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CHRONIQUE n° 8 - 09/2001
ÉLOGES DÉSOBLIGEANTS


Il est des éloges plus assassins que les critiques les plus acerbes. C'est ce que je découvris en lisant le commentaire sur Grieg de Daniel Lazarus dans son ouvrage Accès à la musique.

Le charme prenant de ses meilleurs morceaux, la délicatesse des modulations, le mordant de ses rythmes permettent à sa musique de garder une saveur fraîche et une authentique jeunesse.

Fervent du compositeur norvégien, je ne pouvais qu'approuver ce jugement. Mais je dus déchanter, ce n'était, lue par hasard, qu'une phrase de l'article, dont je saisis, en le considérant plus attentivement, la véritable quintessence :

La musique de Grieg n'a pas, parmi les connaisseurs, une place très éminente. On la trouve trop simple, trop peu recherchée, naïve voire même banale. Ses harmonies nordiques qui se retrouvent presque constamment et qui tournent assez souvent au cliché, ses mélodies et ses rythmes d'un caractère facile, ne semblent pas désigner Grieg pour un rang important dans l'assemblée des grands musiciens. Mais Grieg a un don, le don mystérieux, inexplicable, de la popularité. Ses mélodies, ses rythmes frappent l'auditeur le moins cultivé, qui les retient et aime à les réentendre.

Tout s'éclaira. Il ne me restait qu'à traduire en langage clair cet admirable commentaire :

Grieg est un compositeur inférieur, que nous, les connaisseurs, dans notre bonté, avons la condescendance de considérer quelque peu pour ses qualités de charme subjuguant un public populaire peu averti. Naturellement, il ne saurait être question de considérer Grieg au même niveau que Bach, Schumann ou Wagner...

Quelques pages plus loin, je trouvai de même un éloge des compositeurs de l'école espagnole du début du XXème siècle, lesquels (Lazarus dixit) ont composé une musique originale et simple où il n'y a pas d'architecture intellectuelle. Naturellement, il faut comprendre là aussi que les hautes architectures intellectuelles sont réservées aux Bach, Schumann, Bruckner et autres Mahler. Qu'il me soit permis de formuler un jugement contradictoire par une comparaison à mon avis significative. Il me paraît bien difficile d'affirmer que le Concerto de Grieg, au caractère très virtuose, présente une complexité inférieure à celui, peu virtuose, beaucoup plus simple thématiquement, de Schumann. D'autre part, le don mystérieux qu'évoque Lazarus ne pourrait-il correspondre par hasard à la spécificité de la musique la plus intime qui demeure inacessible à l'analyse, cette spécificité que l'intellectuel spécialiste est incapable de comprendre, mais que le public intuitivement perçoit. Et cette spécificité intime, ce serait le génie véritable. Au moins, le rôle novateur de Grieg pourrait constituer un argument permettant la reconnaissance de ce compositeur à un rang important dans l'assemblée des musiciens. L'influence du Concerto du compositeur nordique se retrouve particulièrement à mon avis dans les 2 concertos de Piotr Illitch Tchaïkovski, ceux de Xaver Scharwenka, dont je recommanderais particulièrement le n°3, le Concerto de Giovanni Sgambati... toutes oeuvres qui me paraissent exceptionnelles, d'un lyrisme et d'une intensité rarement atteintes en musique. Mais il est vrai, que valent ces compositeurs par rapport aux hautes intellectualités musicales que les connaisseurs veulent bien daigner considérer ?


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