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CHRONIQUE n° 38 - 03/2004
NICOLO PAGANINI ENFIN ÉVOQUÉ AVEC UN PEU DE CONSIDÉRATION


La quasi-intégralité des histoires de la Musique ainsi que des ouvrages proposant des sélections d'oeuvres classiques pour le public ignorent superbement Nicolo Paganini. Roland de Candé dans Les chefs d'oeuvres classiques de la musique (Le Seuil - 2000), ouvrage de plus de 800 pages proposant près de 400 oeuvres, n'en présente pas une seule de Paganini (et pas plus de Camille Saint-Saëns d'ailleurs). Pourtant, Paganini est l'auteur au moins de deux oeuvres parmi les plus célèbres et les plus transcrites: la Campanella et le 24e Caprice, oeuvres dont l'importance historique ne peut être contestée. L'on notera que la célébrité de ces oeuvres s'est maintenue malgré le silence musicographique dont le compositeur fut victime alors qu'une immense énergie fut déployée au 19e pour trouver absolument des tubes chez Bach, comme le montrent A. Hennion et J.M. Fauquet. Il est également remarquable de constater que la plupart des musicographes n'ont accordé aucune importance aux témoignages élogieux de compositeurs comme R. Schumann (pour lequel ils ont pourtant beaucoup de considération) à propos de N. Paganini. Pourtant, la référence aux jugements de compositeurs représente pour eux le credo de la pensée historiograhique. A contrario, ces mêmes musicographes semblent avoir été impressionné par les propos négatifs de Mozart à l'encontre de M. Clementi. Sur lui [M. Clementi] pèse le désaveu de Mozart nous dit G. Pestelli. Cette contradiction apparaît bien étrange. Il existe heureusement de rares exceptions à l'éreintement systématique de Paganini. Le jugement de Jacques Thibaud nous surprend agréablement:

Je reste persuadé que ses inventions, ses trouvailles, ses heureuses créations ont influencé les possibilités techniques de toute l'orchestration mondiale.

Citons également l'Histoire de la Musique de la Pléiade, écrite grâce à la collaboration des plus éminents spécialistes, qui nous paraît avoir fait preuve, avec Renée de Saussine, d'une initiative courageuse. Et l'on sait que le courage des opinions est rare dans le domaine musical. Nous trouvons aussi le livre d'H. Haudibert, un des rares, selon nous, à avoir saisi la grandeur du génie paganinien et qui ose poser le problème de la valeur des oeuvres de Paganini, mais son ouvrage n'est pas diffusé. Nous devons constater, d'une manière générale, que certains dictionnaires parmi les plus récents, manifestent beaucoup de prudence à propos de N. Paganini, évitant tout jugement négatif catégorique. Ne sachant trop comment interpréter le phénomène Paganini, ils se cantonnent dans des propos généraux peu compromettants. Leur circonspection témoigne sans doute d'une certaine sagesse. Il reste beaucoup à faire, pensons-nous, pour modifier les mentalités et faire admettre qu'un grand violoniste-compositeur puisse être un génie.

D'autre part, le jugement sur l'importance de N. Paganini dans l'Histoire de la Musique nous paraît actuellement biaisé. En effet, le créateur de la Campanella eut une influence particulière sur H. Wieviawski, H. Vieuxtemps, C. Lipinski..., or, si l'on considère ces compositeurs eux-mêmes comme négligeables dans l'Histoire de la Musique, on en vient, par cette logique irréfutable, à restreindre l'importance de N. Paganini. C'est souvent de cette circularité vicieuse que sont issues les gloires et les déchéances musicales.


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