritable? La dimension affective semble engendrée par le chromatisme, les harmonies complexes, les modulations. Ce fait confirme une interprétation des dissonances uniquement en rapport avec la tonalité et non comme phénomène autonome comme on l'a suggéré tendancieusement. La tristesse, l'empathie, semble-t-il, sont traduites plus sensiblement par le mode mineur, d'un tonalisme moins affirmé (quoique certains aient voulu contester la relation effectivement un peu simpliste entre sentiment de tristesse et mode mineur). De même, les modes dérivés utilisés pour la musique rhapsodique semblent exprimer une puissante affectivité. Il est certainement difficile d'expliquer l'hypnose particulière que semble pouvoir exercer la musique atonale. L'effet peut être véritablement puissant, mais il demeure à mon sens très sporadique et c'est sans doute le seul que la musique atonale puisse exercer. Cette impression d'infini, l'absence d'humanité, la sensation d'inconscience, évoquant la vacuité des espaces intersidéraux, paraît appuyée par la recherche délibérée de la monotonie entretenue par le statisme mélodique ou la régularité d'un ostinato. Il s'agirait de l'expression d'un nihilisme qui est celui de l'Existence même. Du point de vue de l'intérêt proprement musical, ces effets, qui ne s'appuient généralement sur aucune thématique, me paraissent extrêmement limités et superficiels. De nombreuses oeuvres de musique atonale, par leurs premiers accords engendrent une certaine sensation, mais l'absence de retour à la consonance, semble-t-il, dissipe rapidement cet effet pour ne laisser qu'une impression d'ennui. Quoique j'ai écouté scrupuleusement et consciencieusement plusieurs centaines d'oeuvres atonales, on me pardonnera de n'en citer aucune: aucune, de fait, ne m'a marqué et ne m'a parue digne d'être citée.
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