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CHRONIQUE n° 87 - 04/2008
SAINT-SAËNS, COMPOSITEUR ACADÉMIQUE?


L’influence des facteurs extra-musicaux dans l'image et la considération posthume d’un compositeur nous paraît être illustrée particulièrement par le cas de C. Saint-Saëns. Cet exemple met en lumière, selon nous, la complexité des enjeux psychologiques, sociétaux, politiques, idéologiques, économiques qui relèguent l'évaluation du contenu artistique réel au rang de subsidiarité. Rappelons que C. Saint-Saëns, après avoir atteint de son vivant une notoriété considérable, fut sans doute - par rapport à cette notoriété - un des compositeurs les plus déconsidérés jusqu'aux dernières décenies du vingtième siècle, avant une timide reconsidération actuelle. Les musicographes du vingtième siècle le présentent quasi unanimement comme un compositeur académique, froid, qui s'est surtout complu à cultiver la forme. À titre d’exemple, le dictionnaire Larousse de 1990 définit ainsi l'auteur de la Fantaisie zoologique:

L’œuvre de cet improvisateur-né, partisan de la musique pure, toute française d’inspiration, vaut par sa clarté et la perfection de la forme.

Certes, nous pouvons rencontrer dans diverses histoires de la musique ou dictionnaires spécialisés des jugement plus nuancés, mais presque tous réitèrent le même discours, souvent même en des termes équivalents. Cette belle unanimité doit-elle nous incliner à considérer ce jugement comme définitif et irrévocable? Et, question impie, le public, si fidèle à Saint-Saêns - approuvait-il cet anathème de musique ennuyeuse qu'on a toujours voulu prêter à ce compositeur? Oserons-nous dire que ce jugement représente un modèle de critique conventionnelle qui s'attache davantage à l'image fictive d'un compositeur qu'aux caractéristiques réellement présentes dans ses oeuvres? Nous tenterons justement d'évaluer cette assertion au travers des oeuvres elles-mêmes. La biographie peut, de surcroît, nous apporter une éclairage, voire expliquer les causes d'une image si stéréotypée. L’étude de la forme d’une œuvre risque de n’aboutir à aucune certitude objective car elle nous paraît trop sujette à interprétation. Par exemple, on peut ramener une sonate comportant 3 ou 4 thèmes à la forme bithématique selon que l’on considère certains thèmes comme des motifs secondaires ou des développements. Quant au jugement du contenu, son degré de lyrisme, d'originalité... il est encore plus lié à la subjectivité. Nous tenterons donc, par des observations s'appuyant sur des éléments d'ordre purement objectif, de montrer que les œuvres de C. Saint-Saëns sont au contraire un modèle de forme libérée, capricieuse, imprévue, n'obéissant guère qu'à l’inspiration, comme il en est, avouons-le, chez presque tous les compositeurs. La religion de la forme, qui agita des générations de commentateurs, de critiques, spécialistes, compositeurs, n'est-elle pas un fait de discours plus qu'une réalité compositionnelle? Et au terme de ces observations pourrait bien apparaître, paradoxalement, bien des négligeances et de la désinvolture chez Saint-Saêns sur le plan de la forme. (Suite dans la prochaine chronique)


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