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CHRONIQUE n° 26 - 03/2003
LES MEILLEURES OEUVRES D'UN COMPOSITEUR SONT-ELLES CELLES
QUI NE LUI VALURENT AUCUN SUCCÈS?


Il nous semble que certains Intellectuels ont un flair infaillible pour déprécier les compositeurs ou les oeuvres dont la musique est susceptible de captiver les mélomanes. Concernant les compositeurs connus, ils encensent leurs productions qui n'ont généralement intéressé personne et dénigrent celles qui ont reçu un accueil favorable au concert, les considérant comme des moments d'égarements ou des concessions au goût du public. Ainsi, en ce qui concerne Liszt, la plupart des musicographes classent à un rang secondaire les oeuvres de virtuosité qu'il écrivit pendant la plus grande partie de sa vie, par exemple les Rhapsodies hongroises pour louer la Sonate en si mineur qui n'a certainement jamais déplacé les foules. De même, une certaine mode veut que l'on disqualifie les oeuvres rhapsodiques dont le public est si friand, c'est le cas encore à propos de Chopin dont de nombreux musicographes boudent les grandes polonaises pour s'intéresser aux Préludes. N'est-il pas symptomatique, de même, que la seule oeuvre de Paganini à laquelle les mélomanes supérieurs daignent s'intéresser quelque peu soit de nature didactique (les 24 Caprices) et non les concertos pour violon? Dans le même esprit, les mélomanes distingués considèrent avec un certain dédain les grandes symphonies de Beethoven, dont le succès public est avéré, pour porter leurs suffrages sur les derniers quatuors du compositeur, abstrus pour le plus grand nombre, mais lumineusement clairs pour ces gros cerveaux capables d'y déceler le génie, dont le vulgum pecus est naturellement incapable. Voici, à titre d'exemple, ce qu'affirme L. Rebatet à propos de F. Liszt dans Une histoire de la musique (ouvrage édité en 1969 et réédité en 1999), cette Bible des mélomanes supérieurs:

Ils [les mélomanes] ne connaissent Liszt qu'à travers les cinq ou six pièces à effet que promènent perpétuellement d'un continent à l'autre de trop célèbres acrobates du clavier, celles des dix-neuf rhapsodies hongroises qui confinent à la musique de brasserie, et les deux concertos pour piano, brillants mais de substance beaucoup trop mince pour avoir résisté à leur vulgarisation effrénée par des pianistes changés en robots.

Ne peut-on dire comme Haskell qu'en tout historien de l'Art sommeille un iconoclaste?


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