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CHRONIQUE n° 36 - 01/2004
LE PROFIL DES VIRTUOSES-COMPOSITEURS


Quel est le profil de ces violonistes-compositeurs si décriés? Les différents dictionnaires biographiques, depuis le Dictionnaire des musiciens de F.J. Fétis jusqu'au New Grove Dictionary of music and Musicians, nous permettent d'en retirer une idée générale. Les virtuoses-compositeurs ont généralement, mais pas toujours, fait des études bâclées, laissant aux savants les subtilités de la fugue ou du contrepoint. Certains furent essentiellement des autodidactes comme C. Lipinski, D. Steibelt ou N. Paganini. Il est important de constater que la plupart, mais pas tous, se sont formés en dehors des cénacles traditionnels ou tout au moins les ont quittés rapidement. Ainsi ils pourront développer des techniques nouvelles, une nouvelle conception de la musique, comme le firent les Cinq en Russie à une époque où les structures officielles de l'enseignement n'étaient pas encore étayées dans ce pays. Beaucoup sont des enfants prodiges, comme H. Vieuxtemps. Ils n'hésitent pas à voyager pour recueillir l'enseignement d'autres virtuoses ou même seulement pour les entendre. C. Lipinski n'eut d'autre maître que son père, simple amateur, mais il part pour l'Italie dans le seul but d'entendre N. Paganini. Le violoniste-compositeur parcourt l'Europe qu'il sillonne de Moscou à Londres, donnant partout des concerts. Plus que les compositeurs dits sérieux, les virtuoses-compositeurs ont souvent un tempérament typique d'artiste. Certains passent pour de véritables têtes brûlées, comme A. Lolli ainsi que ses élèves J.M. Jarnowik et M. Woldemar, tout aussi fous que lui, nous dit F.J. Fétis. Quant à N. Paganini, si l'on en croit ses biographes, il faillit être perdu à cause du jeu et des femmes. Le virtuose-compositeur est certainement beaucoup plus guidé par son intuition que par sa raison, mais ce n'est pas absolu. Certains sont aussi des théoriciens (comme G. Tartini), mais plus souvent sur le plan technique que sur le plan philosophique. La carrière du violoniste-compositeur dépend de son succès public, il doit donc faire ses preuves, non en vertu de critères intellectuels, mais en fonction du seul intérêt musical qu'il suscite. D'autre part, la confrontation avec le public impose toujours une compétition entre les musiciens qui pourrait être un phénomène bénéfique à l'évolution de l'art. Pincherle rapporte que G. Tartini, ayant vu jouer F.M. Veracini à Venise, n'osa plus se produire, quitta la ville et se remit à l'étude. Nous trouvons donc dans la nécessité du succès une conception proche des exigences modernes déterminant la valeur marchande des produits au 20e siècle alors que les critères de jugement ayant présidé à l'émergence des grands classiques se réfèrent plutôt à une conception de la valeur artistique liée aux critères propres élaborés par une classe intellectuelle indépendamment de tout impact auprès du public. La notoriété du virtuose-compositeur est le plus souvent tributaire des succès enregistrés dans le domaine difficile des concerts privés exposés à tous les aléas du marché. Dès lors qu'elle n'est pas relayée et approuvée par la classe pensante, elle ne franchit généralement pas la postérité.


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