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CHRONIQUE n° 69 - 01/10/2006
L'INSUCCÈS DE LA MUSIQUE ATONALE


N'est-il pas temps d'interpréter l'insuccès de la musique atonale 80 ans après sa création? Les critiques de la musique contemporaine atonale ou plus généralement de l'art contemporain avantgardiste ont été réalisées sans complaisance par des sociologues comme Menger, Moulin, Bateson et même Lévi-Strauss, critiques approfondies sur lesquelles nous ne pourrions rien ajouter de fondamental. Tous les arguments ont été dits, contredits, analysés depuis presque un demi-siècle, mais devant la perduration de la considération intellectuelle dont paraît jouir la musique atonale nous ne pensons pas inutile d'en rafraîchir quelques arguments selon notre point de vue. Il est vain, avons-nous écrit, de vouloir prouver la valeur (ou l'absence de valeur) d'une oeuvre par des critères d'analyse musicale ou historique. Il est cependant permis de rapporter quelques observations qui peuvent revêtir une certaine signification. Nous nous permettrons donc les remarques suivantes, qui, nous semble-t-il, peuvent amener à douter - à défaut de le prouver - de la valeur de la musique atonale et qui peuvent même, croyons-nous, amener à douter que la musique atonale mérite réellement l'appellation de musique.

-Depuis 1908 (date qui est généralement donnée pour la création de la musique atonale par Schönberg), toutes les oeuvres créées postérieurement à cette date, qui devinrent célèbres dans le monde et obtinrent un véritable succès de concert et de vente sont, sans exception à notre connaissance, des oeuvres tonales. Citons parmi ces oeuvres célèbres tonales d'auteurs contemporains du sérialisme : La danse du sabre (A. Khatchaturian), Carmina Burana (C. Orff), le Concerto de Varsovie (R. Addinsell), le Concerto de Aranjuez (J. Rodrigo), l'Adagio dit d'Albinoni (en réalité de R. Giazotto et composé en 1945), Les planètes (G. Holst)... N'est-il pas vain d'affirmer qu'une oeuvre n'intéressant personne ou presque soit intéressante en elle-même? Par rapport à qui serait-elle intéressante ou géniale? Remarquons pourtant que certaines oeuvres atonales, malgré leur insuccès, ont réussi à ce que leur nom soit connu, c'est souvent qu'il est lié à un scandale, c'est le cas du Sacre du printemps d'I. Stravinski et de Pierrot lunaire d'A. Schönberg. Le scandale pourrait avoir été le moyen détourné utilisé par les partisans de la musique atonale pour parvenir à la reconnaissance d'une oeuvre sans qu'elle ait eu un réel succès public. C'est selon nous un autre exemple du mimétisme réalisé par les Intellectuels. Il faut ajouter à cela que les concerts de musique atonale n'attirent personne et font généralement des fours, à moins qu'ils ne soient organisés de manière à ce que quasiment on force plus ou moins le public à y assister: concert pour des classes scolaires, concerts obligatoires dans certains cursus universitaires, public de professionnels... Souvent, on réussit à les faire passer en les incluant dans un programme de concert qui comprend en majorité des oeuvres classiques. Dans ce cas, il s'agit à notre avis de parasitisme pur et simple.

-Les oeuvres de musique atonale sont défendues par les structures officielles. Ainsi il apparaît curieux qu'un genre se prétendant moderne et à l'avant-garde bénéficie du soutien, et uniquement du soutien, d'instances officielles.

