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CHRONIQUE n° 4 05/2001
OEUVRES CONNUES, COMPOSITEURS CONNUS


Il existe des compositeurs dont les oeuvres ont fait le tour du monde et qui demeurent relativement ignorés. Le meilleur exemple me paraît être le Coucou de Daquin. Cette oeuvre est sans doute, avec les Quatre saisons de Vivaldi l'oeuvre baroque la plus connue, en tous cas l'oeuvre pour clavecin la plus connue alors que Bach, compositeur connu s'il en est, n'a jamais imposé une oeuvre pour clavecin qui ait atteint une telle renommée. On pourrait citer également le Miserere d'Allegri, Sur un maché persan de Ketelbey... Y a-t-il a contrario des compositeurs connus qui n'ont jamais imposé une oeuvre majeure au répertoire. À part les modernes, qui représentent un cas particulier, il semble que tout compositeur connu doit sa notoriété à une oeuvre "majeure", au moins, qui a contribué à le mettre en exergue. Le fonctionnement de la notoriété d'un compositeur pourrait s'établir à l'occasion du succès d'une seule oeuvre. À partir de là se développerait, comme un engrenage, l'ensencement quasi automatique de toute sa production, dérive facile pour les esprits peu mélomanes qui ne savent considérer une oeuvre que si elle est signée d'un grand nom. À moins que nous soyons tous inconsciemment concernés. La conséquence facheuse de ce phénomène est certainement la surexploitation de l'oeuvre de certains compositeurs (dont naturellement je ne préciserais pas les noms) alors que de nombreux joyaux musicaux dorment sans doute à l'abri dans les bibliothèques en l'attente d'une improbable exhumation. Si par bonheur, quelques-uns sont recréés, ils demeurent largement déconsidérés, faute d'avoir un nom. On ne pourra sans doute jamais supprimer cet effet d'idolâtrie qui entraîne peut-être que plus de la moitié de la musique exécutée et écoutée religieusement est composée d'oeuvres médiocres. De ce phénomène, s'il est avéré, ne pourrait-on tirer la conclusion selon laquelle on doit accorder toute son importance à l'oeuvre et non pas au compositeur? Ne peut-on pas dire, shématiquement, que le Coucou de Daquin vaut par sa valeur intrinsèque alors que le Clavecin bien tempéré vaut peut-être essentiellement parce qu'il est signé Bach. Ainsi, lorsqu'une oeuvre de compositeur peu connu est célèbre, on a beaucoup plus de certitude sur sa "valeur" que dans le cas d'une oeuvre de compositeur très connu, pour laquelle on peut suspecter l'influence du nom. Et l'on peut supposer que la célébrité acquise du nom a pu résulter beaucoup plus de facteurs extra-musicaux liés souvent à l'image du compositeur que de l'intérêt propre de ses oeuvres. Selon cette optique, il n'existerait pas essentiellement de grands et de petits compositeurs, mais de bonnes et de moins bonnes oeuvres. Un compositeur particulier, pas plus qu'un autre, n'aurait la capacité d'engendrer automatiquement des oeuvres de génie. La manifestation du génie serait sproradique, uniquement dévolue à des moments privilégiés de la vie d'un compositeur. L'on peut imaginer, évidemment, que certains esprits sont plus souvent visités par le génie. Là non plus, par prudence, je ne hasarderais naturellement aucun nom. Inversement, il n'est pas impensable d'imaginer qu'un compositeur ait pu écrire une seule oeuvre de génie durant sa vie, et même une oeuvre fondamentale dans l'histoire de la musique.


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