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CHRONIQUE n° 20 - 09/2002
UNE NOUVELLE HISTOIRE DE LA MUSIQUE


On conçoit que la musicologie considère son sujet comme un phénomène objectif, sans jamais porter de jugement sur la valeur esthétique des objets qu'elle étudie. L'importance historique d'une oeuvre peut être caractérisée par le nombre de citations dans la presse de l'époque, le nombre d'entrées aux concerts, le nombre de partitions et d'enregistrements vendus (en ce qui concerne notre époque)... toutes données quantifiables, ceci sans préjuger de la valeur intrinsèque de cette oeuvre ni d'une quelconque relation entre son importance historique et cette valeur intrinsèque. De nombreux musicographes, à notre avis, semblent avoir plutôt adopté une optique qui consistait à considérer l'importance déjà accordée à un compositeur ou une oeuvre par la tradition ou les musicographes antérieurs ou, plus souvent encore, pensons-nous, se sont laissés guider par l'idéologique. De cette distorsion entre la réelle importance historique et celle constatée dans les ouvrages, nous donnerons l'exemple des compositeurs de l'école franco-belge de violon au 19e siècle (Viotti, Vieuxtemps, Bériot, Léonard...) évoqués avec désinvolture en quelques lignes plus ou moins méprisantes dans des ouvrages où les notices des Schoenberg, Stockhausen et autres Varèse s'étalent outrageusement sur des dizaines de pages.

Un tel principe de développement d'une histoire de la musique, à notre connaissance, n'a jamais été appliqué à l'échelle de l'Histoire de la musique, bien qu'il constitue, en partie, la tendance actuelle de certains travaux sociologiques. S'interdisant toute critique, le sociologue ou le musicologue se bornent à établir des faits historiques ou des faits d'analyse. Nous développons ici la conception scientifique des sciences humaines qui fut réalisée au XXe siècle, remettant ainsi en cause la "culture critique". D'autre part, il semble plus pertinent de considérer les oeuvres en fonction de l'impact qu'elles eurent sur le public plutôt que sur des groupuscules partisans ou professionnalisés. Il nous paraît également fondamental de considérer la notoriété des oeuvres (qui est selon notre postulat le fondement de leur importance historique) aussi bien à leur époque qu'aujourd'hui. De ce point de vue, nous remarquerons le manque de perspective historique manifesté fréquemment par les commentateurs, considérant la notoriété actuelle comme la consécration définitive et reléguant parallèlement dans l'ombre les célébrités des siècles antérieurs. L'émergence en leur temps de ces compositeurs oubliés est considérée par les clercs de la musique comme une erreur manifeste rectifiée grâce, naturellement à leur omniscience et leur clairvoyance. Un plus grand respect des intelligentsias de notre époque vis-à-vis du public des 18e et 19e siècle serait sans doute souhaitable. Parmi ces compositeurs célèbres jadis qui furent laminés par une critique partisane de dénigrement, Lefébure-Wéli me semble être un des meilleurs exemples. Et je ne saurais trop conseiller au mélomane d'écouter les oeuvres de ce grand organiste-compositeur (notamment les Scènes pastorales en sol Majeur et ut majeur, le fameux Offertoire en ré, le Verset en la Majeur...), génie à mon avis honteusement ravalé au rang de virtuose superficiel.

Le jugement historique, la décantation par le temps pourraient n'être bien souvent que la marque idéologique des forces opposées à l'art, substituant ainsi les vrais chefs-d'oeuvre par des oeuvres à la convenance de l'esprit traditionaliste et de l'intellectualisme anti-artistique, anti-lyrique et anti-virtuose.


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