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CHRONIQUE n° 61 - 01/02/2006
LES HISTOIRES DE LA MUSIQUE PRÉSENTÉES PAR LES MUSICOGRAPHES SONT-ELLES OBJECTIVES?


Toute étude sur la musique semble considérer comme implicite que les compositeurs consacrés par la tradition musicale possèdent une valeur incomparablement supérieure à ceux qui ont été oubliés. L'on postule donc que le temps a réalisé une décantation positive en ne conservant que les compositeurs de génie et en leur accordant une place proportionnelle au degré de leur génie. Par commodité, nous nommerons ce phénomène "l'électisme historique". Ainsi certains compositeurs sont présentés longuement par les musicographes alors que d'autres sont à peine évoqués, voire même pas cités. Une hiérarchie des compositeurs s'est établie en vertu de ce principe, qui n'est jamais avoué. La question de la valeur des œuvres n'est généralement pas discutée car il semble qu'on la considère comme évidente. Il va de soi que J.S. Bach est un grand compositeur et D. Steibelt un petit compositeur... De même, lorsqu'une oeuvre reconnue est analysée par un musicographe, il semble considérer qu'elle possède a priori une valeur musicale élevée.

Cette justification implicite des Histoires de la musique pourrait s'appuyer sur le succès, le retentissement obtenu par l'oeuvre du compositeur considéré, la notoriété qu'il a acquise antérieurement, ce qui constitue un fait historique vérifiable. En ce cas, on justifierait le choix réalisé sur le critère d'impression provoquée sur le public, mais c'est un critère que, par philosophie, les musicographes refusent justement. Il semble plutôt qu'ils se réfèrent inconsciemment à l'intérêt suscité par le compositeur auprès des musicographes précédents, ou encore par l'ensemble de la "société musicale", dont le public n'est pour eux qu'une composante mineure. Quand Charles Lalo nous dit: Il est difficile de comprendre pourquoi "l'Hymne à la joie" de Beethoven, qui est une mélodie simple, soit une des plus belles qui aient été écrites, il émet un jugement non démontré (que "L'Hymne à la joie" soit une belle mélodie). Quand bien même tout le monde s'accorderait pour la trouver sublime (ce qui n'est pas le cas), cette unanimité ne vaudrait jamais démonstration. On pourrait considérer par définition qu'une oeuvre est géniale par le fait qu'elle suscite un intérêt, mais une oeuvre louée unanimement pourrait l'être pour des raisons extra-musicales, notamment historiques. Rien ne permet donc d'affirmer, comme le fait C. Lalo et bien d'autres historiographes, qu'une oeuvre possède une valeur musicale.

Nous croyons utile de préciser que, dans ces propos, nous ne prenons personnellement en aucun cas parti quant à l'intérêt musical de "L'Hymne à la joie", nous traitons du problème théorique.


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