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CHRONIQUE n° 5 - 06/2001
LA MUSIQUE POST-MODERNE


Le concept de post-modernisme, se référant à une hypothétique période à venir autorise toutes les spéculations et toutes les fantaisies. Chacun peut y proposer à sa convenance sa vision personnelle en fonction de ses convictions. Ne peut-on cependant proposer un schème général qui définisse le post-modernisme? S'il prétend clore définitivement l'Histoire de l'Art et rompre avec le principe d'historicité, le post-modernisme doit affirmer des principes en opposition avec tous les mouvements artistiques qui l'ont précédé, de surcroît il doit permettre de les intégrer tous. Quel serait donc le point commun fondamental de tous les courants artistiques? Il pourrait être représenté par l'adhésion au principe de l'évolutionnisme ou, du point de vue des protagonistes concernés, du progressisme. Ainsi, le romantisme s'établit en s'opposant au classicisme, l'erreur par rapport à laquelle il prétend s'ériger en vérité. Une oeuvre de facture classique composée à l'époque de la Tétralogie serait ainsi vouée à la réprobation et l'incompréhention générales. À l'inverse, la philosophie post-moderniste marquerait l'avènement d'oeuvres qui valent pour leur valeur intrinsèque, indépendamment de toute considération d'époque. Le seul critère de valeur serait l'émotion suscitée et l'originalité du style. Nous pouvons imaginer en effet qu'une oeuvre de style galant écrite de nos jours ne se confonde pas pour autant avec le style de Dittersdof, de Mozart ou Clementi. En dehors de ces critères au second degré, les oeuvres post-modernes n'auraient aucune caractéristique définie de premier degré, et le post-modernisme, par définition même, ne pourrait être dépassé. Ainsi se trouverait brisé le fameux terrorisme de l'avant-gardisme. L'on peut même proposer une conception du post-modernisme indépendante des oeuvres elles-mêmes. Ce serait l'approche des oeuvres, le regard portées sur elles qui définirait ainsi l'attitude post-moderne. La Symphonie Fantastique de Berlioz exécutée en l'an 2000 devient une oeuvre post-moderne alors qu'elle fut une oeuvre moderne lors de sa première en 1830 pour devenir une oeuvre romantique dépassée en 1900. Nous voici, après ces prolégomènes théoriques laborieux, parvenus au moment délicat de fournir un exemple d'oeuvre post-moderne dans la période contemporaine. Bien que toute oeuvre efficiente musicalement puisse être considérée comme post-moderne selon notre définition, je proposerai cependant une oeuvre qui me paraît particulièrement significative : l'Adagio dit d'Albinoni composé en 1945 par Remo Giazotto, peut-être le plus grand chef-d'oeuvre de la seconde moitié du vingtième siècle. Cette oeuvre presque anonyme, ni baroque, ni moderne, ne peut être insérée dans l'histoire de la musique selon les critères traditionnels, ce qui me paraît la caractéristique la plus parfaite de l'oeuvre post-moderne. Sans doute est-ce pour cette raison que les musicographes de notre époque, encore tout imprégnés d'une vision évolutionniste de l'Art qu'ils se refusent d'abandonner, l'ignorent totalement ou la méprisent. Interdisant toute référence à un quelconque élément extra-musical, réfractaire à toute tentative d'exégèse, cette oeuvre atteint en cela à mon avis l'authenticité la plus radicale. L'oeuvre dérange également par son éclatant succès face aux fours enregistrés par les zélotes arrogants de l'atonalisme. Elle affirme son intemporalité lorsque les oeuvres des Boulez, Berg et autres Nono, accrochées désespérément au vieux modernisme, ne doivent leur existence qu'au principe de l'évolutionnisme, signant leur obsolescence par leur prétention même à vouloir incarner l'art futur.


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