SOMMAIRE


CHRONIQUE n° 16 - 05/2002
QUELQUES BONS MORCEAUX POUR L'ORGUE!


Le ton des histoires de la musique et des monographies musicales n'est-il pas souvent péremptoire et affirmatif? Ces ouvrages, émanant une autorité intimidante, se présentent comme des bibles qui détiennent la vérité pure. Presque tout y est développé selon une optique interprétative et téléologique comme si l'on connaissait l'importance absolue de chaque mouvement musical, de chaque compositeur, voire de chaque oeuvre. Ainsi, le musicographe est le docteur imbu de science auprès duquel le misérable mélomane ne peut que s'incliner avec humilité. N'est-on pas impressionné de contempler sur les étagères d'une bibliothèque les traités sur J.S. Bach par N. Forkel, A. Pirro, P. Spitta, A. Basso?... Comment se pourrait-il, pense-t-on, que ce compositeur sur lequel tant d'érudits ont écrit des ouvrages aussi savants ne fût un génie exceptionnel? Mais au Moyen Âge, l'on a glosé en des volumes entiers de doctes démonstrations prouvant que la terre était plate et que le soleil était un astre immatériel. Au contraire, cette masse imposante de dithyrambes ne devrait-elle plutôt nous inciter à suspecter l'intérêt proprement musical des oeuvres de ce compositeur car si l'on a autant écrit sur lui, c'est peut-être qu'il véhicule (probablement à son corps défendant) un autre contenu que du génie réellement musical, c'est-à-dire un contenu de nature idéologique. Une oeuvre réellement artistique nécessite-t-elle le support d'analyses hautement intellectuelles pour prouver sa valeur et lui permettre d'accéder à la notoriété?

Se substituant au public, les grands esprits, tels des Rhadamantes infaillibles, régentent pour nous la musique en distribuant de leurs décrets magistraux les gloires et les déchéances. Ils présentent la valeur des oeuvres de manière convenue comme si elle était indiscutable et définitive. La hiérarchie actuelle des compositeurs paraît fixée irrévocablement comme si le diktat des connaisseurs constituait une preuve scientifique. En comparaison, l'échelle des valeurs établie notamment par le public du 18e ou du 19e au travers des succès et insuccès à l'épreuve authentique des concerts apparaît à ces auteurs comme une divagation risible dont ils se gaussent, tant ils ont intégré comme vérité absolue l'électisme de notre époque. Rapportant les propos de John Hawkings, lequel observe que Bach - en 1776 à un époque où ce compositeur ne jouissait pas encore de son prestige - avait écrit quelques bons morceaux pour son instrument, l'orgue, Carl de Nys émet la remarque suivante:

Savoureux raccourci d'un connaisseur qui devrait inciter à une saine modestie les historiens trop proches de leur sujet.

Ne pourrait-on suggérer aux historiens loin de leur sujet la même humilié? Si les uns sont peut-être myopes, les autres pourraient ne voir qu'au travers des lunettes considérablement déformantes de l'intellectualisme.


Sommaire des chroniques

SOMMAIRE



Site optimisé pour norme W3C sous Linux

Valid HTML 4.01 Transitional CSS Valide !