-Depuis la première oeuvre atonale (Schönberg, 1908), la musique, pensons-nous, a continué son évolution à l'intérieur de la tonalité, notamment avec le développement du style expressionniste russe (D. Kabalevski, S. Rachmaninov, A. Khatchaturian, H. Galynine, D. Christoff...), le Groupe des Six en France... Tout se passe comme si l'atonalisme était en réalité en marge de l'évolution musicale. Le vingtième siècle semble caractérisé, comme le remarque M. Chion, par le triomphe de la tonalité qui s'impose partout dans le monde. Partout où la musique dite modale existait, elle recule. La Chine nous paraît à cet égard un exemple caractéristique. L'école chinoise actuelle (Wu-tsu-Chiang, He Zhan-hau, Xian Sing-haï, Liu Shi-kun...) adopte la tonalité malgré la tradition de la gamme pentatonique chinoise, néanmoins avec une marque rhapsodique très prégnante.

-Les compositeurs considérés comme de grands novateurs (A. Vivaldi, L. van Beethoven, H. Berlioz, F. Liszt, C. Debussy...) ont tous obtenu de leur vivant le succès auprès des mélomanes et même la consécration, sauf justement les compositeurs de musique atonale qui n'ont engendré qu'indifférence ou scandale, mais jamais l'adhésion. Les partisans de la musique atonale, semble-t-il, exploitent implicitement le mythe, à notre avis erroné, du compositeur ignoré de son vivant, et reconnu par la postérité.

-Il semble cohérent de considérer que la particularité signant la musique et la distinguant du bruit, est lié à l'existence d'une complexité de rapport entre les sons, établie et perçue intuitivement, c'est-à-dire la tonalité. Toute production sonore en dehors de la tonalité pourrait donc n'être que du bruit. Nous aurions peut-être atteint aujourd'hui l'épuisement des possibilités d'un phénomène, le phénomène tonal, en dehors duquel il ne serait pas de musique en tant qu'art. Ne peut-on dire comme Bertouille : La musique est coincée entre la consonance et le bruit. Cette théorie développée au début du siècle fut naturellement battue en brèche par les partisans de la musique moderne. Nous pensons qu'elle redevient de plus en plus d'actualité.

-Comme nous l'avons signalé, la première oeuvre atonale, est née en 1908 (Schönberg). Or nous touchons le XXIème siècle, la musique atonale s'est donc développée déjà depuis plus de 80 ans et en 80 ans, ne peut-on considérer qu'elle a établi suffisamment la preuve de son échec puisqu'aucune oeuvre de ce genre n'a eu la reconnaissance du public. C'est le fameux argument des 80 ans auquel, à notre connaissance, nul argumentation n'a été opposée, quoique les modernistes affichent un supprême mépris à l'égard du fameux argument des 80 ans. Mais n'est-il pas incroyable, surtout, que 80 ans après, les représentants de la vieille musique atonale continuent de faire croire qu'ils représentent le modernisme et l'avant-garde. La musique atonale, pensons-nous, ne vaut pas pour son contenu, mais uniquement pour sa seule caractéristique d'avant-gardisme et de modernisme qu'elle entretient fallacieusement.

La plupart de ces arguments ont été maintes fois développés, notamment par des sommités de la musique comme J. Chailley, E. Ansermet, M Landowski... Malgré cela, et c'est ce qui nous paraît invraisemblable, l'état d'esprit général au sein des intelligentsias n'en est pas modifié et les partisans de la musique moderne continuent d'être soutenus par toutes les instances officielles, tant est profond sans doute dans l'inconscient collectif, le préjugé positif du progressisme et de l'avant-gardisme. Ces instances officielles et les organismes payeurs de subventions semblent ignorer splendidement la marginalisation de plus en plus insupportable dans laquelle est contrainte de se réfugier la musique moderne et ses partisans. En fait, privée de public, la musique moderne n'existe pas historiquement. Pour cette raison, nous pensons qu'objectivement, elle ne devrait pas être traitée par les historiographes soucieux de la réalité historique. Ce sont précisément au contraire eux qui soutiennent la musique moderne et, d'après nous, entretiennent son mythe. Plus loin, on peut se demander, à l'instar de Claudine Moulin, si, selon le primat de l'économie sur l'idéologie, l'intérêt n'est pas devenu le seul véritable facteur du développement de l'avantgardisme artistique actuellement.


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