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CHRONIQUE n° 6 - 07/2001
ENQUÊTE SUR UN PROCÉDÉ THÉMATIQUE


Quel rapport y a-t-il entre Sibelius, Paganini et Tchaïkovski? A priori aucun puisque chacun évolua selon son style propre à une époque sensiblement différente. Serait-il possible qu'une influence précise fût passée de l'un à l'autre, au moins par divers intermédiaires? C'est ce que j'inclinerais à penser d'après la constatation, si je ne me trompe, d'une convergence frappante concernant des procédés thématiques précis. J'ai toujours été impressionné par les très longues progressions thématiques de Paganini, notamment celle concernant le second motif en doubles-cordes qui apparaît dans le premier mouvement des concertos (sur un thème spécifique pour chaque concerto évidemment), mais aussi particulièrement dans le 3e mouvement du Concerto n°2 La campanella (précisément la partie où interviennent des pizzicati). Ce type de progression évolue selon une logique musicale qui m'apparaît remarquable par sa complexité, la maîtrise compositionnelle qu'elle implique, et surtout par la tension expressive qui, à mon sens, s'en dégage. Or, réécoutant récemment le Concerto pour violon de Tchaïkovski, je me suis aperçu de l'existence de ce même type de progression thématique (dans le premier mouvement), elle me paraît visible également dans les deux concertos pour piano de ce maître. Je ne puis m'empêcher également de rapprocher ces passages du traitement orchestral de Sibelius, tel qu'il apparaît notamment dans Lemminkaïnen in tuonela, oeuvre qui n'est autre qu'une immense progression thématique depuis la première note jusqu'à la coda. La virtuosité du soliste se trouve ici remplacée par une virtuosité proprement orchestrale correspondant à l'agencement des registres sonores selon une architecture qui me paraît non moins prodigieuse. En revanche, je ne discerne pas ce type de progression chez Vieuxtemps ou Wieniawski, qui ont pourtant repris l'essentiel des tournures thématiques paganiniennes. Ces trois exemples me paraissent atteindre ce qui s'est écrit de plus élaboré en matière musicale, sur le plan de la complexité thématique, le sommet du génie, serais-je tenté d'affirmer. S'agit-il d'une convergence ou d'une influence d'un compositeur à l'autre? J'avancerais l'hypothèse selon laquelle nous sommes ici en présence de trois témoins d'une lignée évolutive correspondant à un procédé musical, lignée dont j'ignore les intermédiaires. Paganini est-il l'inventeur de ce procédé? Je ne saurais l'affirmer, faute de connaître suffisamment les oeuvres de cette époque. De même, un thème du mouvement lent du Concerto n°2 de Chopin se trouve visiblement repris et développé d'après le célèbre (à l'époque) Concerto n°3 de Moschelès (dans le 2ème mouvement), ce thème sera d'ailleurs exploité, à mon avis magistralement, par la grande compositrice américaine Amy Beach-Cheney dans son Concerto pour piano et orchestre. Pour autant, Moschelès est-il l'inventeur de ce thème? Il me semble difficile, d'une manière générale, de déterminer l'origine des effets musicaux, ceux-ci étant peut-être le résultat d'une évolution très lente, parfois d'un véritable syncrétisme, en transitant d'un compositeur à l'autre. C'est ce qui m'apparaît notamment dans l'évolution du style pianistique au début du XIXème siècle, de Hummel jusqu'à Kullak, en passant par Ries, Moschelès et Field. Il se pourrait que cette enquête sur l'origine d'un procédé thématique s'égarât dans les marécages de l'incertitude... À défaut de résoudre l'énigme, je vous invite à écouter quelques-unes de ces oeuvres en espérant qu'elles vous apportent autant de plaisir que j'ai eu moi-même à les découvrir.


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