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CHRONIQUE n° 25 - 02/2003
LES OEUVRES-CLÉS DE LA MUSIQUE!


J.J. Soleil et G. Lelong dans Les oeuvres-clés de la musique ont réalisé une sélection d'oeuvres à l'intention du public mélomane. Cet ouvrage édité par un grand éditeur (Bordas, 1991) à un tirage élevé se trouve présent dans de nombreuses bibliothèques publiques et scolaires de France. Constituant ainsi un document sociologique de premier choix, il nous paraît significatif de l'idéologie médiatisée par l'intelligentsia musicale, dont il est le reflet. Dans l'introduction de l'ouvrage, les auteurs justifient leur choix selon deux critères : tout d'abord les oeuvres marquantes, qui apportèrent des éléments nouveaux à la musique, d'autre part des oeuvres de moindre envergure, notamment à succès. J.J. Soleil et G. Lelong déclarent donc privilégier les œuvres qui représentent des étapes dans l'évolution musicale, pourtant ils sélectionnent 16 oeuvres de J.S. Bach, 14 oeuvres de W.A. Mozart contre 4 oeuvres d'H. Berlioz et 2 d'A. Vivaldi. Qui plus est, de ce dernier compositeur, ils n'indiquent même pas l'opus III qui bouleversa le langage musical de l'Europe entière et que de très nombreux compositeurs imitèrent, de Telemann à Quantz, de Benda à Leclair! Par oeuvres marquantes, sans doute faut-il comprendre celles élues par les Intellectuels supérieurs de la société musicale. Quant aux oeuvres qui obtinrent du succès, nous avons l'impression que ces auteurs ne font que les tolérer en raison de leur notoriété. En dernier lieu, nous nous étonnons qu'ils prétendent réaliser un choix indépendamment de leur goût personnel et, implicitement, selon une raison supérieure absolue et définitive. Ressentent-ils un réel plaisir musicale en écoutant de la musique? Ne méprisent-ils pas le public? En ce cas, pourquoi veulent-ils alors conseiller des oeuvres à ce public dont ils mésestiment le goût ? Le commentaire des "oeuvres à succès" dans la suite de l'ouvrage montre bien l'esprit de dénigrement que les auteurs ont à leur égard, par exemple du Concerto pour piano d'E. Grieg, il est dit:

Très représentatif du style mélodique de Grieg, le Concerto en la mineur reste l'une de ses oeuvres les plus populaires... C'est une œuvre peu fouillée, mais charmante et pianistiquement brillante.

Et du Concerto n°2 de S. Rachmaninov :

Musique d'un romantisme attardé, le très célèbre second concerto de Rachmaninov est oeuvre de pianiste virtuose... De coupe plus traditionnelle que celle des modèles qu'il prétend imiter (Chopin, Liszt, Tchaïkovski), le Concerto n°2 de Rachmaninov comporte 3 mouvements. Le style en est surtout mélodique, voire sentimental, et son lyrisme un peu usé est souvent même grandiloquent.

Voilà qui ne donne guère, pensons-nous, au lecteur l'envie d'écouter une telle oeuvre. Pourquoi, si les auteurs en ont une si mauvaise opinion, l'ont-ils sélectionnée? Nous remarquerons, pour terminer cette analyse - véritable morceau d'anthologie - que les auteurs accumulent ici en quelques lignes tous les poncifs affirmés par les mélomanes supérieurs: l'importance accordée à la forme, le préjugé de progressisme, le mépris du succès public, la critique du romantisme, du sentimentalisme, du lyrisme, de la virtuosité, du mélodisme.


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